Page images
PDF
EPUB

:

pas la maladie et la vieillesse, comme causes générales de la misère, devant être combattues l'une et l'autre par les forces de la mutualité l'introduction des membres honoraires dans les sociétés, la dotation de 10 millions accordée à celles-ci par le chef de l'Etat, leur donneraient les moyens de réaliser cette pensée prévoyante et généreuse, et les sociétés comprendraient, sans doute, les avantages que leur offrait, à cet égard, l'institution de la caisse des retraites.

La loi du 18 juin 1850 avait désigné, outre les sociétés de secours mutuels, les caisses d'épargne comme devant servir d'intermédiaire aux déposants à la caisse des retraites. Jusqu'au 31 décembre, à l'exception de la caisse d'Annonay, aucune caisse d'épargne n'avait répondu, sur ce point, à l'attente du législateur.

Tel était l'ensemble de la situation financière à la fin de la dictature. Sans doute on ne pouvait nier que cette situation ne fût de tous points plus favorable que celle des quatres premières années de la République, et il fallait bien reconnaître que le crédit public s'était plus vivement et plus vigoureusement relevé cette fois qu'après aucune autre 'grande crise politique. Mais on pouvait craindre qu'il n'y eût quelque chose de factice dans cette surexcitation du crédit et de la production. L'audace et l'entrain avaient réussi jusque-là: le jour de la prudence n'étaitil pas venu?

CHAPITRE VIII.

TRAVAUX PUBLICS DE LA DICTATURE.

Les grandes entreprises industrielles sous les gouvernements nouveaux. — Chemins de fer. Concession du chemin de Lyon à Avignon, historique; concession du chemin de Paris à Lyon; concession du chemin de Strasbourg à la frontière bavaroise; Dijon à Besançon, compagnie française; Gray à SaintDizier, concession directe avec subvention, conditions faites à la compagnie; lignes du Centre et du Sud-Ouest, fusion des quatre compagnies du Centre, d'Orléans, d'Orléans à Bordeaux et de Tours à Nantes, modifications de la concession; Paris à Cherbourg, Bordeaux à Cette, négociations. Situation générale du réseau. Télégraphie électrique. Lignes appelées à composer le réseau national.— Routes. Crédit applicable aux routes de terre. — Cours d'eau. Travaux d'améliorations. Navigation maritime. Autorisation accordée à la Société des transports maritimes par paquebots-postes dans la Méditerranée; paquebots transatlantiques, impuissance. - Travaux publics à Paris. Achèvement du Louvre, prolongement de la rue de Rivoli, halles centrales; emprunt de la ville de Paris. Travaux publics à Marseille. Création du port d'Arenc, docks, gare et jetées.

Au lendemain de toutes les révolutions politiques qui se terminent par un retour vers l'autorité, les gouvernements nouveaux se sentent irrésistiblement entraînés à donner une grande impulsion aux travaux publics. Il semble qu'on veuille trouver dans l'activité matérielle un contre-poids à l'activité fiévreuse qui s'est emparée des esprits. La prospérité qui s'annonce par ces efforts semble être présentée aux uns comme une compensation de la défaite, aux autres comme une justification de la victoire.

Le silence forcé de la politique donnait, cette année, un intérêt tout nouveau aux grandes questions industrielles. C'est surtout au développement des chemins de fer, ces sources nouvelles

de la prospérité publique, que s'attachait un attrait plus puissant d'intérêt général. Le capital engagé dans ces vastes entreprises représentait, dès à présent, en France, la moitié de la dette publique. Les capitaux placés pendant le cours des dernières années, dans ces voies de communication, représentaient un revenu brut de 100 millions.

Quoiqu'on dût penser du régime politique inauguré en décembre, il était au moins certain qu'il favoriserait tout autrement que ne l'avaient pu faire les gouvernements mal assis des quatre dernières années, ces entreprises vitales.

[ocr errors]

Depuis le 2 décembre 1851 jusqu'au commencement de 1852, cinq grandes mesures avaient été prises en matière de travaux publics. C'étaient: 1o la concession du chemin de fer de Lyon à Avignon; 2o celle du chemin de fer de Paris à Lyon; 5o le rachat des actions de jouissance des canaux; 40 un accroissement de dotation des routes nationales; 3o le complément de notre réseau de télégraphie électrique.

Toutes ces mesures, il faut le dire, avaient été étudiées, élaborées depuis longtemps; mais, enfin, il leur manquait la consécration dernière de l'exécution pratique. Reprenons-les en détail, ainsi que plusieurs autres, prises pendant les derniers mois de la dictature.

Chemins de fer. La compagnie de Lyon à Avignon, on se le rappelle, s'était formée dès 1850, à un moment où les capitalistes refusaient de s'engager dans les meilleures entreprises industrielles. Son chemin devait lui coûter à établir 95 millions. Quant au produit, en 1845, M. Dufaure, au nom d'une commission de la Chambre des députés, évaluait les produits de ce chemin à 46,786 fr. par kilomètre, sans compter le produit des bagages, des voitures et des bestiaux. Cette estimation était exagérée; on n'y tenait pas assez compte de la concurrence de la navigation à vapeur sur le Rhône. Elle fut néanmoins maintenue par une nouvelle commission législative en 1847. En 1851, après expérience faite de la puissance de la navigation à vapeur, quf, aiguillonnée par la concurrence effrénée que les diverses compagnies se faisaient entre elles, avait abaissé les prix de transport à un taux qui n'était plus rémunérateur, M. Dufaure, parlant encore au

[ocr errors]

nom d'une commission de l'Assemblée législative, estimait le produit brut de la ligne à 30,000 fr. par kilomètre, et le produit net à 16,500 fr., les frais d'exploitation étant supposés de 45 pour cent. Le revenu net, d'après ces calculs, se trouvait être de 3,795,000 fr. pour la ligne entière. Peut-être la commission de 1851 était-elle tombée dans l'erreur inverse de celle qui fut commise par tout le monde en 1845. En admettant son estimation comme exacte, voici néanmoins comment se fût résumée l'entreprise du chemin de Lyon à Avignon le chemin coûtant 95 millions, la part de la compagnie eût été de 46 millions, déduction faite de la subvention de 49 millions allouée par l'État. Or, un revenu de 3,795,000 fr. pour un capital de 46 millions, c'est un intérêt de 8 fr. 25 c. pour cent. Ajoutons que M. Dufaure remarquait que ce produit de 50,000 fr. par kilomètre, pouvait être considéré comme tout à fait provisoire et devant augmenter dès les premières années qui suivraient l'ouverture de la ligne.

Mais, sans doute, l'estimation de 1851 se trouverait trop faible. La ligne d'Avignon à Marseille, qui, un peu moins longue que celle de Lyon à Avignon, était dans une position à peu près analogue, avait donné en 1851 30,000 fr. de recette kilométrique. C'était un fait incontesté qu'elle donnerait plus de 33,000 fr. en 1852; quant à 1853, on ne doutait pas que la recette ne s'élevât à 55,000 fr. Si l'on considérait que la ligne de Marseille avait été jusqu'à ce jour totalement isolée, que le service des marchandises était à peu près nul entre Arles et Avignon, que mille difficultés avaient pesé sur les commencements de son exploitation, on reconnaîtrait qu'il n'y avait nulle exagération à porter à 55,000 fr. la recette kilométrique du chemin de Lyon, qui se trouverait relié du côté du midi à un réseau de plus de cent lieues, et du côté du nord au chemin de Lyon et à l'ensemble de tous les chemins qui doivent se souder bientôt à celui-là, et mettre la vallée du Rhin comme la vallée de la Loire, l'est et le centre, en communication avec lui.

C'est dans ces conditions qu'avait été promulguée la loi votée d'urgence, par l'Assemblée législative, le 1er décembre 1851, et que, le 3 janvier 1852, la concession du chemin de Lyon à Avifut faite moyennant une subvention de 49 millions. La ligne

gnon

de Paris à Lyon fut également concédée à MM. Ernest André, Baring, Bartholony, etc., représentants d'une compagnie anglofrançaise qui se chargeait de rembourser au Trésor 114 millions pour les travaux déjà faits, moyennant une concession de 99 ans, à partir de 1856, et une garantie d'intérêt de 4 pour cent pendant les cinquante premières années.

Une des conditions de la concession était l'achèvement de la section de Lyon à Châlon. Ainsi, il suffirait de quatre ans pour terminer complétement ce grand travail, appelé à vivifier le cœur du pays, à mettre le Nord en communication rapide et régulière avec le Midi, à desservir un mouvement de transports des plus considérables et à provoquer un développement inouï d'affaires et d'échanges.

Ainsi enfin était définitivement conclue cette grave affaire qui, si longtemps et si inutilement, avait occupé les pouvoirs publics. Enfin était assurée l'exécution si désirable de la plus longue des deux sections qui restaient à exécuter pour l'achèvement de la grande ligne de Paris à Marseille, de la Manche à la Méditerranée.

- Pour la ligne de Lyon à Avignon, le gouvernement avait obtenu des conditions qu'on n'eût osé espérer quelques jours ayant le coup d'Etat de décembre. Sur cinq compagnies qui avaient déposé leur soumission, la commission nommée aux termes de la loi de 1845 en avait admis deux, celle des maîtres de forges, et celle que représentaient MM. Séguin frères. La loi statuait que le rabais devait porter sur la proportionnalité de la dépense que l'Etat devrait fournir à titre de subvention, et, par une disposition spéciale, elle soumettait tous les marchés du concessionnaire à l'approbation du ministre des travaux publics. Cette disposition ouvrait la porte à des difficultés nombreuses. Mais, on se le rappelle, un décret du 14 décembre 1851 avait sagement supprimé cette disposition fâcheuse (Voyez l'Annuaire pour 1851, App. 77). Mais, en même temps, et par une conséquence logique, ce décret avait décidé que le rabais porterait non plus sur la proportionnalité de la subvention, mais sur le chiffre fixe et déterminé de la somme à fournir par l'Etat.

La compagnie des maîtres de forges fut déclarée adjudicataire

« PreviousContinue »