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Le conseil d'État, dont l'origine remonte au berceau même de la monarchie, avait disparu, comme tant d'autres institutions, dans la tempête révolutionnaire. Rétabli par la Constitution de l'an VIII, il avait acquis à cette époque des attributions, une influence nouvelles. Il était devenu un véritable corps politique. Chargé de préparer les projets de loi, d'en soutenir la discussion devant le Corps législatif, d'interpréter les lois, il avait été investi de la part la plus importante du pouvoir législatif. C'est de ses travaux, présidés par l'Empereur lui-même, qu'étaient sortis nos Codes, ces monuments classiques de la société moderne. C'est dans son sein qu'avaient été élaborés les projets de loi qui organisèrent l'Université, la Légion d'honneur, la Banque de France. C'est par lui qu'avaient été préparés le sénatus-consulte de l'an X et le sénatus-consulte de l'an XII. C'est à son examen qu'avaient été soumis les traités de paix et d'alliance, le Concordat. Sous les deux régimes constitutionnels qui succédèrent au gouvernement impérial, ses attributions avaient été primées par les prérogatives sans cesse croissantes du pouvoir législatif. Aujourd'hui, le pouvoir législatif étant déchu de şa dangereuse prépondérance, le conseil d'État regagnait son ascendant perdu.

La manière dont ce corps était constitué différait peu de ce qui avait existé sous la Constitution consulaire et impériale. Les attributions dont il était investi lui donnaient le rôle le plus actif dans l'économie nouvelle des pouvoirs.

La plus importante de ces attributions était celle en vertu de laquelle il était chargé de rédiger les projets de loi et d'en soutenir la discussion devant le Corps législatif. En matière législative la prérogative du Sénat consisterait dans un simple droit de veto dont l'exercice était restreint à certains cas déterminés par la Constitution, et devrait s'appliquer notamment à l'égard des lois qui porteraient atteinte à l'inviolabilité de la propriété. Quant au Corps législatif, s'il avait le droit de discuter et de voter les lois, son droit de discussion et d'amendement était soumis à des restrictions très-sévères. La part essentielle, la part la plus réelle et la plus sérieuse de l'autorité législative était donc dévolue indirectement au conseil d'Etat, chargé de préparer et de rédiger les lois, et d'en soutenir la discussion.

Sous la Constitution de l'an VIII, c'était le Premier Consul qui nommait et révoquait à volonté les membres du conseil d'État. Mais il ne pouvait les choisir, comme tous les fonctionnaires publics, que parmi les candidats portés sur la liste des notabilités dressée par le corps entier des électeurs. Sous les deux derniers régimes monarchiques, ils étaient nommés directement par le roi. Sous la Constitution républicaine de 1848, ils étaient élus par l'Assemblée nationale. Sous la Constitution nouvelle, ils seraient nommés directement par le Président de la République.

La seule restriction imposée au choix du pouvoir exécutif étaît dans les incompatibilités que la loi nouvelle établissait entre les fonctions de conseiller d'Etat en service ordinaire ou de maître des requêtes et toutes les autres fonctions publiques salariées. Cette incompatibilité s'étendait au titre de sénateur et de député au Corps législatif.

L'organisation du service intérieur et la division du conseil en six sections étaient maintenues à peu près telles qu'elles étaient sous la Constitution de l'an VIII. Sous le gouvernement de Juil let, il y avait dans le conseil d'Etat, indépendamment du comité du contentieux, un comité correspondant à chaque département ministériel. Sous la Constitution de 1818, le nombre des sections avait été réduit à trois : la section de législation, la section d'administration et la section du contentieux. Mais la section d'administration était subdivisée en trois comités comprenant chacun dans son ressort un certain nombre de départements ministériels.

La procédure devant le comité du contentieux était maintenue à peu près telle qu'elle existait sous les régimes antérieurs. Ladé fense orale et la publicité des séances établies depuis 1831 étaient' conservées.

La loi créait une catégorie de conseillers d'Etat qui n'existait' pas sous les précédents régimes: c'étaient des conseillers d'Etat en service ordinaire hors sections. Ces conseillers d'Etat, dont le nombre ne pourrait pas s'élever au delà de quinze, seraient choisis parmi les personnes remplissant de hautes fonctions publiques. Ils prendraient part aux délibérations de l'assemblée générale du conseil d'État et y auraient voix délibérative. Ils ne recevraient à1 ce titre aucun traitement.

Quant au titre de conseiller d'État en service extraordinaire, il ne pourrait être conféré que d'une manière exceptionnelle aux conseillers d'État en service ordinaire ou hors sections qui cesseraient de remplir ces fonctions. Ils ne pourraient assister et avoir voix délibérative aux assemblées générales du conseil d'État qu'en vertu d'une convocation spéciale. Ce seraient en quelque sorte des conseillers d'État honoraires.

Le conseil d'État serait présidé, comme sous le régime consulaire, par le Président de la République, ou, en son absence par le vice-président du conseil d'État. On sait que sous le dernier régime il était présidé par le vice-président de la République. Sous la monarchie légitime, il était présidé par le garde des sceaux.

Les membres du conseil d'État, depuis le vice-président, qui recevrait 80,000 fr., jusqu'aux auditeurs de 1re classe, qui recevraient 2,000 fr., seraient rétribués. Les auditeurs de 2e classe seuls ne recevraient aucun traitement. Sous la Constitution de 1848, le vice-président de la République, président du conseil d'État, avait un traitement de 48,000 fr.

D'après la loi organique du 25 janvier, le conseil d'Etat serait composé de quarante à cinquante conseillers d'Etat en service ordinaire, de conseillers d'État en service ordinaire hors sections, dont le nombre ne pourrait excéder celui de quinze, de conseillers d'Etat en service extraordinaire, dont le nombre ne pourrait s'élever au delà de vingt, de quarante maîtres des requêtes divisés en deux classes de vingt chacune, de quarante auditeurs divisés en deux classes de vingt chacune.

Les fonctions de conseiller d'Etat en service ordinaire et celles de maître des requêtes étaient déclarées incompatibles, soit avec le titre de sénateur, soit avec le mandat de député au Corps législatif, soit avec toute espèce de fonctions.

Le vice-président du conseil d'Etat fut M. Baroche. Les présidents de sections furent MM. Rouher, de Parieu, Magne, Delangle, Maillard et le vice-amiral Leblanc. Parmi les conseillers d'Etat de fondation, on remarquait MM. Ferdinant Barrot, Quentin Bauchard, Boinvilliers, Bonjean, Carlier, Michel Chevalier, Danjoy, Suin, de. Thorigny et Waïsse.

Voici la liste des anciens membres de l'ancien conseil d'Etat

qui n'avaient pas été appelés à faire partie du nouveau conseil: MM. Vivien, de Jouvencel, Bethmont, Bouchené-Lefer, de Cormenin, Rivet, Paravey, Havin, Charton, Pérignon, Pons (de l'Hérault), Ch. Dunoyer, Lanyer, Tourneur, Hély-d'Oissel, Horace Say, Mahérault, Boussingault, Beaumes, Tourangin, Bureaux de Pusy, de Rainneville, de Tarlé, de Fresne, Armand Béhic, O'Donnell, Edmond de Saint-Aignan, Jubelin, Gaulthier de Rumilly, Caussin de Perceval.

Le règlement disciplinaire de chacun des trois grands corps de l'Etat ne fut pas abandonné à la délibération des membres; le pouvoir exécutif se chargea d'en édicter les dispositions.

Un décret spécial (22 mars) régla les rapports du Président de la République avec le conseil d'Etat, le Sénat et le Corps législatif. Chacun des trois titres de ce décret, composé de 86 articles, pouvait être considéré comme le règlement de chacun de ces trois grands corps.

Les dispositions de ce décret n'étaient que le développement des principes établis par la Constitution.

En ce qui concernait le Sénat, on a vu que la Constitution donnait à ce corps, entre autres prérogatives, le droit de proposer des modifications à la Constitution. Le décret réglementaire ajoutait seulement que toute proposition de cette nature ne pourrait être déposée par des membres du Sénat qu'autant qu'elle serait signée par dix membres au moins.

Toutes les nominations faites par Je président du Sénat avant la promulgation du nouveau décret étaient maintenues.

En ce qui touchait le Corps législatif, le décret portait que l'Assemblée se diviserait en sept bureaux, qui seraient formés pour toute la durée de la session, et qu'elle procéderait immédiatement à la vérification des pouvoirs de ses membres. Si l'élection était validée, l'élu prêterait serment séance tenante, et s'il était absent, à la première séance à laquelle il assisterait. Le député qui n'aurait pas prêté serment dans la quinzaine du jour où les élections auraient été déclarées valides serait considéré comme démissionnaire.

On put remarquer aussi les dispositions relatives au droit d'amendement que la Constitution accordait aux députés ; cependant

elles ne faisaient également que développer le texte de la Constitution, en réglant la forme dans laquelle les amendements seraient renvoyés à la commission et au conseil d'Etat.

Aucun membre ne pourrait parler d'ailleurs que de sa place. Les peines disciplinaires étaient à peu près telles qu'elles étaient dans le règlement de la dernière Assemblée, sauf les modifications nécessitées par la suppression de l'indemnité. Elles consistaient dans l'interdiction de la parole, le rappel à l'ordre pur et simple, le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, l'exclusion de la salle des séances pendant un temps qui ne pourrait excéder cinq jours.

Tout signe d'approbation ou d'improbation était interdit. Les ordres du jour motivés, dont les dernières assemblées avaient fait un si fréquent usage, étaient supprimés.

D'après l'article 42 de la Constitution, il était interdit aux journaux de rendre compte des séances du Corps législatif. Aux termes du même article, les journaux devraient se borner à reproduire le procès-verbal qui serait dressé, à l'issue de chaque séance, par les soins du président de l'Assemblée. D'après le décret réglementaire, la rédaction des procès-verbaux était confiée à des rédacteurs spéciaux nommés par le président du Corps législatif et qu'il pourrait révoquer. Le décret faisait cesser des doutes qui s'étaient élevés, en décidant que le procès-verbal contiendrait les noms des membres qui auraient pris la parole et le résumé de leurs opinions..

Il restait à fixer le mode d'après lequel les procès-verbaux seraient communiqués aux journaux. Le décret laissait au président de l'Assemblée le soin de régler ce détail par un arrêté spécial.

Les membres du Corps législatif ne pourraient faire imprimer ni distribuer à leurs frais les discours qu'il auraient prononcés sans en avoir obtenu l'autorisation préalable de l'Assemblée. L'impression et la distribution non autorisées seraient punies d'une amende de 500 fr. à 5,000 fr. contre les imprimeurs, et de 5 fr. à 500 fr. contre les distributeurs.

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