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« Qu'un des bills présentés à la chambre des communes par M. Plunkett contient des clauses qu'aucun ecclésiastique catholique ne peut consciencieusement admettre;

< Que ces clauses sont inutiles, vexatoires, dangereuses, et enfin subversives de la religion catholique romaine en Irlande; qu'il est nécessaire de convoquer le plus tôt possible une assemblée générale de tout le clergé catholique de ce diocèse, pour prendre en considération les moyens de faire parvenir leurs opinions à la chambre des lords, et prier leurs seigneuries de ne point donner leur sanction auxdites clauses. »

Malgré cette contradiction bien inattendue, la chambre des communes avait soutenu son bill; mais on sent ce qu'elle donna de force à l'opposition qu'il devait trouver dans la chambre des lords, où il fut porté et lu pour la première fois le 3 avril, d'un avis unanime, avec la déclaration pourtant que le comte de Liverpool et le lord chancelier firent de l'intention où ils étaient de le combattre.

Le 16 avril, le comte de Donoughmore, appuyant la seconde lecture du bill, exposa comment, avec un système d'intolérance poursuivi pendant plus d'un siècle avec une sévérité et une injustice extrêmes, le dernier règne avait pourtant ouvert aux catholiques l'espoir d'un meilleur avenir. Il rappela les concessions qui leur ont été faites successivement, et surtout celles de 1793, qui, en donnant aux catholiques d'Irlande les franchises électorales, les avaient placés dans une situation plus favorable que les catholiques d'Angleterre; « anomalie politique, qui ne pouvait être justifice par aucun principe de législation. » D'ailleurs, en examinant la question de l'émancipation en général, le noble orateur considère que les catholiques ont usé des droits qui leur ont été rendus, avec prudence et loyauté; qu'ils se sont montrés aussi attachés à la constitution du pays que les protestans, et ce fait lui paraît suffisamment réfuter ceux qui prétendent qu'on ne saurait confier du pouvoir politique aux catholiques romains, sans mettre en danger la religion établie, et par suite la constitution même de ce royaume protestant.

« Je suis aussi dévoué que personne au maintien de notre constitution et de notre église protestante, dit S. S.; mais je ne conçois pas les dangers qu'on prétend entrevoir dans l'admission des catholiques à une jouissance plus complète des droits politiques. On nous représente le pouvoir du pape comme

un objet de craintes et d'inquiétudes, comme un pouvoir qui oblige tout catholique à travailler au renversement de l'église protestante et à l'extermination de ceux que les catholiques appellent hérétiques. Mais le pape actuel, par un acte spontané, a fait supprimer, dans le serment des ecclésiastiques anglais et irlandais, ces mots, objets de tant de fausses interprétations : « Je poursuivrai <et combattrai de tout mon pouvoir les hérétiques et les schismatiques. » Le pape a encore fait ajouter à ce serment la clause suivante : « J'observerai d'au<tant plus inviolablement le présent serment que je suis plus certain qu'il ne <contient rien de contraire à la fidélité due à notre très-gracieux monarque « et à ses successeurs au trône. » D'après ces précautions, dictées par le pape lui-même, on ne peut plus soutenir qu'il cherche a s'arroger un pouvoir temporel.......

«La faculté de siéger au parlement accordée aux catholiques ne change rien aux droits que la constitution garantit à l'église anglicane. Les exceptions, maintenues par le bill suffisent pour empêcher toute violation.

« Le roi, devant toujours être protestant, ayant toujours à se défendre contre les attaques des catholiques, prendra soin, s'il nommait un ministre catholique, de le choisir tel qu'il ne pût attaquer la religion établie................ Après plusieurs raisonnemens déjà employés dans l'autre chambre sur l'inconvénient des précautions injurieuses prises contre le clergé catholique, lord Donoughmore termine en déclarant qu'il n'est pas le partisan de la seconde partie du bill, relative aux restrictions à imposer au clergé catholique dans ses communications avec le siége de Rome. Ces restrictions contiennent, selon le noble comte, des clauses très-offensantes pour l'honneur du clergé catholique, clauses qui leur supposent des intentions criminelles et qui les soumettent à une gène nouvelle. Si le bill, comme le noble pair l'espère, est pris en considération et renvoyé à un comité, lui et les autres lords de son opinion se proposent de substituer à toutes les restrictions indiquées dans le bill un article qui créerait une commission mixte de grands fonctionnaires protestans et de prélats catholiques, chargée d'exercer tous les pouvoirs du gouvernement relatifs à la surveillance des affaires catholiques. >

Le comte de Mansfield, s'opposant au bill, combat d'abord l'idée qu'on pourrait avoir de reconnaître comme établie en Irlande la religion catholique, ainsi qu'on avait fait en Ecosse pour la religion presbytérienne.

« L'histoire et la conduite de l'église de Rome méritent quelque considération dit-il le désir du pouvoir et de la domination est inaltérable et permanent dans cette église... Elle a quelquefois cédé sur des points de discipline importans; il est reconnu que le célibat des prètres est un point, non de foi, mais de discipline, établi en vue d'obtenir la suprématie. La puissance des papes dans ce pays a été abolie au temps de la réformation; mais elle est restée tout entière en Espagne, dans les Pays-Bas, et dans d'autres contrées. Il en est résulté qu'on n'y a fait aucune concession à l'esprit libéral du siècle; que les plus grands abus s'y sont perpétués; que l'église à voué à la vengeance tous ceux qui s'opposaient à elle.... Sans doute l'église romaine a rarement use

de son pouvoir comme elle le fit dans le massacre de la Saint-Barthélemi. Mais quand a-t-elle condamné ce massacre? quand a-t-elle condamné la révocation de l'édit de Nantes? J'admets les dispositions amicales et tolérantes du pape actuel, mais qui garantit à ce pays que ses successeurs auront les mêmes dispositions, puisque chaque pape jouit d'un pouvoir absolu et infaillible? Quelle garantie nous présenterait une convention avec le pape actuel, lorsque son successeur pourrait l'annuler? L'église de Rome reconnait le pouvoir du pape, tout bon catholique est sujet à ce contrôle : l'esprit de toutes ses institutions n'est pas uniquement l'établissement du pouvoir spirituel, mais aussi de la domination temporelle.» Ici le noble lord cite les progrès de la puissance et des prétentions des prêtres en France, depuis la restauration; et récapitulant les avantages que le bill proposé doit assurer aux catholiques : Ce bill reconnaît, dit S. S., que le roi doit être protestant, mais il lui permet de prendre des ministres catholiques, c'est-à-dire, qu'il abandonne la plus grande sécurité pour conserver la moindre. Les catholiques ne peuvent siéger dans les cours ecclésiastiques, mais rien ne les empèche d'y influer de mille manières : on n'a pas même pris de précautions pour empêcher qu'un catholique devint le précepteur d'un héritier du trône, et que, soutenu par un ministère catholique, il ne pervertisse les principes religieux et politiques de son élève.......... Le bill interdit aux catholiques la place de lord-lieutenant d'Irlande, mais il les admet à celle de secrétaire, dans les mains duquel est toute l'administration..... On dit que l'influence des catholiques ne sera pas considé rable dans le parlement, mais il va d'abord entrer dans la chambre haute un grand nombre de pairs catholiques, et ce nombre peut être augmenté demain au gré d'un ministère catholique...., et, dans l'un et dans l'autre, l'action persévérante du parti doit enfin les faire triompher.... La religion catholique a une prédilection pour le pouvoir arbitraire........... La presbytérienne tend à la démocratie, mais la religion protestante, anglicane, digne du peuple qui la suit, n'enseigne que des principes de charité, de justice, de liberté raisonnable, d'ordre et de modération. Cette glorieuse fabrique, surveillée par nos ancêtres avec une pieuse sollicitude, est maintenaut menacée par des ennemis secrets plus dangereux par leurs artifices: et si ses protecteurs naturels l'abandonnent, elle tombe, et avec elle disparaitront sous ses ruines, les biens, les lumières, la liberté, les vertus éclatantes de ce pays. »

On a remarqué que tout le clergé de l'église constituée était contraire au bill, et on en a déjà indiqué les motifs. L'évêque de Londres les développa avec plus de force et de talent que tout autre. En rendant justice à la loyauté des catholiques, et en particulier de ceux d'Angleterre, il croit qu'on doit une tolérance absolue à tout culte qui n'est pas contraire à la morale; il veut que les catholiques jouissent, non-seulement de la liberté de leur culte, mais encore de tous les droits civils et de toute la protection des lois. Mais au-dessus de ces lois est le pouvoir politique, et c'est ce pouvoir que S. S. ne veut pas leur accorder, dans la

crainte des dangers qui en résulteraient pour l'église anglicane.... Sa grande objection contre eux est tirée des principes da la religion catholique, qui exige de leur part une soumission illimitée à une autorité étrangère, autorité qui exerce sur les consciences un empire absolu, en leur interdisant même l'exercice de leur raison en matière de religion....

« C'est un principe de cette religion, dit S. R, de regarder tout dissident en matière spirituelle comme rebelle, et d'exiger de ses assermentés soumission uniforme et sans restriction à ses intérêts et à son pouvoir; d'où il suit qu'aucun serment contraire à sa discipline ne peut être regardé par un catholique comme légal et valide, à moins d'une réserve mentale, admise dans tous les sermens des catholiques, et qui est de l'essence de leur politique religieuse.... Le protestant n'a pas de pareilles réserves à faire. Il ne répond de son serment qu'à son Dieu, tandis que le catholique en répond à son église, règle invariable et fixe de son devoir. — C'est contre ce principe de restriction mentale que les précautions ont encore été prises pour éloigner les catholiques de quelques grandes fonctions judiciaires dans lesquelles ils pourraient influer sur le sort de l'église protestante. Ces exclusions sont-elles suffisantes? Le bill, sous ce rapport, est rempli de contradictions, mais son esprit général est d'affoiblir ces liens d'amitié et de protection spéciale qui, aujourd'hui, unissent l'église anglicane à l'Etat....

« J'ai, continue l'évêque de Londres, tout le respect possible pour les membres du clergé catholique ; mais, comme tous les hommes, ils ont des intérêts et des passions : je ne peux pas croire qu'ils renoncent jamais à l'espoir de reprendre cette prééminence, ce pouvoir, ces priviléges dont ils doivent, dans leur opinion, se regarder comme dépouillés par une usurpation profane............ On semblait pouvoir s'attendre à quelques facilités de la part des catholiques à l'égard de la partie du bill qui contient des restrictions au sujet des communications avec Rome; ch bien, les prélats catholiques repoussent ces restrictions comme hostiles..... Ce n'est pas une révolution ouverte que je crains de la présence des membres catholiques dans cette assemblée, c'est une lente influence qui, peu à peu, provoquerait un changement total des rapports fondés par la constitution.... Je conjure la chambre de ne pas briser les liens si habillement établis entre l'Etat et l'église par la sage politique de nos

ancètres. »

Le duc de Sussex, frère du roi, se déclara ouvertement pour le bill, comme pair d'Angleterre et membre de la famille royale; il protesta de son dévoûment à l'église protestante; mais les droits de cette église lui paraissent suffisamment garantis par la distinction établie entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. S. A. R. croit que de nos jours il est impossible que le siége de Rome puisse acquérir aucune extension de pouvoir dans un Etat

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quelconque, sauf le cas où le roi de ce pays lui-même y prêterait son appui. «Il faudrait donc, dit S. A. R., pour réaliser les craintes que ce bill semble inspirer à quelques nobles pairs, que non-seulement nos ministres fussent catholiques, mais encore que notre monarque lui-même le füt. Or, un roi qui cesserait d'ètre protestant aurait par cela même forfait son droit de la succession, et n'aurait plus de capacité légale à être roi. La constitution a prévu ce cas, et le parlement saurait y remédier.»

Après S. A. R., le marquis de Buckingham, repoussant surtout ce qui avait été dit des restrictions mentales, fit observer qu'en supposant qu'on ne pût pas se fier aux sermens des catholiques, il faudrait aussi leur retirer les franchises électorales. Mais l'évêque de Chester, reprenant cet argument avec plus d'énergie: « La religion catholique, dit-il, ne laisse pas à ceux qui la professent le pouvoir de rendre aux protestans charité pour charité : elle enseigne qu'il n'y a pas de salut hors de son sein; elle damne toutes les autres communions. Tant que l'église catholique conserve de semblables dogmes, et tant que les catholiques croient à la doctrine de leur église, je déclare, au nom de notre sainte religion, qu'il y aurait du danger à leur accorder aucune augmentation de droits politiques ». Ce discours, mêlé de beaucoup de réflexions contre les jésuites qui viennent d'établir un collége à Stoney-Hurst, était terminé par des réflexions sur l'espèce de contradiction qu'il y a entre les principes du bill et le serment que le roi doit prêter à son couronnement, de maintenir l'église établie.

Seul de tous les prélats de cette église, l'évêque de Norwich entreprit la défense du bill, sous le rapport de la charité évangé– lique. C'est par les motifs les plus religieux qu'il repoussait toutes les lois pénales ou restrictives par lesquelles on prétendait soutenir la religion anglicane...., « qui le sera bien mieux, dit-il, par la charité, la modération, les lumières et les vertus de son clergé. »

Suivant lord Redesdale, « si l'on admettait des membres catholiques dans le parlement, bientôt le peuple de l'Irlande demanderait l'abolition des dimes; on essaierait de rendre l'église catho

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