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Je suis l'enfant des camps disait-il (discours du 1er octobre); les combats m'ont porté à la magistrature. La fortune m'a soutenu dans ce rang, la victoire m'y a confirmé; mais ces titres ne sont pas ceux consacrés par la justice, le bonheur et les voeux de la nation. L'épée qui a gouverné la Colombie n'est pas la balance d'Astrée; c'est le fléau du génie do mal que le ciel fait quelquefois descendre sur la terre pour châtier les tyrans et avertir les nations. Cette épée sera inutile le jour de la paix, et ce jour sera le dernier de ma puissance, parce que je l'ai juré en moi-même ; je l'ai promis à la Colombie, parce qu'il n'y a pas de république quand le peuple n'est pas assuré de ses propres pouvoirs. Un homme comme moi est, je le sais, un ci toyen dangereux dans un gouvernement populaire, il menace directement la souveraineté nationale. Je désire être citoyen afin d'être libre, et pour que tout le monde le soit aussi. Je préfère le titre de citoyen à celui de libérateur, parce que celui-ci émane de la guerre et l'autre des lois. Laissez-là toas ces honneurs dont le congrès veut me combler; je n'aspire qu'a mériter le titre d'un bon citoyen. »

Mais malgré ces efforts, le congrès n'en persista pas moins à vouloir lui déférer la dignité de président, et nomma le général Santander vice-président. Le congrès se sépara le 13 octobre, après une session remarquable par l'importance de son objet, par la nouveauté du spectacle, et même, dit-on, par le talent des orateurs qui s'y sont montrés.

A la fin de l'année, le président libérateur transporta le siége du gouvernement à Santa-Fé-de-Bogota, sans doute pour se trouver plus près du théâtre des intrigues et des opérations qui devaient étendre la république de Colombie jusqu'à la mer du Sud, dans la province de Quito. Cependant il n'était pas encore en posses sion paisible de ce qu'il avait conquis. Il existait toujours quelques partis espagnols dans la Nouvelle-Grenade; le blocus de PuertoCabello était abandonné, des émigrés de l'intérieur s'y rendaient en foule; la république nouvelle était travaillée par des divisions intestines; elle était forcée de suspendre le paiement de ses tronpes et des employés du gouvernement; la culture des terres était

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abandonnée; le commerce était embarrassé; la marine cs

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MEXIQUE.

QUOIQU'ON ne parlât plus depuis quelque temps du Mexique, il y avait toujours eu dans l'intérieur, depuis la première révolution, des provinces qui ne reconnaissaient pas l'autorité du viceroi, qui avaient organisé une espèce de gouvernement indépendant, qui obéissaient à des chefs particuliers de guérillas, répandus dans ce vaste pays, où la difficulté des communications, le défaut de grandes routes, la nature du terrain et la pauvreté même des peuples étaient un obstacle à l'entretien des troupes elà la soumission des habitans. Les corps particuliers qu'on y avait envoyés, après s'être établis dans des postes fortifiés, après avoir livré quelques combats aux guérillas de Guadalupe-Vittoria, avaient disparu; et tandis que los troupes royales occupaient les grandes villes, les provinces de Valladolid, Guadalaxara, Guanaxuato, Zagatecas, Cohahuela et jusqu'au Texas, étaient intérieurement dans un état d'insubordination et d'anarchie. Les chefs de ces mouvemens révolutionnaires, puissamment favorisés par de clergé inférieur, composé presque tout entier d'indigènes, se communiquaient librement; il ne leur manquait que des armes et un chef pour opérer une révolution, faite isolément sur plusieurs points.

Dès le commencement de l'année, un officier mexicain, nommé don Joseph-Félix Thespalacios, ramassant les débris de la bande de Long et des aventuriers qui avaient entrepris de s'établir au Texas, s'y était fait une sorte de gouvernement militaire; et, sous le titre de lieutenant-général des armées mexicaines et président de la junte suprême du Texas, il avait déclaré l'indépendance de la province et la dissolution éternelle des liens qui l'attachaient à l'Espagne européenne.... Mais cette tentative, faite dans une province inhabitée, dans un désert, à trois cents lieues de la capitale, y excitait peu d'inquiétude, lorsqu'un mouvement plus dangereux éclata presque à ses portes.

Au mois de février, un colonel de l'armée royale, nommé don Augustin Iturbide, né au Mexique, dans la ville de Valladolid,

« Je suis l'enfant des camps disait-il (discours du 1er octobre); des combats m'ont porté à la magistrature. La fortune m'a soutenu dans ce rang, la victoire m'y a confirmé; mais ces titres ne sont pas ceux consacrés par la justice, le bonheur et les vœux de la nation. L'épée qui a gouverné la Colombie n'est pas la balance d'Astrée ; c'est le fléau du génie du mal que le ciel fait quelquefois descendre sur la terre pour châtier les tyrans et avertir les nations. Cette épée sera inutile le jour de la paix, et ce jour sera le dernier de ma puissance, parce que je l'ai juré en moi-même ; je l'ai promis à la Colombie, parce qu'il n'y a pas de république quand le peuple n'est pas assuré de ses propres pouvoirs. Un homme comme moi est, je le sais, un c toyen dangereux dans un gouvernement populaire, il menace directement l souveraineté nationale. Je désire être citoyen afin d'être libre, et pour que tout le monde le soit aussi. Je préfère le titre de citoyen à celui de liberatour, parce que celui-ci émane de la guerre et l'autre des fois. Laissez-là tous ces honneurs dont le congrès veut me combler; je n'aspire qu'a mériter le titre d'un bon citoyen. »

Mais malgré ces efforts, le congrès n'en persista pas moins à vouloir lui déférer la dignité de président, et nomma le général Santander vice-président. Le congrès se sépara le 13 octobre, après une session remarquable par l'importance de son objet, par la nouveauté du spectacle, et même, dit-on, par le talent des orateurs qui s'y sont montrés.

A la fin de l'année, le président libérateur transporta le siége du gouvernement à Santa-Fé-de-Bogota, sans doute pour se trouver plus près du théâtre des intrigues et des opérations qui devaient étendre la république de Colombie jusqu'à la mer du Sud, dans la province de Quito. Cependant il n'était pas encore en posses sion paisible de ce qu'il avait conquis. Il existait toujours quelques partis espagnols dans la Nouvelle-Grenade; le blocus de Puerto Cabello était abandonné, des émigrés de l'intérieur s'y rendaien en foule; la république nouvelle était travaillée par des divisions intestines; elle était forcée de suspendre le paiement de ses tropes et des employés du gouvernement; la culture des terres était encore abandonnée; le commerce était embarrassé; la marine c pagnole de Puerto-Cabello tenait toutes les côtes en état de blocus: mais on n'en avait pas moins de confiance dans la durée des che ses; et tandis que les agens de la Colombie allaient solliciter des puissances étrangères la reconnaissance de son indépendance, el se fortifiait de ses alliances et des révolutions qui s'opéraient a tour d'elle.

MEXIQUE.

QUOIQU'ON ne parlât plus depuis quelque temps du Mexique, il y avait toujours eu dans l'intérieur, depuis la première révolution, des provinces qui ne reconnaissaient pas l'autorité du viceroi, qui avaient organisé une espèce de gouvernement indépendant, qui obéissaient à des chefs particuliers de guérillas, répandus dans ce vaste pays, où la difficulté des communications, le défaut de grandes routes, la nature du terrain et la pauvreté même des peuples étaient un obstacle à l'entretien des troupes età la soumission des habitans. Les corps particuliers qu'on y avait envoyés, après s'être établis dans des postes fortifiés, après avoir livré quelques combats aux guérillas de Guadalupe-Vittoria, avaient disparu; et tandis que les troupes royales occupaient les grandes villes, les provinces de Valladolid, Guadalaxara, Guanaxuato, Zagatecas, Cohahuela et jusqu'au Texas, étaient intérieurement dans un état d'insubordination et d'anarchie. Les chefs de ces mouvemens révolutionnaires, puissamment favorisés par le clergé inférieur, composé presque tout entier d'indigènes, se communiquaient librement; il ne leur manquait que des armes et un chef pour opérer une révolution, faite isolément sur plusieurs points.

Dès le commencement de l'année, un officier mexicain, nommé don Joseph-Félix Thespalacios, ramassant les débris de la bande de Long et des aventuriers qui avaient entrepris de s'établir au Texas, s'y était fait une sorte de gouvernement militaire; et, sous le titre de lieutenant-général des armées mexicaines et président de la junte suprême du Texas, il avait déclaré l'indépendance de la province et la dissolution éternelle des liens qui l'attachaient à l'Espagne européenne.... Mais cette tentative, faite dans une province inhabitée, dans un désert, à trois cents lieues de la capitale, y excitait peu d'inquiétude, lorsqu'un mouvement plus dangereux éclata presque à ses portes.

Au mois de février, un colonel de l'armée royale, nommé don Augustin Iturbide, né au Mexique, dans la ville de Valladolid,

homme d'un caractère impétueux et partisan zélé de l'indépendance, qui avait déjà fait des tentatives inutiles auprès du viceroi pour obtenir quelques modifications en faveur du pays, ayant préparé de longue main son régiment, presque tout composé d'indigènes, disparut tout à coup, et alla se réunir avec son corps aux bandes de Guerreiro et Guadalupe-Vittoria dans la province de Mexico; Cavaleri, qui commandait à Cuernehaca, suivit leur exemple. Iturbide, reconnu par eux général en chef des troupes mexicaines, publia le 24 février, à Ignala, les bases d'un arrangement qu'il proposait au vice-roi du Mexique, portant:

Que la religion catholique, apostolique et romaine serait maintenue, à l'exclusion de toute autre ; que la Nouvelle Espagne serait indépendante de l'ancienne, sous une monarchie modérée et réglée par une constitution faite par des cortès du pays, et où l'égalité des droits serait consacrée; — que le roi don Ferdinand VII, ou à son défaut un des princes de sa famille, serait Empereur du Mexique, où il viendrait résider ; —qu'en attendant son arrivée, une junte ou régence gouvernerait au nom de la nation;—qu'il serait formé une armée appelée des Trois Garanties, destinée, 1o à assurer la religion catholique, apostolique et romaine, et empêcher qu'il ne s'introduisit dans l'Etat aucune autre secte; 2o à maintenir l'indépendance du Mexique et son nouveau système politique; 3o à préserver l'union intime ́des Américains et des Européens..............

Ces propositions, acceptées avec enthousiasme par les provinces, reçurent, à Mexico, un accueil bien différent. La population indigène y était, comme partout ailleurs, disposée en faveur de la révolution; mais les autorités civiles, ecclésiastiques et militaires firent des adresses contre l'entreprise et les prétentions d'Iturbide. Les troupes jurèrent de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la cause de l'Espagne, et le vice-roi Apodaca, comte de Vénadito, envoya quatre à cinq mille hommes de la garnison de Mexico et plusieurs autres détachemens pour arrêter les progrès de l'insurrection.

De son côté Iturbide forma plusieurs petits corps pour rendre leurs mouvemens plus faciles et plus prompts; il arma le mieux qu'il put les indigènes, et se contenta de harceler l'armée royale, évitant les batailles générales. Après plusieurs combats sans résultats décisifs, les royalistes trouvant partout la population son

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