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ministration publique. Elle se réunit le lendemain de sa création

sous la présidence du prince de Calabre.

Les principaux objets soumis à sa délibération étaient :

1° La séparation des administrations napolitaine et silicienne, tonjours soumises au même pouvoir; 2o l'organisation d'un conseil d'État propre aux deux États; 3° l'établissement d'un corps consultatif devant lequel on pût discuter les mesures d'administration générale et les projets de loi pour la meilleure garantie du bien du royaume et des intérêts de la couronne; 4° la création d'un conseil provincial chargé de la répartition des impôts et des autres objets d'utilité publique; 5° l'organisation définitive de l'administration communale d'après les principes les plus favorables au bien-être des communes et à la conservation de leurs propriétés. Sur le rapport de cette junte, S. M. rendit quelques jours après (26 mai) un décret portant que le conseil d'Etat ordinaire sera composé de ministres à portefeuille, et de six autres ministres saus département, présidé par le roi, et en son absence par le prince son fils ou un ministre désigné; que l'administration de la Sicile est séparée de l'administration des provinces de Naples, et qu'un lieutenant nommé par le roi y décidera des affaires, assisté d'un conseil de ministres; qu'il y aura deux consultes d'État, l'uns pour la Sicile, l'autre pour Naples; qu'il y sera délibéré sur les lois à la majorité des voix ; que leurs membres seront choisis par le roi, à raison d'un pour chaque province, et qu'ils pourront, après cinq ans, être nommés à vie par S. M.; qu'il y aura dans chaque province un conseil provincial aussi choisi par le roi, et que ce conseil, assemblé au chef-lieu de la province, prononcera sur la répartition de l'impôt et sur d'autres objets d'intérêt local particuliers à la province, etc... Telles sont les bases de la nouvelle administration du royaume.

Par d'autres décrets rendus dans les deux mois qui suivirent l'entrée du roi, la conscription et l'inscription maritime out été abolies dans le royaume de Sicile (26 et 28 mai). Tous les étudians de la capitale ont été astreints à fréquenter exactement les congrégations spirituelles (di spiritu sancto); faute de certificat

qui le constate, ils ne pourront obtenir aucun grade dans l'université; et afin de ne pas les empêcher d'y assister les jours de fête, il a été sévèrement défendu de faire ces jours-là aucun cours de science, aucune leçon publique ou particulière (15 juin) : les jeunes gens destinés à remplacer les professeurs suspendus ou destitués par la junte de censure doivent être approuvés par leurs évêques diocésains. Enfin S. M., voulant améliorer l'instruction publique « pour l'avantage de l'autel et du trône», a ordonné la rétablissement des jésuites dans le royaume.

Mais de tous ces décrets, le plus important, du moins pour les circonstances, est celui qui fut rendu le 1er juillet sur la dissolution de l'armée napolitaine. Voici quelques traits du considé

rant sur les maux que la dernière révolution a entraînés.

L'armée est la principale cause de ces maux. Factieuse ou entrainee par des factieux, elle nous a abandonné au moment du danger, et nous a, par-là, privé des moyens de prévenir les malheureuses conséquences d'une révolution. S'étant livrée à une secte qui détruit tous les liens de la subor-dination et de l'obéissance, l'armée, après avoir trabi ses devoirs envers nous, s'est vue incapable de remplir les devoirs que la révolte avait voula lui imposer. Elle a opéré elle-même sa destruction, et les chefs qu'elle s'était donnés n'ont fait que présider à sa dissolution.... Elle n'offre plus aucune garantie nécessaire à l'existence d'une armée.... Les premiers fondemens de toute organisation militaire ont été tellement ébranlés, que ce n'est qu'avec le temps que nous pourrons les rétablir. Ainsi la réorganisation me peut avoir lieu que lentement et peu à peu.... Le bien de nos Etats exige cependant l'existence d'une force protectrice : nous avons été obligé de la demander à nos allies: ils l'ont mise à notre disposition: nous devons pourvoir à son entretien, mais nous ne pouvons faire supporter à nos sujets le pesant fardeau des frais d'une armée qui n'existe plus parce qu'elle n'a pas sa exister.... Ces motifs nous ont déterminé à dissoudre l'armée à compter da 24 mars de cette année.... >

Il se trouvait compris dans le licenciement 18 régimens d'infanterie, 5 de cavalerie, plusieurs dépôts et trois divisions d'artillerie, dont tous les officiers, depuis le rang de colonel jusqu'an dernier grade, furent provisoirement suspendus et renvoyés dans leurs foyers sans solde, sans indemnité, avec défense de porter l'uniforme.

Le même décret réforme l'armée de ligne, qui sera composée, provisoirement de 12 régimens d'infanterie, 3 régimens d'infanterie légère, 4 bataillons de chasseurs, 3 régimens de cavalerie

et a de dragons, sans compter les corps de la maison du roi, organisation que la situation du pays rendait fort difficile, surtout à cause de la pénurie des finances.

Le déficit résultant de neuf mois de révolution était évalué. de 9 à 10 millions de ducats. Le gouvernement provisoire, pour subvenir aux premiers besoins, avait été forcé d'ouvrir un emprunt de 800,000 ducats, qui fut souscrit par la maison Rotschild. Aussitôt sa rentrée, le roi en ouvrit un autre de trois millions de ducats, qui fut rempli par d'autres banquiers, et qui doit être remboursé en douze ans.

Quant aux ressources ou revenus ordinaires de l'Etat, un décret du 1er octobre a fixé la contribution foncière des provinces napolitaines en-deçà du phare à 6,150,000 ducats de principal, 15 grains additionnels pour la dette publique, 7 grains pour les dépenses fixes des provinces, sans compter ceux qui seront imposés par les conseils provinciaux, et 4 grains pour les droits de perception. On n'a point de données pour apprécier le produit des impôts indirects, mais plusieurs ont été augmentés, et l'ensemble du budget a dû être d'un sixième au-dessus du budget établi par le parlement (Voy. l'Ann. pour 1820, p. 510.)

La situation des finances n'était pas encore la plus alarmante. Tandis qu'à Naples une population frivole, oublieuse des calamités, n'était plus occupée que de cérémonies religieuses ou de représentations théâtrales, les provinces des Abruzzes, de la Pouille, et même de la Calabre, étaient infestées de carbonari, militaires, employés destitués ou prêtres, dont les bandes se grossirent encore à l'époque du licenciement. De fortes colonnes mobiles parconraient le pays en tous sens; on jugeait militairement, on exécutait sur-le-champ les individus chez lesquels on trouvait des armes ou des munitions de guerre. Le système d'épuration n'allant pas assez vite au moyen des juntes spéciales de censure, on en avait chargé les intendans de province, et presque tous les tribunaux et les administrations inférieures, soupçonnés de carbonarisme, farent désorganisés.... A Naples même, jamais la police dirigée par M. le prince de Canosa n'avait été plus active, plus soupçon

nense et plus sévère. Elle allait jusqu'à favoriser ou exciter le fanatisme de la populace, qui arrachait des coupables au fer ou au fouet des bourreaux pour les faire périr dans des supplices atroces.... Plus d'une fois le général Frimont, commandant de l'armée d'occupation, avait fait des représentations contre un système en opposition avec les vues manifestées par les souverains réunis à Laybach pour la tranquillité de l'Italie : plusieurs notes furent échangées à ce sujet entre les cours de Vienne et de Naples... Le roi des Deux-Siciles consentit à éloigner le prince de Canosa du ministère de la police, mais le cabinet de Vienne, insistant sur la nécessité de former un ministère propre à tranquilliser l'esprit de la nation, représentait que l'empereur d'Autriche, comme allié et comme voisin, était intéressé à ce qu'un gouvernement fort et solide fût établi à Naples, afin d'éviter une réaction révolutionnaire qui pourrait (surtout en cas de maladie du roi) nécessiter une prolongation du séjour de l'armée d'occupation; que l'Autriche était en droit de conseiller au roi de Naples d'éloigner de ses conseils certains hommes, et d'admettre ceux qui à Laybach avaient inspiré tant de confiance aux souverains alliés... A l'une de ces notes était jointe une lettre autographe de l'empereur, qui conjurait le roi dans les termes les plus cordiaux, mais aussi les plus pressans, de condescendre à ce qui lui était proposé. C'est alors qu'il paraît avoir été question de déclarer le prince Léopold vicaire-général du royaume avec l'alter-ego, et de rappeler au ministère des affaires étrangères M. le prince de Ruffo; à celui des finances, M. le chevalier de Medici; à celui de la justice, M. Thomasi, et quelques autres hommes d'Etat, tant du ministère antérieur à la révolution du 6 juillet, que du parti modéré du parlement avec lequel le message du 8 décembre 1820 avait été concerté (V. l'Ann. pour 1820, p. 517 et 585.), message qui indiquait, on s'en souvient, les bases de la Charte française que le roi s'engageait à faire reconnaître à Laybach, proposition que l'imprudence des libéraux fit rejeter, et pour lequel on sait qu'ils voulurent mettre en état d'accusation M. de Zurlo qui en était le principal auteur...

Quoi qu'il en soit de la réalité de ces bruits et de ces projets, qui pouvaient n'être pas entièrement conformes à la politique de l'Autriche; quoiqu'on ait paru s'apercevoir alors qu'une constitution monarchique sagement pondérée était désormais la meilleure garantie contre une révolution nouvelle, on crut que la réaction était devenue trop puissante pour pouvoir reculer, et, son conseil d'Etat consulté, S. M. répondit par une lettre autographe adressée à l'empereur, en lui exposant les motifs qui s'opposaient à des mesures qu'on ne pouvait accepter sans compromettre la dignité du gouvernement, et en suppliant S. M. I. de ne plus insister à cet égard.

Cette dissidence de vues entre les deux cabinets n'a pourtant pas empêché, peut-être même a-t-elle accéléré la conclusion du traité d'occupation militaire que le système suivi à Naples rendait plus nécessaire que jamais. Il fut conclu le 28 octobre (Voy. l'Appendice). Il porte que la durée de l'occupation est fixée à trois ans ; qu'au 30 novembre, l'armée d'occupation doit être réduite à 42,000 hommes, dont 7,000 de cavalerie pour les provinces en-deçà du détroit, sans compter les corps autrichiens envoyés en Sicile (c'était le corps du général Walmoden, de cinq à six mille hommes); qu'aussitôt que l'organisation de l'armée napolitaine sera assez avancée pour y relever les Autrichiens, la Sicile sera évacuée par ceux-ci; que trois mois après, le corps d'armée autrichien sera réduit dans le royaume de Naples à trente mille hommes, et qu'aussitôt que l'armée napolitaine sera portée sur le pied fixé par le décret du roi du 1er juillet, l'armée d'occupation serait réduite à 25,000 mille hommes, minimum de la force pendant trois ans que doit durer l'occupation. Quant à la solde et à l'entretien de cette armée, elle est fixée, pour quarantcdeax mille hommes, par mois, à la somme de 576,000 flor., sur le pied de 60 grammes; et pour la subsistance, à 42,000 rations de vivres et 11,500 rations de fourrages par jour.....

A la suite de ce traité, à l'égard duquel il est juste de reconnaître que les généraux autrichiens adoucirent les rigueurs de l'occupation, qui fut quelquefois protectrice des individus pour

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