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dances qui révèlent des desseins et un plan dont on n'avait pas soupçonné l'étendue.

Vers le même temps, au commencement du mois d'août, on arrêta plusieurs étudians soupçonnés de faire partie d'une association secrète entre les universités de Varsovie, de Berlin et de Cracovie; quelques-uns appartenaient aux premières familles de la Pologne; d'autres étaient déjà distingués par des succès dans la littérature. On envoya de suite à Berlin le directeur de la police mettre le scellé sur les papiers des étudians polonais qui s'y trouvaient, mais cette perquisition n'ayant produit que des renseignemens vagues, on relâcha quelques-uns des individus déjà arrêtés; on en confina quelques autres (comme M. Heltman et un jeune Potocki ) au fond de la Russie. Et en même temps il fut publié, au nom du lieutenant-général du royaume, une ordonnance qui défend très-sévèrement toute société secrète dans la royaume de Pologne, quel qu'en puisse être le but. Aucun habitant du royaume de Pologne ne peut également prendre part à une société secrète et étrangère, si elle est défendue dans le pays où elle a lieu, ou si elle a une tendance politique. Tous les employés publics, nommément ceux qui sont à la tête des universités, des écoles et des instituts publics, doivent, sous peine de perdre leurs places, et en outre d'encourir une punition, prévenir les autorités aussitôt qu'il parvient quelque chose à leur connaissance sur l'existence de sociétés de cette nature.

De telles mesures indiquent déjà l'état moral et politique du pays. A la fin de l'année il s'y répandait des inquiétudes vives sur la durée du régime constitutionnel.

CHAPITRE III.

CONGRÈS DE LAYBACH. - Objet et résultat des conférences. —Lettre du roi des Deux-Siciles à son fils. -Effet de ces nouvelles à Naples. - Session extraordinaire et ordinaire du parlement. - Décrets et déclarations. — Préparatifs de défense. — Manifeste des Napolitains. — Marche des Autrichiens et des Napolitains. Troubles dans les Etats romains. Affaires de Rieti et d'Antrodoco.- Capitulations d'Aversa et de Naples. Dissolution du parlement napolitain. Entrée des Autrichiens à Naples. Soumission et désarmement des provinces. Mesures du gouvernement provisoire.

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AVEC l'année commence le congrès de Laybach. On y a appliqué les principes établis à Troppau. Il faut en relire les documens pour en saisir l'idée dominante.

La ville de Laybach avait été choisie, malgré le peu de ressources qu'elle offrait pour une pareille réunion, à cause de a proximité de l'Italie (1). L'empereur d'Autriche y dévança de quelques jours les augustes hôtes qu'il devait y recevoir. Il y arriva le 4 janvier, l'empereur de Russie le 7, et le roi de Naples le 8. On y attendait le roi de Prusse. Les écrivains politiques, et surtout les libéraux, firent sur son absence, motivée par une indisposition, mille conjectures que son adhésion postérieure aux actes du congrès a complètement démenties.

D'après les principes établis à Troppau, il ne s'agissait plus à Laybach que de leur application, c'est-à-dire de savoir en quel cas, par quelles voies et jusqu'à quel point on pouvait s'immiscer dans le gouvernement d'une puissance indépendante. Ici l'embarras de l'Autriche, entre des nations qui tendaient à se débarrasser de son influence politique ou même de son voisinage, était évident. Les précautions qu'elle avait prises en 1815 contre l'introduction en Italie du gouvernement représentatif, montrent mieux que tous les raisonnemens la raison qui dut la décider à

(1) Voyez la liste des ministres qui ont figuré au congrès, Ann. p. 1820, pag. 93.

n'admettre aucune composition avec la révolution de Naples. L'esprit de l'indépendance italique, premier principe de l'association des Carbonari, minait sourdement son empire, et gagnait de proche en proche des Alpes Juliennes jusqu'au point où finit la chaîne des Abruzzes.

Rien n'était plus dangereux dans cette circonstance à l'union des souverains que de laisser entrevoir des vues d'agrandissement territorial. Dans la situation morale et politique des peuples, il n'importe guère aux grands potentats de compter quelques provinces de plus ou de moins sous leur sceptre, mais de se préserver des révolutions qui les menacent. C'est d'après cette idée dominante dans les actes du congrès qu'il fut d'abord convenu en principe que l'on conserverait l'intégrité et le status quo des États italiens. Un autre objet des délibérations dut être de savoir quel parti l'on prendrait sur les réformes politiques convenables à faire, dans l'intérêt des rois, des peuples et de l'ordre social. Autant que l'on peut en juger par des révélations verbales ou écrites, d'après des publications semi-officielles, on y considérait quelques constitutions d'Allemagne, telles que celles de Bavière, de Wurtemberg et de Bade, comme étant, malgré les perfectionnemens qu'on y peut désirer, le meilleur type de constitution moderne pour allier ensemble les droits et les intérêts du prince et des sujets, et comme réunissant, par la distinction des classes, les vrais élémens conservateurs de la société; où la souveraineté des monarques ne pouvait en aucune manière être ébranlée ou déracinée par les droits des Etats de participer à la législation et de donner leur consentement aux impôts, tandis que la constitution proclamée par la France en 1791, par l'Espagne en 1812 et 1820, créant une assemblée où était le siége de la volonté souveraine et dictatoriale du peuple, avait réellement détruit toute autre autorité, toute souveraineté, toute distinction de droits et de classes, en établissant la représentation nationale sur l'anéantissement préalable des classes... Ainsi il fut encore admis en principe qu'on ne mettrait aucun obstacle à l'établissement ou au système des constitutions, autant toutefois qu'il serait en harmonie avec le

principe monarchique et la légitimité; — que le roi de Naples reprendrait son pouvoir in integrum, et qu'il aurait la faculté de donner à ses peuples une constitution conforme aux besoins et à l'esprit du siècle, vues déjà proposées par la médiation de la France.

Lorsque le roi des deux Siciles arriva à Laybach, il y reçut les honneurs et les égards dus à son rang, à son âge, à son caractère. On n'avait pas admis le ministre des affaires étrangères, duc de Gallo, à Laybach, parce que c'eût été reconnaître le nouvel ordre de choses dont il était le défenseur obligé. On ne peut tirer de l'opinion énoncée par le roi des deux Siciles au congrès d'autres inductions que celle qui résulte de sa lettre du 21 janvier, de ses déclarations et de ses actes postérieurs. Il fut décidé que les souverains ne reconnaîtraient en aucune manière le nouvel ordre de choses dans l'Etat de Naples ; que l'autorité royale y serait rétablie telle qu'elle était avant le 5 juillet 1820, et qu'il lui serait imposé des garanties. C'est ce qui fut déclaré à M. le duc de Gallo, appelé le 30 janvier à Laybach uniquement pour y entendre les décisions irrévocables que les puissances faisaient passer à leurs ministres On n'ajoutera rien à cette séance du congrès, peut-être unique dans les fastes de la diplomatie.

En conséquence de cette résolution, il fut signé, le 2 février, une convention portant qu'une armée autrichienne, au nom des trois cours d'Autriche, de Prusse et de Russie, serait mise à la disposition du roi des Deux-Siciles, et qu'elle serait défrayée par ce royaume du moment où elle aurait effectué le passage du Pô, et pendant la durée de l'occupation fixée à trois ans, sur les principes des stipulations observées dans l'occupation de la Franco (1815-1818), principes dont l'application a été l'objet d'une convention particulière.

L'histoire observera, comme une singularité particulière à ce congrès, l'attitude de deux puissances neutres (l'Angleterre et la France) dont les plénipotentiaires n'ont été que spectateurs d'une querelle politique, immense dans ses effets immédiats et dans ses conséquences éloignées. On a cru un moment en Europe que la

dépêche britannique du 19 janvier 1821 ( Voyez l'Annuaire pour 1820, p. 689) jetterait quelque embarras, quelque dissentiment politique dans le congrès. Mais ce n'était qu'un hommage de précaution ministérielle rendu aux principes de la constitution britannique. Sur la révolution napolitaine, l'opinion des puissances neutres n'était pas plus équivoque que celle des puissances ennemies, et sur la nécessité de détruire l'ordre de choses établi par la violence, il n'y avait qu'un seul avis.

A cette question se rattachait celle des mesures à prendre pour préserver l'Italie d'une révolution générale, et pour neutraliser les progrès de l'esprit qui la portait vers ce qu'on appelait « son indépendance. » Des ministres de ses différentes cours avaient été appelés à Laybach. Ils furent invités pour la première fois le 26 janvier à assister aux conférences. On prétend qu'on y mit en délibération le projet de faire une confédération italienne basée sur les principes de la confédération germanique. On n'a pas assez de documens pour hasarder ou rappeler des conjectures à ce sujet. Il nous suffit de faire observer qu'il y eut plusieurs notes échangées entre l'Autriche et la Sardaigne, et qu'après un mois de conférences (terminées le 28 février), le projet, si cher aux spéculateurs politiques, si embarrassant pour l'Autriche, a été encore indéfiniment ajourné. D'ailleurs l'intérêt du moment absorbait tous les esprits : on attendait l'effet des déclarations envoyées à Naples.

DEUX-SICILES.

Dans cette capitale aussi on était plus en peine des discussions du congrès que des décrets du parlement national, qui n'en poursuivait pas moins ses travaux, dont on ne peut ici donner que les résultats.

En matière de finances, où les discussions publiques jettent toujours des lumières utiles, le parlement avait décrété (3 janvier) que la contribution foncière des provinces, qui s'élevait en 1820 6,150,000 duc. 5,125,006

serait réduite pour 1821 à..........

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réduction d'un sixième, et d'autant plus étonnante que huit jours

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