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active ou locale. Le même décret déclare que la nation espagnole établit la force armée pour défendre l'Etat contre les ennemis extérieurs, assurer la liberté politique, l'ordre public et l'exécution des lois; que c'est un crime de trahison de faire abus de la force armée pour offenser la personne sacrée du roi, pour entraver la libre élection des députés aux cortès, etc.... Un autre a partagé l'Espagne en huit divisions militaires, dont les chefs-lieux ou quartiers-généraux sont: Madrid, Barcelonne, Saragosse, Vittoria ou Pampelune, la Corogne, Séville, Grenade et Badajoz.

A cette création d'une armée nationale les cortès ont ajouté des mesures sévères pour arrêter les progrès de l'opposition qui se manifestait sur plusieurs points contre le nouvel ordre de choses... Ils ont prononcé la peine de l'exil, à terme plus ou moins long, pour tout Espagnol qui propagerait des maximes ou des doctrines tendant directement à détruire ou à bouleverser la constitution de la monarchie; des amendes plus ou moins fortes contre ceux qui provoqueraient à l'inobservation de la constitution, par des satires ou des invectives; et dans tous les cas, la destitution du fonctionnaire public qui contreviendrait à une disposition expresse de la constitution.

Par d'autres précautions qui signalent toujours les dangers, les cortès ont adopté ( séances du 15 au 25 avril) un nouveau mode de procédure à l'égard des prévenus de conspiration contre l'État et la constitution; c'était de les soumettre, quels que fussent leurs rangs et leurs grades, au jugement d'un conseil de guerre composé d'officiers; jugement exécutable, pour la peine capitalé, dans les 48 heures, à moins que leur arrestation n'eût été faite par ordre ou réquisition de l'autorité civile. D'après ce décret, les autorités politiques doivent faire publier, aussitôt qu'elles sont informées de l'existence de quelque bande, un édit, pour sommer les factieux de se disperser, et de se rendre dans leurs foyers respectifs; et après un temps suffisant pour que cet édit soit connu d'eux, toutes personnes qui se trouveront réunies aux factieux, avec ou sans armes, tous ceux qui auront favorisé la rébellion ou la désertion, etc...., seront soumis à la juridiction militaire.

Troubles. La sévérité de ces mesures était en grande partie l'effet des nouvelles qui arrivaient à chaque instant de plusieurs points du royaume où se montraient des bandes royalistes, et surtout de la province d'Alava, où le curé Mérino avait organisé un mouvement contre-révolutionnaire. Sa bande, forte de 7 à 800 hommes, venait de s'emparer de Salvatierra et d'y renverser la pierre de la constitution aux cris de Vive la religion! vive le roi absolu!... La garde nationale de Vittoria, s'y étant portée, avait été battue et faite prisonnière. Déjà les insurgés marchaient sur Vittoria, quand ils furent atteints, à Ochandiano, par le capitaine-général de la Navarre (Lopez Bagnos), partì de PampeJune avec un détachement du régiment de Tolède. Le choc fat court et décisif. Une partie des insurgés se rejeta sur Salvatierra, où elle essaya un moment de se défendre derrière quelques restes de fortifications. On lui fit 400 prisonniers, qui furent envoyés à Pampelune, et les chefs, presque tous moines ou curés, farent traduits devant un conseil de guerre, et peu après exécutés. L'autre partie de la troupe de Mérino se jeta avec lui dans la province de Rioxa, d'où elle ne tarda pas à sortir.

Ces nouvelles, répandues à Madrid en même temps qu'on instruisait le procès du chapelain Vinuesa, y donnèrént lieu à des déclamations plus violentes que jamais contre le gouvernement... Vinuesa, dont la populace attendait la mort comme une vengeance nationale, n'ayant été condamné (3 mai), par le juge de première instance Arrias, qu'à 10 années de galères dans un des grands présides d'Afrique, il se forma, le lendemain matin, dans les rues de Madrid, des groupes où la populace, excitée par ses agitateurs, manifesta son mécontentement de la sentence rendue. L'agitation augmentant par degrés, elle se porta, vers 3 heures de l'après-midi, à la prison de la couronne, avec l'intention de s'emparer du condamné. Le détachement de la milice nationale, voulant s'y opposer, fit feu par la fenêtre sur la multitude, qui, s'étant procuré des pioches et des marteaux, enfonça les portes, pénétra jusqu'au malheureux chanoine, et le massacra avec les mêmes instrumens qui lui avaient servi à forcer la prison.

Après cet attentat, la terreur fut universelle à Madrid : on arrêta les gardes nationaux qui se trouvaient de garde à la prison; les cortès ordonnèrent une enquête, elle ne produisit aucune lumière sur les auteurs du mouvement dont le malheureux Vinuesa venait d'être victime: il n'en resta que la triste consolation de donner le nom du Marteau (Martillo) à la faction qu'on en supposait coupable. Du reste, le gouvernement montra un moment d'énergie. Le général Morillo, comte de Carthagène, si célèbre par sa défense opiniâtre des colonies espagnoles, venait d'arriver à Madrid: on crut que sa renommée et son caractère imposeraient quelque respect aux agitateurs; on lui proposa la place de capitaine-général de Madrid; il hésita ou feignit d'hésiter à l'accepter, sous prétexte qu'il se manifestait des doutes sur son attachement à la constitution. A la fin il céda aux sollicitations du ministère. D. Copons y Navia fut nommé chef politique à Madrid. On arrêta d'y réunir, ainsi que dans les environs, une armée de 12,000 hommes.... La tranquillité parut se rétablir.

Mais elle ne fut pas de longue durée. Le 28 mai, le tribunal de première instance de Valence condamna le lieutenant-général D. François Xavier Ellio à la peine de mort (du garotte), comme ayant préparé, en 1814, la destruction du régime constitutionnel. Cette sentence, dont le condamné appela,, n'eut pas cette année son exécution, et ce délai ralluma dans les clubs la soif de la vengeance, d'autant plus animée, qu'on l'accusait de conspirer du fond de sa prison avec Zaldivar, dont les guérillas désolaient l'Andalousie, et avec Mérino, qui venait de reparaître, par un coup d'éclat, dans la province de Burgos.

Le 26 mai, Mérino avait surpris, à Tordueles, un détachement du régiment de Catalogne, et sur le refus que l'officier avait fait de se rendre, irrité de sa résistance courageuse, il l'avait fait fusiller, lui et son détachement composé de 8 hommes.

Cette exécution cruelle, faite en représailles des jugemens rendus par les conseils militaires ou tribunaux constitutionnels, excita dans les cortès une vive indignation. La commission spéciale chargée de présenter les moyens propres à mettre fin aux symp

tômes de rébellion proposa (1er juin) un projet de loi qui donnait des pouvoirs illimités aux chefs militaires de la province de Burgos, pour en faire usage selon les cas et les circonstances. Après de longs débats pour et contre le projet, que des orateurs voulaient rendre applicable à toutes les provinces où la rébellion viendrait à éclater, en y joignant des mesures sévères contre les curés et les alcades, « protecteurs de Mérino», plusieurs autres députés firent sentir l'inconvénient et les conséquences fatales qui pourraient en résulter, au moment où les cortès devaient se dissoudre ; ils exposèrent qu'il était plus convenable de renvoyer le projet présenté par la commission spéciale, qui, réunie à la commission chargée de présenter le rapport sur les moyens de maintenir la tranquillité publique, rédigerait de nouveau un projet plus convenable aux circonstances et au véritable sens des lois libérales, ce qui a été adopté.

Peu de jours après, le roi ayant consenti précédemment à proroger la session d'un mois, pour achever les travaux commencés, le ministre de l'intérieur fut interrogé en comité secret sur l'état de la nation. Comme on lui faisait des reproches très-amers au sujet du nombre des mécontens qui s'armaient sur divers points de la péninsule, il répondit que les ministres manquaient d'argent, et que le public était entièrement opposé au système qu'ils s'efforçaient de suivre.

Des bruits de toute nature circulaient alors dans les clubs, dans les cortès, et même dans le public, sur des manœuvres contre-révolutionnaires, sur le renvoi de trois ministres à qui celui de l'iatérieur aurait refusé d'envoyer leur démission. Au fait, lui seul remit son portefeuille, que le roi donna (5 juin) à D. Ramon Lopez Pellegrin, conseiller au tribunal suprême de justice.

Dans la crainte où le parti libéral était de ce mouvement contrerévolutionnaire annoncé pour le milieu de juillet, il sollicitait de toutes les provinces des pétitions pour demander la convocation des cortès extraordinaires immédiatement après la clôture de ceux-ci; et M. Moreno de Guerra en avait fait la motion spécale ( juin). Mais le roi, sans se refuser absolument à ce désir,

évita de s'expliquer sur l'époque de la convocation, jusqu'à la clôture de la session, dont il faut rappeler les résultats les plus importans, tels que l'organisation entière de l'instruction publique, sur les bases arrêtées l'année dernière (V. l'Ann. p. 1820, p. 443.); la suppression des gardes du corps, qui seront remplacés par un corps royal de cavalerie (25 avril); la soumission des ecclésiastiques aux tribunaux et aux peines ordinaires (29 id.); la prohibition d'exporter du numéraire à Rome pour l'obtention des bulles, dispenses et indulgences aux grâces apostoliques, droits en compensation desquels il serait offert au saint-siége une offrande annuelle de 200,000 réaux (1), sauf à augmenter cette assignation, si à l'avenir le royaume se trouvait en état de le faire; - l'abolition des droits seigneuriaux résultant d'un titre féodal, loi dont l'art. 2, portant que les titulaires de ces droits seront tenus d'exhiber le titre primordial en vertu duquel ils possèdent, a été vivement discuté, et a passé à la majorité de 85 voix contre 67. A ce sujet, il a été remarqué, par des députés libéranx et par le président, que la conduite de la noblesse espagnole était telle qu'on pouvait la désirer; que beaucoup de nobles avaient franchement adopté les principes constitutionnels; que l'on ne trouvait parmi eux ni agitateurs, ni conspiratenrs. Quoi qu'il en soit de la vérité de cette assertion, le nouveau décret était propre à en faire et bien qu'il n'ait pas reçu la sanction du roi, la classe qu'il menaçait n'en fut pas moins mécontente.

Un décret relatif à la constitution des cortès assigne aux députés des législatures de 1822 et 1823 un traitement de 40,000 réaux, dont ont joui ceux de la législature actuelle. Mais aucun député

(1) Le rapporteur de la commission a dit que, d'après le dernier concordat, on avait donné, une fois payé, à S. S., un capital de 310 mille écus romains, dont les intérêts s'élevoient chaque année à 686 mille réaux ; qu'on payait en outre chaque année 344 mille réaux à la fabrique de Saint-Pierre, 13,020 réaux à celle de Saint-Jean-de-Latran, 100 mille réaux au nonce; que ces trois parties s'élevaient à 457,689 réaux; et enfin il a ajouté que chaque année il sortait d'Espagne de 5 à 6 millions de réaux pour frais de dispenses et grâces apostoliques.

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