Page images
PDF
EPUB

[ocr errors]

CHAPITRE X.

-

[ocr errors]

PORTUGAL ET Brésil. Ouverture de la première session des cortès à Lisbonne. · Nomination de la régence et du ministère. — Décrets divers. Discussion et adoption des bases de la constitution.— Révolution à Para, à Madère, à Baya, à Rio-Janeiro, à Fernambouc.-Acceptation de la constitution par le roi.-Nouveaux troubles à Rio-Janeiro.-Massacre à cla Bourse. - Départ de S. M. pour Lisbonne. Gouvernement du prince héréditaire au Brésil.- Nouvelle révolution.-Création d'une junte provisoire. Suite des séances des cortès à Lisbonne. Arrivée du roi à Lisbonne. Difficultés qu'il éprouve. Formation du ministère. — Départ des ministres d'Autriche et de Russic. - Discussion de la constitution et décrets divers. Situation et embarras du gouvernement du Brésil.-Affaire de Monte-Video. Situtation générale du Portugal.

[ocr errors]

Ici les révolutions du Portugal se mêlent tellement à celles des provinces atlantiques de la monarchie portugaise, qu'on ne peut pas les séparer.

Nous avons laissé le Portugal occupé de ses élections pour la première session des cortès dans toutes les provinces; les choix tombèrent, à peu d'exceptions près, sur des personnes qui s'étaient hautement prononcées pour la révolution: il s'y trouva, comme en Espagne, beaucoup de militaires, d'avocats, et même de prélats.

Aux approches de l'installation des cortès généraux extraordinaires, attendue avec impatience, on avait fait partir de Lisbonne les corps de troupes que les événemens d'août et de septembre y avaient réunis. Cette installation, fixée aux premiers jours de janvier, fut différée d'une quinzaine, à cause du débordement des rivières qui empêchèrent les députés élus de se rendre à leur poste. Le 24 janvier, ils se trouvèrent assez nombreux pour se réunir en junte préparatoire, pour l'examen de leurs pouvoirs, sous la présidence de l'archevêque de Bahia. On y arrêta la formule du scrment à prêter, par les députés, dans les termes suivans:

• Je jure de faire usage fidèlement des pouvoirs qui m'ont été conférés, de maintenir la religion catholique et romaine et la dynastie de la maison de Bragance, en faisant les réformes convenables pour le bien de la nation.▾ Le surlendemain 26, après une messe du Saint-Esprit, où les députés prêtèrent serment au bruit des salves d'artillerie des forts et de la flotte, ils se rendirent à la salle de leurs séances, et le comte de San-Payo, vice-président du tribunal suprême, en fit l'installation par un discours où il proclama, comme les deux principes fondamentaux de la félicité publique et de la liberté portugaise, l'obéissance et la fidélité au roi Jean VI, à son auguste dynastie, et la profession pure et sincère de la religion catholique.

Le président provisoire des cortès, qui fut ensuite confirmé (l'archevêque de Bahia), y répondit en remerciant, au nom de la nation, le gouvernement pour sa bonne administration dans la crise qui venait de se passer. Il fut arrêté qu'il continuerait d'exercer ses fonctions jusqu'à la composition de la nouvelle régence (1), où l'on retrouve, ainsi que dans le ministère nommé en même temps (2), la plupart des membres de la junte provisoire supérieure.

Dans les premières séances, il fut proposé par les députés, ou au nom des commissions, de légitimer les événemens des 24 août et 15 septembre 1820, comme ayant fait rentrer la nation portugaise dans la possession du droit sacré d'avoir une représentation nationale (décret qui a été rendu le 23 mars), — d'abolir l'inquisition (24 mars), et diverses autres mesures comprises dans la rédaction des bases de la constitution, dont une commission spéciale fut, tout à l'ouverture des cortès, chargée de s'occuper.

(1) Le comte de San-Payo;-François de San-Luis; le marquis de Castello-Melhor, président; -M. Joseph da Silva Carvalho, et DacunbaSanta-Major.

(2) MM. Brancaamp, pour les affaires étrangères ; — Barradas, pour l'intérieur;-Duarte-Colclho, pour les finances; — Texeira-Teïjero Rebello, la guerre, ·et Maximien de Souza ́ pour la marine.

pour

[ocr errors]
[ocr errors]

La première partie du projet, présenté dès les premières séances (7, 8, 9 février), relative aux droits des citoyens, consacrant la liberté individuelle, la propriété, la liberté de la presse, l'égalité devant la loi, l'abolition des priviléges, l'admission de tous aux emplois, sans autre distinction que celle qui résulte des talens et des vertus, etc., ne donna lieu à aucune discussion intéressante ou orageuse, si ce n'est quant aux priviléges ecclésiastiques, dont l'abolition a pourtant été décidée postérieurement à une forte majorité. La seconde section, relative aux droits et à la forme du gouvernement, excita des débats animés, non quant à la reconnaissance de la souveraineté de la nation, qui passa sans réflexion comme un dogme anciennement reconnu, mais quant à la division du pouvoir législatif et aux attributions du pouvoir exécutif. La commission spéciale avait proposé un article (alors le 21, maintenant le 23) portant: « Le pouvoir législatif réside dans les cortès avec le concours de la sanction du roi, qui ne peut jamais user du veto absɔlu ». La discussion de cet article a duré plusieurs séances (22 - 26 février). Un orateur, (M. Pinheiro Azévédo) présenta, à la place de cet article, un décret spécial en cinq articles, dans lequel il proposait la création d'un troisième pouvoir qui serait intermédiaire entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif : d'autres (MM. Soarez, Girao et Miranda), soupçonnant qu'il s'agissait ici d'une seconde chambre, l'interpellèrent de déclarer ce qu'il entendait par ce troisième pouvoir, de quelles personnes il devait se composer, et qui devait les nommer; sur quoi M. Pinheiro, n'osant s'expliquer plus catégoriquement, répondit que si les cortès croyaient ce pouvoir intermédiaire nécessaire, ils en désigneraient les formes et les attributions, et il observait à cet égard que les Espagnols euxmêmes désiraient aujourd'hui ce troisième pouvoir (une chambre des pairs). Un autre orateur, M. Xavier Aranzo, proposa plus nettement les deux chambres; la première formée de députés élus par la nation, la seconde appelée Sénat, qui serait composéa de citoyens de toutes les classes, au nombre de 60, ayant 35 ans d'âge. Dans l'opinion contraire à la division du pouvoir légis

latif en deux chambres, M. Guerreiro dit que, pour obtenir l'équilibre des pouvoirs qui semblait être le but de la motion, il suffisait d'accorder au roi le veto absolu; mais M. Pereira do Carno, repoussant à la fois les deux propositions, celle d'un troisième pouvoir, dont la création ne pourrait maintenir l'équilibre, soit qu'il fût choisi parmi le peuple ou parmi les nobles, et celle du veto absolu, qui lui semblait une monstruosité politique, contraire à toute idée d'équilibre, opinion vivement appuyée par M. l'évêque de Beza, attendu, disait ce prélat, que le veto absolu pourrait être préjudiciable à S. M.

Enfin, après un discours où M. Girao, s'opposant au veto absolu et même au veto temporaire, fit sur le congrès de Laybach une digression où il affirma que le Portugal n'était pas moins disposé que les Deux-Siciles et l'Espagne à soutenir sa constitution, sa liberté et son indépendance, la question de la division des deux chambres et du veto ayant été divisée et mise aux voix en trois parties, il a été décidé, à une majorité de 59 voix contre 26, qu'il n'y aurait qu'une seule chambre; à la majorité de 78 contre 7, que le roi n'aurait pas le veto absolu; et à la majorité de 81 contre 4, que le roi aurait le veto temporaire.

Il s'éleva encore une discussion fort animée sur la question de savoir s'il devait y avoir un conseil d'Etat. Les opposans à cette création prétendaient que les cortès et leur députation permanente devaient être le conseil naturel du roi, et elle n'a été résolue qu'à la majorité d'une seule voix (42 contre 41) et par le vote du président (1er mars).

Quelques discussions de ce genre suffisent pour faire juger de l'esprit des cortès portugais. Il est fortement empreint dans les bases de leur constitution, plus démocratique encore que la constitution espagnole; elles furent adoptées en masse dans`la séance du 9 mars (Voy. l'Appendice).

Tandis qu'on démolissait ainsi l'édifice monarchique à Lisbonne, il était attaqué à Madère et au Brésil par les mêmes moyens que l'année dernière à Porto.

Dès le premier janvier, la révolution avait éclaté à Para, ca

pitale de la province de ce nom, ville grande, populeuse et commerçante, située à l'embouchure de la rivière de Tocantin. Un régiment d'infanterie en ayant donné le premier signal, en avait bientôt entraîné deux autres, puis l'artillerie, la cavalerie et les milices. L'ancien gouvernement avait été renvoyé et remplacé par une junte provisoire composée de deux colonels, deux négocians, du Juiz-do-Povo et du vicaire-général, qui signala son avénement par des proclamations dans le style ordinaire et terminées par la formule d'usage: Vive la constitution! vive les cortès! vive le roi Jean VI! vive la religion! et cette révolution se fit comme dans une grande parade, sans résistance, sans effusion de sang.

A Madère, elle eut lieu le 28 janvier; à Bahia, seconde ville du Brésil pour le rang, et la première pour son importance commerciale, où le même esprit fermentait depuis long-temps parmi les troupes et même dans les autorités civiles, elle ne trouva guère plus d'opposition. Le gouverneur et capitaine-général comte de Palma, ayant des informations ou des soupçons bien fondés d'un complot qui se tramait entre des officiers et des négocians, en avait écrit au gouvernement de Rio-Janeiro pour en obtenir des instructions et des renforts : les conjurés n'en attendirent pas la réponse. Le 10 février, à cinq heures du matin, un régiment d'artillerie, commandé par le lieutenant-colonel don Manuel Pierre de Freitas, sort du fort Saint-Pierre, s'empare du magasin à poudre, y prend des munitions et se porte sur la place du gouvernement; un autre lieutenant-colonel de cavalerie, François de Paule d'Oliveras, s'y était déjà rendu avec son régiment. En quelques instans ils y furent joints par d'autres corps dont les officiers formèrent, comme à Porto, un conseil supérieur militaire qui fit appeler le sénat de la ville, avec lequel ils nommèrent sans désemparer une junte provisoire de gouvernement. Le gouverneur, instruit de ce mouvement, voulait sortir, donner des ordres et prendre des mesures pour s'y opposer. On l'arrêta chez lui, et dans la résistance que firent ses domestiques, cinq à six de ceux-ci furent tués ou blessés. Obligé de céder à la force, il fut mené sur

« PreviousContinue »