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de la colonne du centre, sous les ordres du général Geppert, y était arrivée sans éprouver de résistance. Mais alors quelques coups de canon tirés du château d'Antrodoco firent croire que l'ennemi s'y trouvait en forces et qu'il voulait défendre ce poste que la nature seule rendait formidable. En effet, le général Russo, chargé de sa défense, repoussa fort bien les premières attaques de l'avant-garde de Geppert; mais enfin le major d'Aspre ayant tourné la position avec une brigade, les Napolitains profitèrent de la nuit qui était venue pour se jeter dans les montagnes, abandonnant la ville et le fort, où les autrichiens trouvèrent trois pièces de canon de trente-six et des munitions en abondance.

Après cette affaire, la marche des Autrichiens, quoique pénible par un mauvais temps, une pluie continuelle, ne fut plus arrêtée par l'enuemi. Le 10, le major d'Aspre trouva le passage de la Madona della Grotta et celui de Saint-Thomas sans défense. Il arriva à sept heures du soir devant Aquila, aux portes de laquelle une députation de la ville vint à sa rencontre pour le prévenir quelle était évacuée, et l'inviter à l'occuper. Un vieux militaire invalide, le capitaine de Rossi, commandait le château depuis près de trois ans. On entra en pourparler avec lui, et dès que le lieutenant-général baron de Mohr lui eut donné l'assurance que l'armée autrichienne agissait d'après les ordres de S. M. le roi des Deux-Siciles, il consentit à faire une capitulation d'après laquelle le château d'Aquila fut occupé (le 12 mars) de concert, par les troupes autrichiennes et par les troupes napolitaines.

D'un autre côté, la division Walmoden nettoyait et soumettait par ses détachemens tout le littoral et la partie septentrionale des Abruzzes, à l'exception de Pescara, où se jeta le général Verdinosi ; en sorte que ces provinces, où les Napolitains comptaient établir le foyer d'une guerre opiniâtre, furent occupées, sans que l'armée campée sur le Garigliano eût fait un mouvement, soit pour secourir le général Pépé, soit pour opérer une diversion sur les derrières de l'ennemi ou dans les Etats romains, jusqu'à ce que les Autrichiens arrivés par les Abruzzes menaçassent le flanc droit du général, Carascosa.

Dans le désordre inséparable d'une dissolution d'armée si rapide, le général Pépé avait en vain essayé de rallier quelques débris de son corps à Sulmona, puis à Castel-di-Sangro... Les milices dispersées se répandirent dans les campagnes, où leurs excès refroidirent promptement l'ardeur qu'on avoit témoignée pour la révolution. Le général Pépé, sans espérance de ce côté, ordonna an général Russo de les rassembler à Isernia, et partit pour Salerne dans le dessein d'y réorganiser une autre armée. Mais toute confiance était perdue en lui et dans la cause dont il était le premier champion. Il rentra dans Naples, où le bruit de sa défaite avait déjà répandu l'épouvante.

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La situation de cette capitale était telle alors qu'on peut Timaginer dans la terreur d'une insurrection populaire et d'une invasion étrangère. L'exaltation des carbonari et des légionnaires, qui passaient pour se rendre à l'armée, n'avait pas d'autre frein, dans l'absence de la garde royale, que la surveillance de la garde bourgeoise, dite de sûreté, qui fournissait chaque jour 3 à 4,000 hommes de garde. Grâce à ses soins, et sans doute à la présence des escadres française et anglaise, où l'on embarquait les effets les plus précieux du palais de la famille royale, la tranquillité ne fut pas troublée. Un individu (Gian-Petro) qui avait fêté l'arrivée prochaine des Autrichiens fut frappé d'un coup de poignard qui portait le numéro I, comme pour annoncer que le même sort menaçait les ennemis de la révolution. Mais cet assassinat fut le seal commis à cette époque, chose à remarquer dans un pays où la paix même est si féconde en crimes de ce genre. D'ailleurs, stagnation absolue de commerce, d'industrie et d'affaires, une pénurie d'argent extrême, un discrédit inouï des effets publics tombés à 47, une impossibilité absolue de réaliser l'emprunt forcé, auquel on se dérobait en gagnant du temps...., et toujours des décrets du parlement, soit pour la défense du pays, soit pour la réforme des anciennes lois; délibérations inutiles, dont l'histoire ne peut plus tenir compte: voilà le tableau de Naples dans cette

crise.

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Le même jour qu'avaient commencé les hostilités, le 7 mars, le

y eut le 17 un petit engagement soutenu par le colonel de Conciliis. Le général Carascosa, se voyant déjà tourné comme Guillaume Pépé l'avait été dans les Abruzzes, s'était hâté de faire sa retraite sur Mugnano. Il avait laissé au fort du Monte-Cassino une garnison de trois cents hommes du régiment des gardes de la reine. Leur commandant, semné de se rendre rejetait toute capitulation, mais les soldats refusèrent le service, les troupes autrichiennes pénétrèrent dans la place le 19, et les soldats napolitains, désarmés pour la forme, se firent immédiatement incorporer dans un bataillon de grenadiers autrichiens.

Le même découragement avait déjà saisi toute l'armée; à peine arrivée au camp de Mugnano, le désordre et l'insubordination s'étaient mis dans les corps de milices, et même dans les régimens de la ligne. A l'approche des Autrichiens, les milices se débandèrent, et reprirent dans diverses directions le chemin de leurs provinces; les soldats de la ligne, sans plus s'embarrasser des ordres de leurs officiers, allèrent au-devant des ennemis qu'ils avaient réfusé de combattre, et se confondirent pêle-mêle avec eux. La garde royale seule, à la voix du général Carascosa, observant encore un reste de discipline, maintenait ses rangs entiers au milieu de cette dissolution générale. Elle consentit à occuper Capoue pour en former la garnison, demandant pour condition qu'on n'exigeât d'elle rien de contraire aux ordres du roi, et arrachant de ses drapeaux les cravattes tricolores, aux cris de vive le roi!

Le 20 mars, la suspension des hostilités demandée par le général Carascosa fut signée, ainsi que l'occupation de Capoue et d'Aversa, au grand prieuré de Naples, par le baron d'Ambrosio, lieutenant-général commandant la première division de l'armée napolitaine, et par le comte de Fiquelmont, général au service de S. M. 1. et R. Il est à remarquer que dans cette capitulation, comme dans toutes les autres de cette campagne, on reconnaît comme propriété du roi des Deux-Siciles tous les objets trouvés dans les forts ou arsenaux occupés, et que les gouverneurs doivent n'y agir qu'au nom de S. M. sicilienne.

Le désordre dans lequel s'opérait la retraite, ou plutôt la dissolution de l'armée napolitaine, se conmuniquait à :outes les provinces, à toutes les villes où se jetaient les déserteurs : ils y commettaient des excès ordinaires à des bandes sans discipline, sans frein et sans espérance. On ne pouvait les craindre nulle part autant qu'à Naples, où l'ardeur des carbonari croissait en raison de leurs dangers. Depuis l'arrivée de la réponse du roi, on délibérait dans les loges des moyens d'organiser la défense du royaume sur de nouvelles bases, de se fortifier sur la ligne du Volturne, d'abandonner la capitale, de transférer le gouvernement, la fa÷ mille royale et le parlement en Sicile, de faire une guerre de guérillas dans les Apennins, dans la terre de Bari et dans les Calabres. A entendre les partisans du général Pépé, « l'armée n'avait été dissoute que par l'effet de la trahison; mais la force nationale restait entière, des milliers de volontaires.se pressaient de revenir sous leurs drapeaux; Gaëte, Pescara, toutes les forteresses tenaient encore; les provinces ne pouvaient être entièrement occupées; avec les débris de l'armée, on pouvait former en Sicile une armée plus redoutable que la première, et les montagnes de la Calabre pouvaient servir d'asile à des milliers de volontaires armés pour la cause de l'indépendance, tandis que la revolution qui venait d'éclater à l'autre extrémité de l'Italie opérerait une diversion puis sante, etc., etc... » A mesure qu'approchaient les Autrichiens, la situation de Naples devenait plus critique. Enfin, toutes les dispositions étant prises par le gouvernement pour assurer l'exécu tion des ordres de S. M., ou pour neutraliser la résistance des carbonari, la capitulation de Naples, qui comprenait celle des places de Gaëte et de Pescara, encore occupées par les généraux Begani et Verdinosi, fut signée le 23, sur les bases de celle de Capoue, par M. le lieutenant-général Pedrinelli, gouverneur de Naples, et par M. le général-major comte de Fiquelmont. Le même jour, des grenadiers de la garde royale, qui revenaient du camp, y rentrerent: insultés par des carbonari qui les appelaient traîtres, ils firent feu et en tuèrent quelques uns, la terreur soumit le reste. Le général Pépé, et les principaux chefs de l'insur

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rection demandèrent des passe-ports pour l'étranger, qu'on leur accorda la grande loge (alta venditta) se sépara dans la nuit; le parlement, qui s'était encore assemblé en petit nombre, fot dissous dans la matinée du 24, et les Autrichiens firent leur entrée quelques heures après dans cette capitale, d'où le prince régent, duc de Calabre, partit le lendemain avec sa famille pour le château de Caserte.

A l'instant même de l'entrée des Autrichiens, parut une ordonnance royale, rendue le 10 mars à Florence, qui nommait un gouvernement provisoire composé : du marquis de Circello, président; - du chevalier R. Giorgio, pour les affaires judiciaires; - du lieutenant-général Fardella, pour la guerre et les affaires ecclésiastiques; du chevalier Lucchesi, pour la marine; — du marquis d'Andrea, pour les finances; - de M. Vecchioni, pour l'intérieur; - de M. A. de Blasüs, pour la direction de la police générale, où il a été remplacé par M. le prince de Canosa.

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Il serait superflu de rapporter ici les mesures prises par le gouvernement provisoire, soit pour annuler les décrets rendes pendant la révolution, soit pour en poursuivre les auteurs, soit pour organiser les autorités nouvelles : elles se lient avec celles qui émanèrent ensuite de la puissance du roi après sa rentrée, qui n'a eu lieu que le 15 mai.

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En attendant ses ordres, une partie de l'armée napolitaine fut envoyée du côté de Salerne, une autre resta dans les garnisons, mais en nombre fort inférieur aux Autrichiens : les milices furent désarmées; la gendarmerie reprit son service : des divisions autrichiennes se répandirent en colonnes mobiles dans la Capitanate et la Basilicate, où plusieurs chefs de la révolution, Morelli, Laurent de Conciliis, Minichini, voulaient organiser une guerre de guérillas. Bénévent et Ponte-Corvo rentrèrent sous l'autorité pontificale; Gaëte et Pescara furent remis aux Autrichiens au nom du roi, et la marine napolitaine, qui n'avait fait que des démonstrations hostiles dans le golfe adriatique, rentra dans la soumission...

Mais au-delà du Phare, en Sicile, où la révolution napolitaine

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