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de toute méthode de calcul des voûtes, c'est de préciser l'épaisseur qu'il convient de donner à la clef; car toutes les autres dimensions, jusqu'à la base des fondations, s'en déduisent par des opérations géométriques faciles et rationnelles.

Or ce calcul ne saurait, sans nul doute, satisfaire l'esprit, à moins qu'il ne s'appuie sur la connaissance de la poussée à la clef.

Nous devrons donc, en premier lieu, rechercher la formule algébrique de la poussée des voûtes. Ça été jusqu'ici la pierre d'achoppement de toutes les études générales, à cause de la complexité analytique du problème. Nous surmonterons la difficulté en calculant séparément les trois parties distinetes dont la somme constitue la poussée totale, qui sont :

1o La poussée due à la voûte seule, simplement soumise à son propre poids;

2o La poussée produite par le remplissage des reins, autrement dit par le poids des tympans, limités à l'horizontale passant par le sommet de la clef à l'extrados;

3o Enfin celle provenant de l'ensemble des charges permanentes ou accidentelles situées au-dessus de ce niveau, que nous appellerons aussi la surcharge.

La poussée totale est évidemment la somme de ces trois poussées partielles. Comme on le verra, elles ont chacune leur allure propre, la première et la troisième étant proportionnelles au rayon de l'intrados et la seconde au quarré de l'ouverture; la première croissant en outre, comme l'épaisseur à la clef, qui reste sans influence sur les deux autres. Cela donne à leur somme, à la poussée totale, une très grande complexité analytique, dont la solution a toujours défié la sagacité des Géomètres. En dehors de quelques cas particuliers, ou pour mieux dire de certaines hypothèses simplificatives plus ou moins arbitraires permettant les intégrations, le problème attend encore sa solution algébrique (1).

(1). Le tracé géométrique de la courbe des pressions donne il est vrai la solution du problème, mais seulement pour un cas d'espèce, sans portée générale, comme la ferait la solution algébrique.

Mais en outre, la grandeur de la poussée dépend de la courbe des pressions qui sert à la calculer; or nous avons déjà vu qu'en réalité on ne sait pas quelle est la courbe qui s'établira dans la voûte au cours du décintrement. Le problème statique étant théoriquement indéterminé, le choix de la courbe servant au calcul reste donc purement arbitraire.

Il apparaît ainsi qu'on est pris, dès le début, dans un cercle vicieux. Pour en sortir, nous ferons précéder la recherche des formules de la poussée de deux chapitres préliminaires dont l'objet est premièrement de fixer certains points de doctrine, et en second lieu de préciser quelques faits d'expérience.

Dans le premier, étudiant les propriétés générales de la courbe des pressions, on établira en quoi consiste son indétermination statique, et combien de conditions analytiques sont nécessaires pour la lever, suivant que la voûte est symétrique ou non. Cela résultera de la démonstration d'un théorème fondamental de la théorie des voûtes (1).

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Dans le chapitre second nous ferons appel aux enseignements de la pratique des voûtes; nous y puiserons des données expérimentales permettant de restreindre suffisamment l'indétermination théorique. Cela établi, toute hypothèse sur la loi de répartition des pressions élémentaires sera écartée par la considération de la pression moyenne à l'exclusion de la pression maximum. Celle-ci est déduite d'une pure hypothèse théorique, tandis que la première n'est qu'une expression géométrique bien définie; et par surcroît il est d'autant mieux justifié d'accorder la préférence à la pression moyenne, qu'à l'opposé de la pression maximum, sa valeur est peu influencée, dès que l'ouverture de la voûte est un peu grande, par le choix de l'une ou l'autre des deux courbes des pressions qui en pratique servent au calcul: celle des tiers ou celle des milieux des joints. de rupture. On a ainsi le grand avantage d'obtenir des for

(1). Nous avons déjà donné la démonstration algébrique de ce théorème dans un opuscule de 1903, sur le calcul des voûtes en maçonnerie, qui fut le point de départ de la présente étude.

mules de la pression avec une précision convenable en dehors de toute hypothèse théorique plus ou moins fallacieuse.

Le terrain étant ainsi préparé, on abordera la recherche des formules des trois parties de la poussée.

La première, celle qui est due au poids propre de la voûte, fera l'objet du chapitre III. Elle y est traitée avec quelque ampleur. Elle présente en effet un intérêt tout particulier, eu égard aux conséquences qui en découlent pour la pratique des constructions.

Au chapitre suivant, après avoir donné les formules générales abstraites de la poussée totale, nous rechercherons des expressions plus particulièrement applicables aux trois cas qui se présentent couramment dans la pratique : intrados en plein-cintre, en arc de cercle ou en ellipse.

Finalement, les formules de la poussée et de la pression moyenne seront établies avec des coefficients numériques calculés au moyen de la courbe des tiers. Leur degré d'approximation sera vérifié et contrôlé avec certitude par comparaison avec les résultats de la longue série d'épures de M. CROIzette-Desnoyers, dont il a été déjà parlé.

Étant dès lors en possession d'un instrument de calcul d'une valeur certaine, il restera, dans le chapitre V et dernier, à prendre des conclusions fermes sur l'épaisseur qu'il convient d'assigner aux voûtes de pont. Mais sachant que l'on est en présence d'une indétermination théorique radicale, on ne tentera pas de les condenser dans une formule unique et intangible. Ainsi qu'il en est pour la plupart des problèmes qui s'imposent dans l'art des constructions, on ne saurait demander à la théorie, selon la remarque de BARRÉ DE SAINT-VENANT, bon juge en la matière, que de « restreindre le champ « de l'appréciation instinctive (1) »; et l'on doit s'estimer heureux d'y parvenir quelque peu.

Nous nous y essaierons, en nous appuyant à la fois sur la double considération de la solidité, ou résistance des matériaux,

(1). Annales P. C., 1886-2 (p. 570-571).

et de la stabilité, ou équilibre pratique, celle-ci tirée de l'exemple des constructions existantes, la première éclairée par les formules de la pression moyenne établies au chapitre IV.

Grâce à ces formules, nous avons pu calculer la pression qui, pour toute ouverture donnée, résulte d'une valeur quelconque assignée à l'épaisseur de la clef.

Nous attachant principalement au cas du plein-cintre, dont l'étude est comme on le verra primordiale, nous avons fait ces calculs pour des ouvertures de toute grandeur et des épaisseurs graduées. Une table finale les reproduit partiellement; mais nous y joignons un graphique beaucoup plus complet qui éclaire singulièrement la question. Grâce à lui, il semble possible de préciser, en parfaite connaissance de cause, les limites maxima et minima des épaisseurs à la clef qu'il est convenable ou prudent de ne pas dépasser pour les voûtes de pont en plein-cintre.

Passant enfin à l'étude des voûtes surbaissées, nous sommes conduit à cette conclusion, qui de prime abord ne laisse pas d'étonner quelque peu, qu'on doit leur appliquer la même solution et de pareilles limites qu'au plein-cintre de même ouverture.

Telles sont les conclusions qui nous paraissent s'imposer. Le problème des voûtes ne comporte sûrement pas de solution plus précise; et par suite celle-ci doit laisser à l'Ingénieur une juste latitude d'appréciation, corollaire naturel de sa responsabilité technique et professionnelle.

Le lecteur étant ainsi averti, j'entre sans plus tarder en

matière.

CHAPITRE PREMIER

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Propriétés analytiques de la courbe des pressions. Son indétermination statique. — Théorème fondamental.

L'Indétermination de la courbe des pressions, en d'autres termes celle du problème statique, se présente à la base même de la théorie des voûtes. Il est donc essentiel de préciser tout d'abord en quoi consiste cette indétermination, crainte de s'égarer dans une recherche dont la base semble si fragile.

Il est besoin pour cela de se rappeler comment les voûtes sont constituées et quel mode est suivi pour leur exécution.

Dans son ensemble, une voûte est formée d'un assemblage de voussoirs superposés, qui se maintiennent en équilibre du fait de eurs réactions réciproques, mais grâce encore à la résistance des appuis qui les supportent.

De même, une portion quelconque de la voûte se soutient grâce à la résistance des voussoirs inférieurs sur lesquels elle repose de l'un et l'autre côté, en même temps que du fait des réactions mutuelles des voussoirs.

Mais, pendant la construction c'est par le cintre que les voussoirs sont maintenus en place. Ils commencent d'y prendre appui dès que le lit de pose fait un angle ẞ, avec l'horizon, supérieur à l'angle de frottement. Dès ce moment le poids P du voussoir superposé se divise en deux composantes, l'une PCos 3 perpendiculaire au joint, qui est équilibré par la réaction du voussoir inférieur; l'autre P Sin 3 parallèle au joint, qui est équilibrée (sous déduction de la valeur du frottement f. P. Cos 3) par la résistance du cintre sur lequel le voussoir vient buter.

Lorsque plus tard on procède au décintrement, ce premier équilibre se modifie du tout au tout. Les réactions successivement fournies par le cintre s'évanouissent à mesure qu'il s'abaisse; elles sont remplacées par celles des voussoirs l'un contre

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