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d'Angleterre et d'Autriche, après les scènes horribles du 27 juil let, le lendemain de la fête du Bayram, la police turque prit des mesures énergiques pour la dispersion des rassemblemens populaires, le rétablissement de l'ordre et de la tranquillité. Il parut (le 5) un hatti shérif, publié dans les rues et dans les mosquées, pour interdire le port d'armes aux enfans, aux portefaix, aux journaliers, à tous les gens de la lie du peuple, et faire rentrer les soldats et janissaires dans leurs quartiers; et ces mesures exécutées avec fermeté, regardées comme une révocation de l'appel général aux armes, rétablirent dans la capitale un peu de calme et de sécurité. Mais, comme pour donner une dernière satisfaction à la haine qui poursuivait les Grecs, le grand-seigneur fit arrêter le nouvel hospodar de la Valachie, Charles Callimachi, et il fut transporté avec tonte sa famille à Boly près de Broussa (le juillet), où ce malheureux prince a bientôt terminé sa carrière. A la suite de plusieurs conférences et de notes échangées entre la légation russe et le Reiss-Effendi, M. le baron de Strogonoff, toujours renfermé à Buyukdéré, où il semblait être gardé à vue, remit, le 6 (18) juillet, une dernière note où, rappelant les traités de Kainardgy et de Bucharest, en vertu desquels la Russie était autorisée à exercer un droit de protection dans les provinces de Valachie et de Moldavie, le ministre russe établissait une série de conditions dont voici la substance:

«Que les églises détruites ou pillées soient remises sur-le-champ en état de servir à leur sainte destination; que S. H., en rendant à la religion chrétienne ses prérogatives, en lui accordant la même protection que par le passé, en lui garantissant son inviolabilité à l'avenir, s'éfforce de consoler l'Europe du supplice du patriarche de Constantinople, et des profanations qui ont suivi sa mort; qu'une sage et équitable distinction s'établisse entre les auteurs des troubles, les hommes qui y prennent part, et ceux que leur innocence doit mettre à l'abri de la sévérité du divan; qu'à cet effet on ouvre un avenir de paix et de tranquillité aux Grecs qui seront restés soumis ou qui se soumettront dans un délaidonné, et qu'en tout état de choses, on se ménage les moyens de distinguer les innocens des coupables. Que si le gouvernement turc témoignait, contre toute attente, que c'est par suite d'un plan librement arrêté qu'il prend les mesures touchant lesquelles le soussigné lui a déjà exposé l'opinion de son auguste maitre, il ne resterait à l'empereur qu'à déclarer, dès à présent, à la Sublime-Porte, qu'elle se constitue en état d'hostilité ouverte contre le monde chrétien; qu'elle légitime la défense des Grecs,

qui, dès-lors, combattraient uniquement pour se soustraire à une porte inévi, table, et que, vu le caractère de cette lutte, la Russie se trouverait dans la stricte obligation de leur offrir asile, parce qu'ils seraient persécutés; protection, parce qu'elle en aurait le droit ; assistance conjointement avec toute la chrétienté, parce qu'elle ne pourrait pas livrer ses frères de religion à la merci d'un aveugle fanatisme.

Telles étaient les conditions, et les senles auxquelles, suivant le texte de la note russe, la sublime Porte pouvait éviter une ruine totale, et M. le baron de Strogonoff ne lui laissait qu'un délai de huit jours pour y répondre, annonçant que dans toute autre alternative, soit en cas de refus, soit en cas de silence, il quitterait immédiatement Constantinople avec toute la légation

russe.

Comme on connaît le cabinet ottoman, son orgueil dut être vivement blessé des formes et du fond de cette note; et pendant plusieurs jours en effet, malgré les instances de l'internonce antrichien et de l'ambassadeur anglais, au milieu des agitations et des excès qui recommencèrent, il refusa toute réponse. Enfin, deux jours après le délai fixé, M. le baron de Strogonoff, ne la voyant pas arriver, et apercevant des dispositions peu favorables à son égard, fit notifier au Reiss-Effendi que sa mission était terminée, et lui demanda des passeports pour lui et les personnes de sa légation. D'abord le Reiss-Etfendi avait déclaré qu'il n'en serait pas délivré, et l'on crut que, suivant l'ancien usage, le ministre russe déjà gardé à vue par des janissaires, allait être envoyé aux sept tours: les bandes asiatiques le demandaient; mais sejt par réflexion sur la différence des circonstances, soit par l'effet des représentations des autres ministres, les passeports furent enfin délivrés, et, le 31 juillet après midi, M. le baron de Strogonoff s'embarqua sur un bâtiment préparé pour le recevoir, mit à la voile pour Odessa, emmenant avec lui sa légation et plusieurs familles grecques qui ne pouvaient plus rester en sûreté à Constantinople.

Toutefois, avant que le bâtiment mit à la voile, le ReissEffendi avait envoyé au ministre russe une réponse à la note, mais comme elle lui était arrivée après le délai expiré, S. Exc.

déclara qu'elle ne pouvait plus la recevoir, et qu'on devait l'envoyer directement à Saint-Pétersbourg. La note fat donc remise à l'ambassadeur anglais, qui se chargea de la faire parvenir à sa destination; et de son côté, la Porte envoya un duplicata au cabinet russe, en y joignant des plaintes sur la conduite du baron de Strogonoff.

Dans cette réponse, datée du 26 juillet, jour où expirait le délai donné par la note russe, la sublime Porte protestait de son désir de conserver la paix, de son intention d'exécuter religieusement les traités; mais elle répliquait, relativement aux événemens dont il est question dans la note russe,

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• One tous les individus punis à la suite de l'insurrection, et surtout le patriarche grec et autres prélats, n'avaient subi que la peine qu'ils avaient méritée, d'après le droit que tout gouvernement a de faire arrêter et punir sans miséricorde, sans distinction de religion ou de conditiou, de pareils malfaiteurs, afin de maintenir le bon ordre dans ses Etats et parmi le penple;

Que les insultes faites à quelques églises grecques n'étaient que des désordres commis par des réprouvés de la lie du peuple ;

Que l'adoption de la vie des camps au lieu de celle des villes, et l'armement général de la nation musulmane, n'étaient que des mesures indispensables pour le maintien du bon ordre intérieur, et ne regardait en rien les puissances amies, ni les diverses classes des rajas non coupables....;

«Que les instructions données au commandant des troupes envoyées par lá Sublime-Porte en Valachie et en Moldavie, n'avaient d'autre but que de réduire les rebelles et d'en purger ces provinces, dont on ne voulait ni changer l'ordre, ni abolir les priviléges;

« Qu'aussitôt que la tranquillité y aurait été rétablie ; que le ci-devant prince de Moldavie, Michel Suzzo et ses adhérens qui se sont évadés avec lui, ainsi que ceux des scélérats qui auront pu s'enfuir sur le territoire russe ou autrichien, auraient été remis au gouvernement turc, ou bien publiquement punis sur les lieux mêmes où ils ont été saisis, la sublime Porte procéderait immédiatement à l'installation des Wayvodes (hospodars), et mettrait le plus grand soin à faire observer les anciennes conventions, et à maintenir les priviléges des deux provinces, comme par le passé.

Après plusieurs autres explications, sur les procédés de M. de Strogonoff, sur la situation politique des Grecs sujets de l'empire ottoman, sur la protection et les priviléges dont ils jouissaient, sur la trahison du patriarche et la conjuration qui tendait à organiser une révolution générale, la note ottomane rappelait qu'à

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la demande déjà faite, elle avait accordé des rescrits de grâce et la permission de relever les églises chrétiennes, et en insistant sur l'extradition ou la punition exemplaire des transfuges, elle promettait de nouveau l'exécution franche et complète des traités. (Voy. l'Appendice.)

ou dans

Tout le temps que cette négociation avait duré, Constantinople, et surtout le quartier du Fanar et le faubourg de Péra même, où résident les légations européennes, étaient dans la plus vive appréhension d'un soulèvement général, Les bandes asiatiques et les janissaires parcouraient les rues armés, et menaçaient les Grecs d'une extermination générale. Mais, comme nous l'avons dit, les familles les plus distinguées, les plus odieuses au peuple, avaient trouvé à bord d'un bâtiment de l'ambassadeur russe, les légations européennes un refuge assuré; et d'ailleurs l'assurance qui fut bientôt répandue que les ambassadeurs d'Autriche et d'Angleterre continueraient les négociations, ramena le calme. Lord Strangford obtint des satisfactions qui avaient été refusées au ministre russe, la levée de l'embargo mis sur les bâtimens russes, la grâce de Danési, qui fut seulement exilé, et une amnistie générale pour les Grecs qui voudraient se soumettre. Ils en étaient bien éloignés, la guerre se poursuivait avec plus d'acharnement que jamais sur tous les points.

CHAPITRE VIII,

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Suite des opérations militaires des Turcs et des Grecs. Prise de Monembasie ét de Navarins. — Violation des capitulations. — Retraite d'Ypsilanti. - Résolutions prises à Hydra.— Nouveau gouvernement en Morée.-Combats à Livadie, aux Thermopyles et en Ep.re. —Siége et prise de Tripolitza. - Effets de cette conquéte. —Öpérations de la flotte ottomane. -Situation des ifes de l'Archipel. Reprise des négociations à Constantinople. Nouvelle d'une incursion des Persans sur le territoire ottoman. - Fin de la campagne. - Attaque et prise de Cassandra. — Capitulation du mont Athos. Siéges en Livadic et en Morée. —Prise du fort de Litharitza par Chourschid-Pacha, et d'Arta par les Souliotes.- Reprise par Omer-BrioniBey. — Tableau général de la Grèce dans sa révolution. —Etat de son armée, de sa marine et de son administration. Troubles à Constantinople. Réponse à l'ultimatum russé. Objet de la médiation de l'Angleterre et de l'Autriche entré la Russie et la Porte ottomane.

Dervis le commencement de l'insurrection de la Moréé, les Tures de Monembasie (Napoli de Malvoisie) s'étaient renfermés dans la citadelle, où ils étaient étroitement bloqués par les Maniotes et les bâtimens d'Hydra. Les assiégeans, irrités de leur longue et conrageuse résistance, conduisaient chaque jour à la vue des remparts des musulmans auxquels ils faisaient souffrir mille tourmens avant de les mettre à mort. Mais ces cruautés redoublaient l'ardeur des assiégés. En proié à la plus horrible famine, après s'être aliuentés pendant quelque temps de la chair de leurs anímaux domestiques, ils furent réduits à se nourrir des plús vils alimens, résolus de mourir plutôt que de se rendre. Au bout de quelques semaines de cette affreuse situation, Cantacuzène, arrivant sous leurs murs (3 août), leur offrit une capitulation d'après laquelle ils devaient être transportés, hommes, femmes, enfans, et ce qu'ils pourraient emporter de leurs richnesses, dans l'ile de Chio. Rassurés à la vue de l'uniforme russe, ils l'acceptèrent et renirent la place. Mais une fois embarqués, on les jeta dans l'île Annuaire hist. pour 1821.

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