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ques scrutins plus de bulletins qu'il n'y avait de volans, etc. On répondait à toutes ces plaintes, élevées du côté gauche, en soutenant la légalité de la confection des listes et la régularité des opérations. Elles furent écartées par l'admission des députés élus. Deux nominations seulement furent annulées : l'une de M. Bachelerie, élu par l'arrondissement de Saint-Julien de la HauteVienne (soutenue par la gauche), parce que plusieurs bulletins sans désignation s'étaient trouvés dans le scrutin, dont le dépouillement avait été remis au lendemain; irrégularités reconnues par M. Casimir Perrier, mais sur lesquelles il invoquait l'indul- gence dont la chambre avait usé dans l'admission de M. de Labretonnière, élu député de la Drôme, dont l'élection offrait à pen près les mêmes vices de forme, parce qu'elle était faite également de bonne foi.

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L'autre exclusion prononcée est plus remarquable, en ce qu'elle frappait un des personnages les plus distingués de la chambre, et qu'elle résolvait une question indécise dans le système électif. M. de Saint-Cricq, conseiller d'état, déjà député de Seine-etMarne (2a série), venait d'être élu par le collége des Basses-Pyrénées, dont il était président. Cette élection fut vivement attaquée d'abord dans le sein du bureau, et ensuite dans la discussion publique de la chambre. D'un côté, on objectait que M. de SaintCricq, étant député, ne pouvait être élu et éligible; on disait que les membres du gouvernement, en même temps députés, étaient en position d'exercer une grande influence dans leurs départemens; que leur concurrence était trop redoutable; qu'en l'exerçant, le ministère pourrait ainsi se perpétuer dans la chambre; que les députés pourraient, de la sorte, s'ouvrir une place pendant qu'ils en occupent une autre, et se faire réélire deux ou trois fois de suite, et qu'ainsi la nomination de M. de Saint-Cricq tendrait à conserver dans les mêmes mains les pouvoirs de la chambre élective, qui doit représenter des besoins toujours variables (MM. Chabaud-Latour et Dudon). De l'autre, on répondait qu'il n'existait ni dans la Charte, ni dans aucune loi, de disposition qui empêchât un député de représenter plu

sieurs départemens, et qu'il n'y avait pas ici d'incapacité légale. Aussi, en attendant une loi précise à cet égard, le bureau avait voté pour l'admission de M. de Saint-Cricq; mais l'élection, malgré ses efforts et ceux de ses amis pour la défendre, n'en fut pas moins déclarée nulle à une forte majorité.

On nous permettra de passer rapidement sur ces débats, qui forent quelquefois très-animés, et firent d'abord voir la force des partis dans les chambres. Les dernières élections avaient laissé de profonds ressentimens; on les verrá bien souvent éclater.

(26 décembre.) La nomination des candidats à la présidence,' où se manifeste d'abord l'esprit dominant de la chambre, fut faite pour la première fois, peut-être, en un seul tour de scrutin. Les cinq candidats élus furent : MM. Ravez (qui réunit 236 voix), Bellart (221), Benoît (212), de Bonald (212), de Bouville (199), entre lesquels S. M. nomma, dès le lendemain, M. Ravez président à la dernière session. L'immense supériorité numérique qu'obtinrent en cette circonstance trois candidats de la droite est à remarquer.

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On peut juger d'avance de la faiblesse de l'opposition de gauche par le nombre de suffrages qu'obtinrent ses candidats. M. Camille Jordan en réunit 83, M. Royer Collard 80, M. Courvoisier 71, M. Dupont (de l'Eure) 64, M. Lafitte 47, etc. Le côté droit eut la même influence sur la nomination des vice-présidens, qui furent MM. de Bouville, Chifflet, Blanquart Bailleul et Bonnet; sur celle des secrétaires MM. Mousnier Baisson, de Castelbajac, de Wendel et de Kergorlay. Et (28 décembre) sur celle des candidats à la questure: MM. Paul de Chateau-Double, Fornier de Saint-Lary (qui fut nommé par S. M.) et le chevalier Lemarchant de Gomicourt, choisis à la même majorité.

(29 décembre.) La commission nommée pour la rédaction de l'adresse à présenter au roi, étant toute prise dans la majorité, en arrêta sur-le-champ la rédaction, qu'elle soumit le lendemain à la chambre en comité secret. Elle rappelait, suivant l'usage, le discours du trône, et témoiguait l'intention où était la

chambre de concourir aux vues de S. M..... S'il faut en croire aux bruits qui percent toujours le mystère des comités secrets, il s'y serait élevé du côté gauche encore des plaintes amères sur les élections; et de l'extrême droite, déjà des accusations d'un autre genre contre les ministres. M. le général Foy aurait proposé une autre adresse, où il déplorait les modifications apportées à un système électoral qui était, disait-il, en harmonie avec la Charte et l'opinion publique.

Il n'est pas besoin de dire quel fut le sort de cette proposition. Des débats plus sérieux s'engagèrent sur celle qui fut faite d'ajouter aux mots, épurer les mœurs par un système d'éducation chrétienne et monarchique, qui se trouvent dans l'adresse, celui de constitutionnelle; mais elle fut également rejetée, et l'adresse a été présentée au roi le 1er janvier 1821, telle qu'elle était sortie du sein de la commission.

(2 janvier 1821.)- Loi des six douzièmes provisoires.

Depuis six ans (4 décembre 1815) le retard de la convocation des chambres, et l'impossibilité de terminer le budget et la confection des rôles en temps utile, pour la perception légale des impôts, avaient forcé le gouvernement à proposer une loi qui autorisât la perception ou le recouvrement provisoire des impôts sur les rôles de l'année précédente. Au terme où la session venait de s'ouvrir, cette nécessité était plus impérieuse que jamais. La mesure était commandée, sous peine d'arrêter le service dans toutes les parties de l'administration. Le ministre des finances, en présentant le projet, à peu près dans les mêmes termes que l'année dernière, ne dissimule point que cette mesure provisoire serait indispensable jusqu'au moment où un changement aurait pu être adopté.

(5 janvier.) En exprimant les mêmes regrets et les mêmes vœux sur la nécessité d'avoir annuellement recours à des mesures provisoires, la commission chargée d'examiner le projet se prononça unanimement pour son adoption par l'organe de son rapporteur (M. Barthe Labastide).

Il n'y avait pas d'incertitude sur le sort de la loi, mais cette discussion n'en était pas moins signalée comme l'occasion d'une attaque méditée d'avance contre le ministère. Aux deux extrémités plusieurs députés, nouvellement élus, allaient entrer dans la carrière. On nous permettra de nous arrêter sur cette séance, plus intéressante par des discussions épisodiques que par la matière mise en question. Elle jette déjà du jour sur l'état des partis dans la chambre.

(8 janvier.) M. le lieutenant-général Donnadieu, député, nouvellement élu (des Bouches-du-Rhône), premier orateur inscrit contre le projet de loi, débuta ainsi par des considérations géné rales sur la situation, la conduite et les alliances du ministère.

« Une révolution étrange vient de s'opérer; les hommes avec lesquels je me sais fait gloire de partager jusqu'à ce jour principes, sentimens, opinions; les hommes que je respecte et que j'estime, avec lesquels je croyais marcher ici dans le plus parfait accord vers la prospérité de notre pays, viennent de prendre une voie tout-à-fait opposée à celle qu'ils avaient eux-mêmes indiquée quatre années de suite, comme la seule qui pût rassurer les esprits. Je l'avoue, peu accoutumé à ces transitions subites, à ces alliances improvisées, à ces fusions du bien dans le mal, toutes mes idées se trouvent déconcertées par cette nouvelle union.

« Je regarde autour de moi, et je me demande quel est le phénomène qui a pu produire un changement aussi inopiné.

De grands malheurs sont arrivés au milieu de nous; un crime horrible nous a ravi un prince sur lequel reposait l'avenir de la France; des complots abominables, tendant à renverser la monarchie et l'État, se sont manifestés, tant dans la capitale que dans les provinces ; des révolutions se sont opérées sur plusieurs points de l'Europe; l'édifice social semble être sapé, jusque dans ses fondemens, d'une extrémité du monde à l'autre.

« Au milieu de telles catastrophes, en proie aux plus vives alarmes, un cri général s'élève de toute la France, et ce cri est un acte d'accusation contre les ministres.

< Vous avez dit', vous avez répété que les hommes appelés aux hautes fonctions de l'Etat avaient méconnu, trahi tous les intérêts de ce pays, tous les principes du juste et de l'honnête; vos discours ont retenti d'accusations contre eux, pour avoir voulu renverser ces élémens conservateurs; et lorsque les conséquences de cette même conduite, contre laquelle vous avez si généreusement, si énergiquement protesté, ont frappé vos yeux par des malheurs réels, par des catastrophes irréparables, senties, appréciées par la France entière, vous venez tendre la main, prêter appui et assitance à ces mêmes bommes, pour leur livrer de nouveau les destinées de notre infortunée patrie. J'ose vous le demander : quel est le ciment d'un tel lien? Sous quelle foi, sous quelles garanties passez-vous un tel contrat ?

« Conduits depuis six ans sans plans, sans règles, sans principes déterminés, nous sommes conduits encore de même....

«Partout le caprice et l'arbitraire mis à la place de la justice. D'un côté, unc monarchie constitutionnelle; et, de l'autre, le despotisme et l'anarchie substitués aux libertés publiques. Ici, la fidélité demandée à la foi jurée; et là, le mépris, la persécution pour prix de cette fidélité. Toutes les notions du juste et de l'injuste entièrement confondues; toutes les idées d'ordre, de raison renversées; la religion du roi trés-chrétien établie en loi de l'Etat, et la dérision appelée sur ses ministres; l'ordre de l'hérédité légitime dans la famille de nos rois établi pour base fondamentale dans le Code qui nous régit, et les attentats les plus directs à cette légitimité dans les doctrines créées, soutenues sous les auspices des ministres de cette monarchie ; la reconnaissance érigée en vice et l'ingratitude en vertu.

« Un démembrement général de l'armée vient de se faire, et se fait encore. Cette réorganisation nouvelle, disaient les ministres, avait pour but d'épurer les corps des officiers qui ne donneraient pas, par leurs opinions politiques, des garanties suffisantes à la monarchie.

En supposant que cette mesure n'atteignit que des hommes dont les sentimens seraient douteux (ce qui est loin d'être vrai, j'en ai la certitude), quels reproches n'ont-ils pas droit d'adresser à ceux qui, par leur variation de système, leurs doctrines corruptrices, leur ont inspiré ces sentimens, les ont mis dans cette fausse route ?..... >

Venant enfin à la question du vote sur le projet de loi, l'orateur le considère comme un moyen de faire connaître au Roi si ses ministres ont justifié ou non sa confiance.

« Ici, dit le général, la chambre doit remplir les obligations qui lui sont imposées dans l'ordre du gouvernement représentatif, en refusant de remettre en des mains qu'elle doit juger indignes et incapables les trésors de l'Etat.... Si jamais la légèreté et la médiocrité ont été manifestes, celles des ministres doivent être bien démontrées.

Vous ne pouvez ménager leur amour-propre qu'en accusant leurs intentions. Ils vous ont demandé des lois d'exception; vous leur avez livré les libertés publiques. Qu'en ont-ils fait? Moyens inutiles entre les mains de la faiblesse et de l'incapacité, et dont les hommes forts n'ont pas besoin. Cela ne supplée ni au talent, ni au caractère. Qu'on soit juste et ferme, qu'on sache récompenser et punir, avec ce levier politique, toutes les libertés peuvent fructifier dans notre pays.

Est-ce la haute considération où ils ont placé la France près des puissances de l'Europe? Je n'aborderai pas cette question le cœur de tous les Français y a répondu d'avance.

<< Messieurs, je vous adjure de bien réfléchir; il en est temps encore. Puisque ces ministres ont assez peu d'intelligence pour ne pas faire d'euxmêmes la retraite que les considérations les plus graves de salut public leur indiquent, remplissez noblement, courageusement votre mandat..

<< Et s'il fallait passer des considérations générales aux considérations

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