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le commerce et paralysé l'industrie : mais il s'y manifestait pourtant déjà une opposition réelle, annoncée par des arrestations, comme celle du patriarche de Lisbonne, par des émeutes populaires, par des apparitions de bandes de brigands sur plusieurs points, par des destitutions, par des changemens fréquens dans l'administration publique, et même par l'exaltation des principes dans les cortès, où de grands talens se sont d'ailleurs développés.

A l'égard des puissances étrangères, les relations du Portugal étaient comme suspendues. Les cours de Vienne, de Naples et de Turin avaient déclaré que, quoiqu'elles reconnussent les ministres de S. M. T. F. nommés avant le 24 août, elles étaient résolues de ne pas reconnaître le gouvernement actuel; et l'Angleterre, dissimulant des pertes et des injures, la prohibition de ses produits et le renvoi de ses officiers, semblait attendre le résultat d'une querelle mal décidée pour en tirer un bénéfice très-probable dans toutes les chances possibles de cette nouvelle révolution. On ne peut autrement expliquer son silence.

CHAPITRE XI.

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Grande-BretagNE. — Suites du procès de la reine. — Retraite de M. Canning. Association constitutionnelle Ouverture de la session du parlement. — Discussion de l'adresse. — Pétitions et vote d'une annuité pour la reine.— Motions sur les affaires d'Italie. - Bill en faveur des catholiques proposé par M. Plunkett, adopté par les communes, et rejeté par la chambre des lords. Déclaration de lord Castlereagh sur les principes da congrès de Laybach. — Objets divers. — Rapport du comité d'enquête sur la détresse de l'agriculture. Budget. Prorogation du parlement. Couronnement du roi. Réclamations de la reine rejetées par le conseil privé. — Cérémonies du couronnement. Départ du roi pour l'Irlande. - Mort de la Convoi de S. M., et troubles qu'il excite. — Arrivée du roi à Dublin.-Voyage en Hanovre Troubles en Irlande. Etat des Colonies.

reine.

Janvier. Les agitations excitées l'année dernière en Angleterre

par le procès de la reine tenaient encore le ministère en éveil et les partis en présence. Dans tous les comtés on rédigeait des adresses pour la défense de la reine, pour le rétablissement de son nom dans la Liturgie, et contre le système des ministres, qui firent exécuter rigoureusement l'ordre du conseil (12 février 1820) qui l'avait rayé même de la Liturgie de l'église d'Écosse, quoique non soumise à la suprématie du roi. M. Canning, dont la sortie du ministère était annoncée dès l'année dernière, à cause de son opposition au bill des peines et amendes, fut alors remplacé dans la présidence du bureau de contrôle par l'honorable M. Bragge Bathurst. Mais, quoique privé d'un homme habile, le ministère n'en poursuivit pas moins sa marche, appuyé par la portion considérable et riche de la nation, d'où il sortait aussi des adresses de félicitation en opposition à celles des partisans de la reine sur le système politique du ministère.

Il se forma vers cette époque à Londres, dans la haute classe de la société, une association dite constitutionnelle, dont le but avoué était : 1o de réunir tous ses efforts pour maintenir le bon

ordre et pour seconder la juste exécution des lois; 2° d'employer toute son influence, individuellement et collectivement, pour décourager et empêcher la propagation des principes déloyaux et séditieux; 3° d'encourager les littérateurs intègres et habiles à exercer leurs talens pour réfuter les sophismes, dissiper les illusions et dévoiler les faussetés que des malveillans emploient pour égarer le peuple; 4° d'avoir recours aux mesures légales qui seraient jugées convenables pour restreindre la publication et la circulation des libelles impies ou séditieux.

Cette association, qui répond sous quelques rapports à celle des bonnes lettres instituée à Paris en 1819, si ce n'est qu'elle s'arrogeait les fonctions réservées en France au ministère public, fut, comme on le pense bien, l'objet de vives réclamations. On la dénonça au parlement comme inconstitutionnelle, séditieuse, et réunissant tous les vices d'une inquisition. Mais toujours défendue par le ministère, elle n'en a pas moins poursuivi plusieurs écrits, dont les auteurs ont été condamnés à des peines plus ou moins graves.

23 janvier. Jamais le ministère britannique n'était entré dans une session avec plus d'ennemis et d'incertitude réelle de son sort que dans celle qui s'ouvrit le 23 janvier. Le roi, qui en fit l'ou→ verture en personne, annonça dans son discours l'assurance des dispositions amicales des puissances étrangères envers la GrandeBretagne, la continuation de la paix pour son peuple, l'accroissement du revenu public, l'intention où il était de proposer de nouveaux arrangemens pour le traitement de la reine, et l'indispensable nécessité de fortifier l'obéissance aux lois et aux institutions, sources de la prospérité et de la gloire nationales.

La rédaction de l'adresse en réponse à ce discours donna lieu dans les deux chambres aux plus vives discussions, surtout quant aux affaires d'Italie ( 23—24 janvier). Le comte Grey s'éleva contre le système politique des ministres, « La mesure des souverains de sommer le roi de Naples de se présenter à Laybach devant un tribunal constitué de sa propre autorité, dit-il, afin de répondre pourquoi il a donné la liberté à ses peuples, m'a rempli d'éton

nement et d'indignation..... Si une armée autrichienne s'avance sur Naples, et que notre escadre reste en même temps dans la rade de cette ville, n'aurons-nous pas eu l'air de concourir à cette vue odieuse? La paix générale exige qu'on maintienne l'indépendance des Etats secondaires. Est-ce que nous n'avons aucune influerce dans les conseils des puissances alliées pour faire prévaloir ce juste point de vue ? »

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Lord Liverpool, sans aborder la question principale, exposa la difficulté d'adopter un parti décisif dans des révolutions dont les causes, les chaînes et les effets pouvaient être très-différens; mais lord Holland insista par des raisonnemens exposés dans lelangage le plus violent contre les trois souverains alliés, qu'il nomma «<les barbares du Nord »; il demanda que, pour ne point encourir la honte de participer à l'attaque méditée contre les Napolitains, le ministère britannique saisît cette occasion de rcdemander à l'Autriche le remboursement de l'emprunt qu'elle doit à l'Angleterre depuis 1796, et qui est de plus de 16 millions de livres sterling (400 millions de francs), demande qui excita beaucoup de tumulte, mais sur laquelle le ministère éluda toute explication.

A la chambre des communes aussi, MM. Lamb, Warre et sir Robert Wilson demandèrent, sans en obtenir davantage, des éclaircissemens sur la conduite politique du ministère anglais. Lord Castlereagh, assura qu'il était étranger à l'exhortation adressée au roi de Naples de se rendre à Laybach, et qu'il ne participait pas aux résolutions des trois grandes puissances réunies à ce congrès. Mais quant à la révolution napolitaine, « il n'y a rien d'hostile, dit lord Castlereagh, dans notre répugnance à reconnaître tout à coup et formellement une révolution opérée d'une manière assez mystérieuse. Il est manifeste que c'est une secte qui l'a faite, et que cette secte, répandue dans d'autres pays, a le projet de réunir toute l'Italie en un seul État. Une circonstance aussi grave ne mérite-t-elle pas quelque réflexion? »-Quelques jours après (31 jan vier), les ministres déposèrent sur le burean des deux chambresla note circulaire du 19 janvier, comme un exposé fidèle de la politique suivie par le cabinct anglais relativement aux affaires de

Naples. On aura occasion de revenir sur ce sujet... D'ailleurs les deux adresses furent votées à l'unanimité.

L'opposition se montra plus vive et plus animée relativement à la cause de la reinc.

Les bureaux des deux chambres étaient couverts de pétitions qui demandaient toutes le rétablissement du nom de S. M. dans les prières publiques et la restitution de ses droits et priviléges, et chaque présentation était l'occasion de violentes diatribes contre les ministres. A la séance des communes du 27 janvier, lord Hamilton fit expressément la motion & de déclarer mal-avisé et in<convenant l'ordre donné en conseil privé, le 12 février, de rayer « des prières le nom de S. M. la reine, épouse du roi régnant. » « L'orateur exposa le danger et l'inconvenance de la conduite des << ministres envers la reine, dont l'effet était d'exaspérer le nom<<bre immense de ceux qui la croient injustement persécutée, de • provoquer la discorde et d'accélérer une révolution. »

Plusieurs membres du ministère, et surtout le procureur général de la couronne, qui avaient figuré l'année dernière au procès, repoussèrent les accusations adressées aux ministres ; ils s'appliquèrent à prouver, sans revenir sur les torts reprochés à la reine, qu'elle n'avait aucun droit formel à être nommée dans les prières publiques. « La conduite du ministère dans le procès de la reine a été franche, dit lord Castlereagh; il n'a employé aucun subterfuge pour contraindre les membres dans leurs opinions.

La majorité des deux chambres a adhéré à notre conduite, ajoute S. S. La chambre des communes a invité la reine, à 391 voix contre 124, à ne pas insister sur la demande de voir son nom dans les įprières, publiques. Dans la chambre des pairs, 123 membres l'ont trouvée coupable des chefs d'accusation qui lui étaient imputés. Il ne s'agit pas pour notre justification de savoir si elle est coupable ou non; la seule question qui nous regarde, c'est si nous l'avons accusée sur des soupçons frivoles, et sans les motifs les plus graves.

« Je conviens qu'après que nous avons retiré le bill, la reine est censée innocente dans un sens légal; aussi on lui accordera les droits que la loi lui attribue; mais qui oserait dire qu'elle est dans la situation d'une personne qui a droit à des marques d'honneur et de respect? Je ne viens pas répéter les fameuses dépositions; je plainsgla malheureuse situation où la reine s'est mise; mais puisqu'il y a encore tant de considérations qui peuvent la rendre dangereuse, j'arracherai le voile qui couvre sa culpabilité. Elle s'est prêtée

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