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dans les prisons de Marienwerder pour être mis en jugement. Suivant quelques rapports, il était secrètement appuyé par des personnes considérables de la Pologne, où fermentaient aussi des idées de révolution; mais les instructions judiciaires n'en ont point fourni de preuves.

Dans les difficultés déjà exposées de donner une constitution à la Prusse, le gouvernement ne craignait pas de donner à ses opérations financières quelque publicité. Un rescrit royal du commencement de juin porte les revenus et les dépenses de l'État à 50,000,000 écus (1); mais à la fin de l'année on a acquis la certitude qu'il existait dans le budget un déficit de 10 millions à couvrir par un emprunt.

Pendant toute la durée du congrès de Laybach il avait régné une grande activité dans les communications diplomatiques du cabinet de Berlin. Un mois après la dissolution du congrès, le roi de Prusse fit, dans ses provinces du Rhin, un voyage pour en visiter les places fortes et en passer les garnisons en revue..

En passant à Bonn, où l'université montrait un grand enthousiasme pour la cause des Grecs, S. M., mécontente du peu de respect que lui témoignèrent les étudians, et des sentimens politiques qu'ils manifestaient, refusa de recevoir les félicitations de leurs professeurs. Arrivée à Spa (le 7 juillet), elle rendit un ordre de cabinet, portant que', « comme on a vu paraître depuis quelque

(1) En voici la répartition entre les divers départemens.

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écus. 600,000. 2,000,000.

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temps dans plusieurs universités des vestiges d'association (1) ef d'autres manoeuvres parmi les étudians, et que les enquêtes à cet égard ne procurent pas toujours des preuvés juridiques, « la voIonté de S. M. est que dès à présent les commissaires extraor<< dinaires du gouvernement, envoyés près les universités, soient «tenus et autorisés à éloigner de suite de l'université, sans enquête préalable et sans la coopération du sénat ou du juge de l'université, les étudians qui, d'après leur conviction, sont sus«pects de rétablir, de ménager ou dé faciliter les associations for« melles ou irrégulières, ou qui sont membres d'associations semblables dans d'autres universités, ainsi que ceux qui entretien<<nent des liaisons de ce genre entre les différentes universités, «ou se rendent coupables d'autres menées suspectes; enfin, à faire

«

connaître la chose, s'ils le jugent à propos, aux autres fondés « de pouvoirs du gouvernement, afin que les étudians renvoyés a ne soient pas reçus dans les universités qui leur sont subordon« nées. »

A cette ordonnance on ajouta la suppressióñ đu privilége que les étudians avaient de voyager avec leurs matricules, et l'obligation de se pourvoir de passe-ports, ce qui donna moyen de ralentir leur zèle pour la croisade grecque, prêchée jusque dans l'univer sité de Berlin.

De Spa, où se trouvaient alors le roi de Wurtemberg et le grand duc de Russie Nicolas, le roi de Prusse se trouva à Bruxelles pour y voir le roi des Pays-Bas, et après un voyage de plus d'un mois (du 12 juin au 17 juillet), il retourna à Postdam, d'où il fit témoigner sa satisfaction aux autorités civiles et militaires des provinces qu'il avait parcourues. L'armée du grand duché était dans

(1) Cette nouvelle association s'appelle Arminia ( ainsi nommée du héros teuton, Arminius ou Herrman, si fatal aux Romains. ) Elle étend ses ramifications dans toute l'Allemagne, dont l'objet ostensible est, comme le Tugend bund, l'amélioration et le bonheur de l'espèce humaine, mais dont le but réel, suivant l'expression d'un adepte, est caché dans le cœur de ses membres.

la plus belle tenue; l'administration de la justice s'y était améliorée, et S. M. y ajouta l'établissement des juges de paix à compter da i septembre.

Alors aussi le culte catholique reçut dans la monarchie prussienne l'organisation depuis long-temps attendue. Quelques jours r1 après la clôture du congrès de Laybach, M. le chancelier d'État prince d'Hardenberg s'était rendu à Rome pour y prendre direc-' tement avec S. S. les arrangemens nécessaires nécessaires pour l'établissement définitif de huit siéges épiscopaux. Jamais négociation de ce genre n'a eu un plus prompt résultat. Le roi avait cédé une partie de domaines royaux pour former, en quelques endroits, la dotation en' bien-fonds des siéges, chapitres et séminaires. Il avait remis à S. S. le soin de régler tout ce qui concerne la partie spirituelle : le pape a laissé aux chapitres des cathédrales le choix de leurs prélats, qui lui seraient présentés par le roi, en leur faisant un devoir, par une bulle expresse, de n'élire archevêques et évêques que des personnes qui eussent l'agrément du roi, et de s'en assurer avant que de procéder a l'élection; enfin tout ce qui regarde la circonscription, la dotation des siéges (1), la nomination et l'institation des évêques, a été réglé en quatre jours: la bulle pontificale, en date du 16 juillet, a reçu la sanction du roi par un ordre du cabinet du 25 août : le pape a nommé les prélats que les chapitres et le roi avaient proposés, et la constitution de l'église en Prusse est telle, que les sujets catholiques ne s'aperçoivent pas qu'ils ont un souverain protestant. Cette négociation, peut-être unique dans l'histoire par le zèle réciproque des parties à la conclure, doit être remarquée; elle prouve que l'importance des querelles religieuses a bien cédé, dans l'esprit des rois, à celle des relles politiques.

que

A la fin de l'année, soit par la conviction du désir et de l'esprit de ses peuples, soit pour sortir de l'embarras de ses finances, soit pour faire taire la malveillance et fonder sur le gouvernement

(1) Le revenu des deux archevêques et de l'évêque de Breslau est fixé à 12,000 écus par an; celui des autres évêques à 8,000 écus, outre le logement,

représentatif la base du crédit public, le cabinet reprit le projet suspendu on seulement ajourné d'une constitution d'Etats; et après une longue interruption de travaux préparatoires, il a été nommé une commission nouvelle, à la tête de laquelle est le prince royal, chargé de travailler à la rédaction de l'acte constitutionnel.

Nous avons parlé, à l'article de la diète germanique, du différend de la Prusse avec l'État d'Anhalt-Köthen et de sa convention pour la navigation de l'Elbe, et des difficultés qu'elle éprouvait où faisait éprouver à ses voisins, par le système de ses douanes. On verra dans un autre chapitre la part qu'elle prenait aux affaires de la Porte.

BAVIERE.

Il est piquant de remarquer, au milieu du cours des idées du siècle, le spectacle qui vient de s'offrir en Bavière. Au mois de de juin, le bruit se répandit que le prince abbé Alexandre de Hohenlohe-Schülingsfurt avait opéré des cures miraculeuses aux environs de Bamberg et de Wurtzbourg; qu'il avait, pár l'efficacité de ses prières, guéri le prince royal de Bavière de la surdité dont il était affecté, et fait marcher la princesse Mathilde de Schwartzemberg, attaquée de douleurs sciatiques telles qu'elle ne pouvait se soutenir sur ses jambes. En péu de jours la renommée de ces miracles s'étendit dans les campagnes, et de toutes parts il arriva à Bamberg des estropiés, des boiteux, des sourds et des aveugles, qui venaient implorer le secours des prières du prince abbé............. Et quoique des gens de l'art, quoique des écrivains contestassent la réalité de ces cures, une foule immense n'en continuait pas moins à l'assiéger, et dans son hôtel, et dans les églises, et sur la place de la cathédrale, où S. A. essayait publiquement ses remèdes miraculeux.

De pareilles scènes, au milieu d'une population divisée de culte et d'opinions, ne pouvaient se passer sans amener du tumulte et des désordres. L'autorité municipale ( le magistrat ) de la ville de Bamberg, alarmée, en fit son rapport au gouvernement du Mein

supérieur, résidant à Bayreuth, qui ne permit au prince de continuer ses tentatives de guérison que sous la condition expresse qu'elles auraient lieu en présence d'un médecin, d'un ministre du calte, et d'un officier de police qui dresserait procès-verbal de ses essais et de leurs résultats. En même temps un ministre lui écrivit pour le prier de ne point dégrader ses vues religieuses et tendant au bien-être de l'humanité souffrante au point de les faire dégénérer en spectacle donné au public. Alors, soit par soumission aux ordres de l'autorité, soit par répugnance à opérer sous ses yeux, le prince thaumaturge parut d'abord se résigner à la retraite; mais s'étant de nouveau produit en public, et la confiance de la multitude en ses miracles amenant de nouveaux désordres, le magistrat de la ville de Bamberg rappela les défenses précédemment faites dans une proclamation (du 30 août) terminée par

tes mots :

Nous y ajoutons encore que tous les essais du prince de Hohenlohe faits précédemment ici, devant la commission et les médecins, sont restés sans succès, et qu'on n'a prôné comme de prétendus miracles que des essais qui ont eu lieu sans surveillance, sans examen, sans connaître ni les malades, ni les maladies, en rachette, ou bien au milieu de la foule d'une populace nombreuse, les premiers jours des menées dont cette ville a été le théâtre. » Eufin la persistance de l'autorité décida le prince à discontinuer ses opérations en public, et il écrivit aux curés de Bavière une circulaire par laquelle il les prévenait que sa santé affaiblie et ses nombreuses occupations ne lui permettaient plus de recevoir les personnes qui cherchaient du secours. Mais, s'il faut en croire des rapports particuliers, il n'en a pas moins continué ses cures ou ses tentatives en secret, et son exemple a produit d'autres thaumaturges dans la Thuringe, dans la Belgique, et jusque sur les frontières de France, où l'autorité a été forcée de refuser des passeports à un nombre prodigieux de paysans qui couraient en foule à des scènes qui rappellent, d'une manière frappante, celles qu'avaient données les convulsionnaires de Saint-Médard, au milieu du siècle et de la métropole de la philosophie.

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