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liers.... Enfin, selon le savant rapporteur, tous ces salaires, frais et dépens, qui sont acquittés long-temps avant que le produit arrive dans les caisses du trésor, ne peuvent être à sa charge.... De ces motifs et de plusieurs autres le noble rapporteur concluait que les frais de régie, de non-valeurs, et encore moins les restitutions faites de trop, ou de mal perçues, ne pouvaient entrer dans la loi des finances sans jeter le désordre et la confusion dans sa comptabilité, en altérant les rapports qui doivent se trouver entre les écritures de la trésorerie et les affectations décrétées par la loi..... Il ajoutait que cette forme tendait en outre à déplacer les bases de la responsabilité ministérielle, en ce qu'elle étendait cette responsabilité sur des agens secondaires, et à faire passer aux chambres législatives une portion importante de la puissance exécutive....

(30 juillet.) La doctrine que l'on vient d'exposer fut vivement combattue, lors de la discussion générale, par M. le comte Daru, qui exposa, d'après les comptes des finances rendus en France depuis le temps où les rois n'avaient d'autres revenus que ceux de leurs domaines jusqu'à ces derniers temps, que le système de rendre compte du produit brut des impôts n'était point une innovation; qu'il n'avait été suspendu que par l'usage de donner des impôts à ferme; que d'ailleurs la puissance législative résidait alors dans l'administration, qui n'avait pourtant pas négligé de régulariser ses dépenses... « Depuis que le règlement de ces déponses est tombé dans le ressort de la législation, dit M. le comte Daru, il est devenu indispensable de rendre compte du produit brut des impôts, soit en commençant par établir le revenu net, en opérant sur les produits bruts la soustraction de la somme des dépenses dont ils doivent être amoîndris, soit en ajoutant, comme

on

l'a fait dans le budget actuel, les frais de perception aux autres dépenses de l'Etat. Ce que le rapporteur a dit des revenus qui ne sont pas à la charge des contribuables ne peut s'entendre que de produits peu importans. Sur tout le reste, pour allouer le crédit, il faut connaître les ressources, il faut apprécier les charges. Comment connaîtrait-on la somme des impôts dont les peuples sont chargés, si on ne s'informe pas de ce qu'il en coûte pour la levée Annuaire historique pour 1821.

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de ces impôts?... La garantie de l'économie n'est que dans la fixation légale des dépenses. Hors de là il n'y a point de digue assez puissante pour résister aux abus. Le nombre des percepteurs finit par s'élever de cinq cents, comme vous l'avez vu, à soixante mille.» De là le noble orateur conclut la nécessité de censurer toute la dépensc.

Dans un autre discours, qui ne touchait pas non plus à la loi proposée, M. le marquis de Barbé-Marbois présenta des observations ou plutôt des moyens pour sortir du provisoire, en votant, dans une seule session, l'impôt pour deux années en deux budgets séparés. Enfin M. le comte Ruty répondit à des reproches qui avaient été faits dans l'autre chambre à la direction des poudres et salpêtres, en démontrant la nécessité où était le gouvernement d'en conserver le privilége dans l'intérêt de l'État et de l'industrie nationale, et les améliorations que la direction avait obtenues dans la fabrication des poudres et dans ses produits qui s'étaient élevés de 500,000 à 1,200,000 fr.

Ainsi, soit conviction que la question générale du budget était suffisamment éclaircie, soit impossibilité reconnue d'y faire le moindre amendement, car la chambre des députés n'était plus en nombre suffisant pour délibérer, aucun orateur ne s'était fait inscrire contre les conclusions du rapporteur. La loi, mise aux voix, obtint presque l'unanimité des suffrages.

(Nombre des votans, 101. Pour la loi, 99.)

C'est le dernier vote de cette session, qui fut close le lendemain, 31 juillet, par un message royal.

Esprit de la session. - Au premier aperçu, on est tenté de trouver la session dont on vient d'esquisser le tableau, une des plus insignifiantes et des plus stériles qu'on ait encore vues; mais qu'on y porte un examen réfléchi, impartial, désintéressé, on en tirera d'importantes leçons et de graves conséquences.

Tout en y arrivant, le ministère se trouva dans une position fausse et critique; il avait fait ou accepté la loi d'élections la moins favorable à son système et lá moins souple à ses volontés;

elle lui avait attiré la haine d'un parti, sans lui conserver la reconnaissance de Pautre. Car cette vertu privée, si ingénieusement nommée la mémoire du cœur, n'est pas une vertu politique. Les partis pour qui l'on fait des lo is veulent qu'elles soient exécutées dans l'esprit qui les a faites; on ne les fausse pas impunément. Dans toutes les révolutions il est une masse immense qui repousse les excès. Il n'en faut pas douter, la modération est la vertu nécessaire du gouvernement, la condition de son existence. Mais cette voie du milieu est difficile; il faut y avoir l'oeil sans cesse ouvert. Le premier pas qu'on fait de travers jette dans les précipices qui la bordent.

Deux jours après l'ouverture de la session, le ministère s'adjoignit trois hommes d'état qui jouissaient d'une grande influence de talent et de position. Nous avons dit ce qu'on pensait alors de cette agrégation. Au fait, le ministère voulait se fortifier sans se démembrer, donner au côté droit une garantie de son système sans en quitter la direction. Indépendamment du désir naturel de garder le pouvoir, il était difficile de disloquer l'administration au commencement d'une session. C'est ce qui fit naître et passer aux yeux des parties intéressées cette singulière conception de ministres sans département.

On peut bien concevoir, quoi qu'en ait dit un homme d'esprit a la tribune, la création d'un président du conseil qui, même sans être premier ministre, surveille ou dirige les actes de la haute administration, la pensée politique du gouvernement; mais pour celle des ministres in partibus, on ne peut l'expliquer que dans la situation équivoque où le ministère se trouvait placé. Le secret des partis se révéla dès les premières séances. Quelques royalistes ardens, usant contre leurs ennemis de toutes armes et même des doctrines constitutionnelles, n'ont cessé de représenter l'avantage d'avoir un ministère compacte, homogène, uni de vues, de principes et de précédens. Au moyen de la combinaison nouvelle, ils ont d'abord trouvé à l'ancien ministère plus de force et d'appui qu'ils ne lui en avaient supposé. Ils ne s'en sont pas découragés. Le temps et les circonstances ayant relâché les liens de la nouvelle

alliance, ils n'ont pas cessé des hostilités, et dans mille escarmouches ils ont fait à l'ennemi des blessures qui l'ont rendu faible quand le jour du combat est venu.

En même temps que la querelle ministérielle, la guerre des deux partis dominans se poursuivait avee un acharnement inouï dans les annales parlementaires : et il est à remarquer que toutes les précautions nouvelles prises par le règlement n'ont point arrêté le scandale; ceux mêmes qui les invoquaient en ont donné l'exemple. Il ne faut ni s'en étonner, ni en désespérer pour la durée du système représentatif.

Si l'on considère les passions que la révolution a soulevées, les intérêts qu'elle a créés; si l'on réfléchit que ces passions et ces intérêts ont leurs plus ardens défenseurs, leurs organes les plus irritables dans la chambre des députés, qu'ils se croient sérieusement menacés et qu'ils combattent comme pour leur existence, on ne s'étonnera pas qu'au milieu des événemens qui agitaient l'Espagne, l'Italie et la Grèce, il se soit échappé, dans les transes de la crainte ou dans les transports de l'espérance, dans la verve de l'improvisation, à travers des mouvemens passionnés quelquefois d'ane haute éloquence, bien des vœux, des imprudences et des injures de parti. C'est la conséquence forcée de la situation des choses, du caractère national, de la nature de l'homme. Il ne faut pas s'étonner non plus qu'au milieu de telles difficultés politiques la législation soit toujours vacillante, incertaine, provisoire. Dans les tremblemens de terre, on ne bâtit qu'en bois.

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ÉVÉNEMENs remarquables pendant la durée de la session législative. Baptème de S. A. R. le duc de Bordeaux. Mort de Napoléon Bonaparte à Sainte-Hélèné.

- Embarras du ministère après la session. Démission de

.MM. de Villèle et Corbière. Administration publique.

1821.

Convocation des chambres.

- Elections de

ENTRE les événemens dignes d'attention pendant la durée de la session, nous avons rendu compte de ceux qui s'y rattachaient ou qui y ont fait quelque sensation. Il en est d'autres que l'histoire ne peut omettre.

Le baptême de S. A. R. le duc de Bordeaux avait été, dès l'année dernière, annoncé pour le 1er mai. Il se fit à cette occasion des promotions nombreuses dans l'armée, et une distribution de croix de la Légion d'Honneur plus abondante qu'on n'en ait vu depuis l'époque de l'institution, dans toutes les parties de l'administration publique.

Une revue de la garde royale et de la garnison de Paris passée par le roi au Champ de Mars, et des spectacles donnés gratis au peuple sur tous les théâtres de la capitale, signalèrent la veille de cette journée, qui fut célébrée en même temps sur tous les points du

royaume.

Des souscriptions volontaires avaient supplée dans les départemens aux ressources qui pouvaient manquer aux communes pour la célébration de cette solennité. Les bonnes villes du royaume ayaient envoyé des députations pour assister à la cérémonie; elle fat en tout digne de son objet.

Le 1er mai, jour si fameux dans l'ancienne monarchie, à une heure après midi, le roi, ayant entendu la messe dans ses apparmens, se rendit à l'église métropolitaine de Notre-Dame, précédé d'un cortège dont la pompe effaçait tout ce qu'on avait vu depuis la restauration. Les quais, les places, les rues qu'il devait traverser

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