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ne se trouveraient pas compromises par des circonstances qu'on ne veut ni ne doit prévoir. »

Pendant ces pourparlers diplomatiques, la députation permanente s'occupait de la convocation d'une session extraordinaire déjà prévue. Tous les députés étaient restés à Naples. Les juntes préparatoires se formèrent dès le 12, et le 13 au matin le princerégent alla en personne, avec un cortége pompeux, faire l'ouverture de la session.....

Le discours de S. A. R., où perce l'embarras d'une situation pénible, annonçait son attachement aux principes constitutionnels, sa résolution de rester uni avec la nation, et des rapports exacts et fidèles sur la situation des affaires de l'Etat : il recommandait au parlement l'honneur national, le respect pour le trône et l'ordre public, et des mesures sages et énergiques.... Le président y répondit par une exposition des causes de la révolution napolitaine, par une justification de la conduite du gouvernement et du parlement envers les nations étrangères, par une protestation de ses sentimens pacifiques, mais aussi par la résolution de prendre « les mesures les plus conformes à la dignité et à l'indépendanco ⚫ de la nation, les plus propres à consolider l'édifice de la consti«tution et la légitimité du trône. »

Alors furent communiqués au parlement, le rapport fait au prince-régent par M. le duc de Gallo, sur sa mission à Laybach, (Voyez l'Annuaire pour 1820, page 698), et les dépêches diplomatiques remises à l'audience du 9. Le duc de Gallo appuya la lecture de ces documens d'un discours où il s'attachait à les réfuter. Ils furent renvoyés à l'examen d'une commission chargée d'en faire sans délai son rapport.

Dès le 15 au matin, M. Poërio, rapporteur de la commission, parut à la tribune, et après un discours où il faisait sentir « la « nécessité de résister à des prétentions désormais inconciliables « avec la dignité, l'honneur et l'indépendance de la nation napo<< litaine », il proposa les déclarations suivantes, qui furent immédialement votées d'enthousiasme :

Le parlement national déclare:

1. Qu'il n'a pas le pouvoir d'adhérer à aucune des propositions qui lui ont eté communiquées de la part de LL. MM. le roi de Prusse et les empereurs de Russie et d'Autriche; propositions qui tendent à la destruction de la constitution actuelle et à l'occupation du royaume;

2o Qu'il regarde comme impossible d'attribuer à la libre volonté de S. M. tout acte passé ou futur qui serait contraire à ses sermens confirmatifs de cette même constitution; et en conséquence, il regarde S. M., au sujet de ces actes, comme constituée en état de contrainte;

30 Que, durant ce même état de contrainte de S. M., le duc de Calabre, son auguste fils, continue la régence du royaume, suivant le mode fixé par le décret du 10 décembre 1820;

4o Qu'en conformité des déclarations contenues dans les articles précédens, et suivant la constitution, toutes les mesures seront prises pour sauver l'Etat.

Deuxième déclaration.

Gonsidérant la nécessité de rendre toujours plus manifestes les principes de droit public qui règlent la nation des Deux-Siciles,

Le parlement national déclare:

1° Que la nation des Deux-Siciles est l'alliée naturelle de toutes les nations qui jouissent de sa constitution ou de toute autre, et ce, selon les rapports particuliers qui seront établis dans le mode constitutionnel;

2° Qu'elle ne s'immisce point dans le gouvernement des autres nations, qu'elle ne tolérera jamais que l'on s'immisce dans le sien, et qu'elle est disposée à employer tous ses moyens, pour qu'aucune nation ne se désiste de ces principes.

30 Que la nation des Deux-Siciles offre un asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause d'opinions libérales;

4° Qu'elle ne fera jamais la paix avec un ennemi tant qu'il occupera son

territoire.

Ces déclarations votées, le parlement prit dans la même séance diverses mesures de police et de guerre. Il déclara ennemi de la patrie ceux qui chercheraient à diviser les opinions nationales, en émettant des systèmes contraires à la constitution actuelle, ou en excitant la discorde et la haine entre les citoyens; ceux qui porteraient atteinte au respect dû à l'autorité royale et législative, qui mettraient obstacle à l'exécution des lois, à la discipline de l'armée, à l'ordre public, ordonnant que, si ces tentatives étaient suivies de délits et de crimes, les coupables seraient punis suivant toute la rigueur des lois. - Le parlement décréta encore que les étrangers seraient admis, en cas de guerre, à servir sous la bannière napolitaine ; que quarante-trois bataillons de légionnaires seraient mis à la disposition du gouvernement pour les employer

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au besoin contre l'ennemi, sans compter les légionnaires des Abruzzes; que dans le cas où les circonstances forceraient l'arinée à passer la frontière, les pays et les habitans italiens seraient traités comme amis et co.nme frères, et que les fournitures seraient payées comptant ou avec des bons du trésor, émis sous la foi et la garantie nationale.

Cette dernière mesure annonçait une grande pénurie d'argent; elle était telle en effet, qu'on fut obligé de recourir à un emprunt forcé de 3,000,000 de ducats, que la promptitude des événemens n'a pas permis de réaliser.

Toute cette session extraordinaire, qui dura jusqu'au 28 février, et qui fut immédiatement suivie de la session ordinaire, est rémplie de discussions relatives à la défense du pays, soit pour l'organisation des compagnies franches, soit pour des mesures d'attaque, soit pour des précautions de défense. Il fut ordonné aux intendans, aux receveurs généraux, en cas d'invasion, de transférer les archives ou les caisses en lieu de sûreté, et il leur fut défendu de rester dans les places occupées par l'ennemi. On fit une adresse aux Siciliens pour les appeler à la défense de la patrie dont ils avaient voulu se détacher. On divisa, pour toute la durée de la guerre, les provinces en-deçà du phare en quatre lieutenances militaires :

1o Les trois Abruzzes, la terre de Labour, et la province de Molise ;

2o Les deux principautés et les trois Calabres;

3o La Capitanate, la terre d'Otrante, les provinces de Bari et la Basilicate;

4° La province et la ville de Naples.

Les principaux devoirs des lieutenans-généraux ou des maréchaux-de-camp, commandant les grandes lieutenances militaires, devaient être d'expédier les conscrits, les miliciens, les munitions et les subsistances aux armées; de concourir à la fortification des points jugés convenables; d'ordonner la destruction, en cas d'urgence, des ponts, des routes, des machines, et de tous les

moyens qui pourraient être utiles à l'ennemi; de concourir aux opérations maritimes pour la défense, etc., etc.

Outre ces mesures générales, le parlement décréta que tous les citoyens livreraient les fusils qu'ils pourraient avoir entre leurs mains; que les fermiers déclareraient la quantité de grains qu'ils avaient à fournir à l'armée..... Il serait trop long, et aujourd'hui trop peu important, de rendre compte de ces mesures, de ces offrandes, de ces appels ou de ces réquisitions patriotiques, auxquels on ne répondait pas dans toutes les classes avec le même dévouement. Une seule proposition suffit pour prouver le vrai sentiment où l'on était du danger de cette crise; c'est celle du député Netti, qui proposait de suspendre la constitution et de remettre au prince-régent une sorte de dictature. La commission à laquelle elle fut renvoyée n'en fut pas d'avis, mais elle proposa et le parlement décréta que la représentation nationale, le ministère et le trésor public, devraient toujours se tenir à une distance convenable (distanza discreta) du quartier-général du prince-régent, et qu'en cas d'urgence, ils se retireraient d'abord à Salerne. A Naples et dans toutes les provinces voisines, des bataillons de milices et des corps de volontaires, décorés du nom classique de leurs ancêtres, Bruttiens, Samnites, Irpins, etc., etc........, étaient partout en mouvement; et selon les rapports, sans doute exagérés, du général Guillaume Pépé, chargé de la levée des légionnaires, il n'y en avait pas moins de cent cinquante mille, mais mal habillés, encore plus mal armés; car les arsenaux avaient été vidés pour l'armement des troupes de ligne, et les manufactures nationales n'étaient pas assez bien organisées pour suffire promptement à celui des milices, qui s'armèrent comme elles purent, avec plus de zèle qu'elles ne montrèrent ensuite de courage. Ainsi Naples se préparait à la guerre, que de nouveaux courriers annonçaient de jour en jour plus imminente, car l'armée autrichienne s'était mise en mouvement en même temps que les courriers chargés de porter à Naples les résolutions de Laybach, où le roi en attendit l'effet.

Le 4 février, le général de cavalerie, Jean, baron de Frimont,

nommé général en chef de l'armée autrichienne destinée à l'expédition contre Naples, et forte d'environ 52,000 hommes, fit publier à son quartier-général de Padoue une proclamation annonçant que l'armée concentrée depuis un mois sur la rive gauche du Pô allait franchir les limites de la patrie (du royaume lombardo-vénitien) avec des intentions de paix : il recommandait l'ordre et la discipline, soit que l'armée marchât à travers les Etats en paix de l'Italie, soit qu'elle mît le pied sur le territoire napolitain.

«Les seuls ennemis de la tranquillité de leurs concitoyens, dit le général, les seuls rebelles contre les sentimens de leur roi, peuvent s'opposer à nous; et quand ils parviendraient à en engager d'autres à faire résistance, ils ne nous empêcheront pas d'atteindre le but salutaire que nous nous sommes proposé. Les conséquences 'de leur entreprise tomberont sur leurs têtes, et non pas sur celles des citoyens tranquilles. »

Le lendemain, l'armée se mit en mouvement, et dans les trois jours suivans, le passage du Pô fut effectué sur cinq points différens, de Crémone à San-Benedetto.... Parvenue à Bologne, elle se dirigea en deux corps principaux sur les deux routes qui conduisent dans le royaume de Naples, l'un par le grand-duché de Toscane et l'État romain, l'autre par les Légations, les Marches et les Abruzzes.-Celui-ci, commandé par le comte Walmoden, arrivé à Urbin, se partagea en deux divisions, dont l'une marcha sur Spolète pour se mettre en communication avec le corps principal; l'autre longea les côtes de l'Adriatique jusqu'à Ancône, où se trouvait la flottille impériale sous le commandement du marquis de Paulucci. Tous ces mouvemens s'exécutèrent sans embarras. Du 14 au 16, le premier corps avait passé Florence; de l'autre côté, les autrichiens arrivèrent le 19 devant Ancône, qui fut opcupée, et toute l'armée se trouva sur le territoire pontifical.

Une déclaration de S. S., en date du 8 février, avait annoncé les Autrichiens comme « des troupes amics destinées à protéger l'exécution des mesures prises par les souverains, pour maintenir la paix de l'Italie et de toute l'Europe. » Le saint-père

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