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l'impôt qui devait déterminer les droits électoraux, que ce n'était que le signe par lequel le gouvernement arrivait à la connaissance du revenu de la propriété. J'admets ce système, répond M. de la Bourdonnaye, je suis prêt à le défendre, mais j'en tire une conclusion opposée à celle qui en a été tirée. En effet, que faisons-nous par le dégrèvement? Ne cherchons-nous pas à mettre l'impôt en proportion avec le revenu? S'il existait des départemens en France où l'on put être électeur avec un revenu moindre, ne serait-il pas juste de rétablir l'égalité?..... Or, c'est ce que nous faisons. C'est donc pour rentrer dans l'esprit de la charte.... Le but du dégrèvement est d'arriver d'une manière approximative à l'égalité proportionnelle, afin d'établir sur cette base les droits électoraux.... Ce n'est pas nous qu'on doit accuser de les vouloir leser. Il faut accuser l'état des choses d'après lesquelles, dans certains départemens, on paye le 15o ou le 17o du revenu, tandis que dans d'autres, on paye le 7e et le 8e : dans ceux-ci, on était électeur ou éligible avec un revenu bien moins considérable que dans les autres. C'est donc une justice que nous rendons à ceux qui étaient trop grevés; la question tendrait à changer l'égalité proportionnelle que nous voulons établir; elle accorderait les droits d'électorat et d'éligibilité à ceux qui n'auraient pas même le revenu necessaire. »

Bientôt, après un discours où M. de Saint-Aulaire établit aussi qu'on ne peut pas, à l'occasion d'une discussion de finances, modifier une institution constitutionnelle, ce qui aurait lieu par la réduction forcée du nombre des électeurs que la charte a voulu, M. le garde des sceaux répond d'abord qu'il ne peut s'agir ici du dégrèvement partiel, qui n'est que la réparation d'une injustice, mais de la réduction générale de cinq centimes accordés à tous les départemens, dont l'effet sera insensible sur le nombre des électeurs, et il indique aussi le point le plus délicat de la question constitutionnelle.

« La base prise par la charte est-elle à l'abri de toute critique? dit S. Ex.; ne peut-on pas dire qu'elle est mobile dans ses résultats? Il est impossible qu'elle n'ait pas prévu que l'impôt foncier pouvait être augmenté ou diminué; mais en même temps elle a dû laisser an législateur la faculté d'apporter à la loi d'élection telle modification que pourrait amener la réduction de l'impôt foncier. Elle n'a donc pas voulu établir la fixité dans cette partie.... Cette question constitutionnelle est immense....

« Si l'on veut s'arrêter au véritable esprit de la charte, il faut examiner si le cens électoral ne doit pas êtrè calculé sur l'impôt qui existait lorsque la charte a été rendue. Alors s'il fallait s'en rapporter au dernier budget voté pár le corps législatif, nous verrions que le droit électoral actuel dépasse les limites posées par l'impôt à cette époque. Il a été établi depuis des centimes additionnels qui étendent considérablement le droit. Nous aurions donc bien du chemin à faire pour rentrer dans les limites de la charte. Je ne de

mande pas qu'on y revienne; mais d'un autre côté, si de nouvelles circonsLances exigeaient qu'on augmentât le nombre des centimes additionnels, Vous trouveriez que les contribuables qui supportent la charge doivent jouir da bénéfice des droits électoraux. Il est donc clair que la charte n'a pas voulu établir ici de fixité.

Tontefois il est utile que la question ait été élevée. Elle appelle la méditation des hommes d'État. On pourra considérer si, par une trop grande réduction du nombre des électeurs, par l'effet de la diminution de l'impôt, ou par Une trop grande augmentation du nombre des électeurs par l'effet de l'augmentation de l'impôt, le système électoral ne devient pas ou trop aristocratique ou trop démocratique.... Vous auriez encore à considérer si la subdivision des propriétés ne vous amènerait pas à une réduction dans le nombre des électeurs et des éligibles, plus considérable que celle que peut produire un dégrèvement sur la contribution foncière. Alors on serait conduit par la force des choses à examiner si vous n'avez pas à porter remède aux dispositions de la charte sur ce point..... C'est une question de droit public, de droit électoral, qui ne peut être traitée ni décidée à l'occasion du budget.... Dans l'état actuel, on ne peut porter aucune atteinte aux droits des électeurs établis par la charte: car ils sont soumis à l'augmentation comme à la diminu tion de l'impôt. D'ailleurs il s'agit ici d'une très-faible réduction qui n'atteindrait qu'un très-petit nombre d'électeurs. Il est à remarquer que lors du dernier degreverent, on ne comptait guère que de 80 à 90,000 électeurs en France, et cependant, aux dernières élections, le nombre d'électeurs inscrits sur les listes s'est élevé à 104,000. Ainsi vous voyez que, loin de diminuer, il a augmenté dans l'ensemble. La chambre doit avoir la conscience que le dégrévement actuel ne produira pas une diminution sensible dans le nombre des électeurs, et qu'ainsi aucune atteinte ne sera portée à notre système électoral.

Tous ces raisonnemens et ces calculs ne restèrent pas sans objections de la part du général Foy, à qui M. Corbière répondit en développant quelques parties du discours de M. le garde des sceaux; mais la majorité de la chambre était impatiente d'en finir, et malgré les efforts du général Sébastiani pour prolonger la discussion, la clôture et la question préalable sur les trois premiers amendemens furent successivement adoptés. M. Humblot Conté en proposa un autre portant que les listes électorales seraient encore faites cette année sur celles de 1820. Mais M. le garde des sceaux l'avait prévenu par une déclaration positivement conforme à ce væeu, et la question constitutionnelle en resta là.

Pour revenir à la question financière, il faut se rappeler que la commission avait proposé la suppression d'un article (18), dans lequel les contingens en principal de tous les départemens étaient invariablement fixés à 154,678, 130 fr., conformément au tableau C.

-M. le baron Louis, montrant que la fixité accroissait la prospérité de l'agriculture, qu'elle en augmentait les produits en y attirant tout le zèle et tous les capitaux des propriétaires, avait fortement appuyé les avantages du système dans lequel le principal de la contribution, foncière attribué à chaque partie de terre resterait invariablement, quelles que fussent les variations de produits résultantes des améliorations ou de la négligence des propriétaires. Mais des deux côtés de la chambre il s'élevait des dissidences fondées sur l'injustice des répartitions et sur la nécessité de les améliorer encore. Le ministre des finances essaya de les

concilier par une autre rédaction qui fixait le revenu territorial de tous les départemens de la France à la somme de 1,581,525,000 fr., et stipulait que les dégrèvemens qui pourraient être accordés à l'avenir seraient répartis entre tous les départemens proportionnellement à la part attribuée à chacun d'eux. Mais plusieurs orateurs, et surtout le rapporteur de la commission, relevèrent les inconvéniens de cette mesure, principalement sous le rapport constitutionnel, et en ce que, d'après le principe du vote annuel, la chambre excéderait ses pouvoirs en fixant, pour les chambres suivantes, une échelle de répartition invariable, considération qui fit rejeter les deux articles successivement proposés.

(20 juillet.) Malgré la lassitude avouée des partis, fatigués d'une lutte de sept mois, plusieurs articles du budget donnèrent encore lieu à des attaques, soit de la droite contre la gauche, soit des deux côtés contre le ministère. Ainsi, à l'article 26, M. Casimir Perrier demanda de nouvelles explications au ministre des finances sur la vente des 12,500,000 fr. de rentes qui lui avaient été accordés par la loi des six douzièmes. M. Roy y répondit, en ministre déjà certain du succès de ses opérations, qu'il était toujours prêt à rendre compte de l'emploi des rentes mises à sa disposition, comme des autres mesures de son administration. Ainsi, relativement aux bourses fondées par le gouvernement dans les colléges, la commission avait proposé d'en réduire le nombre à mille, et le rapporteur appuyait cet avis sur ce qu'il était « nécessaire de mettre un terme à cet abus, qui livre, pour ainsi dire, à la dis

crétion des hommes de la révolution ceux qui, n'ayant point reçu de leur famille une fortune suffisante pour vivre sans travail, ne profitent d'une éducation donnée gratuitement que pour empoisonner ensuite la société par la publication des plus dangereux libelles, qu'ils composent pour se procurer des moyens d'existence.» A cette proposition, désapprouvée par la gauche, le ministre de l'intérieur répondit en justifiant l'emploi de ces bourses en faveur des enfans de militaires, d'émigrés ou de fonctionnaires publics sans fortune (1), et la réduction proposée fut rejetée à une forte majorité. A la fin, art. 35, un amendement de M. Labbey de Pompières ramena la question de la spécialité, « qui seule, dit M. Benjamin Constant, pouvait faire sauver quelques débris < du grand naufrage de cette session. Mais l'opinion de la chambre, déjà prononcée dans plusieurs occasions, la repoussa sans que personne se mît en devoir de la défendre, et malgré les reproches de contradiction de principes adressés à quelques membres de la droite.

Enfin plusieurs amendemens ayant été retirés, la chambre entendit avec une extrême satisfaction qu'on allait voter sur l'ensemble de la loi. Il se trouvait encore 301 votans. Voici le résultat da scrutin: 258 boules blanches. · 43 boules noires.

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CHAMBRE DES PAIRS.

En résultat, le budget adopté par la chambre des députés portait les recettes plus haut que le projet du ministre, c'est-à-dire à...... 889,021,745 fr. Et la dépense à peu près au même taux...... 882,235,274 Oatre une sommme de.......... portée pour ordre aux recettes et dépenses, en ce qui concerne l'instruction publique et la direction générale des poudres et salpéires.

......

5,459,889

(1) D'après la déclaration des ministres, ces bourses, au nombre de 1366, profitaient à 1998 individus, entre lesquels il se trouvait 585 fils de militaires, 500 d'émigrés, 678 de fonctionnaires publics,

(23 juillet.) Le ministre des finances, en le présentant à la chambre des pairs, exposa les modifications qu'il avait subies à l'autre chambre, sans faire mention des objections et des questions incidentes qui s'étaient élevées relativement à l'influence du dégrèvement sur le système électoral. D'ailleurs, après avoir rappelé que jamais le trésor n'avait rempli plus exactement tous les devoirs de son service, et n'avait joui d'un crédit plus évident, le ministre finissait par s'excuser du retard mis à la présentation du budget à la noble chambre, et il lui recommandait de ne pas exposer le gouvernement à la nécessité de suspendre son service ou de le maintenir sans une autorisation légale.

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(28 juillet.) La nécessité était si bien reconnue, que cinq jours après la présentation du projet, M. le marquis Garnier en fit le rapport au nom de la commission spéciale chargée de l'examiner.

Dans ce travail, qui comprend toutes les parties de la recette et de la dépense, travail à méditer pour l'homme d'Etat et à recueillir pour la science de l'économie politique, bien qu'il ne présente que le commentaire du budget dont il approuve les bases et presque toutes les dispositions, M. le marquis Garnier manifesta une opinion tout opposée au système adopté récemment de comprendre dans le budget les frais de régie, de perception et de non-valeurs, c'est-à-dire, la recette brute.... A l'appui de son opinion i citait les anciens comptes rendus par Desmarets en 1709, ceux de M. Necker en 1781, de ses successeurs, et enfin les budgets présentés depuis l'institution du corps législatif, où il n'était question que du produit net de l'impôt. La méthode nouvelle, disait-il, avait été introduite dans la fausse idée que le budget devait présenter le tableau complet de toutes les charges que les contribuables ont à supporter. Mais on ne peut pas regarder comme telles plusieurs branches de revenu public, qui, comme les forêts, les mines, etc..., ne coûtent rien aux particuliers, et qui, comme les postes, les fabrications des monnaies, etc..., pourraient être considérées comme le produit d'une industrie exercée par le gouvernement, mais qui pourrait l'être par des particu

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