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ministre des finances un crédit en rentes de 3,884,328 fr., et en outre de l'autoriser à émettre jusqu'à la concurrence de la somme de 60 millions des annuités remboursables à raison de 10 millions par an, en six années, de 1821 à 1826. D'ailleurs le trésor prenait l'engagement de pourvoir au paiement du capital et des intérêts qui pourraient être affectés à ces annuités, sans qu'il en résultât de surcroît de dépenses, et le ministre s'obligeait de rendre compte à la chambre de tous les crédits ouverts.

(10 février.) La commission chargée d'examiner le projet n'y fit aucune objection sérieuse. Il lui parut que le système de la loi reposait tout entier sur la confiance qu'on devait avoir dans la fortune de la France, ainsi que dans le ministre chargé de son exécution, et le rapporteur (M. Dussumier Fontbrune) en proposa l'adoption.

(12 février.) Une chose remarquable dans la discussion de ce projet, c'est qu'il trouva du côté droit des adversaires aussi décidés que du côté gauche. M. Sirieys de Mayrinhac, premier orateur inscrit, s'attacha d'abord à combattre les motifs que le ministre avait donnés pour l'émission des annuités, dans la crainte de voir baisser les rentes. Il exposa que, dans la situation actuelle des finances de l'Etat, les variations du jeu de la bourse étaient de peu d'importance; qu'il ne convenait pas à la dignité de la puissance royale de s'inquiéter de l'effet que ses actes financiers ou administratifs produiraient dans les comptoirs des banquiers; que l'émission de 30 millions de rentes destinés au remboursement intégral des créances, ne devant s'opérer que dans le terme de 6 ans, n'aurait aucun inconvénient; que l'exactitude à payer les créances et l'action continue de la caisse d'amortissement soutiendraient le crédit et détruiraient ce système d'agiotage, d'autant plus à ̧ redouter qu'il est injuste dans certaines circonstances, et qu'il sacrifie les avantages de tous pour ceux d'une partie de citoyens, dont la masse des intérêts n'est pas la dixième partie de ceux de la population du royaume.

Après M. Duvergier d'Hauranne, qui différait peu du système ministériel, vint M. Casimir Perrier, dont l'opinion étai

attendue avec plus d'intérêt. Débutant par quelques observations critiques sur le discours du ministre, sur la nécessité de ne laisser aucune équivoque, aucune incertitude en matière de crédit public, il représenta que le meilleur moyen d'accorder à la fois les intérêts des contribuables et du crédit, c'eût été de préparer par de véritables économies le paiement total ou partiel des reconnaissances de liquidation auxquelles on propose de satisfaire par un emprunt à des conditions onéreuses.

« On ne fait que prolonger la dette, dit-il, en la remplaçant par des annuités.... Le projet de loi ne se réduit pas à demander un simple crédit en rentes; on veut en outre un crédit de 60 millions d'annuités, c'est-à-dire que le gouvernement propose de mettre à sa disposition 100 fr. pour en payer 50, en permettant, il est vrai, de tenir compte du surplus, ce qui n'est dans l'intérêt de l'Etat, ni dans celui des créanciers.... Il est dangereux pour lui, inutile pour les autres, de créer des doubles valeurs. - Le gouvernement représentatif est la terreur de la mauvaise foi et l'asile de la confiance. Il est de sa nature de dédaigner, pour inspirer plus de sécurité à ses créanciers ; toutes ces doubles valeurs, tous ces plans compliqués, toutes ces combinaisons prétendues habiles, qui n'appartiennent qu'à l'enfance des finances, et qui ne trouvent plus d'accès que dans les gouvernemens despotiques et obérés, jaloux de faire illusion à leurs peuples qu'ils ruinent, et disposés à accepter tous les projets des traitans dont ils finissent toujours par ètre les dupes et les victimes....

«En Angleterre, on ne connait que deux manières de payer lorsque les impôts ordinaires sont insuffisans: l'une en bons de l'échiquier, l'autre en rentes; mais on n'ouvre jamais à la fois, pour le même paiement, un crédit en rentes et un crédit en bons de l'échiquier..... Croyez-vous, messieurs, que dans ce pays on permettrait au pouvoir de conserver dans ses mains une somme de fonds publics décrétée légalement, et qui n'aurait qu'un emploi hypothétique et illusoire? Eh bien! c'est cependant la mesure qu'un ministre vient nous proposer aujourd'hui. Indépendamment de 60 millions d'annuités dont il demande la création pour payer les reconnaissances échéantes au 22 mars, il vous demande encore près de 4 millions de rentes, pour les réunir aux 12 millions si inconstitutionnellement accumulés dans le trésor. Ainsi, le ministre des finances va être détenteur d'une valeur en capital d'une somme de plus de 300 millions, dont l'emploi est indéterminé.

Ici l'orateur rappelle les désastres occasionnés par l'emprunt de 1818, «fait sans concurrence et sans publicité » ; il entre dans des considérations étendues sur l'emploi des rentes achetées par le gouvernement; et, convaincu qu'aucun danger ne résulterait aujourd'hui de la vente des 3,884,328 fr., sous la condition de la concurrence et de la publicité, il vote contre le projet, « parce qu'il

tend à mettre, sans objet et sans emploi, une nouvelle somme de 4 millions de rentes entre les mains du gouvernement; parce qu'il établit un privilége en faveur des porteurs de reconnaissances de liquidation; parce qu'il renferme un principe de jeu et de loterie; parce qu'il ne présente aucune économie pour le trésor, et que lors même qu'il pourrait en présenter une, elle ne pourrait balancer les inconvéniens qui résultent de notre position financière sous le rapport de la dette flottante. »

On avait voté sans opposition l'impression des discours précé dens. Celui-ci était trop remarquable pour ne pas obtenir le même honneur, mais quelques membres du côté droit demandaient qu'on y retranchât une phrase, comme injurieuse aux souverains réunis à Laybach, ce à quoi M. Casimir Perrier ne voulut pas consentir.

Après ces raisons données pour ou contre le projet, il reste peu d'objections ou de motifs nouveaux à faire valoir. Cependant la discussion se prolongea encore pendant sept jours (15 février.)

Entre les opposans, M. le général Sébastiani proposait de consacrer au remboursement des reconnaissances de liquidation les 30 millions de réserve du trésor, les 14 millions du dégrèvement sur l'impôt foncier, et 16 millions dont le trésor a dû bénéficier sur les 11,060,0co fr. de rentes qui lui ont été remis l'année dernière, moyens qui avoient déjà été prévus et repoussés comme impraticables par M. Beugnot, et dont M. de Villèle prouva de nouveau les inconvéniens.

:

Suivant M. Ganilh, il eût été d'un véritable intérêt pour l'État de préférer le remboursement en rente intégrale suivant M. de Bouville, c'était une injustice que d'enlever, comme on le faisait par la loi nouvelle, au créancier une chance qui lui était acquise par l'augmentation du cours, tandis que, si la chance eût été contraire, on l'eût forcé de la subir. Dans l'opinion de M. Bertin de Vaux, qui s'attacha plus qu'aucun autre à démontrer l'inconvé– nient pour un gouvernement d'emprunter à échéances fixes, il était dangereux et inconstitutionnel de laisser entre les mains des ministres, sans nécessité, des sommes assez considérables pour

qu'ils pussent dissoudre la chambre et se passer pendant un long espace du concours des deux. M. Piet proposait d'employer au paiement du cinquième des reconnaissances les revenus divers de la caisse d'amortissement.-M. Méchin exposait, comme M. Sirieys, que, par l'émission des annuités, on ne ferait que reculer l'accroissement successif des charges par un mouvement ascendant qui peut les accumuler au moment des plus grands dangers.

Enfin l'opinion de tous les adversaires du projet se réunissait à voter simplement un crédit de 3,884,328 fr. pour servir au remboursement du premier cinquième, soit en rentes, soit en ar

gent.

En réponse à ces objections, renouvelées ou développées par d'autres orateurs, MM. Olivier, Pardessus, Cuvier, commissaire du roi, et Chabrol de Cruzol firent de nouveau valoir les avantages du projet; et enfin M. le ministre des finances termina la discussion générale par un discours qui contient, sur cette matière et sur la situation générale des finances, des résultats dignes de l'attention du lecteur.

Le trésor, dit S. Ex., est dès ce moment possesseur de 11 millions 400 mille fr. de rentes: il va en recevoir de nouvelles pour 3 millions 884 mille fr. pour l'acquitement du premier cinquième des reconnaissances de liquidation, et successivement encore pour 15 millions 600 mille fr. pour subvenir au paiement des quatre cinquièmes; en tout 31 millions.

sesseur

« D'un autre côté, la dette continuellement exigible, la dette flottante du trésor, au paiement de laquelle sont affectées les valeurs dont il est posest de 249 millions, en y comprenant les 100 millions aux puissances étrangères, et sans y comprendre les 300 millions de reconnaissances de liquidation, dont le premier cinquième arrive à l'échéance dans un mois.

« Dans cette position, il est évident que les efforts de l'administration doivent avoir constamment pour objet :

1 De diminuer la masse des créances constitutionnellement exigibles; 2o d'améliorer le crédit, en adoptant les mesures qui doivent établir et maintenir la confiance, et en évitant toute opération qui tendrait à porter obstacle à l'élévation naturelle et nécessaire des valeurs destinées à opérer la libération de l'Etat.

«

Il y aurait inconvénient grave à jeter inopinément, sur le marché, une quantité de rentes trop considérable qui en ferait descendre le cours, et qui, en portant atteinte aux fortunes particulières, altérerait également les ressources du trésor.

« C'est dans le double intérêt que nous venons de vous indiquer, et qui ne

pent être divisé, que nous avons eu l'honneur, messieurs, de vous proposer le paiement du premier cinquième des reconnaissances de liquidation, en numéraire ou en annuités, au choix des porteurs.

Ce mode de paiement ne présente, ni la création d'une dette continuellement exigible et de la nature de celle que nous appelons notre dette flottante, ni la création de nouvelles rentes qui pourraient être imprudemment jetées sur le marché: il tient le milieu entre l'une et l'autre, sans avoir les inconvéniens de l'une ou ceux de l'autre....

• Il n'est point la consolidation, mais il la prépare pour des époques où la rente sera parvenue à sa valeur, et où de nouveaux avantages pourront, sans trop de perte pour l'Etat, ètre accordés aux porteurs de ces effets qui la préféreraient.

Enfin il ne fait que remplacer, dans une proportion même moindre de 10 millions, des valeurs également à échéance, alors qu'il est très-utile de livrer aux capitalistes des valeurs de differentes natures, appropriées à leurs goûts et à leurs besoins divers, et qui appelleront et maintiendront dans la circulation les capitaux qui n'ont pas d'emploi, et qui iraient chercher un emploi dans l'étranger. »

Ensuite le ministre s'attache à réfuter ce qu'on a dit (M. Bertin de Vaux) du danger des emprunts à échéances fixes. - Il donne des explications sur le système des annuités. — Il fait voir que leur circulation la plus élevée ne pourrait jamais excéder 150 millions; que cet apogée de l'émission ne serait atteint qu'en 1826 par une gradation successive de 50, 40, 30, 20 et 10 millions d'année en année, qui décroîtrait dans la même proportion. Repoussant les objections tirées du danger de laisser une quantité déterminée si considérable de rentes à la disposition du ministère, il fait observer que ce ministère pourrait aussi bien abuser de la totalité des 800 millions mis par le budget à sa disposition, et termine par une allusion sévère contre ceux « qui, par un jeu soutenu à la baisse, dans les circonstances les plus heureuses et les plus nationales, cherchent à répandre continuellement des alarmes sur sa stabilité, et à ébranler la confiance des peuples.

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Dans la discussion particulière des articles où revinrent les objections déjà si longuement développées, le ministre défendit toutes les dispositions de son projet, comme se liant ensemble de manière à ce qu'il devait être rejeté tout entier, si un seul article éprouvait des modifications... Il l'emporta sur tous malgré l'union de quelques membres du côté droit à ceux du côté gauche, et après quatre jours de discussion particulière, le 28 février, le

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