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A B C et par la galerie B démontraient qu'à son extrémité rive gauche, le barrage s'appuierait jusqu'à la cote (106,00) environ sur les marnes aptiennes, mais, à partir de cette cote, sur un massif d'éboulis, qui constitue la partie supérieure de tout le plateau des Camps.

La nature des terrains rencontrés dans les puits A B C ́, avant d'arriver à la roche en place, montrait que ces éboulis avaient un caractère assez variable d'un point à un autre, puisqu'ils se présentaient tantôt sous forme de blocs séparés les uns des autres, et constituant un ensemble caverneux très propre à la circulation des eaux (et où d'ailleurs des dépôts de carbonate de chaux montraient qu'il y avait eu effectivement pénétration de l'eau), tantôt sous forme d'un conglomérat de blocs ou de cailloux réunis par de l'argile ou reliés par du sable.

Quelle serait, sous la pression de la retenue, la perméabilité de ce massif d'éboulis; se laisserait-il traverser sur toute son épaisseur, qui atteint plusieurs centaines de mètres, ou jusqu'à une certaine profondeur seulement? Il était impossible de répondre à ces questions d'une façon certaine. Mais, en tous cas, la nature des terrains formant ces éboulis était telle, qu'on ne pouvait, sans commettre au point de vue technique une faute lourde, se borner à venir appuyer l'extrémité du barrage contre cette masse bouleversée. Il était donc indispensable de prévoir, à l'extrémité rive gauche, pour en empêcher le contournement par les eaux, certaines dispositions spéciales, dont l'exécution va être décrite.

Auparavant, une dernière observation s'impose: Le barrage proprement dit, ayant été calculé suivant les méthodes prescrites par la circulaire ministérielle du 15 juin 1897, chacun de ses éléments, chaque mètre linéaire de barrage, si l'on veut, a sa stabilité propre, c'est-à-dire est en équilibre, indépendamment des éléments voisins; autrement dit, en supposant un instant ce qu'il est possible de concevoir théoriquement, mais non de réaliser pratiquement, que le barrage soit privé de tout appui à ses deux extrémités, l'ouvrage ainsi conçu serait stable. Nous n'ignorons pas que, dans le cas qui nous occupe, ce raisonnement n'est pas absolument rigoureux, puisque les méthodes de calcul de la circulaire

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de 1897 supposent que chaque élément de barrage est compris entre deux plans parallèles, ce qui n'est plus vrai pour un barrage en courbe; mais il convient d'observer, d'une part, que la courbure du barrage de Dardennes étant très faible, la réaction de deux éléments voisins l'un sur l'autre, laquelle est fonction de cette courbure, est également très faible; d'autre part, que, des diverses tranches du barrage, seules les tranches supérieures sont, dans une certaine mesure, assimilables à une voûte, et que, sur ces tranches, la pression d'eau étant peu importante, il en est de même de « la pression dans la voûte » suivant la courbe des pressions. C'est ce qui nous a conduits à penser qu'il n'y avait pas lieu, aux extrémités du barrage, pas plus sur la rive droite que sur la rive gauche, de prévoir des dispositions spéciales pour assurer la stabilité de l'ouvrage. C'est donc uniquement pour empêcher le contournement du barrage à travers le plateau des Camps que certaines précautions s'imposaient, et nous ont amenés à projeter les dispositions particulières que nous allons décrire.

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MASQUE DE RIVE GAUCHE. Les ouvrages qui ont été exécutés à l'extrémité rive gauche du barrage se composent essentiellement de deux parties:

1o Un masque étanche et visitable en mortier de chaux maritime comprimé, dont l'idée nous a été donnée par l'ouvrage de même nature existant à la digue de Charmes (Haute-Marne); il a pour objet d'arrêter et de canaliser les infiltrations se produisant sous l'effet de la charge d'eau de la retenue dans le massif ébouleux de la rive gauche, dit plateau des Camps;

2o Les ouvrages de raccord de ce masque avec le barrage proprement dit.

Le masque est un monolithe en mortier de chaux comprimé, établi en travers du plateau des Camps, (fig. 1 et 2, pl. 3) ayant 2m,10 de largeur uniforme, fondé sur les marnes aptiennes imperméables et dont le couronnement, arasé d'abord à la cote (123,00), va en s'abaissant par échelons de Om,25 tous les 50 mètres à mesure que l'on s'éloigne du thalweg. La longueur totale du masque est de 174,725. Cet ouvrage devait être, primitivement, évidé par six

galeries elliptiques superposées, communiquant entre elles par des cheminées verticales qui auraient été accessibles au moyen de deux puits de descente, établis aux deux extrémités de l'ouvrage. Les difficultés rencontrées en cours d'exécution, et dont nous parlerons au Chapitre IV ci-après, n'ont malheureusement pas permis de respecter ces dispositions; les galeries elliptiques ont donc été supprimées et remplacées par des puits verticaux cylindriques de 0,75 de diamètre, au nombre de 62, pour l'ensemble de l'ouvrage, communiquant à leur partie inférieure par une conduite en fonte de 150mm de diamètre, destinée à conduire toutes les eaux d'infiltration vers un puits central, appelé puits « Paul ». Chacun de ces puits est, d'ailleurs, surmonté d'une cheminée verticale en béton de chaux hydraulique également de 0,75 de diamètre, arasée à la cote (125,00), et fermée par un tampon de visite en tôle striée. L'intervalle entre deux cheminées consécutives a été remblayé à cette même cote (125,00).

Le puits « Paul » qui sert, comme nous venons de le dire, à assurer l'écoulement des eaux d'infiltration ayant traversé le masque, et qui, pendant l'exécution des travaux a permis, ainsi qu'on le verra plus loin, l'évacuation des eaux rencontrées dans les fouilles, a été établi, pour répondre à ce double objet, à l'intersection des deux plans verticaux passant l'un par l'axe du masque, l'autre par l'axe du souterrain du Ragas, dans la voûte duquel il débouche ainsi librement. Le masque proprement dit est prolongé, du côté de la retenue, jusqu'à 5 mètres au-delà de l'extrémité du barrage proprement dit, par un mur vertical de 15 mètres de longueur, en mortier de chaux maritime comprimé appliqué contre le parement amont du barrage. Ce mur encastré également, à sa partie inférieure, dans la roche aptienne, et arasé à sa partie supérieure à la cote (125,00), a 2,38 de largeur; il est, comme le masque, évidé par 6 puits verticaux de 0,75 de diamètre communiquant à leur partie inférieure avec les puits voisins par un collecteur en fonte de 150mm.

Contre la face ouest, et la face nord de ce « raccord » est établi un enduit général de 3 cm. d'épaisseur qui forme également revêtement de la paroi amont du barrage.

Enfin, en avant de ce raccord, est établi un remblai argilo-sableux

pilonné et corroyé, présentant une plateforme horizontale à la cote (124,50) limitée au droit de l'extrémité du barrage proprement dit, puis s'étendant, du côté de la retenue et contre le parement amont du barrage, en un talus réglé à 3 de base pour 2 de hauteur.

D'autre part, l'encastrement de l'extrémité rive gauche du barrage dans le promontoire de rive gauche, que nous appelons « l'about rive gauche du barrage » est constitué par un prolongement du barrage à l'intérieur de ce promontoire, avec un profil à gradins dont la fig. 2, planche 3 montre les dispositions.

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JUSTIFICATION DES DISPOSITIONS ADOPTÉES : 1° Emploi du mortier de chaux maritime pour constituer le masque. Au premier abord un ouvrage comme celui qui a été exécuté à Dardennes pour empêcher le contournement du barrage par les eaux peut paraître bien important, et l'on est tenté de se demander s'il n'aurait pu être remplacé par une digue étanche en argile corroyée ou par un masque cellulaire en béton armé.

L'importance primordiale qui s'attache à disposer, dans un cas semblable à celui qui nous occupe, d'un ouvrage visitable, c'est-à-dire facilement réparable, doit, à notre avis, faire rejeter de plano l'idée d'une digue étanche en argile corroyée.

Quant à la seconde solution, séduisante au premier abord, elle eût été pratiquement inexécutable en raison de la grande profondeur des fouilles et de la nature argileuse et ébouleuse des terres rencontrées, qui ont obligé à tripler les boisages et n'auraient jamais permis de faire les coffrages et décoffrages nécessaires.

D'ailleurs eut-elle même été réalisable, que cette solution aurait entraîné des dépenses certainement exagérées et pour un résultat peut-être imparfait.

On n'a pas encore, en effet, jusqu'ici l'expérience de l'étanchéité que peut présenter sous une charge de quelque 20 mètres une cloison en béton armé de 10 à 12 cm. d'épaisseur, et il est douteux qu'une étanchéité parfaite puisse être obtenue. C'est d'après nos renseignements, le principal motif qui, en 1903, a conduit le Conseil général des Ponts et Chaussées à adopter, de préférence à un projet

de revêtement en ciment armé de la digue de la Mouche, celui présenté par M. l'Ingénieur en chef Cadart et qui prévoyait l'emploi de mortier de ciment comprimé pour l'exécution de ce revêtement.

Ces raisons jointes à cette considération que, pour le masque protecteur de la digue de Charmes, le seul qui existe en France, on a eu recours, non pas au béton armé, mais au mortier de ciment comprimé, nous ont conduits à adopter le même procédé de construction.

Ajoutons enfin que, pour la digue de Den of Ogil, en Écosse, la seule à l'étranger, où, à notre connaissance, une difficulté analogue se soit présentée, le masque a été constitué également par du béton de ciment.

Le prix très élevé du ciment rendu à pied d'œuvre, même du ciment de laitier, qu'il eût fallu faire venir des environs de Vitry-leFrançois, nous a conduits, d'autre part, à rechercher si ce matériau, exclusivement employé dans la Haute-Marne et pour la digue de Den of Ogil, ne pourrait pas être remplacé par de la chaux maritime, qu'on peut se procurer aujourd'hui, de qualité très régulière, et qui tient à peu près le milieu entre les ciments et les chaux hydrauliques, auxquelles on ne pouvait songer à cause du temps nécessaire à leur prise, incompatible avec les délais d'exécution du travail.

Nous avons, à cet effet, procédé sur place, à un certain nombre d'expériences destinées à nous fixer sur le degré d'étanchéité du mortier de chaux comprimé, exécuté comme il devait l'être dans le masque futur.

A la partie inférieure d'un tuyau de fonte de 400mm de diamètre, disposé verticalement sur deux petites murettes en maçonnerie servant de support, et obturé, par une plaque en fonte percée de 20 trous de 6mm de diamètre, nous avons disposé par couches de 20 centimètres soigneusement damées, un bouchon de 0,75 en mortier de chaux maritime, d'un dosage déterminé. Le bouchon une fois exécuté, nous avons, avec une plaque pleine, fermé la partie supérieure du tuyau. Sur celui-ci, on avait posé un collier de prise avec robinet R. permettant, à l'aide d'un branchement a b c d pris sur le réseau de distribution de la ville, de le remplir et de le

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