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ex æquo et bono. D'un autre côté, l'industrie doit elle-même jouir pleinement des droits de libre propriété, et son voisinage doit incontestablement être toléré avec une certaine somme d'incommodité, car l'industrie peut invoquer l'adage: Qui jure utitur, nullo dolo facere intelligitur.

Ces considérations amèneraient à conclure: 1° qu'en aucun cas, les inconvénients généraux des établissements industriels autorisés ou non soumis à l'autorisation, ne donnent ouverture à des dommages-intérêts; 2o que les seuls inconvénients personnels, dont puissent être tenus les propriétaires d'établissements industriels, sont ceux qui atteignent leurs voisins dans leurs propriétés, soit en les dégradant, soit en les ébranlant, soit en les infectant d'odeurs ou de fumées incommodes; Mais qu'à l'égard des dépréciations tenant aux désagréments du voisinage, ainsi qu'à celles résultant de l'incommodité du bruit qui se fait entendre, mais qui ne cause pas de commotion à la propriété, l'industriel n'en peut être tenu qu'autant qu'il en résulterait un préjudice certain et considérable pour les voisins, en ce que leurs habitations cesseraient d'être occupées par tous ceux qui exercent des professions incompatibles avec un grand bruit. Le bruit est en effet, comme le faisait observer, avec raison, M. Chassan, dans son réquisitoire devant la cour de Rouen, un objet matériel, comme l'eau, comme la fumée : le bruit a son incommodité de même que la fumée; il se transmet au voisinage aussi bien qu'une exhalaison méphitique, aussi bien que des vapeurs et de la fumée; et si ce bruit dépasse les inconvénients ordinaires du voisinage, il devient une atteinte portée au droit d'autrui, atteinte qui doit être réprimée (V. Rej. 27 nov. 1844, no 213). La cour de cassation n'admet le bruit, comme cause de dommages-intérêts, qu'autant qu'il est porté à un degré insup

nistration n'avait pas mission de protéger et de défendre par son autorisation; et dès lors, cette autorisation ne couvre nullement les établissements à l'égard desquels elle est exigée et obtenue. La jurisprudence est aujourd'hui bien fixée en ce sens, par les ordonnances du conseil d'Etat, aussi bien que par les arrêts de la cour de cassation. Mais les dommages-intérêts ne sauraient être prononcés dans tous les cas et pour tous les inconvénients résultant du voisinage des établissements industriels : ce serait condamner, d'une part, toute espèce d'industrie et rendre son exercice impossible, car l'exercice de toutes les industries a plus ou moins d'inconvénients pour les voisins; et, d'autre part, l'autorisation accordée doit bien couvrir quelques-uns de ces inconvénients. On a été amené ainsi à distinguer deux sortes d'inconvénients pouvant résulter du voisinage des établissements industriels; ce sont les inconvénients généraux et les inconvénients personnels. Autrefois cette distinction n'existait pas, et l'on prononçait la suppression ou la translation d'un établissement industriel pour une cause aussi bien que pour une autre (V. en ce sens un arrêt du parlement d'Aix, rendu contre un cardeur de laines, qui troublait par ses chants le travail d'un avocat, fer fév. 1577, Boniface, t. 3, l. 2, tit. 1, ch. 2; V. un autre arrêt du 6 fév. 1654, contre un ouvrier à marteau).—Quant aux inconvénients généraux, c'est-à-dire ceux qui touchent à l'intérêt de tous, à la salubrité, à la commodité, à la sûreté publique, on décide aujourd'hui qu'ils sont couverts par l'autorisation administrative, ou par la nature propre de l'industrie, si son exercice n'est pas soumis à une autorisation préalable. On devait le décider ainsi : en équité, parce que l'industriel se serait trouvé sans cela responsable d'un fait qui ne lui est pas propre, d'une imprudence ou d'une faute qui serait celle de l'administration; en droit, parce que les tribunaux auraient indirectement, | portable pour les propriétés voisines, et qu'il excède la mesure mais très-efficacement, paralysé l'effet d'une usine administrative, et porté atteinte au dogme de la séparation des pouvoirs (V. Rouen, 20 mars 1833, aff. Houdeville, vo Eau, n° 425).-Relativement aux inconvénients personnels, leur nature peut varier à l'infini, suivant qu'on les rapportera à la profession des voisins, à leurs habitudes et jusqu'à leur humeur (V. Brillon, Dict., vis Avocat, Boulanger, Voisin; Prost de Royer, vo Artisans; Fournel, Voisinage, t. 2, p. 48). Les propriétés voisines peuvent être affectées d'une manière analogue: ici, ce sera une maison de plaisance que la proximité d'une industrie avec ses charrois, dépôt, de matières ou de matériaux dépréciera; là, une maison de santé ou d'éducation que le bruit incommodera au point de la rendre désormais impropre à sa destination; là, un établissement de culture que la fumée ruinera; là, des maisons bourgeoisement habitées, et qui cesseront d'être fréquentées, etc., etc., sans compter l'incommodité plus ou moins forte pour tous de la fumée, des odeurs, et pour les voisins à murs mitoyens, de l'ébranlement des habitations par les secousses mécaniques, etc., etc.

Tenir compte d'une manière absolue ou mathématique de ces inconvénients serait difficile et même inique, car il faut avouer qu'en général, les établissements industriels amènent dans leur voisinage un mouvement de commerce, de consommation favorable aux localités où ils se trouvent. D'ailleurs, tout voisinage emporte ses inconvénients; et dans notre état de société moderne, un propriétaire doit compter que la place qu'il occupe, isolée peut-être d'abord, ne doit pas tarder à subir les incommodités d'un voisinage. Par conséquent, si la priorité d'occupation doit être, en certains cas, pour lui, un titre contre les inconvénients d'un voisinage de date récente, ce titre demande à être apprécié

(1) Espèce: (Lingard C. Harichaux.) - Deux chaudières, l'une pour la teinture et l'autre pour la foulerie, avaient été disposées par Lingard, chapelier à Mézières, dans un cellier dépendant de sa maison. La fumée et les exhalaisons causées par l'ébullition trouvaient passage à l'aide d'ouvertures pratiquées sur la rue. Plainte par les voisins au maire de la ville; celui-ci, considérant qu'il n'existait ni lois ni règlements municipaux relatifs à cet objet, les renvoie à se pourvoir devant l'autorité judiciaire.-Harichaux, l'un d'eux, forma seul une demande tendante à ce que le sieur Lingard fût tenu de faire les constructions nécessaires pour remédier aux inconvénients occasionnés par sa fabrication, sinon de supprimer ses chaudières. Le 3 mars 1807, jugement du tribunal de Charleville, qui, après avoir entendu un rapport d'experts et avoir vérifié lui-même les lieux, condamne Lingard à construire et élever un tuyau TO XXVII.

des obligations ordinaires du voisinage. Mais quand ce bruit sera-t-il ou ne sera-t-il pas insupportable; quand excédera-t-il ou n'excédera-t-il pas la mesure des obligations de bon voisinage? Ce sont là des questions de fait sur lesquelles la cour de cassation ne pose pas de règles précises, qui sont entièrement laissées à l'appréciation des tribunaux, et sur lesquelles les circonstances exerceront nécessairement la plus grande influence. Il sera trèssouvent difficile de garder un juste milieu entre le droit de propriété et la liberté d'industrie, sans sacrifier l'un à l'autre ; mais il eût été plus difficile de poser des règles fixes et invariables, Dans tous les cas, s'il n'est pas nécessaire qu'il y ait préjudice matériel causé à la propriété, au moins faut-il que le préjudice soit grave pour donner lieu à des dommages-intérêts.

212. Sans faire la distinction que nous venons de proposer, plusieurs arrêts avaient déjà reconnu la restriction apportée par le droit d'autrui, à la liberté du travail et de l'industrie et au droit de propriété avant et depuis le décret de 1810.-Jugé, en conséquence: 1o que le droit d'user de sa propriété, en se conformant aux lois et règlements, est limité par l'obligation de ne rien faire qui soit nuisible aux voisins; et spécialement, que le propriétaire d'un établissement insalubre et incommode pour les voisins, peut être contraint, ou à supprimer son établissement, ou à y apporter des changements propres à faire disparaître les inconvénients dont on se plaint; que le propriétaire ne peut écarter l'action dirigée contre lui, par le motif qu'il n'a fait qu'user de sa propriété, qu'il n'a agi que d'après l'agrément de la police, et qu'aucune disposition de loi ne lui défendait ce qu'il a fait (Metz, 10 nov. 1808 (1); 16 août 1820, aff. Mercy C. Tonnellier); 2o Que, quoiqu'un particulier ne soit pas fondé à se plaindre

de cheminée ou ventouse propre à recevoir l'évaporation de ses fourneaux et de ses chaudières, et ce, à une hauteur suffisante pour que la fumée ne pût, à l'avenir, incommoder Harichaux, et, à défaut de ce faire, a autorisé ce dernier à faire boucher toutes les ouvertures pratiquées au cellier du sieur Lingard donnant sur la rue. -Appel.

LA COUR; Considérant, au fond, que Pierre Lingard n'a pu disposer l'atelier où il fabrique ses chapeaux de manière à incommoder ses voisins par des évaporations désagréables et insalubres; qu'il es: permis à chacun de disposer de sa propriété comme il lui plaît, mais sans cependant nuire à autrui ; qu'il n'est plus possible de douter que l'établissement de l'appelant, tel qu'il est, nuit infiniment à l'intimé, ainsi que cela est constaté par les procès-verbaux des experts, les vérifications faites par le tribunal de première instance et le maire de Mézières; que

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de ce que son voisin, usant de sa chose, lui cause quelques désagréments ou incommodités, cependant le droit de propriété ne pouvant aller jusqu'à nuire à autrui, il suit de là que si un fabricant a établi une cheminée de laquelle s'échappe une fumée chargée de suie et de poussière de houille, dont l'effet est de détériorer les toiles que le voisin, aussi fabricant, était dans l'usage d'étendre sur ses prairies, ce dernier a, contre le premier, une action pour faire cesser le dommage qu'il éprouve : on dirait en vain que les lois qui recommandent le respect aux propriétés ne s'étendent pas à l'industrie (c. civ. 544, 1583; Colmar, 16 mai 1827) (1). - Le conseil d'État a reconnu aussi que l'autorisation n'avait pas pour effet de mettre à l'abri celui qui l'avait obtenue

le remède étant indiqué par la majorité des experts pour faire cesser les inconvénients dont se plaint l'intimé, l'appelant ne peut se dispenser de prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer, et qui ont été adoptées par les premiers juges...;-Donne défaut, et, pour le profit, dit qu'il a été bien et compétemment jugé par le jugement dont est appel. Du 10 nov. 1808.-C. de Metz.

(1) Espèce:-(Scherrer Zurcher C. Robert-Bovet.) - La compagnie Robert-Bovet possède en la ville de Thom, dans la ci-devant Alsace, trois prairies employées à l'étendage et au blanchiment des toiles de leur fabrication. Intermédiairement à ces prairies, à quelque distance de deux, et près de la troisième existait jadis un moulin: il a été remplacé par une manufacture d'indiennes, pour laquelle les sieurs Scherrer-Zurcher ont établi un système de chauffage à vapeur : à cet effet, ils ont construit une cheminée pyramidale à haute élévation (90 pieds). La compagnie Robert-Bovet a prétendu que, de cette cheminée, sortait une fumée chargée de suie et de poussière de bouille, qui, se condensant en l'air extérieur, se répand, suivant la direction du vent, sur l'une ou l'autre de leurs trois propriétés, et détériore les toiles qui s'y trouvent à l'étendage ou au séchoir, par la multitude de taches dont elles se trouvent empreintes. Elle a fait constater ces inconvénients par experts, et sur le fondement qu'on ne peut user de sa chose que sous la condition de ne pas porter préjudice à autrui, elle a actionné les sieurs Scherrer-Zurcher, en suppression de la cheminée. Ces derniers ont opposé à cette demande qu'elle avait pour objet de leur imposer une servitude sans titre ni possession.

18 janv. 1827, jugement du tribunal de Belfort ainsi conçu :-<«< Attendu que, si le droit du propriétaire consiste à user de sa chose de la manière la plus absolue, ce droit ne s'étend pas jusqu'à nuire à autrui; -Que, d'un autre côté, le voisin ne peut pas se plaindre lorsque l'exercice de la propriété du fonds dominant lui cause seulement quelques désagréments ou incommodités, mais qu'il ne saurait être forcé à tolerer des choses qui lui porteraient un préjudice réel et notable; - Que si les faits articulés par les demandeurs sont vrais, le préjudice qu'ils ont éprouvé n'est pas douteux ; - Que les défendeurs soutiennent que les demandeurs sont non recevables dans leur action, parce qu'ils n'ont pas acquis le droit d'étendre sur leurs prés des toiles, ni d'empêcher les défendeurs d'élever une cheminée ;-Qu'en premier lieu, le droit d'étendre des toiles compète évidemment au propriétaire; que ce droit n'a pas besoin d'être acquis par titre ou par prescription, et que, dans le pays où l'on fabrique des toiles, l'étendage de celles-ci sur les prés constitue le principal usage de ces immeubles et en augmente considérablement la valeur;-Que, d'un autre côté, la servitude altiùs non tollendi étant non apparente, et ne pouvant, par conséquent, s'établir que par titre, le temps depuis lequel s'opère l'etendage n'est pas à considérer pour prohiber ou permettre la faculté altiùs tollendi, puisque le fabricant qui aurait étendu ses toiles pendant plus de trente ans n'aurait pas plus de droits, au regard de son voisin, que celui dont la possession serait beaucoup plus récente ;-Que cependant une antériorité telle, qu'elle ne devrait pas être regardée comme le fruit de la surprise, de la ruse et de la mauvaise foi, peut faire admettre la plainte des propriétaires, pour faire cesser le dommage que lui cause un établissement plus nouveau de son voisin ;-Qu'il est constant, en fait, que les demandeurs étendent leurs toiles sur leurs prés voisins de l'usine des défendeurs, depuis plusieurs années, et notamment pendant que cette usine était encore la propriété de Korb, qui l'exploitait comme moulin ;-Que ces considérations motivent le rejet de la fin de non-recevoir, et nécessitent l'emploi des mesures préparatoires; -Le tribunal, sans s'arrêter à la fin de non-recevoir..., avant faire droit, dit que... (par experts) il sera procédé aux opérations suivantes : 1o à l'examen de la question de savoir si la cheminée des défendeurs, étant mise en activité, entraîne la déjection sur les terrains des demandeurs, de substances quelconques qui peuvent altérer les couleurs ou le tissu des toiles qu'ils y étendent; 2o à l'analyse chimique des taches qui existent sur les toiles des demandeurs, et constater si elles proviennent des déjections de la cheminée; 3° à l'indication de moyens propres à préserver les demandeurs du dommage, soit par des constructions additionnelles à la cheminée déjà existante, soit par tout autre mode de construction; 4o et à la rédaction d'un rapport détaillé sur les points ci

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Il a été décidé plus récemment, dans le sens de la distinction que nous venons de faire, par plusieurs cours d'appel : 1° que l'autorisation administrative de former un établissement industriel in commode ou nuisible, quand la loi l'exige, a pour effet de mettre le propriétaire de cet établissement à l'abri d'un recours à rais des inconvénients généraux de son industrie, mais le laisse pas sible de dommages-intérêts pour le préjudice causé aux proprié tés voisines par les inconvénients personnels et particuliers de cette industrie (Paris, 16 mars 1841) (2); -2° Que les proprié taires d'établissements Industriels incommodes, soumis ou non

dessus, pour, sur le vu d'icelui, être statué ce qu'au cas appartiendra, dépens réservés. » — Appel. - Arrêt.

LA COUR;- Adoptant les motifs des premiers juges, démet de l'appel, sauf le mode d'expertise, etc.

Du 16 mai 1827.-C. de Colmar.-M. Jacquot-Donat, pr.

(2) Espèce :- (Puzin et autres C. Derosne.) - L'établissement dé produits chimiques du sieur Derosne, à Chaillot, causait au sieur Puzin, docteur en médecine, propriétaire d'une maison de santé, sise rue des Batailles, et aux sieurs Drappier et Dangest, propriétaires d'immeubles voisins, un préjudice à raison duquel ceux-ci actionnèrent le sieur Derosne en dommages-intérêts.-Une expertise fut ordonnée; elle constata que les diverses causes du préjudice dont se plaignaient les sieurs Puzin et autres proprietaires, provenaient soit de l'action de la lime et du marteau sur des tubes en laiton et des cylindres en cuivre placés dans un des ateliers destinés au rivage des pièces fabriquées, et qui étaient une première cause du fracas, soit du cintrage des chaudières et de la perforation des plaques, opérée à l'aide de l'emporte-pièces dans un autre atelier, et qui produisaient l'effet du coup lointain d'une pièce d'artillerie, soit enfin de la fumée de la forge de l'atelier d'ajustage qui se répandait avec abondance dans l'air qu'elle imprégnait de l'odeur pénétrante du charbon de terre. De plus, les experts relevèrent cette circonstance particulière à la maison du docteur Puzin, que cette maison était surtout exposée à ce dernier inconvenient, puisqu'elle était, par rapport aux ateliers, sous le vent du sud-ouest, qui règne à Paris les trois quarts de l'année.

Le 22 août 1840, le tribunal de la Seine a rendu le jugement suivant: - «En ce qui touche la demande principale des sieurs Puzín, Dangest et Drappier contre le sieur Derosne;-En droit :-Attendu que tout fait de l'homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute di quel il est arrivé à le réparer;- Attendu que si Derosne objecte avec raison que ce principe ne s'applique qu'à la réparation des délits on quasi-délits, la question qui se présente de prime abord est celle de savoir si les faits qui causent le dommage peuvent être assimilés à des quasi-délits, ou si Derosne use simplement de son droit; — Attendu qu'il est vrai que l'industrie exercée par Derosne n'a pas été classée parlastorité administrative parmi les industries incommodes ou nuisibles;Que les réclamations formées à cet égard par les demandeurs et par d'au tres habitants du quartier de Chaillot ont été repoussées par un arrêté du conseil de préfecture, confirmé sur l'appel par le conseil d'État;— Que Derosne puise dans ces arrêtes une fin de non-recevoir dans ce sens que son droit d'exercer son industrie, malgre tous les inconvénients qui peuvent en résulter pour le voisinage, ne peut recevoir aucune limite; - Mais attendu qu'alors même qu'une industrie réputée incommode ou nuisible est autorisée à certaines conditions par le pouvoir administratif, s'il est vrai que les propriétaires voisins ne peuvent se plaindre des inconvénients généraux qui résultent de l'exercice de cette industrie, an moins est-il certain qu'ils ont action pour les inconvénients personnels et particuliers à leurs propriétés quand ces inconvénients leur causent un dommage appréciable;- Attendu qu'il est naturel de considérer le propriétaire d'une industrie non classée comme exempt de l'action en dommages-intérêts pour les inconvénients généraux attachés à l'exercice de son état, mais qu'il n'en peut être de même pour les inconvénients par ticuliers; qu'alors que ces inconvenients attaquent le droit des tiers, ils deviennent des quasi-délits qui donnent ouverture à une action en dem mages-intérêts; - Qu'en effet, si la loi de 1810 a soumis à un regin préventif les manufactures incommodes et nuisibles, la conséquence à tirer de cette disposition est bien que les autres manufactures conservent le régime de la liberté, mais non pas qu'elles doivent demeurer affranchies de toute responsabilité pour l'usage de cette liberté quand elle devient abusive pour une ou plusieurs propriétés voisines; que la liberté d'use manufacture non classée devient même le principe de la responsabilite que cette responsabilité pour les industries soumises au régime préventif n'existe que par exception, tandis qu'ici elle est le droit commun; que, d'ailleurs, aucune loi n'a enlevé aux propriétaires lésés le seul genre garantie qu'ils puissent exercer, et qui consiste en une action en don mages-intérêts;-Attendu que cette action peut avoir pour objet soit let

de

à l'autorisation, sont responsables envers les propriétaires voisins soit des atteintes matérielles portées à leurs propriétés par

atteintes matérielles portées par la manufacture aux propriétaires voisins, soit le dommage moral résultant des incommodités que cette manufacture fait éprouver aux personnes qui habitent ces maisons, et qui entraînent une diminution de leur valeur; Attendu qu'il résulte des documents de la cause que la manufacture du sieur Derosne fait éprouver pour les propriétés des demandeurs des dommages de l'une et l'autre nature;-Que, parmi ces documents, il faut même comprendre le rapport des trois experts;-Qu'en effet, si, d'après les conclusions de ce rapport, les inconvénients éprouvés par ces propriétaires n'ont pas paru aux yeux des experts pouvoir constituer des dommages appréciables, les faits constatés par ce même rapport ne laissent aucun doute sur la réalité et même sur la gravité de ces mêmes inconvénients, et qu'il est impossible de priver de toute indemnité des propriétaires ainsi lésés ; — Attendu, au surplus, que, d'après l'ensemble des documents, les dommages se résument de la manière suivante, savoir : en ce qui concerne le sieur Puzin, les dommages résultant pour lui: premièrement, de l'intensité du bruit causé dans l'atelier destiné au rivage des pièces fabriquées, soit par l'action de la lime et des marteaux sur des tubes en laiton et des cylindres en cuivre, soit par le martelage et le rivage des clous du même métal servant à joindre les pièces, 2o de l'intensité du bruit qui se fait dans l'atelier à droite en entrant, par le cintrage des chaudières et de celui qui résulte de la perforation des plaques, opérée à l'aide d'un emporte-pièces, bruit qui, selon le rapport des experts, fait l'effet du coup lointain d'une pièce d'artillerie, et peut être fort désagréable à des personnes malades; - Deuxièmement, de la fumée produite par la forge située à l'entrée de l'atelier d'ajustage, et qui, par la direction d'un vent regnant à Paris la plus grande partie de l'année, est entraînée dans le jardin et dans les appartements de la maison du sieur Puzin, où, suivant les expressions du rapport des experts, un malade ne peut jouir d'un air qui est sans cesse sali par une odeur pénétrante et désagréable, celle de la fumée du charbon de terre;

va

» En ce qui concerne le sieur Dangest: - Les dommages résultant pour lui du bruit causé dans les mêmes ateliers, de la fumee de la forge de la cheminée d'ajustage, plus de la cheminée de la chaudiere peur; mais, pour le sieur Dangest, ces inconvénients ont moins d'intérêt que pour la maison du sieur Puzin, car la maison du sieur Dangest est sur le vent, relativement aux ateliers du sieur Derosne;

>> En ce qui concerne le sieur Drappier :-Les dommages résultant pour lui du bruit de l'atelier de rivage pour toutes les operations qui s'y exécutent et de la fumée de la forge du même atelier; mais ce dernier inconvénient n'a pas pour lui la même intensité que pour le sieur Puzin, attendu qu'il ne subit l'action de cette fumée que par le vent d'est;

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» Attendu que les autres inconvénients dont se plaignent les demandeurs ne sont pas suffisamment démontrés;-Attendu que l'inconvénient causé par la fumée des cheminées porte une atteinte matérielle aux propriétés des demandeurs; - Que les experts ont indiqué les moyens de faire cesser ces inconvénients, au moins pour la cheminée de la forge de l'atelier d'ajustage; -Que, puisqu'il existe des moyens d'affranchir les propriétés de ce genre de dommages, le sieur Derosne doit être condamné à mettre la cheminée de sa forge d'ajustage dans l'état convenable pour qu'elle cesse de porter préjudice à ses voisins;-Attendu que les autres dommages éprouvés par les demandeurs sont de l'ordre moral, en ce qu'ils s'adressent aux personnes qui habitent leurs propriétés; Attendu que, par les incommodités qu'ils font subir à ces personnes, ils diminuent l'utilité et l'agrément de leur jouissance, et qu'ainsi ils font éprouver une diminution de valeur aux propriétés dont il s'agit; que ces maisons ont toutes été construites avant la mise en activité le la manufacture du sieur Derosne; que les plans sur lesquels elles ont été faites, leurs distributions intérieures et les jardins qui y sont attachés, tout annonce qu'elles ont été destinées pour servir de demeures et même de retraite à des personnes aisées et que le bruit doit nécessairement écarter;-Qu'ainsi aucune assimilation n'est admissible entre le bruit qui se fait entendre dans ces maisons et celui qui règne habituellement dans certaines parties de la capitale;-Attendu qu'il est vrai toutefois, à l'égard du sieur Puzin, que l'établissement de sa maison de santé est postérieur à celui de la manufacture, mais qu'il en résulte seulement que les dommages ne doivent pas être calculés pour lui sur ses pertes en tant que médecin recevant les malades dans la maison dont il est propriétaire, mais seulement sur la diminution de valeur de cette maison considérée comme destinée à l'habitation de personnes ayant une existence aisée;-Attendu, du reste, que la preuve faite par le sieur Puzin qu'il lui a été défendu par le conseil de salubrité de recevoir dans sa maison des malades atteints par des affections aiguës, sert à démontrer que son séjour aurait les inconvénients pour la classe de personnes auxquelles sa construction la destine;-Attendu qu'il existe dans la cause une preuve de la diminution de valeur signalée par les demandeurs, puisqu'il n'est pas contesté que le sieur Derosne a acquis, il y a quatre années, moyenBant 35,000 fr., une maison qui se trouve dans les mêmes conditions de situation par rapport aux ateliers que celles des sieurs Dangest et Drap

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"'exercice de l'industrie, soit du dommage moral causé à ces propriétés et qui en déprécie la valeur (même arrêt, et Rouen,

pier; qu'il est constant que la valeur vénale de cette maison, sans la proximite de la manufacture, eût été de 50,000 fr. au moins, et qu'il est évident que les demandeurs souffriraient un préjudice de ce genre s'ils étaient dans le cas de vendre leurs propriétés ;- Attendu que l'indemnité doit consister pour les demandeurs en une somme annuelle fixée pour chacun d'après la moins-value de sa propriété;-Que cette somme annuelle sera susceptible de varier d'après les changements que le mode d'exploitation du sieur Derosne apportera aux incommodités éprouvées par les demandeurs; qu'ainsi elle pourra être augmentée si, par le mode d'exploitation à venir, ces incommodités s'aggravent, et qu'au contraire elle diminuera et viendra même à cesser entièrement si elles diminuent ou si elles disparaissent;-Qu'à cet égard le rapport des experts, qui est régulier en la forme, et auquel le tribunal a simplement égard sans pourtant l'entériner, servira de point de départ lorsqu'il viendra à s'élever des difficultés sur les changements prévus, et que ce point de départ sera pris, dans les contestations, de l'état matériel des ateliers, et des travaux qui s'y exécutent; - Attendu que l'indemnité dont il s'agit sera fixée pour l'avenir; que, quant au passé, il suffira de faire remonter l'indemnité au jour de la demande; que, bien qu'il soit vrai en point de droit qu'une indemnité consistant en une somme annuelle pourrait remonter aux cinq années qui précèdent la demande, il demeure constant en point de fait que l'intensité des inconvénients dont se plaignent les demandeurs a été moins grande autrefois qu'aujourd'hui;-Qu'en négligeant de se plaindre plus tôt, la justice se trouve privée de renseignements propres à indiquer l'état de l'exploitation, et qu'ainsi elle n'a pas un point fixe dans le passé d'après lequel elle pourrait apprécier les dommages; que, ces éléments d'appréciation lui manquant par le fait des demandeurs, ils doivent s'imputer cette négligence de leurs propres droits; - Attendu que l'indemnité annuelle sera fixée par le tribunal dans la prévision que Derosne fera cesser l'inconvénient de la fumée de la forge d'ajustage; d'où il suit, en premier lieu, que l'indemnité ne portera pas sur ce dommage; en second lieu, qu'il sera alloué aux demandeurs une indemnité annuelle pour raison de la fumée de la forge d'ajustage, indemnité qui sera due pour le temps compris entre le jour de la demande et celui où la cheminée aura été mieux en état et cessera d'incommoder les demandeurs ;

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Attendu, au surplus, que le tribunal a les documents nécessaires pour fixer les indemnités dont il s'agit, et que c'est le cas de les porter, savoir Premièrement, celle due au sieur Puzin, propriétaire de la maison rue des Batailles, no 5, à la somme annuelle de 1,500 fr., indépendamment de l'indemnité pour la fumée de la forge d'ajustage, qu'il y a lieu de fixer sur le pied de 400 fr. par année;-Deuxièmement, l'indemnité due au sieur Dangest, propriétaire de la maison rue des Batailles, no 11 bis, à la somme annuelle de 1,000 fr., indépendamment de celle pour la même fumée, qu'il y a lieu de fixer sur le pied de 200 fr.; -Troisièmement, et l'indemnité due au sieur Drappier, propriétaire de la maison quai de Billy, nos 40 et 40 bis, à la somme annuelle de 800 fr., indépendamment de celle pour la même fumée, qu'il y a lieu de fixer sur le pied de 200 fr.;-Par ces motifs, ayant égard en partie au rapport fait par MM. Chevallier, Barruel et Godde, experts, condamne Derosne payer à Puzin, Dangest et Drappier, en leur qualité de propriétaires des maisons ci-devant désignées, et, au cas où ils cesseraient d'en être propriétaires, à leurs successeurs à la propriété desdites maisons, savoir: │—A Puzin, une indemnité annuelle de la somme de 1,500 fr., à Dangest, une indemnité annuelle de la somme de 1,000 fr., à Drappier une indemnité annuelle de la somme de 800 fr., pour tous les dommages éprouvés par les demandeurs Puzin, Dangest et Drappier, à raison de la manufacture dudit Derosne, autres que celui de la fumee de la forge d'ajustage;-Dit que ladite indemnité annuelle commencera, pour chacun des susnommés, à courir du jour de la demande, et sera payable par trimestre, aux termes en usage à Paris pour le payement des loyers;Dit et ordonne que cette indemnité sera augmentée et diminuée selon que les incommodités éprouvées par lesdits Puzin, Dangest et Drappier seront elles-mêmes aggravées ou atténuées par l'exploitation future de Derosne, et que même ladite indemnité cessera entièrement si tout dommage vient à disparaitre; Dit et ordonne que, pour comparer l'état présent des dommages à l'état à venir, le rapport desdits experts servira de point de départ et de régulateur en tout ce qui concerne la description et l'état matériel des ateliers et des travaux reconnus incommodes par le présent jugement qui s'exécutent dans les mêmes ateliers; - Condamne Derosne à faire opérer à ses frais à la cheminée de sa forge d'ajustage les travaux nécessaires pour qu'elle cesse d'incommoder par sa fumée lesdits Puzin, Dangest et Drappier; Dit et ordonne que lesdits travaux seront exécutés et mis à fin dans la quinzaine de la signification du présent jugement; - Condamne Derosne à payer dans la quinzaine de la siguification du présent jugement à Puzin, Dangest et Drappier, une indemnité pour le dommage qu'ils ont éprouvé dans le passe de la fumée de ladite cheminée, et qui sera calculée depuis le jour de la demande, savoir : Pour Puzin, sur le pied de 400 fr. par

propriétaire de l'établissement industriel apportera à ces incommodités, en prenant pour régulateur de l'élévation ou de l'abaissement à venir de l'indemnité l'état présent des dommages tel que l'expertise les a établis (même arrêt de Paris).

18 nov. et 6 déc. 1842; Doual, 10 janv. 1843) (1);—5° Spéciale | varier d'après les changements que le mode d'exploitation du ment, qu'un fabricant de produits chimiques, ou d'appareils industriels, ou de grosse chaudronnerie, nouvellement établi dans un quartier, est responsable: 1o envers l'un de ses voisins, propriétaire d'une maison de santé, des inconvénients de la fumée, du bruit des marteaux, des odeurs qui s'exhalent et de la dépréciation de cet établissement, dont l'incommodité éloigne les malades; 2o envers ses autres voisins, propriétaires de maisons d'agrément ou de retraite, des dégradations que cause à leurs propriétés l'action de la fumée, et aussi de la dépréciation qu'elles souffrent à raison de l'incommodité d'un bruit devenu continuel, ou de l'ébranlement imprimé aux murs des maisons voisines, diminuant l'utilité et l'agrément de leur jouissance (mêmes arrêts); 4o Que l'indemnité peut consister, en cas pareil, dans une somme annuelle payable par trimestre, comme des loyers, à chacun des voisins, d'après la moins-value de la propriété, devant durer aussi longtemps que le dommage, et susceptibles de

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an; pour Dangest, sur le pied de 200 fr. par an; et pour Drappier, sur le pied de 200 fr. par an; - Dit que ladite indemnité cessera de plein droit dans ladite quinzaine, si alors la cheminée est mise en état de ne plus incommoder lesdits demandeurs; sinon, et faute par Derosne d'avoir satisfait sur ce point aux dispositions du présent jugement et sans qu'il en soit besoin d'autres, ladite indemnité continuera à subsister jusqu'à ce que lesdits Puzin, Dangest et Drappier, n'éprouvent plus de dommage de ladite fumée, etc.

Appel principal par le sieur Derosne; appel incident par les sieurs Puzin et Dangest. Le sieur Puzin se plaint qu'on n'ait pas eu égard à la dépréciation de son établissement résultant de la défense à lui faite par l'autorité de recevoir désormais dans sa maison des personnes atteintes d'affections aiguës. Le sieur Dangest réclamait une indemnité supérieure à raison de la perte des fruits de son jardin causée par la fumée, et devant former, en conséquence un chef particulier de réparation. — Arrêt.

LA COUR; - Considérant que ledit Puzin, en rentrant en 1837 dans la maison de santé qu'il avait cédée momentanément à Perdreau, n'a pas formé un établissement nouveau et qui puisse être considéré comme postérieur à la formation de l'usine de Derosne, mais qu'il a continué son ancienne exploitation, suivant sa destination primitive; - Qu'ainsi l'indemnité accordée audit Puzin n'a pas été proportionnée au préjudice existant, a mis et met les appellations au néant, en ce qu'il n'a été accordé à Puzin, à titre d'indemnité annuelle, que la somme de 1,500 fr.; la sentence au résidu, et par les motifs y exprimés, sortissant effet l'égard de toutes les parties, etc.

Du 16 mars 1841.-C. de Paris, 1re ch.-M. Séguier, 1er pr. (1) 1re Espèce: - (Gaudry C. Lemire.) Le sieur Gaudry, fabricant de grosse chaudronnerie dans l'intérieur de la ville de Rouen, transporta son établissement dans l'un des faubourgs de la ville (celui de Saint-Sever). Actionné par les propriétaires voisins à raison de l'incommodité du bruit de ses ateliers et des dégradations causées par la fumée de ses forges, le tribunal civil ordonna une expertise. Son jugement fut frappé d'appel par le sieur Gaudry, qui proposa devant la cour les moyens tirés de la liberté de l'industrie, et auxquels les demandeurs répondirent par les arguments d'équité fondés sur l'art. 1582. Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'il est de principe que l'exploitation nuisible des établissements industriels qui ne peuvent exister qu'avec l'autorisation administrative peut donner lieu à une action en dommages-inté rêts que les tribunaux seuls ont le pouvoir d'apprécier;- Que, par une conséquence nécessaire des mêmes principes, les dommages causés par des établissements qui n'ont pas besoin d'autorisation pour exister donnent naissance aux mêmes actions et sont soumis aux mêmes tribunaux, puisque l'existence des uns et des autres est également légale, et qu'ainsi les seconds ne peuvent pas plus que les premiers se soustraire aux rẻgles générales du droit en matière de dommages-intérêts; Attendu que la question du procès se réduit soit à savoir si l'établissement de Gaudry cause aux intimés un dommage tel, que ceux-ci aient le droit de lui en imputer la faute et de lui en demander la réparation; - Que l'expertise ordonnée par les premiers juges est le seul moyen auquel la justice puisse avoir recours pour connaître la vérité sur les faits du procès; - Confirme, etc.

Du 18 nov. 1842.-C. de Rouen, 2e ch.-MM. Gesbert, pr.-Chassan, av. gen., c. conf.-Senard et Deschamps, av.

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213. La cour de cassation, appelée à se prononcer sur les questions résolues par la cour de Paris, a décidé : 1° que les propriétaires d'établissements industriels incommodes (soumis ou non à l'autorisation) sont passibles d'indemnité, à raison des dommages que l'exercice de leur profession cause aux propriétés voisines et qu'il était facile d'éviter (c. civ. 544, 1382); qu'ainsi l'incommodité produite par la fumée des cheminées de forge ou à vapeur a pu être considérée comme une cause d'indemnité envers les voisins, lorsqu'il est établi que le propriétaire de l'usine pouvait obvier à cette incommodité au moyen de certaines précautions qu'il n'a pas prises (Rej. 27 nov. 1844) (2); — 2o Que, de même, le bruit, lorsqu'il dépasse la mesure des obligations

-

LA COUR;
tion au néant;
Du 6 déc. 1842.-C. de Rouen, 1re ch.-MM. Franck-Carré, 1er pr.-
Roulland, 1er av. gén., c. conf.-Desseaux et Deschamps, av.

Adoptant les motifs des premiers juges, met l'appella-
Confirme, etc.

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3e Espèce:-(Duburcq C. Poteau-Jacquart.)-Le sieur Duburcq, aubergiste à Douai, après s'être inutilement efforcé d'empêcher l'établissement, dans son voisinage, d'une usine avec étampes destinées à l'extraction de l'huile, forma contre le propriétaire de cette industrie une action en indemnité fondée sur le dommage que lui faisaient éprouver tant l'incommodité que lui causait l'ébranlement continuel, que les secousses violentes qu'imprimaient à sa maison, séparée de l'usine par un mur mitoyen, les coups d'étampes employées pour l'extraction des huiles. Sur cette action, et après expertise, le tribunal de Douai accorda 1,500 fr. d'indemnités à l'aubergiste, par jugement du 17 déc. 1840, ainsi motivé: - - « Considéran qu'en admettant pour tout propriétaire d'immeuble la nécessité de supporter jusqu'à un certain point les inconvénients qui peuvent résulter d'un voisinage quelconque, il faut reconnaître néanmoins que, si ces inconvénients viennent à produire une détérioration ou moins-value notable, il y a lieu d'appliquer la règle de droit commun écrite dans l'art. 1382 c. civ.; Considérant qu'il résulte de l'opération des experts, vérifiée sous plusieurs rapports par l'examen auquel le tribunal s'est livré sur les lieux, que la propriété de Duburcq éprouve une moins-value notable, provenant du bruit intense et de l'ébranlement qui se fait sentir par suite du jeu de la machine Poteau; - Le tribunal, tout en tenant compte des obligations réciproques qui naissent du voisinage, eu égard à la situation et à la valeur de l'auberge de Duburcq, et appréciant à la fois le préjudice éprouvé pour détérioration d'édifices, moins-value de la propriété et perte d'achalandage, etc. Appel par les parties. LA COUR;

· Arrêt.

Sur l'appel principal : — « Adoptant les motifs des premiers juges; Sur l'appel incident: Attendu que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice souffert par Duburcq, mais qu'il y avait lieu d'adjuger les intérêts de l'indemnité à partir du jour de la demande; met ces appellations au néant, et ordonne que les intérêts seront alloués à partir de la demande; - Condamne le sieur Poteau aux dépens des deux appels.

Du 10 janv. 1843.-C. de Douai. (2) Espèce: (Derosne C. Puzin et autres.)-Sur le pourvoi dirigé par le sieur Derosne contre l'arrêt de la cour de Paris du 16 mars 18/1 qui précède, voici en quels termes, la chambre civile s'est prononcée.Arrêt (après un très-long délib. en ch. du cons.).

LA COUR; En ce qui concerne la partie du dispositif de l'arrêt attaqué, relative à l'inconvénient résultant de la fumée, qui, de l'établissement du demandeur, de la cheminée de la forge d'ajustement et de la cheminée à vapeur, se répand sur les propriétés des défendeurs :-Attendu que cet arrêt, en déclarant qu'il était possible, sans nuire aux droits légitimes de Derosne, d'éviter cette espèce de donimage, moyennant certaines précautions, et en condamnant Derosne à des dommages-intérêts pour ne les avoir pas prises, n'a violé ni faussement appliqué les lois de la matière, et en a fait, au contraire, une juste application;Rejette le pourvoi quant à ce; - Mais, en ce qui concerne le surplus de l'arrêt-Vu les art. 544 et 1582 c. civ.;-Attendu que, si, d'un côte, on ne peut méconnaître que le bruit causé par une usine, lorsqu'il est porté à un degré insupportable, pour les propriétés voisines, ne soit une cause légitime d'indemnité; d'un autre côté, on ne peut considérer toute espèce de bruit causé par l'exercice d'une industrie comme consutuant le dommage qui peut donner lieu à une indemnité; -Attendu que l'arrêt attaqué s'est, il est vrai, expliqué sur les causes et l'intensité du bruit provenant de l'usine du demandeur; mais que, tout en déclarant que ce bruit était préjudiciable aux propriétés voisines, il n'a point declaré qu'il fût, d'une manière continue, porté à un degré qui excédât la

ordinaires du voisinage, peut soumettre le propriétaire de l'usine à une indemnité envers ses voisins; qu'il en est ainsi, par exemple, du bruit continuel et considérable que causent les lourds marteaux employés dans la fabrique d'ustensiles de grosse chaudronnerie, lorsqu'ils impriment des secousses aux murs (même arrêt); - Mais que les tribunaux ne peuvent, sur l'action formée par ses voisins contre un propriétaire d'établissement industrial, pour incommodité causée par le bruit de sa fabrication, condamner ce propriétaire à une indemnité variable suivant l'intensité de ce bruit, décision qui suppose que l'indemnité ne devra cesser entièrement que si tout dommage vient à disparaître (c. civ. 544, 1382; même arrêt). — Ainsi la cour de cassation a confirmé les divers arrêts qui précèdent, en ce sens qu'elle a reconnu que les propriétaires d'établissements industriels incommodes, soumis ou non à l'autorisation, sont passibles d'indemnité à raison des dommages qu'ils causent aux propriétés voisines, et qu'il était facile d'éviter; mais elle a décidé, contrairement à la cour de Paris, que les tribunaux ne peuvent régler à l'avance une indemnité pour les préjudices futurs, sans indiquer le degré d'incommodité donnant lieu à des dommages-intérêts. En effet, le voisinage impose certaines obligations, une tolérance qui, lorsqu'elle ne se traduit pas par un préjudice réel, c'est-à-dire par un préjudice véritablement appréciable, rend celui qui subit cette tolérance sans qualité, à défaut d'intérêt pour se plaindre. V. au reste nos observations D. P. 45. 1. 13, à la note.

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214. On peut sans doute modifier, restreindre en certains points la liberté du travail et de l'industrie; mais il ne faut pas Oublier que cette liberté, proclamée et garantie par nos lois, dans l'intérêt des consommateurs aussi bien que des producteurs, et passée depuis lors dans nos mœurs et dans notre constitution, sert aujourd'hui de base à notre régime économique et industriel et tient à l'ordre public, et que toutes les conventions qui y dérogent ne sauraient être considérées dès lors comme valables. Mais quelles conventions sont licites et quelles conventions ne le sont pas? Des dispositions législatives spéciales, en fort petit nombre d'ailleurs, ont prohibé certaines conventions et les ont déclarées nulles. Ainsi le code civil ne reconnaît comme valables les engagements des ouvriers qu'autant qu'ils sont à temps ou pour une entreprise déterminée (c. civ., art. 1780). La loi du 22 germ. an 11 déclare même qu'en règle générale l'engagement d'un ouvrier ne pourra excéder un an (tit. 3, art. 15).—Ainsi encore sont proscrites comme attentatoires à la liberté d'industrie et frappées d'une peine les conventions entre les maîtres et celles entre les ouvriers contenant coalition, ou bien encore les conventions entre les principaux détenteurs d'une même marchandise ou denrée tendant à ne pas la vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix (c. pén., art. 414, 415, 419, 420; V. infrà, chap. 5).—Toutes ces conventions, prohibées comme contraires à la liberté d'industrie, ne sont évidemment pas renfermées dans les quelques cas que nous venons d'énumérer : il en est beaucoup d'autres qui ne sont pas proscrites par des dispositions spéciales et qui tombent sous le coup de l'art. 1133 c. civ. Ainsi, devraient être considérées comme nulles les conventions qui contiendraient une renonciation absolue au droit d'exercer une

mesure des obligations ordinaires du voisinage; Que même, l'arrêt attaqué, en réglant à l'avance une indemnité pour les préjudices futurs, a prevu les cas où les dommages éprouvés seront aggravés ou atténués par l'exploitation future; ce qui ne peut s'entendre, quant à ce, que de l'augmentation ou de la diminution du bruit causé par ladite exploitation, et qu'il n'a considéré l'indemnité comme devant entièrement cesser, que si tout dommage venait à disparaître, sans indiquer à quelle limite l'incommodité, resultant du bruit, cesse d'avoir la gravité suffisante pour constituer le dommage dont la loi autorise la réparation : d'où il suit qu'il a exagéré l'application de l'art. 1382 c. civ., et a, par suite, violé cet article et l'art. 544 du même code;-Casse en cette partie.

Du 27 nov. 1844.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Hello, rap.Pascalis, 1er av. gén., c. conf.-Verdière et Delaborde, av.

(1) (Silardière C. Gandon.)-LA COUR; Considérant que, en vendant aux sieurs Gandon et Maheu l'entreprise des messageries de l'ouest par l'acte sous seing privé du 4 fév. 1810, le sieur Silardière s'est réservé la route de Nantes à Bordeaux, en imposant aux acquéreurs la condition de ne point établir de diligences ni service de roulage sur cette route, condition réciproquement imposée pour les autres routes où existait l'entreprise vendue, et sous peine de 25,000 fr. de dommages-intérêts,

industrie déterminée, ou bien qui astreindraient d'une manière également absolue à l'exercice d'une industrie. De telles conventions, destructives, et non pas seulement modificatives, de la li berté d'industrie, ne sauraient être valables.

215. Sont valables, au contraire, les conventions contenant renonciation à la faculté d'exercer une industrie dans un lieu ou pour un temps déterminé.-Ainsi il a été jugé : 1o que la convention par laquelle un ouvrier, en considération de l'engagement que prend son maître de l'employer pendant un temps et moyennant un salaire déterminés, s'interdit la faculté d'établir un atelier et d'exercer la même profession dans tout lieu où il pourrait faire concurrence à ce maître ou à sa famille, n'a rien de contraire aux lois (Caen, 28 juin 1842, aff. Royer, V. Prud'homme); 2° Que celui qui, exerçant, d'après l'usage, la profession de boulanger et de fournier dans une localité, vend son four à cuire le pain et s'interdit l'exercice de la profession de boulanger pendant un laps de temps déterminé, est censé renoncer pour le même espace de temps à l'exercice de la profession de fournier (Montpellier, 30 avril 1849, aff. Ganivet, D. P. 49. 2. 126); 3o Que le vendeur d'un fonds de commerce qui s'engage par l'acte de vente à ne pas élever dans le même lieu ni même dans un certain rayon un établissement semblable, contracte une obligation qui passe à ses héritiers, en ce sens que ceux-ci, garants du fait de leur auteur, ne peuvent, à peine de dommages-intérêts, former un établissement de même nature dans la même localité, et, par exemple, dans le même bourg (Paris, 19 mai 1849, aff. Malingre, D. P. 50. 2. 51).

216. Mais il a été décidé aussi : 1° que l'acquéreur d'une entreprise de diligence de Brest à Nantes sous la condition, à peine de dommages-intérêts déterminés, de ne pas établir de service de Nantes à Bordeaux, sur la route desservie par les voitures du vendeur, n'est pas passible de ces dommages-intérêts, lorsqu'il s'associe à un entrepreneur de diligence existant déjà sur la route qui lui est prohibée, si cette association n'est pas prouvée, et s'il n'établit lui-même en son nom aucune voiture sur cette route (Req. 25 janv. 1820) (1);— 2o Que celui qui a formé un établissement au mépris de la clause par laquelle, en cédant un fonds de commerce, il s'était interdit cette faculté, peut n'être pas passible, pour cette infraction, de dommages-intérêts, s'il ne l'a fait que de bonne foi et dans la pensée que, n'étant point payé, par suite de la faillite de son acheteur, il avait un tel droit (Paris, 12 déc. 1850, aff. Aretz, D. P. 51. 2. 62).

217. Cette renonciation n'a pas même besoin d'être expresse, et un grand nombre d'arrêts ont décidé, en ce sens, que la vent d'un fonds de commerce emportait pour le vendeur renonciation à la faculté d'exercer dans le même lieu le même genre de commerce, s'il ne s'était pas expressément réservé cette faculté. Voici les espèces : 1° Celui qui a vendu son fonds de commerce, ses marchandises avec tous les objets en dépendant, et qui, dans une lettre, a recommandé l'acheteur à ses correspondants comme étant son successeur, est censé avoir renoncé à la faculté de reprendre le même genre de commerce dans la ville où il était précédemment établi (Metz, 27 nov. 1821) (2);— 2o Le vendeur d'un fonds de café composé d'objets mobiliers et de mar

en cas de contravention;- Considérant qu'il est constant que Gandon et Maheu n'ont pas enfreint cette condition; qu'il n'a pas été prouvé devant la cour royale, qu'elle eût été enfreinte par le sieur Benoiston, son cessionnaire, soit avant, soit après leur association avec les sieurs Rumeil et Durand pour une route autre que celle de Nantes à Bordeaux ;- - Considerant que ces faits une fois reconnus par l'arrêt attaqué, la cour de Rennes n'a fait que se conformer à la convention du 4 fév. 1810, et aux principes qui régissent les obligations conventionnelles, en rejetant la demande en dommages-intérêts fondée sur une infraction non prouvée de ladite convention; Rejette.

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Du 25 janv. 1820.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Favard, rap, (2) Espèce: (Mercier C. époux Michel.)- Le 2 août 1821, jugement ainsi conçu : - «Considérant qu'il est constant entre les parties que, le 19 nov. 1819, Michel et sa femme ont vendu à Mercier la totalité des marchandises composant leur commerce de quincaillerie, detaillées dans un inventaire estimatif amiablement fait entre les parties, ensemble leurs cheval, voiture, caisses, toiles et autres objets en dépendant, pour en jouir à compter dudit jour, et moyennant la somme de 6,189 fr. en principal, dont 4,225 fr. ont été payés, partie..., etc.; que Michel a vendu publiquement son mobilier devant notaire, en janv.

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