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dans la chambre des députés, fut remarquable par le développement des saines doctrines, et par le respect et l'attachement que les orateurs des opinions les plus opposées y témoignèrent pour l'institution du jury. M. le garde des sceaux, sans éloigner l'espérance des améliorations à y faire, et toujours défendant le caractère et l'indépendance des magistrats, combattit les objections faites au changement proposé par l'amélioration sensible qu'il offrait; et, malgré des amendemens qui tendaient à augmenter les chances favorables à l'accusé, en exigeant que la déclaration du jury fût faite à la majorité des deux tiers pour entraîner la condamnation, l'article proposé par le ministère passa dans les deux chambres à une grande majorité.

Voici la date et le résultat de leur vote:

Chambre des pairs.

31 mars.

Nombre des votans,

125.

Pour le changement proposé, 74. — Contre, 51.
Chambre des députés. - 11 mai. Nombre des votans,

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303.

Boules blanches, 232.

Boules noires, 71.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

CETTE affaire terminée, les partis se portèrent sur un terrain plus vaste et mieux ouvert à leurs querelles.

Des deux projets de loi que nous avons annoncés, l'un, présenté le 17 mars par le ministre des finances, ayant pour objet de régler le sort des donataires français dépossédés de leurs dotations en pays étrangers; l'autre par le ministre de l'intérieur, le 21 avril, tendant à affecter les pensions ecclésiastiques annuellement éteintes et retranchées du crédit de la dette, à raison du décès des pensionnaires, à la dotation de donze nouveaux siéges épiscopaux, à l'amélioration du sort, des traitemens des vicaires, aux traitemens des curés, à la réparation des églises, etc., etc....; malgré l'antériorité de la présentation du projet de loi relatif aux donataires, la priorité de l'examen et de la discussion fut accordée à celui qui devait fixer d'une manière plus large l'établissement du clergé.

M. le ministre de l'intérieur ( comte Siméon) avait commencé

l'exposé qu'il fit des motifs du projet par des considérations politiques sur les avantages de la religion; « puissant moyen de « gouverner, disait-il, puisqu'elle sanctionne les lois humaines. >> En reconnaissant qu'on avait beaucoup fait pour la religion et ses ministres; qu'il s'élevait partout des réclamations; que 4,000 vicaires ne recevaient de l'état que 250 fr. et devaient attendre des communes des services souvent onéreux pour elles; que 350 villages manquaient de pasteurs ; qu'il y avait un grand nombre d'églises à construire ou à réparer; et enfin (car c'est le point essentiel de la question sur lequel s'élevèrent les plus violens débats) qu'il ne suffirait pas de cinquante archevêques ou évêques en France (où il y avait jadis 136 siéges cathédraux ) pour y diriger dans des voies de sagesse, de prudence et de charité les nombreux pasteurs du second ordre, qui, dans un trop grandéloignement de leur chef, échappent à leur surveillance et peuvent tomber dans le relâcbement ou le rigorisme;

« Le roi, ajouta S. Ex., a eu sans cesse présent à l'esprit, et met au rang des plus vifs désirs de son cœur, l'entière restauration de la religion de l'état. Il s'en est occupé depuis plusieurs années; des embarras d'argent, des difficultés de plus d'un genre l'ont retardée. Aujourd'hui l'état plus prospère des finances lui permet de l'accomplir; S. M. peut, sans qu'on se jette dans les questions difficiles, et non moins superflues, donner à l'église de France, sans profusion ni parcimonie, tous les siéges nouveaux dont elle a besoin, dont la nécessité est des long-temps reconnue, et pour lesquels il EXISTE avec le chef de l'église DES ENGAGEMENS ANCIENS ET NOUVEAUX. C'est pour les remplir, pour satisfaire au devoir qui les dicta, pour répondre à des vœux nombreux et répétés, que le roi nous a ordonné de vous présenter un projet de loi. »

Enfin le ministre faisait observer que la nouvelle dotation proposée pour le clergé n'ajoutait rien aux charges de l'État; qu'au lieu de partager, ainsi que cela se fait à présent, les extinctions des pensions ecclésiastiques entre le trésor et les successeurs des fonctionnaires pensionnés qui décèdent, il suffirait d'affecter aux dépenses du clergé la totalité des extinctions; que le trésor ne perdrait que la perspective d'un amortissement futur; qu'il acquitterait une dette inévitable, par un sacrifice insensible dont les contribuables ne sentiraient pas le poids, qui apporterait même un soulagement direct aux communes, en les dispensant, à mesure que

le traitement des vicaires serait augmenté, de leur fournir un supplément.....

Il est aisé de voir, an ménagement avec lequel le ministre traitait les intérêts du clergé catholique, combien il craignait de blesser les partis; mais l'examen de la question, renvoyé à une commission composée de membres du côté droit, présenta le projet, dans le rapport fait en son nom par M. de Bonald, sous des couleurs plus vives et plus tranchantes.

(10 mai.) Dans son début, qui offre déjà une censure indirecte de celui du ministre, l'honorable rapporteur, démontrant ce que la religion est dans la société et pour la société, « la leçon et l'exemple du sacrifice de soi à l'utilité des autres, la véritable liberté, la véritable égalité, la sécurité, la garantie commune contre l'oppression, la protection du faible et la consolation du malheureux », en conclut que la religion est le pouvoir suprême le plus étendu de la société, parce qu'il protége le plus de faiblesses, et qu'elle doit être « chère à tous ceux qui souffrent, et odieuse à tous ceux qui font souffrir. » M. de Bonald rappelle ensuite les persécutions qu'elle a éprouvées pendant la révolution, la restauration du culte, le concordat de 1801, les nouveaux arrangemens faits en 1817 par le roi de retour dans ses états, et restés sans exécution parce que quarante-sept siéges de l'ancienne France supprimés ne parurent pas un sacrifice suffisant à l'esprit du siècle, et la religion restant entre deux concordats sans organisation et sans ministres, « état déplorable, dit-il, dont la politique n'est pas assez alarmée.

« L'absence absolue de la religion dans les campagnes y est une calamité à laquelle nulle autre n'est comparable. La civilisation, qui est la perfection des lois ( bien différente de la politesse, qui est la perfection des arts), la civilisation est le christianisme appliqué à la législation des sociétés : c'est la vie des nations, et, comme la vie, la civilisation commence et ne recommence pas..... Elle périrait donc sans retour avec la religion....

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En examinant d'après ce principe le projet de loi, la commission trouvait nécessaire d'expliquer plus clairement que dans le

projet présenté, l'intention présumée du gouvernement de ne pas se borner à l'érection de douze siéges épiscopaux, et de donner au gouvernement du roi, puisqu'il croit en avoir besoin, l'autorisa tion nécessaire pour établir à l'avenir le nombre de siéges épiscopaux que demandent les nécessités de l'église et de l'État, sans recourir de nouveau aux chambres ct remettre ainsi sans cesse la religion en discussion.

< C'est là, dit l'honorable rapporteur, c'est là, nous osons l'affirmer, le vœu de tous les gens de bien et de tous les hommes éclairés : c'est l'intérêt de la religion et de la politique: mander la religion à la barre de l'assemblée pour la doter de la dépouille de ses ministres, et peut-être lui reprocher ce triste bienfait, c'est déjà lui faire acheter ce qu'on lui donne; et si elle doit encore comparaitre à notre tribunal pour tendre la main et demander une provisionnelle, que ce soit au moins pour la dernière fois.

• Sur la question qui va s'élever, quant à la part que prennent les divers pouvoirs de l'Etat ou de l'église à l'établissement d'un siége épiscopal, le roi, pouvoir exécutif suprême de l'État, propose et détermine le territoire et présente l'évêque; le Saint-Père agrée le territoire, l'érige en diocèse, institue l'évèque; les chambres, pouvoir pécuniaire, dotent l'évêque et l'évêché; et ainsi le roi, le souverain pontife, les chambres, concourent à établir le siége épiscopal, mais chacun avec son pouvoir spécial, et dans ses différentes attributions. Aller au-delà et vouloir faire concourir les chambres comme pouvoir législatif, c'est se jeter dans des arguties sur lesquelles on peut éternellement disputer, et même sans s'entendre ; et un bon esprit ne verra jamais une lơi, jamais la nécessité de mettre en mouvement toute la machine législative, dans une disposition purement locale d'administration civile et religieuse qui place un village dans tel diocèse plutôt que dans tel autre. »

Enfin la commission, s'arrêtant au premier paragraphe de l'article 2 (relatif à ce qu'il n'y eût pas plus d'un évêché par département) dont elle demande la suppression, a voulu éviter de confondre ensemble les diocèses et les départemens, et autant par un motif politique que religieux.

La différence des localités de la population peut exiger qu'il y ait deux siéges dans un département, tandis que d'autres n'en auront pas. Les consistoires protestans (pouvoir épiscopal de la secte réformée) sont plus nombreux en proportion de la population

protestante.

Ici l'honorable rapporteur, prévenant les plaintes qu'on ne man quera pas de faire, dit-il, sur ce qu'il faudrait commencer par améliorer le sort des curés et des vicaires avant de s'occuper des Annuaire hist. pour 1821.

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siéges épiscopaux, observe que « ce tendre intérêt pour cette classe respectable, qué ceux qui s'apitoyaient sur son sort ont si peu respectée, date de l'assemblée constituante, et même de plus loin, et le motif en est connu. Mais les curés et les vicaires repoussent ces présens empoisonnés, s'écrie-t-il; ils désirent des évêques bien plus ardemment que les fidèles, parce qu'ils sentent plus vivement le besoin d'un centre d'autorité...... Si les pasteurs ont l'enseignement, les évêque ont l'autorité; tels sont nos dogmes; et l'enseignement sans l'autorité produit les sectes et bientôt les factions....

Enfin, après des considérations sur la faiblesse des honoraires du ministre des cultes, sur ce que le projet du gouvernement laisse encore tout dans le provisoire, que les fonds assignés sont éventuels, que l'époque de leur emploi en dotations d'évêchés est indéterminée, et que l'exposé même laisse quelques incertitudes sur l'intention du gouvernement d'en augmenter le nombre, l'honorable rapporteur présente les changemens que la commission propose de faire à l'art. 2. Ce sont les seuls importans, les seuls qui aient donné lieu à des débats animés. Il est utile de les mettre én regard de l'article sous les yeux du lecteur :

Projet de loi du gouvernement. Art. 1or. ( V. la loi à l'Appendice.) Art. 2. Cette augmentation de crédit (résultant de l'extinction des pensions ecclésiastiques) sera successivement employée :

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Amendemens de la commission.
Art. 1er. Comme le projet de loi.
Art. 2.

1° A l'établissement et à la dotation 1o A la dótation actuelle de douze , de douze siéges épiscopaux dans les siéges épiscopaux ou métropolitains, villes où le roi le jugera nécessaire. La et à celle d'autres siégés dans les villes circonscription de leurs dioceses sera où le roi le jugera nécessaire. L'étaconcertée avec le saint-siége, de ma-blissement et la circonscription de tous mière qu'il n'y ait pas plus d'un siège ces diocèses seront concertés entre le dans le même département. roi et le saint-siege.

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( 12 mai. ) Avant d'entrer dans cette discussion laborieuse, un de MM. les commissaires du roi, chargé de la défense du projet, M. Delamalle, présenta, au nom du ministre de l'intérieur, alors retenu par une indisposition, des observations qu'il se proposait de faire lui-même à fa chambre. En voici la substance:

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