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avait occasionné tant de malheurs et trouvé tant de résistance, où S. M. venait de créer un gouvernement provisoire séparé, présidé par S. Em. le cardinal Gravina, archevêque de Palerme (décret du 24 mars), le général Rossaroll, revenu de Naples, entreprenait de faire une révolution nouvelle. Après avoir soulevé la garnison et le peuple de Messine, il détruisit les emblèmes de la royauté, il proclama l'établissement de la république, il força le prince Scaletta, qui venait d'y être envoyé par le gouvernement provisoire, de se réfugier à Catane, et prit le titre de général de l'armée constitutionnelle de Sicile et de Calabre réunies.

Dans le dessein de porter la guerre en Calabre, après avoir laissé dans la citadelle de Messine quatre à cinq cents hommes, il s'embarqua dans la nuit du 2 avril; mais en arrivant sur la côte de Reggio, il y trouva une flotille de dix canonnières, dont le com} mandant Mazi, sur lequel il croyait pouvoir compter, s'opposa à son débarquement. Forcé de renoncer à son entreprise sur les Calabres, Rossaroll croyait avoir un refuge assuré dans Messine, qu'il regardait comme sa place d'armes, lorsqu'à sa grande surprise il en trouva les portes fermées, et les canons tournés contre lai et sa petite troupe. Durant son absence, les soldats étaient rentrés dans leur devoir, et ils lui signifièrent que la garnison avait reconnu pour nouveau commandant le général Collareal au nom du roi des Deux-Siciles. Dans cette extrémité, sans espérance de trouver dans le peuple de Messine un appui suffisant, il prit le seal parti qui lui restait, de s'embarquer avec sa famille pour l'Espagne, où, après avoir essuyé une affreuse tempête, il débarqua sur les côtes de Catalogne vers le même temps que Guillaume Pépé.

On peut regarder sa tentative comme le dernier effort de l'insurrection napolitaine.

PIEMONT.

CHAPITRE IV.

Esprit du pays. — Troubles. Insurrection de la garnison d'Alexandrie.-Révolution à Turin. -Abdication du roi Victor Emmanuel. - Nomination du prince de Savoie Carignan en qualité de régent du royaume. - Publication de la constitution d'Espagne. - Changemens dans l'administration. -Déclaration du duc de Génevois.-Congrès de Laybach. Retraite du prince régent à Novarre. Troubles à Gênes. - Entrée des Autrichiens sur le territoire piémontais.-Affaire de Novarre. - Entrée des Autrichiens dans Alexandrie. Rétablissement de l'autorité royale à Turin. Seconde abdication du roi Victor Emmanuel. Gouvernement du nouveau roi. — Déclaration du congrès de Laybach.

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Au moment où s'écroulait l'édifice élevé par la révolution napolitaine, il s'opérait à l'autre extrémité de la péninsule un mouvement qui semblait menacer l'armée autrichienne d'une guerre dangereuse, et l'Italie d'une conflagration universelle. Nous n'entreprendrons pas d'en démêler les causes. Le Piémont était agité, comme le reste de l'Italie, par le spectacle des révolutions; celle d'Espagne avait fait une vive impression sur l'armée, et sur la portion éclairée du peuple. Celle de Naples y exalta au plus haut degré les anciennes idées de l'indépendance italique, plus puissante encore sur le cœur des Italiens que le désir des innovations politiques; le voisinage d'une armée autrichienne, «destinée, disaiton, à asservir l'Italie », les proclamations et autres écrits répandus pour exciter des haines nationales contre l'Autriche, voilà de quoi expliquer les agitations et les sentimens qui se manifestaient quelquefois à l'occasion des circonstances les plus étrangères à la politique on en vit un exemple au commencement de l'année dans la capitale.

Le 11 janvier, quelques jeunes gens s'étant montrés au théâtre d'Angennes avec des casquettes ou bonnets rouges, comme on en porte dans le Novarrais, y occasionnèrent tant de tumulte, soit par des allusions, soit par l'expression trop bruyante de leur mé

contentement, que la police, à la sortie du spectacle, en arrêta deux qui s'étaient fait plus remarquer que les autres, malgré la résistance de ceux-ci pour les arracher de ses mains. Le lendemain 12, comme on les conduisait dans deux prisons d'Etat, sous une nombreuse escorte à travers la capitale, ce spectacle irrite les étudians; ils réclament leurs priviléges, en vertu des anciennes lois de l'université; leurs professeurs essaient en vain de les calmer, ils s'obstinent à réclamer leurs camarades, ils remplissent les arcades de la rue du Pô, ils accueillent par des huées les carabiniers royaux qui veulent les disperser, ils se réfugient dans le palais de l'u-niversité, ils en dépavent la cour, se retranchent derrière des bancs qet déclarent qu'ils ne se sépareront qu'après avoir obtenu la délivrance de leurs camarades illégalement punis. Le comte de Balbe, ministre de l'intérieur, chef de l'université, s'y transporte, il ne peut les calmer. On fait marcher quatre compagnies d'un régiment des gardes, ayant à leur tête M. le gouverneur de Turin, le chevalier Thaon de Revel, qui les somme inutilement d'évacuer la cour. La troupe, qui se met en devoir de forcer la porte et les barricades, est assaillie d'une grêle de pierres, et même, a-t-on dit, de quelques coups de pistolet. Irritée de cette résistance, elle tombe sur les jeunes étudians à coups de baïonnette, en blesse une vingtaine, en arrête un grand nombre et dissipe le reste... Heu reusement les armes n'étaient pas chargées ; les soldats avaient ordre de ne faire usage de la force qu'à la dernière extrémité. Cette affaire n'eut pas d'autres suites que la fermeture des classes pendant quinze jours. Le peuple ne prit alors aucune part à ce mouvement; mais il laissa dans les esprits des ressentimens qui se développèrent, surtout lors d'une mission du comte de Bubna, qu'on a cru chargé de demander au roi de Sardaigne l'occupation de quelques forteresses et d'autres garanties de la tranquillité du Piémont, au moment où l'armée autrichienne allait s'enfoncer dans l'Italie.

(Révolution.) Le gouvernement recevait des avis sur des machinations révolutionnaires, et il prenait toutes sortes de précautions pour les prévenir ou les étouffer. Il déplaçait les corps dans les

quels il avait le moins de confiance, où se manifestaient des jalousies ou des haines contre l'Autriche et des voeux pour la cause de Naples; il empêchait avec soin la circulation des écrits dirigés contre la politique ou les desseins supposés de l'Autriche sur l'Italie. Vers la fin de février, sur des plaintes de l'ambassadeur d'Autriche, baron de Binder, on fit enlever et conduire au fort de Fénestrelles le marquis de Prié et le comte de Peron, qui se montraient ouvertement à la tête du parti anti-autrichien. A la même époque, on arrêta sur les frontières de France, au pont de Bauvoisin, le prince de la Cisterna qui revenait de Paris, où il avait passé pour être en relation avec les chefs du parti libéral. Il avait une voiture à secrets. On y trouva des correspondances plus ou moins empreintes de l'esprit de réforme et de révolution. Il fut aussi conduit à Fénestrelles. Plusieurs autres arrestations eurent lieu en conséquence de cette découverte. Mais les principaux chefs de la fédération italienne y échappèrent, et tous leurs noms ne nous sont pas connus.

S'il faut en croire la relation de la révolution piémontaise, attribuée à l'un des plus importans personnages qui y aient figuré (M. le comte Santorre de Santa-Rosa), le jeune prince de SavoieCarignan, le plus proche héritier du trône après Charles-Félix, duc de Genevois, le frère du roi, jeune homme plein des idées et de l'ardeur naturelle à son âge, et qui jouissait d'une grande popularité, aurait eu connaissauce du projet de donner une constitution aux Piémontais et de déclarer la guerre à l'Autriche: mais à la veille de l'exécution il aurait repris, rendu, et enfin retiré sa parole de l'appuyer. Il ne suffit pas de l'assertion d'un témoin intéressé pour établir un fait de cette nature. Ce qu'il y a de certain, c'est que plusieurs des conjurés étaient du cercle ou de la suite du prince, tels que le marquis Cliarles de Saint-Marsan, fils du ministre des affaires étrangères, son aide-de-camp, et depuis quelques mois colonel en second du régiment des dragons de la Reine; le chevalier Provana de Collegno, son écuyer, officier d'artillerie; le comte de Lisio, capitaine de chevau-legers; les comtes de Saint-Michel et de Santa-Rosa, attachés à l'état-major.

Tels étaient auprès du prince ce qu'on pourrait appeler les représentans de la fédération italienne, qui n'était autre chose que le carbonarisme.

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A la nouvelle des arrestations qui supposaient la découverte de la conjuration, ou bien, suivant Santa-Rosa, après le refús du prince de Carignan d'y coopérer, les conjurés envoyèrent à leurs frères d'Alexandrie et de quelques autres garnisons l'avis d'arrêter, ou du moins de suspendre le projet qui devait éclater dans les deux ou trois premiers jours du carême (du 7 au 10 mars). Mais l'impulsion était donnée, les conjurés apprirent que la garnison de Fossano y avait répondu la première, qu'elle s'était mise en marche pour Alexandrie, et n'espérant rien de Turin, ils prirent sur-le-champ la même route par Verceil et Pignerol.

Le 10, à deux heures du matin, commence le mouvement d'Alexandrie. Le comte de Palma, capitaine au régiment de Gênes, caserné dans la citadelle, lui fait prendre les armes et proclame la constitution aux cris de vive le roi! Le colonel Stagliano veut y opposer, tous ses efforts sont inutiles... Les dragons du roi, sortis en même-temps de la ville sous la conduite d'un capitaine et d'un lieutenant (le chevalier Baronis et le comte Bianco), comme pour aller faire une reconnaissance, sont introduits dans la citadelle, et à leur suite sept à huit cents fédérés italiens, qui proclament la constitution et arborent à l'instant le drapeau tricolore vert (1), rouge et bleu de ciel. Regis, colonel du régiment de Savoie, en garnison dans la ville, avait essayé de soulever ce régiment, et n'ayant pu y parvenir, il avait permis aux soldats de retourner chez eux, ce qu'ils firent sans se déclarer ni pour, ni contre les insurgés, à l'exception de quelques-uns qui se laissèrent ensuite gagner par Ansaldi, lieutenant-colonel du régiment. Ansaldi joint à cette poignée de soldats une troupe d'étudians et de fédérés; il prend possession de la citadelle; il nomme une junte provisoire, composée de quatre citoyens fédérés et de quatre

(1) On avait substitué au noir des carbonari le vert, comme étant la couleur du dernier royaume d'Italie.

Annuaire hist. pour s

1821.

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