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unanime en sa faveur, il n'en fut pas moins rejeté (par 97 voix contre 87). Un autre amendement rétablit pour le département de Maine-et-Loire (art. 44) la circonscription originairement proposée par le gouvernement, mais ensuite modifiée par la chambre des députés; et au moyen de cette modification, la loi passa dans celle des pairs. (Nombre des votans, 180.-Pour la loi, 110. -Contre, 70.)

Mais l'amendement présenté le 5 mai à la chambre des députés y fit élever une question préjudicielle de la plus haute importance. Il s'agissait de savoir si, dans le cas d'un amendement fait par l'une des deux chambres sur quelques articles d'une loi passée à l'autre chambre, le ministère était obligé de reporter la loi tout entière à la délibération de celle-ci.

M. de la Bourdonnaye se prononça fortement pour l'affirmative. Le refus de reproduire tout entière une loi amendée lui parait contraire aux droits de la chambre et à la raison... Et signalant comme des intrigues des rapports ou des concessions entre le ministère et les commissions, il accusait le ministère de vouloir asservir la chambre et réduire les députés au rôle des muets de l'empire.

Contre cette opinion, M. le garde des sceaux prouva que, dans le cas spécial de la circonscription, l'art. 44 était tout-à-fait indépendant du reste de la loi. D'ailleurs, s'attachant surtout à repousser les inculpations faites aux ministres, il ne désavoue pas que le ministère ne se fût efforcé de demeurer pendant cette session en alliance avec la majorité. Il ajouta que les alliances ne se faisaient qu'au moyen de concessions réciproques; et « pourvu qu'elles ne « nuiseut pas à l'intérêt général, dit S. G., elles sont naturelles, « elles ne portent aucune atteinte à la dignité ni à la liberté de ⚫ cette chambre ; elles sont une condition de la forme du gouvernement qui existe en France aujourd'hui. »

On juge bien que cette explication ne satisfit pas les adversaires que le ministère trouvait encore ici aux deux extrémités de la chambre. Après beaucoup de bruit, de confusion et quelques personnalités injurieuses, la proposition de M. de la Bourdonnaye, Annuaire hist. pour 1821.

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haudement appuyée du coté gauche, fut écartée par une question de priorité; et malgré quelques protestations contre la clôture, l'article amendé par la chambre des pairs fut mis aux voix et adopté à une très-forte majorité (204 voix contre 36). Il est vrai de dire que la plupart des opposans du côté gauche avaient quitté la salle pour ne point prendre part au scrutin.

Comptes de 1819. -Immédiatement après la première adoption de cette loi, la chambre des députés s'était occupée de la discussion du projet relatif au règlement des comptes de 1819, composé de six lois, et porté à la chambre le 2 janvier.

Il n'est pas besoin d'en exposer les motifs; il suffit de rappeler qu'il proposait des supplémens de crédit pour certaines dépenses et des réductions de crédit sur d'autres ; en sorte qu'au moyen des viremens, les réductions laissaient sur les premières fixations des dépenses de 1819 une économie réelle de 5,663,014 francs, et qu'en définitif le budget de cette année 1819 devait être établi :

En recettes, à.

En dépenses, à.....

D'où résultait un excédant de......

à reporter aux ressources de l'année 1821.

868,312,284 fr.
863,853,539

4,458,745 fr.

Plus de deux mois se passèrent sans qu'on reparlât du projet dont le rapport fut fait au nom de la commission, le 12 mars, par M. de Magneval.-Après quelques critiques fort légères, il ne proposait que peu de rectifications dont on va voir l'objet.

(19 mars.) La discussion qui suivit quelques jours après aurait offert peu d'intérêt, sans les digressions étrangères dont les événemens du dedans et du dehors, la marche des Autrichiens sur Naples, la révolution du Piémont et les mouvemens survenus à Grenoble furent le prétexte ou l'occasion.

D'abord M. Caumartin, passant en revue les divers chapitres, se plaignit surtout de ce qu'on avait liquidé, ordonnancé et payé des créances que la loi de 1818 avait exclues; de ce que l'arriéré, sujet à liquidation, n'était pas connu; de ce qu'une grande partie du crédit accordé pour remboursement des capitaux à des titu

laires non remplacés étaient sans emploi. Il contrôla les crédits nouvellement demandés, les dépenses faites sans allocation provisoire. A ces censures il mela, sur le système ministériel, des réflexions critiques que fit bientôt oublier l'orateur appelé après lui... C'était le général Donnadieu,

Tout en appuyant le projet amendé par la commission, le général Donnadieu n'en approuvait par toutes les dispositions... Il reprochait aussi aux ministres d'avoir admis des créances frappées de déchéance, et d'offrir un effectif militaire si faible en proportion des dépenses, dans des circonstances où il faudrait peut-être prendre des mesures pour notre sûreté et notre indépendance. Puis, faisant allusion aux nouvelles arrivées depuis quelques jours de la révolution du Piémont, il accusait les ministres d'être les premiers provocateurs des révolutions qui ébranlent les trônes et menacent le monde entier d'une dissolution sociale, et s'étonne qu'ils s'obstinent de rester au timon des affaires au milieu des orages qu'ils ont suscités, sans prévoir le résultat nécessaire d'un système aussi faux que celui qu'ils ont adopté et suivi depuis six années....... »

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Des murmures continuels s'élèvent en vain du centre pour ar rêter l'impétuosité de son attaque; il reproche aux ministres « d'avoir tous les six mois changé de principes, d'avoir tour à « tour blâmé, approuvé, censuré les mêmes doctrines; proscrit, rappelé, persécuté, caressé, proscrit de nouveau les mêmes actions, les mêmes hommes; de n'avoir donné à la France, au lieu de • bonnes institutions, que des lois d'exception; d'avoir, au lieu ⚫ de faire des économies, employé des agens à ourdir des conspi «rations; d'avoir excité les partis l'un contre l'autre et soufflé le « feu qui embrase l'Europe »; et enfin, rappelant la proposition qu'il avait faite la veille (1), il concluait à l'adoption du projet amendé par la commission.

α

Par une mesure dont l'application parut bien extraordinaire envers un orateur du côté droit, l'impression du discours fut

(1) Elle tendait à supplier le roi de choisir un autre ministère. — Elle n'a pas eté prise en considération.

refusée. Mais M. de Villèle crut devoir à cette nouvelle attaque une nouvelle réponse. (20 mars.)

De funestes divisions avaient partagé les royalistes, dit-il ; les plus déplorables conséquences en ont été la suite, personne ne peut le contester; et chacun, comme c'était inévitable, puisqu'il y avait eu division, est resté convaincu que si tous avaient suivi la mème route que lui, tous auraient bien fait, et que ceux qui ont pris l'autre étaient dans l'erreur. Un vaste champ est donc ouvert aux combats entre nous sur ce point, et il ne faut ni de grands efforts de logique, ni de longues recherches historiques pour trouver les raisonnemens, pour trouver les faits qui sont propres à ranimer ces funestes divisions.

« Tout ce qui a été dit de part et d'autre, tout ce qui a été fait pendant que nous étions divisés, doit être banni de nos discussions accoutumées ; car c'est sous peine de voir détruire à l'instant, de nouveau, cette union de tous les royalistes autour du gouvernement du Roi, que dépend incontestablement le salut du pays.

« Ce n'est ni par grâce ni par générosité que doit être fait ce sacrifice; it est commandé par notre intérêt, par notre devoir; car ce n'est que par ce moyen que nous pourrons parvenir à préserver de toute atteinte les intérêts généraux dont la conservation nous est accordée.

« Si, après avoir écarté de la discussion tout ce qui, dans le discours auquel je réponds, doit être repoussé par votre sagesse, j'arrive au temps dont le ministère actuel est justement responsable, j'y trouve une série d'actes honorables pour lui, profitables pour le pays, actes dout les plus notables ont été préparés par lui de concert avec ceux des anciens membres de cette chambre, auxquels, en arrivant de vos départemens, vous vous êtes empressés de vous associer, et contre la même opposition contre laquelle vous luttez vous-mêmes aujourd'hui.

..... C'est par ce ministère qu'a été présentée la loi dont la France vous a si généreusement récompensés par l'esprit qui a présidé aux dernières élec tions.

Depuis que les royalistes, réunis au ministère, ont obtenu la majorité dans les colléges électoraux, la majorité dans cette chambre, les inquiétudes se sont apaisées, et l'on peut compter sur le repos de la France, sur le maintien de l'ordre légitime et la stabilité de nos institutions.

C'est dans ces circonstances, messieurs, c'est envers une administration formée sous de tels auspices, aux actes de laquelle vous vous êtes associés, et vous vous associez tous les jours, que vous permettriez, que vous toléreriez, sans les repousser, des attaques aussi injustes? Vous accuseriez le gouverne ment de faiblesse, vous inspireriez de la confiance à ses ennemis? Ce serait, j'ose le dire, une honte pour la monarchie: car, quoi de plus ignominieux de se diviser et de se débander en présence du danger commun? Et ce danger, d'où pourrait-il résulter, si ce n'est de ces funestes divisions ellesmêmes? Le danger n'est certainement pas dans l'exemple des événemens qui ont eu lieu dans des contrées voisines, qui n'ont rien d'applicable à notre situation. Ce ne sera pas à nous qu'on demandera une constitution que le Roi nous a déjà donnée, et dont nous jouissons avec assez de latitude. »

que

:

Ce discours, dont on ne peut donner que la substance, fit sensation mais il avait plus d'une fois excité des mouvemens, d'un côté, par l'énergie avec laquelle il accusait les principes ou les espérances des révolutionnaires; de l'autre, par les éloges qu'il donnait au ministère. On en ordonna l'impression. M. de Girardin demanda qu'on fît le même honneur à celui auquel il servait de réponse. La proposition de M. de Girardin n'eut pas plus de succès que les efforts du général Donnadieu pour reprendre la parole.

Un autre orateur appelé à la tribune, M. le général Tarayre, n'y porta pas moins de chaleur; mais sa situation le rendait moins importun aux ministres. Il débuta par des considérations générales sur le gouvernement, qui, selon lui, « n'est plus un droit, mais une délégation dans le gouvernement représentatif. »

« Ce qui constitue essentiellement cette espèce de gouvernement, dit l'orateur, c'est le mode d'élection des mandataires du peuple. En vain observeraiton toutes les autres formes, si le mode d'élection est vicieux, le gouvernement représentatif est dérisoire; il doit devenir de nouveau le droit d'une petite faction de la nation : il peut s'établir à l'avantage d'un petit nombre qui l'exerce contre le repos et la sûreté du grand nombre qui le supporte.....

< On a beau lui laisser quelques formes apparentes et trompeuses, le gouvernement n'en est pas moins devenu une usurpation; il n'a d'autre but que d'assurer des bénéfices à ceux qui l'exercent, au détriment de ceux qui le supportent. Certes un peuple qui se trouverait dans cette position serait bien plus à plaindre que s'il était soumis à un pouvoir absolu. Obligé de nourrir et d'engraisser une aristocratie avide, il ne lui resterait d'autre moyen de salut que sa force et son désespoir; il ne pourrait pas même invoquer le secours de la royauté, elle serait impuissante; l'aristocratie la tiendrait enveloppée dans les formes légales en apparence du gouvernement représentatif, et le roi de re peuple ne serait qu'une idole dont les aristocrates seraient exclusivement les prètres et les desservans. »

Ensuite, après une critique sévère des comptes, dans lesquels on ne peut mettre de l'ordre sans la spécialité », le général Tarayre, revenant à l'aristocratie, qu'il accuse d'entretenir le désordre pour en profiter, apostrophe ainsi le côté droit :

« Liés avec toute l'aristocratie européenne par un traité qui, comme la foudre, descendait du ciel pour frapper la terre, vous avez suivi la marche des congrès; vous en étiez les commissaires dans cette chambre; vous avez suivi ici le mouvement des armées autrichiennes s'avançant vers Naples, vous vous arréterez avec elles; si elles sont vaincues, vous tombez dans le néant; si elles

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