Page images
PDF
EPUB

des sujets russes qui travaillent le coton et la soie, et pour favoriser la culture de la vigne dans les provinces méridionales de l'empire, ainsi que la distillation des liqueurs qui se font avec les raisins et d'autres fruits, l'empereur avait résolu de hausser les droits de communication qui se perçoivent dans l'intérieur sur ces articles le tarif de douanes publié en conséquence a augmenté l'impôt sur le sucre et le café. Quant aux autres objets de luxe et de nécessité, il offrait des changemens qui occasionnèrent au commerce extérieur, surtout à celui de l'Allemagne et de l'Angleterre, de grandes pertes, sans qu'on sût bien encore de quel produit et de de quel profit il serait pour l'empire russe.

[ocr errors]

De toutes les parties de ses finances, on ne connaît encore assez précisément que l'état de la dette et de la banque. Le nouveaurapport fait au conseil de surveillance des établissemens de crédit, réuni le 24 mai, sur ses opérations pendant l'année 1820, offre des détails intéressans; mais on ne peut en donner ici que les principaux résultats. La dette à terme n'est point augmentée, celle de Hollande se trouve diminuée d'un million de florins. On a remboursé, å compte de celles contractées dans le pays, 19.700 roubles argent, et 6,154,497 roubles 95 cop. assignations de banque.

Les dettes à rentes perpétuelles (anciennes créances reconnues alides) se sont accrues de 2,596,300 roubles argent, et de 2,308,100 roubles assignals.

Il a été inscrit 13, 250,000 roubles métalliques portant 5 p. c. derentes perpétuelles. Ils font partie d'un emprunt de 40 millions fait en 1820 par un arrangement conclu avec les maisons Hope et Baring... C'est jusqu'ici le seul semestre inscrit sur cet emprunt.

L'amélioration du papier-monnaie a été lente, mais progressive. Du taux moyen de 418, auquel était le rouble argent en 1815, il a successivement baissé en 1816 à 403; en 1817 à 383; en 1818 à 379; en 1819 et 1820 à 373.

On a retiré de la circulation dans le courant de 1820, pour 37,242,410, et en total, depuis le commencement des opérations, 191,109,420 r. d'assignats.

La masse actuellement circulante des nouveaux billets assigns est de 639,460,270 roubles.

En dernier résultat (au 1er janvier 1821), la situation des établissemens de crédit offrait une dette de 49,100,000 en florins de Hollande, 25,865,752 en roubles mét., et 286,624,121 en assi gnations de banque. C'est tout ce qu'il nous est possible de dire des finances russes.

L'empereur Alexandre était encore au congrès de Laybach lorsque l'insurrection grecque éclata presque en même temps en Moldavie et en Morée. On verra quel effet elle produisit sur son cabinet, par les déclarations qui en sont émanées. L'armée russe de Volhynie, forte de 95 à 100 mille hommes, sous les ordres des généraux Sacken et Yermoloff, déjà rassemblée pour se porter en Italie, se trouva, dès qu'on fut rassuré sur l'issue de la révolution italienne, toute prête pour former un corps d'observation destiné à défendre toute invasion du territoire russe, et même à garantir au besoin les immunités des principautés de Valachie et de Moldavie, d'après les traités de Kainardgy (1774), et de Bucharest (1812).

Quant à l'effet que l'insurrection grecque produisit en Russie, quoiqu'on ne puisse pas dire qu'il y ait d'opinion publique dans une population mêlée et répandue sur un territoire immense, divisée d'intérêts, privée d'instruction et de ces moyens de communications qui répandent si rapidement ailleurs le fluide électrique de la civilisation, l'histoire doit remarquer que cette sensasion fut vive et générale chez les Russes, à Pétersbourg, ainsi qu'à Odessa. Les cruautés exercées sur les Grecs, le pillage des églises, et surtout le supplice du patriarche de Constantinople et de plusieurs autres évêques, la portèrent à son comble. Il n'était pas au pouvoir du gouvernement de comprimer l'indignation d'une population religieuse, ignorante, accoutumée à regarder les Turcs en ennemis, et les Grecs comme des frères destinés à faire, dans un avenir plus ou moins éloigné, partie du même empire. L'empereur en recueillit l'expression à son retour à Varsovie, où il ne s'arrêta, le 27 mai, que pour passer la revue de l'armée et mettre ordre aux affaires les plus pressantes; et à Pé

tersbourg, où il est entré le 7 juin, après une absence de dix mois et demi.

Cet entousiasme, tout de sentiment dans les classes inférieures, se manifesta dans les autres par des souscriptions ouvertes en faveur des Grecs échappés aux massacres ou aux défaites. Ils trouvèrent en Russie un asile, des secours et l'espérance d'un meilleur sort, du triomphe de leur cause.... Dès le mois de juin, l'empereur lui-même, quoiqu'il eût hautement désavoué l'entreprise d'Ypsilanti, et le principe de l'insurrection, fit distribuer cent mille roubles en argent aux malheureux fugitifs arrivés à. Odessa, de toutes les parties de la Turquie, et il fit rendre dans cette ville (28 juin) des honneurs funèbres magnifiques à la dépouille mortelle du patriarche Grégoire, exécuté à Constantinople. Nous n'indiquons ici ces événemens que dans ce qu'ils ont de relatif à la Russie, et dans ce qu'il est important d'établir pour l'éclaircissement des faits à raconter.....

Pour cette année, toute l'histoire russe est dans des négociations diplomatiques, dont les documens donneront le positif, ou dans des mouvemens militaires qu'on ne peut suivre en détail, ni avec certitude. Les journaux du temps en sont remplis, l'histoire n'y prendra que peu de chose.

En juillet, l'empereur visita les colonies militaires du gouvernement de Novogorod. A la fin de septembre, il alla passer la revue de sa garde, partie de Pétersbourg dès le mois de mai, et trois mois après elle fut presque toute cantonnée aux environs de Witepsk, où elle formait un effectif de 50,000 hommes de toutes armes. On y donna des fêtes militaires où éclatèrent l'amour des Russes pour leur souverain et leur orgueil national, et, quoiqu'on en voulût modérer l'ardeur, l'expression de leur enthousiasme belliqueux en faveur des Grecs. L'empereur y fit des distributions de grades et d'honneurs, comme au commencement d'une campagne. C'est-là que S. M. reçut M. le baron de Strogonoff à 'son retour de Constantinople, et qu'elle lui donna, pour lui et toutes les personnes attachées à son ambassade, les témoignages les plus éclatans de sa satisfaction de leur conduite.

A la suite de cette revue, que l'empereur ponssa jusqu'à Minsk, on crut qu'il irait inspecter les corps dont les avant-postes étaient déjà sur les rives du Pruth, et ceux de la Bessarabie sous le général Wittgenstein. S. M. était même attendue à Odessa, plus occupée alors des querelles politiques que de son commerce qui souffrit de ces agitations, et à laquelle on retira et rendit successivement la franchise de son port.... Mais par des raisons qu'il serait indiscret de vouloir pénétrer, l'empereur revint après les revues de Witepsk, à Tzarko-selo, et ensuite à Pétersbourg, où il est resté jusqu'à la fin de l'hiver.

Au milieu des préparatifs d'une guerre qui menaçait toute l'Europe, et des efforts de la diplomatie pour la prévenir, on aperçoit à peine un ukase adressé le 1 septembre au sénat dirigeant, relativement aux établissemens russes, le long des côtes du nord-ouest de l'Amérique, établissemens dont le vulgaire soupçonne à peine l'étendue et l'importance.

Cet ukase interdit à tout autre qu'aux sujets russes de se livrer au commerce, à la pêche, ni à toute autre branche quelconque d'industrie dans les îles et le long des côtes nord-ouest de l'Amérique, à commencer du détroit de Behring jusqu'au 51o degré latitude nord, ainsi que le long des îles Aléoutienes ou Aléontines, et sur la côte orientale de la Sibérie et des îles Kouriles jusqu'au 45' 41" latitude nord, c'est-à-dire depuis le même détroit de Behring jusqu'au cap sud de l'île Ouroup.-Et pour assurer aux Russes ce privilége, il est défendu (art. 2) à tout bâtiment étranger d'aborder aux établissemens ci-dessus désignés, et de s'en approcher à une distance moindre de 100 milles italiennes (36 lieues marines) sous peine de confiscation de sa cargaison.... Il y a quelques exceptions en faveur des vaisseaux envoyés par des puissances amies pour des voyages de découvertes, et qui devront alors être munis de passe-ports du ministre de la marine russe, ou en cas de nécessité d'aborder à la côte par tempête, manque de vivres ou besoin de réparation, car ils sont soumis à des précautions rigoureuses pour s'assurer qu'ils n'y feront point de commerce.

l'ex

A cet égard, on prévoyait que cet ukase, important par tension nouvelle qu'il donne à la souveraineté maritime, et au territoire désigné jusqu'ici sous le nom vague d'Amérique russe, disputé par plusieurs puissances, et précieux pour le commerce des pelleteries, exciterait des réclamations de la part des puissances les plus intéressées, telles que les Etats-Unis et l'Angleterre. On en dira l'année prochaine les résultats.

On doit encore citer, avant de quitter la Russie, un ukase rendu au retour des revues (15 octobre), qui ordonne la fermeture des loges de francs-maçons; ce qui étonna d'autant plus, que l'empereur avait dans cette association un rang très-élevé. On en a conclu qu'elle commençait à prendre une tendance politique.

[ocr errors]

POLOGNE.

Cet esprit qu'on apercevait poindre dans quelques sociétés secrètes, ou au fond de quelques colléges de la Russie, jetait en Pulogne des lumières déjà vives. La clôture de la diète en a signalé les causes; aussi le gouvernement prenait-il des dispositions pour les affaiblir dans la difficulté qu'il y avait de présenter le budget promis en entrant dans le régime constitutionnel, on faisait des économies considérables dans la dépense de l'Etat. S. M. en avait elle-même donné l'exemple, en réduisant à 1,510,000 flor. l'état de sa cour de Pologne, qui était de 2,324,705.

Tandis qu'on semblait s'occuper d'organiser l'administration dans le régime constitutionnel, il se manifestait, surtout à l'occasion des insurrections d'Italie, et ensuite de la Grèce, des symptômes de mécontentement et de malaise. On ne peut attribuer qu'au désir de flatter une opinion contraire au système russe la publication qu'un écrivain nommé Heltmann, rédacteur du journal politique à Varsovie, osa faire de l'acte constitutionnel de Pologne du 3 mai 1791. C'était le pendant de la constitution espagnole proclamée à l'autre extrémité de l'Europe. Il fut traduit devant les tribunaux, et condamné à plusieurs années de prison; et l'on a encore assuré qu'on avait trouvé dans ses papiers des correspon¬ Annuaire hist. pour 1821.

20

« PreviousContinue »