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la librairie, le colportage, les théâtres, les colléges et écoles, les prisons, les sociétés de toute nature. Ils fixeraient leur attention « sur toutes les parties d'administration et de service public. » Ils pourraient ordonner des arrestations après s'être concertés avec les préfets. En cas d'absence du préfet ou d'urgence, l'arrestation ordonnée par l'inspecteur général serait provisoirement exécutée : mais, en cas de désaccord et de conflit, il en serait immédiatement référé au ministre de l'intérieur et au ministre de la police générale.

Quant aux inspecteurs spéciaux, une circulaire de M: de Maupas, en date du 14 février, leur traça le rôle que leur assignait la pensée du gouvernement en leur recommandant de s'attacher d'abord à calmer les inquiétudes et à dissiper les préventions.

Relativement à la pensée fondamentale de l'institution et à sa valeur, comme instrument du pouvoir exécutif, on peut encore se référer aux Opinions de Napoléon.

A propos de l'institution de commissaires généraux de police à Lyon et dans d'autres villes, l'Empereur disait au conseil d'Etat, Je 7 février 1804 :

<<< On a tort de croire que l'intervention du Corps législatif soit nécessaire pour les instituer je pense même qu'il y aurait de l'inconvénient à l'entretenir de matières de police; il ne doit s'oceuper que de l'impôt et des lois civiles générales. Une session d'un mois ou six semaines lui suffira chaque année pour cela; tout ce qui est administration, sûreté, police, n'est pas de son ressort; la politique intérieure ou extérieure ne le regarde pas. Le long séjour des députés dans les provinces les rend impropres à ces sortes d'affaires. »

Une extension des attributions des agents inférieurs de la police. était nécessaire pour compléter cet ensemble d'active surveillance.

Aux termes d'un décret du 28 mars, la juridiction des commissaires fut étendue à toutes les communes du canton où ils seraient établis. Ils pourraient requérir les gardes champêtres et les gardes forestiers. Dans les villes de 6,000 âmes et au-dessous, ils seraient nommés par le préfet sur une liste de présentation arrêtée par l'inspecteur général de la police. Les chefs-lieux de

canton non pourvus de commissaires seraient tenus de contribuer au traitement de ces agents, s'il devenait nécessaire de leur en

nommer.

L'institution des commissaires de police, disait M. de Maupas, telle qu'elle est réglée par les lois spéciales, n'est pas en rapport avec les besoins de l'époque. D'une part, cette institution ne fonctionne que dans les villes, tandis que souvent elle serait nécessaire dans les campagnes pour surveiller les menées coupables, pour arrêter les progrès d'une propagande dangereuse et clandestine, pour fournir à la justice, promptement et sincèrement, des moyens d'information. D'autre part, là où ces fonctionnaires existent, leur juridiction est trop bornée, leur action n'a point assez d'efficacité. Il en résulte qu'un grand nombre de localités échappe à leur contrôle, et que les agents auxiliaires de l'administration, tels que les gardes champêtres et forestiers, ne les secondent point dans l'exercice de leurs fonctions.

Le décret, ajoutait M. le ministre de la police générale, remédiait à cet état de choses. Il complétait, en la généralisant, l'institution des commissaires de police. Grâce à cette innovation, le pouvoir se trouverait représenté sur tous les points du territoire non-seulement pour corriger les abus et réprimer le désordre, mais encore pour protéger les bons, pour signaler les améliorations possibles. Ainsi pourrait s'exercer dans toute l'étendue de la France la surveillance de l'administration vigilante et énergique envers les fauteurs d'anarchie, protectrice et tutélaire pour tous les intérêts et pour tous les droits.

Le décret, là où il y avait des commissaires de police, permettait d'étendre leur juridiction à tout ou partie des communes composant le canton. Il autorisait, on l'a vu, le gouvernement à créer des commissariats dans les cantons où cette institution lui paraîtrait utile à la sécurité politique. Les gardes champêtres et forestiers des cantons seraient mis à la disposition des commissaires de police. Ces officiers de police judiciaire étaient divisés en cinq classes pour l'ordre du traitement. Dans les villes au-dessous de 6,000 âmes, leur nomination était attribuée aux préfets, conformément à l'esprit du décret sur la décentralisation administrative. Ils ne pourraient être révoqués qu'avec l'assentiment

du ministre. Dans les villes au-dessus de 6,000 âmes, ils seraient> nommés comme autrefois par le Président de la République, d'après une proposition ministérielle. Enfin, les chef-lieux de canton non encore pourvus de commissariats, devraient fournir un contingent de 300 à 600 fr. pour former leur traitement.

Ces mesures, on le voit, atteignaient le but que se proposait le décret, et qui consistait à généraliser en la fortifiant l'institution des commissaires de police. Le rapport de M. de Maupas rappelait d'ailleurs un fait qui peut servir à apprécier le mérite de cette innovation. Dans les tentatives de jaquerie qui avaient eu lieu en décembre précédent, les insurrections n'avaient éclaté formidables et soudaines, avec le caractère en quelque sorte d'une organisation militaire, que dans les cantons affranchis de la surveillance immédiate de l'autorité.

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Décentralisation administrative. On comprend quelle situation délicate était faite aux préfets par cette création nouvelle. Leur indépendance et leur liberté d'action se trouvaient gravement atteintes. Il fallait donc remanier aussi profondément le mécanisme administratif et relever les préfets départementaux d'une situation inférieure qui ne pouvait être que nuisible à l'action de l'autorité centrale.

Il y fut pourvu par un décret du 25 mars qui dépouilla en grande partie le pouvoir central au profit du pouvoir préfectoral, pour toute l'action administrative qui ne dépasse pas le cercle par ticulier des intérêts locaux et de l'administration départementale. C'était la décentralisation, mais seulement la décentralisation administrative. Il n'y avait d'atteint par le décret que quelquesunes des attributions des départements ministériels.

La décentralisation n'était donc accomplie que dans une mesure très-restreinte. Le principe de la centralisation politique et de l'unité nationale était respecté : on n'avait voulu atteindre et détruire que la centralisation administrative et les abus de la bureaucratie ministérielle. Mais, comme on le pense bien, ce n'est pas au profit des autorités locales proprement dites, indépendantes de leur nature et résultant de l'élection, mais au profit de l'administration départementale, délégation de l'autorité

centrale, qu'on avait dessaisi l'autorité ministérielle. Il n'y avait là qu'un simple déplacement de rouages.

Le décret sur la décentralisation administrative reçut son complément naturel dans un second décret qui élevait le chiffre du traitement des préfets. Les pouvoirs des premiers magistrats départementaux ayant reçu une extension considérable, il était nécessaire que la situation des préfets fût mise en rapport avec l'importance de leurs fonctions. Appelé à décider, et souvent en dernier ressort, sur les affaires les plus importantes de son département, le préfet ne pouvait sans inconvénient rester dans un état d'infériorité vis-à-vis des autres autorités, soit civiles soit militaires.

Les préfectures étaient divisées en trois classes: la première comprenait 8 départements; la seconde, 18; la troisième, 59. Les traitements des trois classes étaient fixés respectivement à 40,000, 30,000 et 20,000 fr. La préfecture de la Seine continuait d'être en dehors du classement général : un traitement de 50,000 fr. y était attaché.

Des augmentations correspondantes étaient accordées aux conseillers de préfecture. Les sous-préfectures demeuraient divisées en trois classes, mais les traitements étaient portés à 8,000, 6,000 et 4,500 fr. La situation des sous-préfets recevrait en outre une amélioration importante par la disposition qui mettait désormais à la charge des départements la dépense d'ameublement et d'entretien du mobilier des hôtels de sous-préfecture.

Une autre disposition du décret portait qu'un préfet ou un sous-préfet, après cinq ans de service, pourrait recevoir le traitement de la classe supérieure sans changer de résidence. Cette disposition faisait disparaître une des causes principales de la perpétuelle mobilité du personnel administratif. On sait combien il est essentiel de laisser le plus longtemps possible dans une localité le fonctionnaire qui a su gagner l'estime et l'affection des ses administrés, et qui est arrivé à bien connaître les besoins des populations. Ce fonctionnaire devient, en effet, chaque jour plus apte à renseigner sûrement l'autorité centrale, à plaider auprès d'elle la cause des intérêts qu'il a appris à connaître, et, d'autre part, son influence personnelle facilite et adoucit l'action du

gouvernement. Pour ceux qui savent combien la stabilité de l'administration importe aux intérêts des populations départementales, et quelles lenteurs, quelles variations et quels inconvénients de toutes sortes résultent de la trop fréquente mutation des fonctionnaires, il y avait là le germe d'un progrès important.

La situation nouvelle faite aux préfets constituait une réforme désirable et souvent réclamée. Depuis longtemps leur traitement avait cessé d'être en proportion avec leurs attributions et le rang qu'ils occupent. Très-souvent, dans les assemblées législatives de la monarchie de Juillet, des réclamations énergiques s'étaient élevées en faveur de ces hauts fonctionnaires, dont la position fâcheuse nuisait à la considération et même à la puissance de leur administration. Toujours on avait cru devoir ajourner une me-. sure aussi utile. Le décret faisait cesser cet état de choses, et, dans tous les partis, les hommes sérieux y applaudirent sans réserve. Sous tous les régimes, il est bon que l'administration soit forte et honorée.

A ces

Ministères. Modifications apportées à leur mécanisme. grandes créations, à ces modifications importantes du mécanisme administratif, il faut ajouter des modifications de détail apportées successivement dans le mécanisme intérieur des ministères. Déjà, le 25 décembre 1851, M. de Morny avait tenté dans le ministère de l'intérieur une réforme basée sur la simplification des services. La division de la sûreté générale détachée au profit du ministère de la police générale et la décentralisation administrative du 25 mars auraient, on le comprend, pour effet d'amoindrir l'action du ministère de l'intérieur. Une compensation fut, au reste, accordée à ce département par l'annexion des divisions du ministère de l'agriculture et du commerce qui fut supprimé. Aa ministère des finances, notons la réunion de la direction générale des douanes avec celle des contributions indirectes. Citons encore un décret portant réorganisation de l'administration centrale du ministère de la marine et des colonies (3 mars). Ce plan nouveau d'organisation consistait principalement dans la réduction du personnel administratif, et aurait pour effet de procurer au Trésor une économie de plus de 50,000 fr.

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