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teurs sans soumettre l'ordonnance y relative, à la chambre, dans des délais déterminés. — On ne retrancha du projet de la commission que la partie de l'article 8, portant que le tableau des marchés régulateurs annexé à la loi ne pourrait être changé que par des dispositions législatives..... Cette suppression conservait au ministère une disposition essentielle de la loi du 16 juillet 1819, et la faculté d'atténuer les effets de la loi nouvelle; c'est le seul avantage qu'il ait obtenu dans cette discussion, à la suite de laquelle la loi fut adoptée ( le 4 mai ) à une forte majorité.

(Nombre des votans, 326. - Boules blanches, 282. - Boules noires, 54.)

CHAMBRE DES PAIRS.

(30 mai.) Le ministre de l'intérieur, en portant ce projet amendé à la chambre des pairs, développa de nouveau les motifs qui lui avaient fait penser que, pour concilier les intérêts de l'agriculture avec ceux du commerce et de l'industrie, ceux des propriétaires avec ceux des consommateurs, il suffirait de changer les marchés régulateurs ; « mais les doutes que le gouvernement se formait ayant été affaiblis par la résolution que la chambre des députés avait prise à un très-grand nombre de voix, il avait dû céder, dit le ministre, au résultat de cette première discussion.»

Cet exposé d'une nature insolite, et fait moins en justification du projet adopté que de celui du gouvernement, laissait aux opinions la plus grande latitude. Néanmoins l'avis de la commission spéciale chargée d'examiner le projet amendé fut unanime pour son adoption.

(12 juin.) Le rapport que fit à ce sujet M. le duc de Lévis, après des considérations générales sur les difficultés que présente la question, fait observer que les anciens débouchés qui servaient à l'écoulement du superflu de nos moissons (Saint-Domingue, l'Espagne, le Portugal, etc.) sont prodigieusement restreints ou plutôt annulés; - que la prohibition des blés de la mer Noire en Espagne et en Portugal y a réveillé l'industrie agricole ; — qu'en Angleterre, la fixation de la limite où l'importation des grains étrangers est permise, au taux de 80 schellings (environ 100 fr.)

le quarter (220 kilog.), a donné le plus grand encouragement à Pagriculture anglaise, déjà si favorisée par les bénéfices convertis en capitaux que lui fournissaient à l'envi les industries commerciales et manufacturières....; que d'immenses défrichemens y ont été entrepris ou complétés........; qu'ainsi, malgré l'accroissement rapide de la population, le besoin d'importation étrangère, autrefois presque continuel en Angleterre, y est devenu bien rare (voir chap. de la Grande-Bretagne), et que dans tous les cas toute chance y est fermée pour nous, parce que nous trouverions encore avec les blés de la Pologne les blés russes, dont il nous est impossible de soutenir la concurrence.

M. le duc de Lévis, reprenant les calculs ou les documens déjà produits à l'autre chambre sur la quotité des importations et la dépréciation des grains en France, examine le résultat de cette importation intempestive, la destruction de tout équilibre entre la dépense des frais d'exploitation augmentés de lourds impôts, et le prix vénal des denrées de première nécessité. Le noble rapporteur y voit le profit de quelques spéculateurs au grand détriment de la prospérité générale, la perte de douze ou quinze millions de numéraire, non comme écoulement dont le commerce trouve facilement la compensation, mais comme impôt frappé sur une classe de citoyens surchargés.

« Sans l'importation, dit le noble rapporteur, ce n'est pas d'une douzaine de millions que les propriétaires français eussent profité. — Plus de cent millions, peut-être, seraient entrés dans leurs coffres en remplacement des blés que le commerce aurait enlevés de leurs greniers... Et de là une circulation plus active des capitaux, si éminemment utiles à la population agricole, c'està-dire aux deux tiers des Français... Quand le propriétaire est dans l'aisance, il plante, il défriche, il dessèche, il améliore, il met en mouvement tout ce qui l'entoure. Enfans, femmes, vieillards, tout est occupé, chacun travaille suivant ses forces et son intelligence; et quand il n'y a point d'oisiveté, il n'y a point de misère et bien moins de vices... La morale y gagne, et la richesse nationale s'en accroît....»

En considérant le résultat de la balance d'exportation et d'importation depuis trente ans, le noble rapporteur la trouve exactement égale.-Et cependant le déplacement des grains nous a coûté beaucoup de millions.

Cependant il reste une grande difficulté. Que faire de l'excédant

des grains dans les bonnes années? car il en faut un pour suppléer au déficit des mauvaises récoltes qui reviennent tous les quatre ou cinq ans... Garder pour le besoin.-Ici le noble rapporteur rappelle les projets de greniers d'abondance ou de fosses sonterraines soumis à l'autre chambre, et en définitif, après avoir examiné le projet amendé par la chambre des députés, après avoir considéré que les différens tarifs et la fixation si inportante des marchés régulateurs ont été long-temps débattus entre les personnes les mieux instruites des localités, les députés de tous les départemens, que cette décision est l'oeuvre d'un tribunal de famille dont les lumières et l'impartialité sont au-dessous du soupçon, M. le duc de Lévis déclare au nom de la commission que, sans rejeter les rectifications ou améliorations marquées par l'expérience, elle n'a point vu avec assez de certitude ce qu'il serait plus avantageux de substitner aux stipulations proposées, et qu'elle en a unanimément voté l'adoption pure et simple.

(28 juin. ) La discussion ouverte, le système du projet ministériel trouva encore moins de faveur et d'appui que dans l'autre chambre; même avec ses amendemens, la loi proposée paraissait pire à M. le marquis d'Herbouville que celle du 16 juillet 1819, attendu que, malgré toutes les précautions prises contre les spéculateurs, ils sauraient toujours trouver le moyen de faire baisser les grains sur les marchés. Il appuya principalement sur l'inefficacité, en cas de disette, de l'importation, qui n'avait pu produire de nourriture qu'un seul jour à 30 millions de Français. M. Benoît, commissaire du roi, chargé de la défense du projet, argumentait en faveur de l'importation, de son efficacité locale, et surtout des dangers de la hausse excessive du pain « dans un pays où les agitateurs savent toujours tirer parti de la disette ». M. le comte Dejean, tout en appuyant la loi, tout partisan qu'il est de la libre circulation des grains, pensait que l'exportation et l'importation ont tour à tour leurs avantages, et il proposait des moyens pour conserver les grains et compenser ainsi l'inégalité des récoltes.Enfin M. le marquis de Catelan, n'adoptant le projet proposé que dans l'impossibilité d'y en substituer un autre, protestait contre

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le principe qui lui sert de base, et dont les dispositions restrictives ne feraient, selon lui, que pallier les funestes conséquences par la facilité qu'elles laisseraient aux spéculateurs de faire arriver sur le marché, à l'aide d'une hausse factice, des blés étrangers qui enleveraient ensuite aux blés français la faveur que ceux-ci commenceraient à reprendre.-Ainsi notre agriculture lui semblerait «< sacrifiée à celle d'un pays qui ne nous offrirait en temps ordinaire aucune compensation, aucune facilité pour le placement de nos denrées indigènes, et dont, en cas de disette, les secours seraient toujours incertains. >>

Ces quatre orateurs entendus, la question paraissait suffisamment éclaircie ; les articles et l'ensemble de la loi furent successivement adoptés à une majorité relative plus forte que dans l'autre chambre.

(Nombre des votans, 82.-Pour le projet, 72.-Contre, 10.) Nous nous sommes arrêtés sur cette question, qui peut paraître peu importante aux esprits préoccupés de nos querelles politiques; mais celles-ci passeront, et l'autre laissera dans la mémoire des hommes d'état des souvenirs, des documens et des réflexions qu'il leur sera sans doute encore utile de méditer.

Comme nous l'avons déjà fait observer dans cette discussion, hors quelques réflexions relatives aux prétentions de la grande propriété et à l'influence de l'exagération des impôts sur le sort du peuple, la dissidence des opinions se manifesta indifféremment des deux côtés sans aigreur, sans applications injurieuses : c'était un phénomène à remarquer. Mais ce n'était qu'un moment de calme au milieu de la tempête. Il s'éleva bientôt des questions où les passions politiques reprirent toute leur chaleur.

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CHANGEMENT fait à l'article 351 du code d'instruction criminelle. les pensions ecclésiastiques.

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AVANT d'entrer dans la discussion de deux lois attendues avec quelque inquiétude par tous les partis, il faut revenir sur nos pas, et dire un mot du changement fait à l'article 351 du code criminel, ainsi conçu :

« Si l'accusé n'est déclaré coupable du fait principal qu'à une simple majo<rité, les juges délibéreront entre eux sur le même point : et si l'avis de la « minorité des jurés est adopté par la majorité des juges, de telle sorte qu'en « réunissant le nombre des voix, ce nombre excède celui de la majorité des ⚫ jurés et de la minorité des juges, l'avis favorable à l'accusé prévaudra.

A cet article, contre lequel, suivant l'expression d'un noble pair (M. de Barbé-Marbois, rapporteur), réclamaient depuis douze ans la justice, la raison et l'humanité, M. le garde des sceaux avait proposé (le 15 mars à la chambre des pairs, le 18 avril à celle des députés) de substituer un autre article portant « qu'à l'avenir, et lorsque, dans le cas prévu par l'article 351 du ⚫ code d'instruction criminelle, les juges seront appelés à délibérer « entre eux sur une déclaration du jury formée à la simple majorité, l'avis favorable à l'accusé prévaudra, toutes les fois qu'il « aura été adopté par la majorité des juges. »

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Au premier coup-d'œil, on aurait peine à croire qu'un changement si avantageux à l'accusé pût trouver quelque opposition dans les deux chambres; c'est pourtant ce qui arriva. Dans l'une et l'autre il fut combattu par des considérations de l'ordre le plus élevé, par la nécessité d'améliorer l'institution du jury, en abolissant d'abord l'adjonction des juges, qui corrompait le principe de l'institution en confondant les juges du fait avec les juges du droit, et qui donnait au gouvernement une influence dangereuse à la liberté.. Cette discussion, où se mêlèrent encore les passions politiques

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