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rent signer une représentation nouvelle, où, rappelant les raisons données dans la première, ils demandaient que les cortès missent de nouveau ce sujet en délibération, « en se pénétrant des motifs qu'avaient les autorités de Séville, en supposant l'ineptie d'un « ministère qui, ayant perdu la confiance de la nation, ne pouvait plus prétendre à la gouverner sans compromettre la tranquillité publique et allumer la guerre civile. « Dans une adresse au roi, ils déclarèrent « que la volonté du peuple s'op

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posait à l'admission des autorités nouvelles (de MM. Moreno« Daoix et Albistu), comme leur étant envoyées par un ministère << suspect, auquel ils avaient juré de ne pas obéir, même aut dépens de leur vie » ; et cette adresse finissait par demander le changement des ministres et la nomination d'autorités qui jouissent de la confiance de la province.

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A la réception de ces nouvelles représentations, appuyées quelques jours après par la junte de Cadix, qui renouvela (21 décembre) ses déclarations du 17 novembre, les cortès en renvoyèrent l'examen à une commission chargée d'en faire son rapport dans la séance du lendemain (23 décembre). D'après ce rapport, attendu avec impatience par tous les partis, la commission, considérant que les événemens de Séville et les représentations séditieuses faites aux cortès et au roi étaient moins l'effet de la volonté générale que l'ouvrage de quelques individus qui voulaient garder leurs places; que des autorités n'avaient pas voulu assister à la junte, tandis que le général Vélasco et le chef politique Escovedo, loin d'avoir empêché le désordre, avaient, par des moyens indirects autorisé la désobéissance et coupéré à la rébellion, concluait, au nom de la majorité de la commission, qu'il y avait lieu de poursuivre ou mettre en accusation Vélasco, Escovedo, et tous les signataires de la représentation; 1o à cause de leur désobéissance comme autorités et comme citoyens ; 2° parce qu'ils représentaient le congrès comme ennemi du peuple et de la nation qui a nommé ses membres.

Une longue et orageuse discussion s'engagea sur ce raprort les uns (MM. Cortès, Romero-Alpuente, etc....) s'opposèrent

aux conclusions, et défendirent la conduite du peuple et des autorités de Séville comme une preuve de leur zèle à soutenir la constitution et la liberté; ils représentèrent encore l'injustice des ministres, qui, sous les prétextes les plus minutieux, avaient éloigné les patriotes les plus distingués, comme Lopez-Banos, Riego, l'Empécinado, Mina, etc.... D'autres (MM. Calatrava, Torreno, Martinez de la Rosa) s'élevèrent avec énergie contre le droit d'insurrection défendu par les apologistes de la conduite des signataires de Séville; et enfin, après des débats vifs et souvent mêlés de reproches contre le ministère, la proposition de poursuivre tous les signataires de la pétition fut adoptée à une majorité de 112 voix contre 36.

Cette décision, courageuse pour le temps et vue avec indignation par les exaltés de Madrid, fut appuyée de mesures énergiques. Le général Campoverde marcha sur Séville avec plusieurs régimens et quelques pièces d'artillerie. Mais, soit par la répugnance des troupes, soit par la crainte où le ministère était de s'engager dans une lutte plus dangereuse pour lui que pour les factieux, ces démonstrations militaires n'eurent aucun résultat favorable à son autorité. Un nouveau chef politique nommé à Cadix (Romarate) fit cause commune avec Jauregui pour suspendre l'exécution des ordres du gouvernement jusqu'à ce qu'on eût rendu justice aux demandes des Andalous, c'est-à-dire, qu'on eût renvoyé le ministère. Presque toutes les provinces méridionales, Cordoue, Murcie, Valence, entrèrent en confédération à Barcelonne même, le peuple sembla se relever du tombeau pour demander le renvoi du ministère. Le 30 décembre, le capitaine-général, Villa-Campa, voulait y faire sa rentrée pour arrêter le mouvement et faire respecter l'autorité du roi contre les milicianos (gardes nationales mobiles) qui s'étaient prononcés en faveur de Cadix et de Séville. Il avait ordonné à deux régimens d'artillerie, qui se trouvaient à Saint-André, de se porter, tambour battant, mèche allumée, sur Barcelonne; mais les officiers lui déclarèrent positivement qu'ils n'obéiraient pas. Villa-Campa, ne pouvant ramener les soldats à leur devoir, tenta un dernier effort sur les milices de Barcelonne,

déjà rassemblées à la Rambla pour s'y mettre en défense dans le cas où l'artillerie aurait pris parti contre eux : toutes ses représentations furent vaines; il fut contraint de quitter Barcelonne, où l'on publia le même jour, au nom des citoyens et des soldats, une déclaration conforme à celles de Cadix et de Séville, et une adresse au roi terminée par les mots : « à bas le ministère. »

A côté de ces mouvemens séditieux au nom de la liberté, ils s'élevait des rixes entre les militaires et les milices, comme à Pampelune, où on fit désarmer les citoyens fatigués des excès de la faction militaire; il éclatait en plusieurs endroits de la Navarre, de l'Aragon, de la Galice et de la Biscaye, des insurrections d'une autre espèce, au nom de la religion et de la monarchie... Des bandes armées, conduites par des curés et des moines, paraissaient tout à coup dans les villages et dans de petites villes, où elles détruisaient les emblèmes de la liberté, la pierre de la constitution, et proclamaient la monarchie absolue, comme à Gironne, à Caspe, à Alcaniz, à Huesca, où elles établirent pendant plusieurs jours une junte monarchique. Tandis que le capitaine-général de l'Aragon, Alava, les dispersait ( du 11 au 15 décembre), il se formait du côté de la Navarre, à peu de distance du cordon sanitaire français, dans les vallées de Bastan et de Roncal, un autre corps de 12 à 1500 hommes, composé de moines, de soldats déserteurs, d'étudians, de paysans, d'émigrés espagnols, sous le commandement de D. Juan Villanueva, dit Juannito, et Santo Ladrone, anciens officiers de Mina, qu'ils avaient abandonné en 1814, lors de son entreprise sur Pampelune. Cette troupe, noyau de l'armée de la foi, était dirigée par une junte apostolique, dont les relations et l'autorité s'étendaient sur plusieurs autres points. Elle avait des armes, de l'argent et des habits. Le général Lopez Banos, chargé de la dissoudre, en rencontra plusieurs bandes qu'il mit en déroute à Arguinenza (19 décembre), à Puente la Reina (le 20), et auprès de Nera (le 26 ). A la suite de ces combats, livrés presqu'à la vue du cordon sanitaire français, les chefs civils et militaires des deux pays s'adressèrent des plaintes réciproques: on s'accusait mutuellement de favoriser les entreprises dirigées

contre les gouvernemens respectifs, querelles dont le développement n'appartient pas à l'histoire de cette année.

Au milieu de ces mouvemens, précurseurs d'une guerre civile, les élections pour les cortès ordinaires s'étaient faites, dans presque toule l'Espagne, sous l'influence de la faction militaire. Dans quelques endroits, comme à Pampelune, elles avaient occasionné des rixes sanglantes. On y avait choisi les ennemis les plus décidés des ministres, Riégo, l'idole du peuple, qui se disait hautetement le protecteur et père des Descamisados (sans chemise), D. Ramon Louis de Escovedo, qui fut soumis par les cortès à une enquête judiciaire (1), à raison de l'affaire de Séville, et tous les membres du ministère, surnommés les sept perles, renvoyés le premier mars.... Il ne faut pas douter que la crainte de voir succéder à une assemblée libérale une assemblée révolutionnaire n'ait beaucoup embarrassé les rapports des cortès et du gouverne

ment.

Sur la fin du mois de décembre, le roi tint plusieurs conseils d'Etat. On y délibéra sur le message des cortès relativement aux

ministres. Les uns, regardant la résolution des cortès comme l'ouvrage de la faction des communéros et des Américains, et comme attentatoire à la prérogative royale, étaient d'avis de n'y point avoir égard; les autres exposaient que maintenir le ministère, c'était se mettre en guerre ouverte avec les cortès; mais presque tous furent d'avis qu'avant de faire un changement, il fallait commencer par faire les autorités déléguées par respecter le ministère à Cadix et à Séville.... Cependant les ministres, ainsi divisés entre eux, offraient leur démission; le roi demandait tour à tour des candidats à son conseil, aux libéraux, à la majorité des cortès, qui refusait de donner à cet égard ni conseil, ni assentiment; enfin, de quelque côté que se tournât le roi, il ne trouvait

(1) Il a été acquitté le 25 avril 1822, par le tribunal de première instance

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que des partis et des passions, et la fin de l'année est arrivée sans qu'il y eût rien de décidé (1).

Nous n'avons pas parlé de la lutte de l'Espagne avec ses colonies. Nous en traiterons au chapitre de l'Amérique. Il suffit de rappeler ici au lecteur qu'après la conclusion de l'armistice entre les gé néraux Bolivar et Morillo, des négociateurs (MM. Echevarria et Ravenga) avaient été envoyés à Madrid pour traiter de la paix, et que M. Zéà, ministre de Colombie, y arriva peu après pour solliçiter de l'Espagne et de plusieurs autres cours de l'Europe la reconnaissance de la république colombienne. A la nouvelle de la rupture de l'armistice, l'Espagne renvoya les commissaires et rejeta toute proposition d'indépendance; mais on continua de délibérer dans le sein d'une commission spéciale des cortès sur les arrangemens à prendre avec les colonies du continent américain. D'abord il n'était question que d'y établir trois sections de cortès (à Mexico, Santa-Fé-de-Bogota et Lima). Mais après la bataille de Calaboso et la déclaration d'Iturbide, la commission des cortès semblait se réduire à conserver avec ces colonies une espèce de lien fédéral, consacré par un tribut ou subside annuel de huit millions de piastres, et garanti par un gouvernement tiré de la famille régnante en Espagne.

(1) Dans la séance du 9 janvier 1822, un message officiel apprit aux cortès que S. M. avait accepté la démission des ministres des affaires étrangères ( Bardaxi), de l'intérieur ( Félia ), de la guerre (Sauchez Salvador), et des finances (Vallejo ).

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