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drie y excitèrent l'indignation des insurgés; toute transaction qui n'avait pas pour base la conservation de la constitution espagnole dans toute son intégrité leur paraissait une làche condescendance. Ansaldi et quelques chefs plus modérés dans les formes écoutèrent Marentini, mais ils ne lui firent qu'une réponse éva-. sive qui fit cesser les négociations sans qu'il y ait eu de rupture apparente, et on se prépara à la guerre.

Déjà sur la demande formelle du roi Charles-Félix, duc de Genevois, un corps autrichien de quinze à vingt mille hommes était rassemblé par le comte de Bubna, sur la rive gauche du Tésin, dont on avait rompu les ponts pour prévenir une incursion subite des insurgés piémontais. Mais le général La Tour aarait voulu rétablir l'autorité royale à Turin sans le concours =des étrangers; il était dans l'intention de s'y porter; il y était attendu par un parti nombreux, surtout dans les carabiniers royaux, qui n'obéissaient qu'avec une répugnance marquée au ministre de la guerre. Celui-ci le prévint par une mesure hardie pour les circonstances où l'on se trouvait. Il fit venir de Chambéry les deux bataillons de la brigade d'Alexandrie, qui soutenaient seuls dans la Savoie le système constitutionnel, et qui signalèrent en route leur zèle en faisant prisonnier leur colonel (le chevalier Righini), pour s'abandonner à la direction de deux capitaines les plus exaltés du corps.

Avec l'appui de cette brigade, le ministre de la guerre se crut en état de faire la loi aux carabiniers, et dans la nuit du premier avril, il destitua leur colonel et deux de leurs officiers supérieurs, après avoir pris la précaution de faire porter la brigade d'Alexandrie pour surveiller les mouvemens des carabiniers. En effet, ceux-ci, blessés de la destitution de leurs chefs et des précautions prises contre eux-mêmes, manifestèrent bientôt leur mécontentement; comme ils couraient dans les rues par pelotons et sans ordre, le sabre à la main pour braver le peuple et les soldats d'Alexandrie, ceux-ci leur lâchèrent quelques coups de fusil, auxquels ils ripostèrent, et à la suite de cette bagarre, où il y eut quelques bourgeois ou militaires tués ou blessés, les deux tiers du Annuaire hist. pour 1821.

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corps des carabiniers sortirent de Turin, et passèrent avec armes et bagages à l'armée royale de Novarre.

Quoique cette affaire eût donné au gouvernement révolutionnaire l'avantage de réorganiser dans ses intérêts le corps des carabiniers-royaux, si nécessaires à la police et à sa propre sûreté, elle répandit pourtant dans le peuple et dans les jeunes soldats des contingens appelés à leurs dépôts la défiance et le découragement. On ne pouvait plus se dissimuler le danger imminent d'une guerre civile. La principale force de l'armée piémontaise, consistait dans les contingens faisant à peu près trente mille hommes, presque tous exercés au maniement des armes. Il y en avait déjà plusieurs bataillons d'organisés et rendus au camp d'Alexandrie; de plus nombreux devaient encore s'y rendre. Mais de ces jeunes soldats, les uns quittaient leurs dépôts, les autres abandonnèrent leurs bataillons en marche et retournèrent avec leurs armes dans leurs communes. La plupart des généraux et officiers supérieurs s'étaient retirés, ou avaient pris parti dans l'armée royale. Enfin l'effectif réel de cette armée, destinée à rétablir l'indépendance italique, n'était, au moment d'entrer en campagne, que de six mille combattans, tandis que l'armée royale de Novarre lui était déjà fort supérieure (1). Mais le parti cons

(1) Voici quelle était, d'après le nouveau ministre de la guerre, avant l'affaire de Novarre, la force régulière des deux partis.

Neuf bataillons....

ARMÉE CONSTITUTIONNELLE.

huit jours

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titutionnel se flattait qu'il suffirait de s'y montrer pour y opérer une défection considérable, au moyen de laquelle il serait possible de passer ensemble le Tésin, d'attaquer vivement les Autrichiens et de soulever toute l'Italie contre eux.

A ce moment, le duc de Génevois, pour ne point laisser de doute sur ses intentions et sa volonté, déjà manifestées par ses déclarations des 16 et 23 mars, fit publier une proclamation ( du 3 avril) qui déclarait félons tous ceux qui tenteraient de changer la forme du gouvernement établi avant le 13 mars, qui persisteraient à soutenir le parti des rebelles, et ordonnait à tous les soldats de se joindre à l'armée royale, et à tous les citoyens de considérer les troupes autrichiennes qui allaient seconder ses opérations en amies et alliées, etc.

Le 4 avril, après avoir concerté ses opérations avec le général autrichien, le comte de La Tour passa la Sésia, établit son quartier-général à Verceil, et poussa une avant-garde jusqu'à huit lieues de Turin, où le bruit de sa marche répandit l'épouvante. Mais on avait réuni près de Casal un corps de troupes constitutionnelles, fort de quatre à cinq mille hommes, et de six pièces d'artillerie, commandés par le colonel Régis, qui avait sous ses ordres le colonel Saint-Marsan, le colonel Saint-Michel et le major Collegno. Ils se portèrent sur Verceil, où le général La Tour ne jugea pas devoir les attendre: mais il leur envoya le général Bellotti en parlementaire, dans la vue d'épargner à la patrie les horreurs d'une guerre civile et d'une invasion étrangère; cette entrevue, redemandée encore le 7 au matin, n'a point eu lieu, et les deux partis se sont accusés mutuellement d'avoir manqué en cette occasion aux usages de la guerre.

ARMÉE ROYALE DE NOVArre.

Dix bataillons.

Seize escadrons..

Gardes-du-corps (120 hommes ).

Carabiniers à cheval..............

Plusieurs batteries d'artillerie.....

Contingent de la brigade de Montferrat..

Garnisons de Savoie et de Fenestrelles....

7 à 8,000 hommes.

Pendant ces pourparlers, l'armée royale se repliait derrière la Sésia, et le corps autrichien faisait ses préparatifs pour le passage du Tésin, qu'il effectua sur divers points, à Buffalora, à Mortera, dans la nuit du 7 au 8 avril. En mettant le pied sur le territoire piémontais, le général comte de Bubna annonça, dans une proclamation en italien et en français, que l'armée impériale ne franchissait le Tésin que pour s'opposer aux mouvemens hostiles du camp d'Alexandrie, et dans le but unique de soutenir l'armée du souverain légitime.

De leur côté, les insurgés marchaient lentement vers Novarre, attendant toujours l'arrivée des parlementaires qui leur étaient annoncés ; en sorte que dans toute la journée du 7, ils ne firent qu'une marche de quatre heures; dans la nuit ils bivouaquèrent sur les bords de l'Agogna, à deux portées de canon des remparts de Novarre, où les Autrichiens arrivèrent à deux heures du matin. Les insurgés se défendent, dans leurs récits, d'avoir eu l'intention d'attaquer cette ville, où ils espéraient opérer, par leur présence seule, la défection de l'armée royale. Comme ils débouchaient à la pointe du jour sur le plateau de Saint-Martin, pour occuper les postes de la Bicoque et de Saint-Martin, ils signalèrent sur la droite des troupes de cavalerie qui se formaient sur la route de Robbio. Alors des tirailleurs engagèrent le combat. L'armée constitutionnelle continua d'avancer : elle était parvenue jusqu'auprès des bastions d'où les troupes royales faisaient un feu trèsvif, lorsque deux régimens autrichiens (Duka et Czartorinssi) et deux bataillons de Reuss-Plauen s'avancèrent au pas de charge sur les hauteurs. L'apparition des Autrichiens, si imprévue la veille, fut d'un effet terrible sur le moral du soldat. L'armée austro-piémontaise, triple de l'armée constitutionnelle, était soutenue par le feu de la place. Les constitutionnels, débordés par la gauche, furent bientôt forcés de battre en retraite. Cette retraite dificile se fit en bon ordre jusqu'au pont de l'Agogna, où l'infanterie prit position, tandis que la cavalerie se formait en colonne sur la route de Verceil; mais il fallut continuer la retraite par échelons sur la chaussée qui formait un long défilé. Alors la ca

valerie autrichienne fit des charges vigoureuses sur la queue de la colonne, que le capitaine Ferrero, le chevalier de Monzani et le comte de Saint-Marsan soutinrent quelque temps avec intrépidité. Enfin les dragons de la Reine, ayant été culbutés par un escadron de hussards du roi d'Angleterre, sur le bataillon de Montferrat, y jetèrent le désordre; l'épouvante se communiqua de proche en proche jusqu'à la tête de la colonne, et malgré les efforts du colonel Regis, la retraite ne fut plus qu'une déroute jusqu'à Verceil, où les soldats, n'écoutant plus la voix de leurs chefs, et voyant la route de Casal interceptée, se dispersèrent de toutes parts dans la campagne, ne cherchant plus qu'à regagner leurs foyers.

Cette affaire, qui dura plus de sept heures, ne coûta pourtant aux insurgés qu'une pièce de canon, que peu de morts et une centaine de prisonniers. Ils y montrèrent plus de courage que les Napolitains; mais ils ne firent non plus que cet effort.

A l'arrivee de cette nouvelle à Turin, dans la soirée du 8, le ministre de la guerre voulait ordonner la retraite sur Alexandrie, où il se flattait qu'on pourrait arrêter pour un moment l'armée austro-piémontaise pour se retirer ensuite avec la junte à Gênes, et s'y défendre jusqu'à la dernière extrémité. C'était le plan du général Guillaume de Vaudoncourt, qui venait à l'instant même de Lausanne pour offrir ses services à la junte, et qu'elle avait chargé de rallier les restes de l'armée. Mais tandis qu'on en délibérait, Saint-Marsan et Lizio, rentrés à Turin avec quelques cavaliers, annonçèrent que la défaite étoit sans ressources, que le colonel Regis évacuait Casal devant les Autrichiens; qu'un corps occupait Voghera; qu'un autre, envoyé par l'archiduchesse de Parme, était en marche sur Stradella et Bobbio; que de tous côtés la cause constitutionnelle était perdue, et que le général de La Tour avançait vers la capitale, sans trouver nulle part la moindre opposition. Alors (le 9 au matin ) la junte remit tous ses pouvoirs entre les mains du corps décurional. Le ministre de la guerre convint que la citadelle serait évacuée et remise à la garde nationale, se réservant seulement, de l'avis de la junte, de prendre au trésor

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