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faudrait perdre la totalité des intérêts pour tout le cours de l'année 1821.- En définitif, le budget du ministre des finances excita moins qu'un autre de réclamations et de difficultés, mais là aussi, les faibles réductions proposées par la commission passèrent par la réunion des deux côtés opposés de la chambre.

Le dernier jour de cette discussion des dépenses (29 juin), on avait entendu le rapport fait par la commission chargée de l'examen d'un projet de loi pour la prorogation de la censure des journaux. Il importait beaucoup au ministère d'en accélérer la discussion, puisqu'aux termes de la dernière loi, les journaux, redevenus libres, retombaient sous l'empire de la loi de 1819. A la lassitude qui se manifestait déjà dans l'assemblée, le ministère. pouvait craindre qu'après l'adoption du budget il ne fût impossible de retenir assez de membres pour voter une loi, et il suffisait de quelques absences calculées pour rendre aux journaux la liberté... Dans cette crainte, le gouvernement voulait faire passer la loi nouvelle avant la discussion des recettes, qui retiendrait nécessairement les députés à leur poste. L'assemblée, consultée sur l'époque à fixer pour ouvrir la discussion, le centre opinait pour que ce fût après celle des dépenses, l'extrême droite et la gauche après celle du budget. M. de la Bourdonnaye, insistant sur la nécessité de livrer le plus tôt possible le budget à la chambre des pairs, représentait qu'il n'y avait pas d'autre motif « d'arrêter cette discussion que la crainte de voir les députés se retirer sans donner aux ministres une loi à laquelle ils attachaient tant d'importance, mo« tif de peu de valeur pour la chambre. » MM. Casimir Perrier et Méchin appuyèrent la même opinion par des considérations tirées de l'expiration prochaine du terme de la loi des six douzièmes. -Enfin, après une discussion fort vive et peu agréable pour le ministère, il fut décidé qu'on procéderait, avant la discussion des' recettes, à celle de la censure,

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Qu'il nous soit permis, en abordant cette question déjà traitée tant de fois, d'écarter tout ce qu'elle n'offre pas d'essentiel à l'éclaircissement de la situation politique du pays.

Le ministre de l'intérieur (M. le comte Siméon), en proposant la prorogation de la censure pour les journaux (séance du 9 juin), avait surtout insisté sur ce qu'elle était utile au maintien de la paix.

« Si nous avons fait quelques progrès vers la tranquillité, dit-il, ce qui s'est passé à l'extérieur et à nos portes nous avertissait de veiller à ce que des brandons, encore fumans, ne revinssent pas rallumer chez nous des feux mal éteints.... L'idée de la prochaine émancipation des journaux inspire généralement des craintes. Depuis 30 ans, tous nos souvenirs apportent à la liberté indéfinie des journaux des idées de scandale et de désordre; les momens de relâche et de calme ont été ceux où cette liberté a été limitée..... En juin 1819, on crut qu'il était possible de réprimer les abus sans s'occuper de les prévenir. On ne tarda pas à s'apercevoir qu'on avait conçu de vaines espérances; il fallut rendre la loi du 31 mars 1820....

« Tous ceux qui, depuis 30 ans, ont été tour à tour vainqueurs et vaincus, sont maintenant rapprochés. On veut sans doute qu'ils vivent en paix à l'abri de la charte, qui, en même temps qu'elle fut un grand acte de confiance, fut aussi un traité de paix entre des opinions contraires, une transaction entre les espérances fondées sur les nouvelles idées du siècle, et les craintes que ces mêmes idées inspiraient encore, Eh bien! si tous les jours les journaux font le procès, tantôt à la gloire, tantôt au repentir; si tous les jours les uns accusent les hommes qui ont été actifs à telle ou telle époque, les autres ceux qui ont habité telle ou telle contrée, il n'y aura ni réconciliation, ni paix, S'ils prennent à tâche de publier, non de véritables griefs contre les autorités constituées et le gouvernement, ce qui est bon et licite, mais de présenter les autorités et le gouvernement lui-même comme ennemi, de suspecter ses intentions, on tendra vers l'anarchie, on reverra la licence de 1793, on reverra tous les symptômes qui faisaient craindre son retour en 1819, et qu'il fallut arrêter par la loi du 31 mars 1820. La liberté des journaux est, dit-on, une des nécessités du gouvernement représentatif. Cela est vrai, si l'on veut parler de la publicité; mais elle peut exister sans qu'elle force la liberté indéfinie des journaux. Y a-t-il rien de caché de ce qui se passe dans la chambre, et de ses discussions, et des pétitions que les ci

toyens lui adressent? Le compte que les journaux en rendent n'est-il pas dispensé de la censure? Toutes les publications autres que celles des journaux ne sont-elles pas indépendantes de toute prévention? Quel fait important a été enseveli dans le silence? On a effacé dans les journaux de tous les partis des expressions exagérées, des déclamations, des couleurs fausses, mais jamais aucune vérité n'a été écartée; le public a pu être éclairé sans être agité, et c'est en grande partie à cette mesure que l'on doit le calme où se trouvent les esprits dans les départemens. La querelle sur l'émancipation des journaux n'est vive qu'à Paris, parce que là sont les intérêts de ceux qui les entreprennent, et qui voient dans leur entière indépendance des moyens de s'accréditer davantage auprès des partis dans le sens desquels ils écrivent. »

Ainsi le ministre justifiait et la censure, et la manière dont elle avait été exercéé, et la nécessité d'en accorder la prorogation comme moyen de paix et de consolidation.

La majorité de la commission nommée pour l'examen du projet pensa tout autrement.

(29 juin.) Dans le rapport fait en son nom, M. le comte de Vaublanc débute par des réflexions sur la position dans laquelle le ministère place la chambre, entre les lois répressives qu'il ne trouve pas suffisantes pour réprimer les abus des journaux, et la prorogation de la censure qui détruit toute liberté. Il lui reproche de ne pas avoir présenté d'abord cette loi répressive tànt demandée, promise et attendue; et examinant la censure et ses effets, il observe que tous les partis se plaignent qu'elle soit exercée avec injustice envers eux, avec faveur envers leurs rivaux... Il se plaint de ce que le ministère ait refusé de représenter à la commission les articles que la censure avait rayés pour que la commission pût juger en connaissance de cause de l'esprit dans lequel avait été exercée la censure....Il expose que la lecture journalière des feuilles publiques, étant devenue un besoin général, une habitude enracinée, elles ne doivent pas être placées sous une influence puissante et toujours la même...; que la censure n'établit ses décisions sur aucun principe positif, sur aucune règle connue; que par sa nature elle est arbitraire et ne peut être qu'arbitraire; qu'elle peut dénaturer et changer l'opinion par une puissance secrète, qu'aucune résistance ne peut atteindre, ni arrêter, ni détourner; qu'une telle puissance est illégale, car elle n'est ni dans Ja lettre, ni dans l'esprit de la charte..... En convenant du mal pro

duit par la licence des journaux pendant les onze mois qu'ils ont été libres, l'orateur observe que c'est faute d'une bonne loi ré pressive, et que l'année de la censure a été féconde en événemens malheureux au-dedans et au-dehors... Puis, reprochant aux ministres une marche inquiète et vacillante, il leur prédit que cette chaleur des partis dont ils se plaignent sans cesse, ils ne pourront jamais l'éteindre avec la censure. Enfin, après avoir développé les avantages d'un gouvernement décidé, où l'on trouve à la fois de la grandeur et de la force, par des raisonnemens à l'appui desquels il cite l'autorité de Louis XIV, M. de Vaublanc, revenant à ce qu'il a dit de la nécessité de ne point séparer la liberté et la répression, rappelle qu'à l'époque où la dernière loi de censure fut proposée, presque immédiatement après la nuit lamentable du 13 février, ce moment ne permettait de refuser aucune des mesures demandées par le ministère, et que cependant le rapporteur de la commission exprima son veu pour que des lois répressives et sévères fussent incessamment présentées, vœu qui fut partagé par la chambre, et qui cependant n'est pas exaucé.

Quant à la nature de cette loi répressive, M. le rapporteur en indiquait sommairement les conditions désirées par la majorité de la commission, répression plus sévère et plus prompte pour les journaux que pour les livres, et l'attribution de tous les délits de la presse aux cours royales sans l'intervention des jurés.

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Nous ne faisons qu'indiquer ici l'opinion de la majorité de la commission sur une question législative dont la discussion appartient à l'histoire de la session prochaine, Le rapporteur, en revenant à la censure, répond à ceux qui alièguent que si la censure est abolic nous tombons dans la licence; que plusieurs lois en vigueur, et notamment celle du 26 mai 1816, ne permettent point la licence; que reculer devant une pareille difficulté, ce serait proclamer la faiblesse du gouvernement ; et «< comme l'effet inévitable de la censure est de donner au ministère une influence, illégale et sans bornes; comme le seul moyen d'avoir enfin une loi répressive, si nécessaire et si demandée, est de refuser cette

censure sous l'empire de laquelle on a vu tant de conspirations et de malheurs », d'après tous ces motifs et les dispositions formelles de la charte, la commission pense que la loi proposée ne peut être adoptée.

Le 4 juillet, M. le ministre de l'intérieur ouvrit la discussion par un discours destiné surtout à repousser les attaques de la commission sous la loi répressive, dont la préparation avait offert au gouvernement tant de difficultés, qu'il n'a encore pu les surmonter, et ensuite sur l'exercice de la censure. Il exposa qu'on n'avait pas soumis à la commission les articles rayés, parce qu'ils étaient la propriété des auteurs, et que leur influence relative à des événemens passés, à des circonstances fugitives, ne pouvait plus être appréciée; que la commission de censure n'avait fait qu'effacer tout ce qui offensait ouvertement les principes de la morale, de la religion et des lois de l'État, en laissant aux jour. naux la couleur de leur opinion; et que comme tous les partis se plaignaient de la censure, c'était une preuve de son impartialité et la justification du ministère.

Quoique la première attaque, si menaçante pour le ministère, fût partie du côté droit, il est à remarquer qu'il ne s'y trouvait que huit orateurs inscrits pour soutenir les conclusions de la commission, tandis qu'il s'en présenta vingt-trois pour la défense de la censure. L'opposition la plus nombreuse était encore du côté gauche.

Ainsi après M. Busson, premier orateur inscrit, qui défendit l'indépendance des journaux, comme « les organes les plus vrais, les plus nécessaires de la liberté de la presse », M. Josse de Beauvoir, faisant un tableau affreux des effets moraux de la révolution, des ambitions qu'elle a excitées dans toutes les classes:

‹ Elle a créé chez nous, dit-il, plus d'appétits qu'un gouvernement régulier ne peut en satisfaire. Il n'y a pas aujourd'hui cultivateur ou artisan qui n'ait le désir de voir son fils remplacer par une écritoire ses outils et sa charrue. Chaque année, dix mille jeunes gens, après avoir fait leurs humanités, leurs cours de droit et de médecine, demandent au gouvernement de les employer.... Et s'il n'agrée pas leurs services, au lieu de retourner à la profession de leurs pères, ils se font mécontens; ils crient à l'injustice; les factions, toujours occupées de se grossir, excitent leurs ressentimens, los prennent à

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