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public une somme de cent cinquante mille francs, pour assurer la paye et la subsistance de la troupe qui se retirait sur Gênes ou dans ses foyers; ce qui fut opéré sans contradiction, sans trouble et sans désordre. La garnison sortit de la citadelle et de la ville à deux heures avec la légion de Minerve et tous ceux qui avaient le plus marqué dans la révolution. Il ne resta à Turin qu'un bataillon de la légion royale du Piémont, qui s'était montrée fidèle au roi, et avait paisiblement servi au maintien de l'ordre.

Une députation du corps décurional était déjà partie pour complimenter le général de La Tour, lui offrir les clefs de la capitale, et le supplier de ne l'occuper qu'avec des troupes nationales. Le général, déjà arrivé à Cigliano, répondit aux vœux de la ville, et il obtint du général comte de Bubna que les Autrichiens ne s'avanceraient pas au-delà de Verceil. Le lendemain il fit lui-même avec une grande pompe militaire son entrée à Turin : il publia à cette occasion une proclamation dans laquelle il félicitait les habitans, le corps décurional et la garde nationale de l'excellent esprit dont ils s'étaient montrés animés, de l'ordre qu'ils avaient su maintenir; ordonnant d'ailleurs le rétablissement des lois anciennes, de tous les fonctionnaires déplacés, et promettant de faire observer la discipline la plus exacte, dans la confiance qu'il ne se trouverait plus parmi les Piémontais des insensés qui osassent insulter des troupes alliées, etc.... La contre-révolution s'opéra partout avec la même tranquillité. Les journaux qui s'étaient élevés à la fa; veur de la liberté de la presse disparurent; les effets publics, qui étaient tombés le 4 avril à 69 1. 75 c., s'élevèrent du 12 au 17, à 75 1., et le 28, à 77 l. Le 11 et jours suivans, les Autrichiens occupèrent au nom du roi la ville et la citadelle d'Alexandrie, et plusieurs autres places fortes sur la frontière du Milanais ou du duché de Parme, et toutes les provinces firent à l'instant leurs soumissions.

De tous les officiers ou chefs de l'insurrection qui s'étaient dispersés après l'affaire de Novarre et l'évacuation des places fortes, les uns se sauvèrent en Suisse et ensuite en France, où les plus marquans (Santa-Rosa, Saint-Michel, Saint-Marsan, etc...) sont

restés sous la surveillance de la police, d'autres à Gênes, où ils se sont embarqués pour l'Espagne au nombre de deux à trois cents; quelques-uns, obligés par les vents contraires de relâcher à Monaco, ont été livrés à la justice.

Dans toute la dernière partie de la révolution piémontaise, il n'est plus question du prince de Carignan, qui, peu de jours après son arrivée à Novarre, s'était rendu à Modène, où il eut une courte entrevue avec le roi, à la suite de laquelle il disparut de la cour et de la scène politique.

Le général de La Tour prit à son arrivée (ordre du 12 avril) les mesures ordinaires dans toutes les circonstances malheureusement pareilles, telles que la prohibition des armes cachées, poignards, stilets, bâtons ferrés, la surveillance exercée sur les officiers sans troupe et sans fonctions, etc...

Tant que la révolution avait duré, le duc de Génevois avoit refusé de prendre le titre de roi, on en a vu le motif. Il insistait pour que son auguste frère reprît les rênes du gouvernement; mais le roi Victor Emmanuel, qui était resté à Nice pendant toute la révolution, persista dans son premier dessein; et alléguant les mêmes motifs, il confirma son abdication, le 19 avril, par un nouvel acte dont on ne pouvait plus suspecter la liberté, et dont l'histoire offre si peu d'exemples. (Voyez l'Appendice).

C'est alors que S. A. R. le duc de Génevois, cédant à un vœu si clairement et si librement exprimé, notifia l'abdication de son frère et son propre avénement aux sénats royaux, à la chambre des comptes, à tous les magistrats suprêmes, ainsi qu'aux puissances étrangères; et comme il restait toujours à Modène, d'où il n'est parti qu'au mois d'octobre, il nomma le M. le chevalier Thaon de Revel, comte de Prato-Longo, son lieutenant général dans le royaume; à qui M. le comte de La Tour remit incontinent (le 23 avril) ses pouvoirs.

Un des premiers actes de ce gouvernement fut l'établissement (par lettres patentes du 26 avril) d'une délégation royale ou commission mixte civile et militaire chargée de poursuivre criminellement les principaux chefs ou fauteurs de la révolution. Le sé

questre fut mis sur les biens de quarante trois d'entre eux. Comme on ne trouvait pas sur cette liste tous les membres de la junte, on en a conclu que plusieurs d'entre eux avaient agi dans l'intérêt de la cause royale.

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La révolution italique étouffée, l'empereur Alexandre arrêta sur-le-champ la marche de son armée, déjà parvenue en Gallicie, et donna des marques de sa satisfaction aux généraux employés dans les courtes campagnes de Naples et du Piémont. Alors le congrès de Laybach semblait avoir atteint son but, accompli ses desseins il resta néanmoins encore assemblé. On a prétendu à cet égard qu'on y avait encore délibéré sur l'organisation politique qu'il conviendrait de donner à l'Italie, sur les mesures à prendre relativement aux affaires d'Espagne, de Portugal et de Grèce. Nous ne pouvons ni confirmer, ni démentir ces bruits. Nous nous bornons à dire que le congrès s'est séparé le 13 mai, après avoir laissé de ses conférences des documens qui nous dispensent d'en exposer l'objet. (Voyez l'Appendice.)

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DEUX-SICILES. - Entrée du roi des Deux-Siciles à Naples.

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Mesures d'administration, de finances, de police et de guerre. — Troubles en Sicile. Licenciement de l'armée. Convention avec l'Autriche pour l'occupation militaire des Deux-Siciles; - pour celle d'une ligne militaire dans le Picmont. Effet général de la révolution en Italie. Décrets et jugemens contre les carbonari à Naples, à Rome, à Milan, à Venise, à Turin. - Entrée du roi de Sardaigne dans sa capitale.-Mesures de gouvernement. - Effet des révolutions d'Italie en Suisse.

LE gouvernement provisoire établi à Naples lors de l'entrée des Autrichiens s'occupa d'abord des mesures de police jugées nécessaires à la sûreté publique: il ordonna le désarmement général des provinces, où des soldats autrichiens isolés avaient été assassinés : il supprima toutes les compagnies franches et tous les corps créés sous diverses dénominations, depuis le 5 juillet 1820 (décret du 6 avril): il ordonna des visites domiciliaires pour la recherche des armes. Il créa une cour martiale chargée d'exécuter le décret royal du 31 mars contre les porteurs d'armes défendues, et celui du 28 mars contre les carbonari, punis de mort, comme coupables de haute trahison, si, après la publication du présent décret, ils se faisaient inscrire ou se réunissaient dans les conventicules ou loges des carbonari ou de toute autre association secrète (9 avril): il établit (décret du 12 avril) quatre juntes de censure chargées d'examiner, 1o la conduite des ecclésiastiques tant séculiers que réguliers, et des pensionnaires et fonctionnaires publics, quels que fussent leurs grades et leurs emplois; 2o les écrits publics et l'instruction donnée à la jeunesse dans les écoles publiques ou particulières pendant la révolution. Il mit sur les journaux étrangers des droits (75 cent.) équivalens à une prohibition, et défendit l'impression de toute espèce de gazette ou de brochure sans l'autorisation de la police.

Deux jours avant l'entrée du roi dans sa capitale, il parut un décret qui modifiait en quelques points la sévérité des premiers

rendus contre les associations illicites. Il n'appliquait plus la peine capitale qu'à leurs chefs directeurs ou trésoriers; mais il renouvelait avec plus de sévérité la défense de conserver des arines et de donner asile aux individus poursuivis par la justice; il prohibait les réunions au-dessus de cinq personnes dans les campagnes, les livres qui porteraient atteinte à la morale, à la religion et aux gouvernemens existans, les blasphèmes contre Dieu et les saints sous peine des fers précédés de la fustigation, et tout acte scandaleux qui troublerait les représentations théâtrales, etc., etc...; c'est le dernier acte remarquable du gouvernement provisoire, qui cessa par la rentrée du roi dans sa capitale.

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(15 mai.) Ș. M. fit publier en y arrivant une proclamation. Elle annonçait l'intention d'étouffer tout ressentiment personnel, de faire oublier par des jours de prospérité et de paix les évé<< nemens désastreux qui avaient souillé les dernières pages de l'histoire napolitaine. » Trois jours après on forma quatre cours martiales chargées de juger les militaires accusés d'avoir pris part aux mouvemens séditieux de Nola, de Monteforte et d'Avellino; et plusieurs députés au parlement national (Borelli, Poërio, l'étrinelli, etc...) furent bannis et livrés à l'Autriche, qui les a fait enfermer dans plusieurs forteresses, à Spielberg, à Munkatsch, etc.

Par la mème proclamation, faite à sa rentrée dans Naples, le roi avait promis de pourvoir à la réorganisation des différentes branches de la législation et de l'administration du royaume. C'est dans cette idée, déjà annoncée dans la lettre du 28 janvier, que S. M. convoqua une junte temporaire de consultation (1), pour délibérer sur les bases des lois fondamentales à donner pour l'ad

(1) Les membres qui la composaient étaient :

Le prince de Canosa, le duc de Gualtieri, le prince du Cuto, le cardinal Ruffo, le marquis de Circello, Jean-Baptiste Vecchione, le chevalier R. de Giorgio, le marquis Jean d'Andrea, le lieutenant-général Fardella, le maréchal-de-camp Luchesi Palli, D. Charles-Marie Rossini, le président Marrano, l'abbé Sarno, le prince de Scilla, le marquis Spaccaforno, le chevalier Pasqualino, le prince de Migliano, et le prince de Cardito.

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