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P'Irlande en démontrait la nécessité; mais le dernier roi se croyait lié par le serment de son sacre à maintenir le test-act. L'église anglicane, qu'on appelle l'église établie ou constituée, comme jouissant, outre ses biens, du revenu de la dîme, évaluée à 8,203,127 liv. sterl. (environ 204 millions fr.), et regardant comme un privilége constitutionnel que ses membres seuls eussent accès aux bantes places dans les deux chambres du parlement, repoussait de tous ses efforts un bill qui pouvait compromettre sa suprématie et réduire l'application des dîmes à l'entretien des cultes, dans la proportion de leurs sectateurs. Plusieurs ministres, lord Liverpool et lord Sydmouth, étaient contraires à l'émancipation complète et regardant l'alliance entre la couronne et l'église anglicane comme un ressort du mécanisme constitutionnel, ils craignaient que les catholiques une fois admis au parlement ne vinssent à y être en majorité, et ne voulussent abolir la loi qui impose aux héritiers du trône la condition d'être protestans: d'autres, lord Castlereagh et M. Canning, appuyaient l'émancipation comme très-propre à resserrer les nœuds entre l'Angleterre et l'Irlande, à quelques conditions, et autant qu'on n'aurait point l'air de céder à des pétitions impérieuses et violentes. Enfin la chance la plus favorable au succès des catholiques, c'est que le roi et le parlement actuel n'avaient pas encore prêté le serment de maintenir Ele test-act.

Pour ôter à cette discussion toute apparence d'influence exté©rieure, les chefs des catholiques d'Irlande étaient convenus de ne point faire faire de pétitions, mais il en arriva de toutes les parties de l'Angleterre. L'une d'elle, présentée par lord Nugent aux communes, était revêtue des signatures de sept pairs, de quatorze baronnets, de sept évêques, et d'un grand nombre d'ecclésiastiques ou nobles professant la religion catholique, qui demandaient l'abolition de tous les actes qui les excluaient encore des bénéfices de la constitution. D'ailleurs les pétitionnaires déclaraient qu'ils étaient prêts à jurer fidélité pleine et entière au roi, dans lequel seul ils reconnaissaient l'existence de la puissince civile dans le royaume, et qu'ils ne reconnaissaient dans. Annuaire historique pour 1821.

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aucun prince, prélat, Etat, ou souverain étranger, aucune puissance ou autorité dont ils pussent faire usage dans le royaume, dans aucun cas et pour aucun objet quelconque, soit spirituel, soit temporel que d'ailleurs les relations, soit avec le pape, soit avec tout autre individa étranger de leur propre communion, étaient purement spirituelles, etc....

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Le 28 février, après la lecture de cette pétition, M. Plunkett, fit la motion « que la chambre se forme en comité général pour prendre en considération les lois relatives aux sermens qui em• pêchent les sujets catholiques de S. M. de remplir divers postes « civils, ainsi que l'utilité et les moyens de les changer. » A l'appui de sa motion, l'honorable membre exposa l'injustice d'une loi qui prive un sujet de ses droits constitutionnels par le seul motif de sa croyance religieuse : que d'après le bill des droits, c'est le droit incontestable de tout sujet anglais de pouvoir obtenir toutes les places civiles et militaires : que les adversaires des catholiques sont inconséquens, puisqu'ils ne s'opposent pas à ce que des hommes de toute autre secte, séparée de l'église anglicane, jouissent de la plénitude des droits constitutionnels ils ne veulent d'exclusion que contre les catholiques; les dogmes qu'on attri buait faussement aux catholiques, sur la suprématie du pape, même en matières liées avec le pouvoir civil, ont servi de prétexte pour motiver cette exclusion; les déclarations, tant du pape que du corps catholique d'Irlande, ont ôté ce prétexte en établissant de la manière la plus authentique que les catholiques reconnaissent le pouvoir civil et politique de la couronne dans toute son étendue.,..

Il rappelle ensuite tout ce qui a été dit sur le danger de laisser le joug humiliant de ces exclusions peser sur un aussi grand nombre de sujets, sur une classe aussi respectable et aussi puissante.

« En Irlande, dit-il, les quatre cinquièmes de la population sont catholiques; n'est-il pas contraire à toute bonne politique de ne pas attacher cette masse à l'intérêt général de l'Etat par tous les liens possibles? Une situation des choses aussi contraire à l'union de l'empire ne peut pas rester étrangère aux sollicitudes du parlement. Les demi-concessions de 1793 doivent constamment irriter les esprits en Irlande. Uu catholique est électeur, mais n'est pas eligible:

il peut acquérir une telle fortune, une telle influence qu'il envoie un membre au parlement, mais il ne peut pas l'être lui-même; il peut nommer tous les membres d'une corporation municipale, et il ne peut y occuper la dernière place; il peut être commissaire de police, juré, receveur des contributions, mais non pas sherif; il peut être avocat, mais non pas conseil judiciaire de la couronneToutes ces restrictions ne tendent-elles pas beaucoup moins à contenter qu'à humilier et à exaspérer ceux qui en sont les objets? M. Plunkett termine en annonçant qu'il espère présenter dans le comité général une mesure qui satisfera tout catholique raisonnable, et qui n'effraiera aucun protestant honnéte.

En opposition à la mesure proposée, l'un des ministres, M. Peel, nie que le bill des droits assure à tout sujet anglais le droit illimité d'obtenir toutes les places. L'exclusion des catholiques du parlement et des conseils de la couronne n'est pas une flétrissure, une ignominie pour cette classe de citoyens ; c'est seulement une déclaration qu'ils ne sont pas propres à diriger le gouvernement d'un Etat dont l'église anglicane est une partie intégrante. 11 cherche ensuite à prouver que si les catholiques entraient en grand nombre dans les conseils publics, ils ne pourraient résister au désir de rétablir leur église dans son ancienne splendeur. Il insiste aussi sur la grande divergence d'opinions qui existe entre les catholiques eux-mêmes relativement à l'exercice du pouvoir royal dans la nomination des évêques; la majorité des catholiques n'a pas même voulu se rendre aux décisions du pape, qui les engageait à accepter les conditions proposées par la couronne. Il craint donc que toutes les mesures qu'on proposerait ne fassent qu'agiter les esprits sans les satisfaire. Son ancienne place l'ayant mis en rapport avec les principaux catholiques, il rend justice à leurs vertus, à leurs lumières; mais l'admission des candidats catholiques dans les élections parlementaires peut causer les mouvemens populaires les plus dangereux. Le temps, les progrès de la civilisation, l'adoucissement des mœurs doivent rapprocher les esprits, mais jusqu'à ce rapprochement, il lui semble dangereux de remuer cette grande question....

Mais dans l'opinion d'un autre ministre, lord Castlereagh, le danger qui pourrait résulter de l'entrée d'un grand nombre de catholiques dans le parlement est beaucoup plus éloigné qu'on

ne semble le penser. Leur admission n'aura lieu que dans une progression lente. Ceux d'entre eux qui obtiendront des siéges dans les chambres auront sans doute un pouvoir qu'ils n'avaient pas, mais il ne s'ensuit pas que le pouvoir du corps catholique en masse s'accroîtra; bien loin de là, les catholiques se diviseront davantage et auront un moindre pouvoir collectif. D'ailleurs, l'intérêt que l'immense majorité a dans la conservation de la constitution est si fort et si intime, qu'il n'y a pas à craindre que beaucoup de catholiques aillent joindre les ennemis de l'Etat. Il n'est pas à craindre que l'Angleterre ait jamais un roi catholique. Le ministre n'admet pas l'argument que M. Plunkett veut tirer du bill des droits; il pense que l'Etat a la faculté d'imposer à l'exercice des droits individuels les conditions qu'il jugera nécessaires à sa sûreté. « L'église anglicane, intimément liée avec l'Etat, doit être maintenue dans toutes ses prérogatives; elle a même droit à toutes les garanties. Mais cela ne doit pas empêcher de traiter les catholiques comme on traite les autres communions religieuses qui diffèrent de croyance d'avec l'église anglicane. Leur admission aux places doit être soumise aux mêmes régulations, c'est à dire que le bill d'indemnité annuel doit couvrir les incapacités légales dont les lois les frappent, et les exempter des peines qu'ils auraient encourues en acceptant des fonctions. »

Lord Castlereagh démontre ensuite que la politique générale de l'Europe est conforme à ce principe. « Pourquoi l'Angleterre sera1-elle le seul pays du monde où une croyance religieuse rende un homme inhabile à remplir une fonction civile? En France, aux Pays-Bas, en Allemagne, il n'existe rien de semblable. Le traité de Westphalie a contribué à effacer ccs restrictions. La seule stipulation qui fût adoptée à l'unanimité absolue au congrès de Vienne, fut celle que la différence de religion ne sera point un obstacle pour un homme d'arriver à une place qu'il est propre à remplir..... »

D'autres orateurs (Sir James Mackintosh, lord Bury, MM. Charles Grant, White, Fitzgerald, Brown, Martin et Dawson) parlèrent en faveur de la proposition, qui fut encore combattue par

MM. Bankes et G. Kill, et à deux heures du matin, la chambre s'étant divisée, la motion de M. Plunkett a passé à 227 voix contre 221 (majorité 6).

D'après cette décision, qui emportait celle de la question, M. Plunkett lut, dans le comité du 2 mars, une série de résolutions portant que, «< comme il y avait dans le serment exigé pour jouir de certaines places, franchises et droits civils, des déclarations contraires à la croyance de la transubstantiation, ou contre l'invocation ou l'adoration de la Vierge Marie, ou de tout autre saint, ou contre le sacrifice de la messe comme un acte de superstition et d'idolâtrie, il a paru au comité que ces déclarations n'ayant rapport qu'à des opinions purement spéculatives et dogmatiques qui n'affectent en rien la fidélité et le devoir de sujet, et qu'en conséquence, lesdites parties de serment peuvent être abolies; que quant au serment de suprématie, les sujets catholiques romains n'éprouvant de scrupule à le prêter qu'à cause du mot spirituel qui y est contenu, et que pour faire cesser ce scrupule, il conviendrait de déclarer le sens dans lequel ledit mot est employé que le comité était d'avis qu'un tel acte de révocation et d'explication fût accompagné d'exceptions et de règlemens qui . pourraient être jugés nécessaires pour conserver sans altération la succession protestante au trône, pour même assurer les droits et les libertés de sujet, et pour maintenir intacte l'église épiscopale protestante d'Angleterre, d'Irlande et d'Ecosse avec leur doctrine, leur gouvernement et leur discipline.

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Le bill rédigé en conséquence d'après ces principes, lu à la chambre des communes les 9 et 16 mars, fut attaqué et défendu par des raisons déjà données, et qui furent développées avec plus de zèle et de profondeur dans la longue discussion qui précéda la troisième lecture. C'est à celle-là qu'il faut nous arrêter.

23 mars. A la lecture du premier article du bill, qui tendait à donner une explication législative au serment de suprématie (1),

(1) Cet article était ainsi conçu : « Que, par certains actes rendus dans les parlemens de la Grande-Bretagne et d'Irlande, les sermens d'abjuration, d'al

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