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comme un instrument à un parti qui nourrit des projets dangereux contre l'Etat, contre l'église et contre notre constitution. Voilà mes raisons pour ne pas plus honorer la reine sous le point de vue politique que sous le point de vue moral. Que l'on cesse donc d'occuper la chambre d'une motion insignifiante et louche! qu'on attaque le ministère en face, afin que la chambre nous maintienne en plein honneur, ou qu'elle brise à l'instant même notre pouvoir. >

Enfin, après des débats prolongés où M. Brougham répéta en faveur de la reine des raisonnemens tirés de sa défense, la chambre prononça, sur la motion de M. Robinson, l'ajournement ou la question préalable, à la majorité de 310 voix contre 209....

Jamais la chambre des communes n'avait été plus nombreuse, et jamais les ministres n'avaient obtenu une majorité plus décidée. Mais les amis de la reine n'en furent pas découragés. Le marquis de Tavistock remit en d'autres termes la même question sur le tapis (séance du 5 février), dans une motion où il proposait à la chambre d'exprimer son opinon sur les mesures que les ministres avaient suivies envers la reine. Mais le résultat fut un triomphe de plus pour le ministère. La chambre écarta la motion par une majorité de 324 voix sur 512 votans,

Au moment où le ministère repoussait avec tant d'énergie les prétentions de la reine, il proposait à la chambre de prendre en considération la partie du discours du trône qui regarde le traitement à lui accorder, et de porter ce traitement à cinquante mille livres sterl. Mais à peine lord Castlereagh venait-il de faire cette proposition, que M. Brougham remit à la chambre un message de la reine, en témoignant qu'elle était très-sensible à la condescendance du roi, qu'elle aspirait à un arrangement qui était dans l'intérêt de tous les partis, mais qu'elle craignait qu'on ne voulût pas la remettre en possession des mêmes droits et priviléges dont les reines qui l'ont précédée ont joui depuis une longue suite d'années. S. M. déclarait qu'elle persévérait dans la ferme résolution de refuser toute espèce d'arrangement, tant que son nom continuerait à être effacé du rituel (message du 31 janvier).

A cette déclaration lord Castlereagh fit observer que la reine était parfaitement libre d'agir comme il lui plairait, et que si la

chambre lui votait un traitement, elle aurait droit de le refuser. Mais il s'éleva fortement contre les desseins du parti qui venait do proposer pour elle une souscription publique pour acheter une rente de cinquante mille liv. sterl., qui lui serait offerte au nom du peuple.

<< Dans une occasion précédente, dit-il, les conseillers officiels de la reine ont déclaré en son nom qu'elle n'accepterait rien de la part de la couronne, mais seulement de la part du parlement. S. M. la reine paraît ne pas connaitre notre constitution, d'après laquelle elle ne peut rien recevoir que de la couronne; mais elle est entraînée dans les procédés les plus inconstitutionnels; elle semble vouloir élever une puissance nouvelle qui doit disputer à la couronne la fidélité des sujets.... » En définitif, après bien des débats, lord Castlereagh a proposé de voter pour la reine une somme de cinquante mille liv. sterl. à elle assurée comme douaire en cas de veuvage, et qui serait placée à l'échiquier, où la reine la laisserait on la prendrait, comme elle le trouverait bon.-Cette proposition, soumise dans l'espace d'un mois à l'épreuve des trois lectures dans les deux chambres, n'a pas trouvé d'opposition; et nalgré le bruit qu'on en avait fait, il n'a plus été question de la souscription publique ouverte par ses amis."

Dans la session parlementaire britannique, comme dans la session française, il a été plusieurs fois question des affaires d'Italie, et l'opposition s'est toujours élevée contre le système d'intervention dans le gouvernement intérieur des nations, et contre les principes établis à Laybach. Ainsi, dans la séance des lords, du 19 février, le comte Grey, demandant qu'il fût donné à la chambre communication des notes échangées entre la Grande-Bretagne et les puissances étrangères au sujet de la révolution de Naples, avait censuré vivement la conduite des ministres, dont la circulaire (19 janvier) ne lui paraissait avoir d'autre but que de servir leur intérêt dans les discussions parlementaires, tandis qu'ils n'en adoptaient pas moins en secret les principes des souverains alliés.

Mais dans celle du 3 mars, après qu'on eut connaissance de la déclaration publiée à Vienne le 13 février, l'opposition se montra

plus forte et plus animée. Le marquis de Lansdown, s'élevant contre les mesures prises par les puissances alliées, exposa qu'il était d'autant plus urgent d'exprimer la désapprobation de ces mesures, que la déclaration récemment publiée à Vienne semblait prouver que la note du ministère anglais n'avait pas été comprise, et que les alliés avaient toujours l'air de présenter leurs principes comme approuvés par le gouvernement britannique.... Dans ses considérations générales sur l'Italie, le noble lord rappelle que les Carbonari avaient été créés et soutenus par les puissances alliées, dans le but de délivrer l'Italie du joug des Français; que dans les proclamations faites par lord Bentinck, au nom de l'alliance européenne, on invitait les Italiens à suivre l'exemple de l'Espagne.... Pourquoi donc s'étonner, dit le noble marquis, si Naples adopte la constitution des cortès, dont je ne défends pas les défauts, mais qui a été établie sous notre protection? L'Autriche a elle-même signé le traité de Chaumont, dans lequel les alliés ne parlent que de défendre les droits et les libertés des nafions. Maintenant le mot liberté est rayé du vocabulaire des alliés. Cependant, ces promesses, ces proclamations ont procuré aux alliés l'assurance des peuples. De quel droit annullent-ils à Troppau ce qu'ils ont sanctionné à Chaumont? »

En conséquence, après d'autres considérations sur les suites de Pinvasion des Autrichiens dans le royaume de Naples, le noble marquis demandait qu'il fût adressé des remercîmens au roi pour avoir bien voulu communiquer à la chambre une copie de la dépêche anglaise (19 janvier), et pour avoir refusé de participer aux mesures en question, les considérant comme contraires aux principes fondamentaux de la constitution anglaise et destructives du droit des gens existant; et que S. M. fût suppliée « d'employer toute son influence auprès des puissances alliées pour prévenir ou réparer les conséquences des mesures qui peuvent troubler la tranquillité de l'Europe, et qui, particulièrement dans leur liaison avec les doctrines par lesquelles on veut les justifier, sont d'un exemple dangereux pour l'indépendance des souverains et la sûreté des nations. »

A ce discours, fortement appuyé par lord Ellemboroug et par lord Holland, qui voudrait pousser le gouvernement anglais à la guerre, et l'accuse d'un accord secret avec le congrès de Laybach, même sur les principes et en dépit de la note, les ministres (lord Bathurst et lord Liverpool) objectèrent que l'adresse proposée serait impolitique et hostile envers les alliés; que les Carbonari ne voulaient pas la liberté de Naples, mais l'insurrection générale de l'Italie; qu'ils ne désiraient pas un gouvernement constitutionnel, mais l'anarchie ; que d'ailleurs, sans défendre les principes de la déclaration autrichienne (du 13 février), il avait suffi de prouver que le gouvernement britannique ne les adoptait pas, sans que cette divergence d'opinion dût troubler à d'autres égards la bonne harmonie entre l'Angleterre et ses alliés.

La question que nous avons à considérer, dit lord Liverpool, se subdivise en deux : 1o Dans la situation actuelle de l'Europe, la neutralité est-elle la meilleure politique pour l'Angleterre ? 2o La conduite actuelle du gouvernement est-elle une franche neutralité?

« A l'égard du premier point, je conviens avec le noble baron que nous devons toujours être prêts à soutenir une guerre pour la sûreté ou la dignité nationale. Mais je ne vois, ni dans les circonstances de l'Europe, ni dans la déclaration des alliés, ni dans les discours des nobles lords opposés, rien qui nous empeche de conserver la neutralité. Personne ne peut déplorer plus que moi les principes généraux mis en avant dans la déclaration des alliés. On ne voit que trop qu'il existe aujourd'hui dans le monde deux principes hostiles. La publication de la déclaration est l'acte le plus impolitique et le plus mal imaginé de la part des alliés. Jusqu'alors on pouvait douter de ce conflit de deux principes extrèmes; mais la déclaration avoue malheureusement le principe d'étouffer toutes les révolutions, sans distinction et sans égard aux circonstances, aux temps et aux causes. L'autre principe est celui de notre opposition, c'est d'appuyer toutes les révolutions, sans distinction, sans motifs, sans justification. Les nobles lords, de l'autre côté, ont l'air de regarder en principe général toute révolution comme un bien incontestable; le seul nom semble flatter leur coeur, Mais si nous nous rappelons maintenant quel est l'esprit de notre constitution, également éloignée du despotisme et des excès révolutionnaires, nous devons convenir que, dans cette lutte, la neutralité

est le seul parti qui nous convienne......

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a Venons au second point: Sommes-nous véritablement neutres? La déclaration du congrès, lue avec attention et interprétée avec exactitude, ne dit rien de ce que le baron y trouve. Les mots unanimité de principes et de vues d'après la construction de la phrase, d'après tout ce qui précède, ne peut s'appliquer ni à l'Angleterre, ni à la France, mais seulement à la Russie, à la Prusse et à l'Autriche. Cette unanimité ne comprend que ceux qui avaient' pris part aux délibérations du congrès. D'ailleurs nos propres declarations

suffisent pour faire foi. Le gouvernement napolitain a reçu avec satisfaction la note par laquelle notre ministre plénipotentiaire l'a assuré d'une parfaite neutralité. Les autres Etats secondaires ont aussi paru très-contens de la note circulaire de lord Castlereagh. »

Le ministre termine par des observations sur la différence entre la révolution de l'Espagne, causée par les fautes du gouvernement, et celle de Naples, qui paraît l'ouvrage d'une simple faction. Il ne veut pas décider s'il y a ou s'il n'y a pas lieu pour l'Autriche de prendre les mesures qu'elle prend ; « mais en tous cas, dit-il, l'Angleterre n'est pas obligée d'intervenir, et l'adresse ne peut être votée, par la raison que nous ne sommes pas préparés à la soutenir par

les armes. »

Ces explications données, on alla aux voix sur l'adresse, pour laquelle il n'y eut que 37 voix sur 121 votans.

Quelqu'importante que fût cette question, où il était difficile aux ministres d'attaquer les principes de la révolution napolitaine sans blesser ceux de la révolution de 1688, qui ont mis la maison de Brunswick sur le trône d'Angleterre, elle n'attirait qu'une faible attention auprès de celle qui venait de s'ouvrir à la chambre des

communes.

Emancipation des catholiques. Cette question, si souvent reproduite dans le parlement britannique, et toujours décidée contre les catholiques à une très faible majorité, ne s'était jamais présentée dans des circonstances plus favorables. . . . Il n'est pas inutile d'en rappeler au lecteur les élémens et les difficultés.

On sait que depuis l'établissement de la réforme en Angleterre, et surtout depuis la conquête de l'Irlande, il avait été rendu contre les catholiques des bills qui les excluaient de tous droits politiques, mais dont on avait successivement modifié les rigueurs. En 1793, on avait rendu aux catholiques les droits électoraux. Au fait, il ne restait plus guère, pour compléter leur émancipation, que de les admettre à siéger dans les deux chambres en qualité de pairs ou de membres des communes. Tout ce qu'on peut dire pour l'émancipation est connu. Les progrès de la tolérance religieuse dans toute l'Europe en avaient fait sentir l'avantage; la situation de

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