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dans le golfe de Lépante, où, après avoir pris et incendié la ville de Galaxidi (1-2 octobre), il ramena en triomphe une trentaine de petits navires grecs.

A son retour, il fut harcelé par la flottille grecque dans la mer Ionienne. Un brick turc, poursuivi et jeté par le vent sur la côte de Zante, y causa une espèce d'insurrection de la part des habitans, qui, toujours plein de zèle pour la cause grecque, voulaient attaquer le brick turc. Des soldats anglais furent envoyés pour faire respecter la neutralité sévèrement recommandée par le haut commissaire; il en résulta un combat où les soldats anglais perdirent quelques hommes, et à la suite duquel des paysans ioniens furent pendus, le reste désarmé et livré à la rigueur d'une occupation militaire.

Enfin, après avoir tenu la mer pendant quatre mois, l'amiral turc, Kara-Ali, rentra (le 22 octobre) dans les Dardanelles sans éprouver d'échec, mais aussi sans avoir fait d'autre opération que de ravitailler les places de la Morée, sans avoir même tenté la réduction de Samos, qui paraissait être le but principal de son expédition.

Les îles de l'Archipel et la côte d'Asie étaient presque toutes, excepté Chio, en proie au feu de la révolte ou à la rage frénétique des musulmans. En Chypre, quoiqu'il n'existât pas le moindre indice d'une insurrection, et après que le désarmement général des Grecs eut été opéré (en novembre), soit par un instinct, soit en vertu d'un ordre secret, la populace musulmane de Larnica, s'étant soulevée, massacra l'archevêque, plusieurs prélats,' et presque tous les Grecs de la ville. A Smyrne, à la nouvelle de l'insurrection de Candie, les désordres recommencèrent. Une troupe de Turcs candiotes y tenait la population grecque dans la terreur d'une extermination générale... Les consuls européens dans cette résidence (2 novembre) présentèrent au pacha Hassan et au divan une note où ils se plaignirent fortement des massacres qui se commettaient depuis un mois dans le quartier franc, malgré les ordres formels du grand-seigneur. Ils attribuaient ces fureurs à l'ivresse, à l'ouverture des tavernes, où les soldats et la populace

turque fallaient mutuellement s'exciter à la vengeance... Ils obtinrent enfin que le quartier franc serait évacué par les Turcs; que ceux qui provoqueraient les francs seraient exilés ou arrêtés; que les cafés et billards seraient fermés, et que les soldats candiotes sortiraient de la ville, en s'engageant de leur côté à ordonner aux Francs de ne plus porter leurs armes d'une manière ostensible afin d'éviter toute provocation et toute défiance, et à faire embarquer les sujets suspects de leurs nations respectives. D'après ces mesures conciliatoires, l'ordre u'a plus été troublé, mais en quelques jours qui avaient précédé cette espèce de trève, il y avait en plus de mille chrétiens massacrés, et le nombre en eût été plus considérable s'ils n'eussent été recueillis chez le consul général de France et sur la flotte française, qui, pendant toute la durée des désordres, resta à l'ancre ou en croisière sur ces parages.

A Constantinople aussi, quoiqu'après le départ de M. le baron. de Strogonoff, toute espérance d'accommodement semblât perdue, l'ambassadeur anglais, l'internonce autrichien et le chargé d'affaires de France, ne cessaient de représenter à la Porte la nécessité d'adopter un système plus modéré à l'égard des Grecs. La sublime Porte, cédant à leurs instances, publia une nouvelle amnistie; elle fit même faire au gouvernement d'Hydra des propositions qu'il rejeta. Elle destitua le seraskier Jussuf-Pacha d'Ibraïl, en remplacement duquel elle envoya Salih-Pacha avec les ordres les plus sévères pour contenir la férocité et les brigandages des Asiatiques..., Mais en même-temps elle sévissait avec rigueur contre ceux qui étaient pris les armes à la main, ou même qui étaient soupçonnés d'entretenir des intrigues avec les rebelles; elle ordonnait au nouveau patriarche de remettre au gouvernement une liste exacte de tous les Grecs habitant la capitale avec leurs familles; elle pressait l'arrivée des troupes asiatiques et les préparatifs de guerre. Un nouvel hatti-schériff, qui n'a pas été publié dans la capitale, grâce aux instances des négociateurs, avait été rendu le 20 septembre pour l'armement des musulmans. Il eut des suites terribles dans les provinces, et plusieurs incendies qui eurent alors lieu à Constantinople manifestèrent le mécontentement que la populace avait de ne pas pouvoir satisfaire sa fureur.

Cependant l'empereur Alexandre, avant d'en venir aux hostilités, avait fait communiquer aux cabinets des graudes puissances de l'Europe une note rédigée en forme de circulaire, où son cabinet faisait d'aberd observer qu'il ne s'était jamais trouvé dans une position plus favorable qu'aujourd'hui pour obtenir, par une guerre avec la Porte ottomane, l'accomplissement des conditions proposées par lui au Divan. Ensuite on y ajoutait que S. M. I., n'ayant rien tant à coeur que la pacification de l'Europe, était disposée à faire pour la conservation de la paix les plus grands sacrifices, supposé que les cabinets européens trouvassent dans leur sagesse des moyens efficaces pour obtenir de la Porte ottomane des garanties indispensables pour mettre les chrétiens de la Torquie à l'abri d'une répétition des scènes violentes dont ils avaient été victimes et telle étant la disposition de S. M. I., « les cours de l'Europe étaient priées d'aviser incessamment aux moyens propres à atteindre le but désiré, et de la dispenser ainsi de la nécessité d'obtenir par la force des armes l'accomplissement des conditions que l'honneur de la couronne, le maintien des traités, la protection de la religion chrétienne et l'humanité lui ont fait un devoir d'exiger de la Porte.....

Cette note fut l'objet d'une délibération importante dans le cabinet de Vienne, et ensuite du voyage du prince de Metternich à Hanovre. Dans la situation actuelle de l'Europe, dans la crainte des révolutions et d'une guerre dont on ne pouvait calculer les suites pour l'ordre social et pour l'équilibre politique, l'intérêt de l'Autriche et de l'Angleterre n'était pas douteux. Il paraît aussi que dans les conférences d'Hanovre, leurs ministres (le prince de Metternich et le marquis de Londonderry) se sont pleinement accordés dans leur manière d'envisager l'état de l'Europe et la situation compliquée de l'empire ottoman, et dans les moyens et les démarches à tenter pour satisfaire aux vœux de la cour de Pétersbourg, dans le but d'ôter à celle-ci tout prétexte d'une rupture éventuelle avec la Porte..

Alors même qu'on délibérait dans les conférences d'Hanovre sur les moyens de prévenir cette guerre si menaçante, le 19 octo

bre, arrivait à Constantinople une nouvelle note russe en répli que à la note turque du 28 juillet. On y renouvelait les demandes contenues dans celle du baron de Strogonoff sur l'exécution des traités précédens, l'établissement et la garantie des Grecs non coupables, la reconstruction des églises, l'évacuation immédiate des provinces de Valachie et de Moldavie, la nomination des hospodars, etc.... Elle fut dans le divan l'objet de délibérations fort animées, et dans le public le sujet de grandes agitations.... Tout à coup, avant qu'on eût obtena de réponse définitive, le 1er novembre, le Reiss-Effendi Hamed-Bey fut destitué et exilé à Siwas, et peu de jours après transporté en Asie. Sa destitution, attribuée à l'influence de lord Strangford, et la nomination de son successeur Sadik-Effendi, ancien sous-secrétaire au même département, homme d'un caractère modéré, parurent favorables au maintien de la paix.

Dans l'exaltation ou étaient le peuple, les janissaires, les troupes d'Asie, et même les étudians (Saftas), on leur donna, comme assorti à leurs goûts, le spectacle de plusieurs exécutions de Grecs insurgés faits prisonniers en Valachie. Le capitaine Pharmaki, pris au couvent de Secka après des prodiges de valeur, était de ce nombre. On fit exposer aux portes du sérail les têtes des deux fils d'Ali-Pacha (Mouktar et Véli) et celle de Janko Callimachi, décapité à Césarée, comme convaincu de trahison; exécution dont la nouvelle fit une telle impression sur son frère l'hospodar, qu'il en est mort sur-le-champ, frappé l'apoplexie.

Au milieu des désordres dont la capitale de l'empire était le théâtre, arriva la nouvelle d'une attaque des Wéchabites, qui menaçaient les villes saintes de Médine et de la Mecque, celle d'une insurrection des Druzzes du Liban et des Maronites du mont Carmel, qui n'eut pas de suite, et celle d'une invasion des Persans, dont on ne sait encore bien ni la cause, ni les détails.

Cette guerre avait commencé par une incursion des Kurdes, à laquelle on ne fit pas grande attention, qu'on ne regarda d'abord que comme une de ces expéditions de brigands assez ordinaires à ces peuples, et contre lesquelles les pachas de Bagdad et de Wan

envoyèrent quelques troupes qui les repoussèrent. Mais ils étaient appuyés par le prince de Kermantschah, Mohamined Ali-Mirza, fils aîné du schal de Perse, qui s'avançait avec un corps considérable. Il entra dans l'Arménie, marcha sur Erzerum, publiant contre la Porte un manifeste où il traitait sa hautesse de schiz (hérétique), ennemi du kalife Ali, seul successeur légitime da prophète. Sur les premiers rapports parvenus à la Porte au sujet de cette invasion, des ministres étrangers se flattèrent que le prince Mohammed-Ali, ennemi acharné des Turcs, pouvait l'avoir fait sans autorisation, par suite d'une jalousie contre son frère cadet, destiné au trône, et dans le but de se faire un royaume particulier de l'Arménie et des provinces qu'il pourrait arracher au grand-seigneur. Aussi la Porte et même l'ambassadeur anglais Strangford envoyèrent des courriers tartares et des agens secrets, chargés de savoir à Téhéran le sentiment du schah sur l'entreprise de son fils. Mais en attendant, on prit les mesures les plus rigoureuses contre les sujets de la Perse séjournant par hasard ou pour affaires de commerce à Constantinople; on fit séquestrer leurs biens ou marchandises; on les jeta en prison, on publia le firman de déclaration de guerre (le 15 novembre); on envoya trente Capidschi-Bachi pour faire lever toute la population turque de l'Asie contre les Persans, et la haine qui règne entre les deux sectes se ranima plus fariense que jamais.

Au demeurant, cette guerre, attribuée par le peuple aux intrigues des Grecs ou de la Russie, n'eut pas cette année d'autres suites que la prise de quelques places, telles que Kars, et ToprahKaleh sur le Tigre. Les opérations furent arrêtées par la perte du prince Mohammed-Ali-Mirza, qui est mort, à la fin de l'année, du cholera morbus, qui désolait alors la province de Bagdad.

Ainsi l'empire ottoman était attaqué dans son sein et sur toutes ses frontières, et au milieu de tant d'attaques et d'embarras, il montrait dans ses mesures contre ses ennemis, contre les rebelles, une inflexible fermeté.

Sur la fin de cette campagne, les deux parties belligérantes eurent des succès et des revers... A Salonique, le nouveau pacha

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