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( 26 juin.) M. le général Foy, attaquant le budget et l'organisation et l'emploi de la marine, se plaignit surtout de ce qu'on eût réduit le corps d'artillerie et renvoyé un grand nombre d'officiers habiles, et de ce que nos forces maritimes ne fussent pas employées plus efficacement à sauver les Grecs de la barbarie de leurs ennemis, reproche auquel répondit le ministre par des faits qui seront rapportés dans l'histoire étrangère.

( 27 juin. ) A l'article des colonies, revint une question déjà traitée. M. le comte Beugnot fait observer que le contrat entre les colonies et la métropole est fondé sur des avantages réciproques; que comme nous consommons presque exclusivement leurs denrées, elles devraient consommer exclusivement les produits de notre sol et de notre industrie; que cependant, dès 1784, ce contrat a reçu de graves atteintes, et que, dans l'état actuel, les colonies nous coûtent, indépendamment des 5,958,000 fr. que nous leur accordons pour leurs frais d'administration, le privilége d'un tarif plus favorable à l'importation de leurs denrées, dans l'espoir trompeur de les voir s'approvisionner exclusivement chez nous des produits dont elles ont besoin, tandis qu'elles les reçoivent en grande partie par la contrebande tolérée et plus ou moins avouée. En résumé, l'orateur, dans une opinion qui se rapproche à quelques égards de celle de M. Ternaux, regardant notre système colonial comme un obstacle à ce que nous puissions établir des relations plus avantageuses avec d'autres contrées, demande qu'à compter de 1822, les colonies de la Martinique et de la Guadeloupe; soient chargées de pourvoir à leurs dépenses, et il essaye de prouver qu'elles n'en resteront que plus étroitement unies à la France, par les liens de la législation et de la protection; système déjà adopté pour l'île de Bourbon, qui maintenant, dit M. Beugnot, est, de toutes les colonies de la France, celle qui prospère davantage...

Mais, aux yeux de M. de Villèle, ce système mixte tend à l'émancipation graduelle et totale des colonies.

« Les colonies peuvent suffire à leur administration intérieure, dit-il, mais l'administration extérieure est indispensable pour resserrer les liens qui unis

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sent la métropole avec les colonies, pour y garantir l'intérêt de la métropole; et si l'on renonce à la subvention, il faut aussi renoncer à la surveillance..... Si les colonies ne fournissent pas de débouchés assez considérables au produit de notre sol et de nos manufactures, ce qu'elles fournissent, nous serons obligés de le payer à l'étranger, le plus souvent en argent. Quant à ce qu'elles ne fournissent pas, elles ne gênent en rien notre commerce avec d'autres pays; elles consomment des produits (vins de Bordeaux, etc...........) qui ne trouveraient pas ailleurs de débouchés aussi avantageux. Que si elles n'exécutent pas fidèlement le système d'exclusion établi entre elles et la métropole, c'est à celle-ci de le faire exécuter; mais le système d'administration totalement séparée conduirait infailliblement à l'émancipation des colonies. »

Une question non moins grave, et qui se rattache à celle-là, la traite des noirs, avait été plusieurs fois élevée incidentellement. Mais M. Benjamin Constant, l'abordant spécialement, demande contre le trafic des esclaves une loi forte, efficace et suffisante. En comparant les lois françaises avec celles de tous les pays, il trouve qu'elles sont les plus relâchées, les plus scandaleusement indulgentes, les plus faciles à éluder.

< Point de prison, dit-il, pour les coupables, point de bannissement ou de déportation. La simple confiscation de la cargaison et du navire, avec incapacité du capitaine pour un commandement à venir. Or, qui ne sent que la confiscation simple n'est pas une peine, puisque les profits de cette traite infame sont tels, que le succès d'une expédition dédommage de plusieurs pénalités encourues, et que, vu cette compensation, à peu près certaine, ceux qui se livrent à ce crime trouvent facilement à se faire assurer. D'après une lettre de lord Castlereagh an chevalier Stuart, du 8 décembre de l'année der→ nière, l'escadre anglaise stationnée sur la côte d'Afrique a rencontré un grand nombre de vaisseaux sous pavillon français, engagés ouvertement dans le commerce des nègres. Le nombre des vaisseaux ainsi rencontrés excède 25; et le chevalier Collier, en entrant dans le port de la Havane, y a trouvé 30 bâtimens négriers portant le pavillon français. »

A l'appui de ce rapport étranger, M. Benjamin Constant rapporte deux faits particuliers, d'une horreur révoltante, de la part des capitaines négriers. Des nègres ont été jetés à la mer parce qu'ils étaient devenus aveugles; d'autres, parce que le vaisseau négrier était surpris par les croisières établies pour empêcher ce trafic. « Ainsi, poursuit l'orateur, la traite se fait, elle se fait impunément. On sait la date des départs, des achats, des arrivées. On publie des prospectus pour inviter à prendre des actions dans cette traite. Seulement on déguise l'achat des esclaves, en supposant des achats de mulets sur la côte d'Afrique, où jamais on n'acheta des mulets. La traite se fait plus cruellement que jamais, parce que les capitaines négriers, pour se dérober à la surveillance, recourent à des expédiens atroces pour faire disparaitre les captifs.

Lorsque les Anglais prennent et confisquent les vaisseaux négriers, ils

émancipent les négres. Quand on a demandé à M. le ministre ce qu'on fai sait des nègres confisqués au Sénégal, il a répondu qu'ils devenaient la propriété du gouvernement, et se livraient aux travaux de la colonie. A travers cette expression si douce, une vérité percé : c'est que, malgré les promesses, les traités, les ordonnances royales, la traite se fait au profit du gouvernement; il recueille le sanglant héritage des criminels qu'il frappe, et les nègres enlevés à leur patrie au mépris des lois demeurent

esclaves.

« Je vote contre l'allocation des fonds pour le Sénégal, jusqu'après la présentation de la loi que je réclame. »

Des inculpations si graves ne pouvaient rester sans réponse. M. le ministre de la marine exposa d'abord qu'à ce sujet le gouvernement français avait répondu l'année dernière au gouvernement anglais : « Nous avons examiné la question avec un soin ex« trême, non seulement sous le rapport de la traite des noirs, << mais encore sous le rapport de la situation de nos propres colo«nies. Vous devez être convaincus de notre bonne foi; il ne fau«drait pas, par une précipitation mal entendue, énerver les me«sures qui ont été prises pour en adopter d'autres qui pourraient «< conduire à des résultats opposés ou funestes, et certainement «< contraires aux sentimens de justice et d'humanité qui animent «<les deux gouvernemens », déclaration qui doit suffire pour prouver la sincérité et la loyauté du gouvernement du roi dans l'exécution des engagemens contractés.

Quant à la traite des noirs, le ministre de la marine n'a jamais contesté ce fait qu'il déplore... La traite se fait comme on fait la contrebande, comme il se commet des délits et des crimes; mais toutes les précautions ont été prises et continuent à l'être pour s'y opposer et punir les infracteurs de la loi. Mais à cet égard le ministre révoque en doute l'extension qu'on suppose à la traite, et il expose qu'une commission spéciale est chargée d'examiner les réformes à faire dans la législation, et qu'un travail si difficile ne peut s'improviser. Quant à l'explication demandée sur ce que les nègres deviennent après qu'ils ont été capturés, le ministre répond « Ils sont conduits dans une de nos colonies: là ils sont employés aux travaux ; mais le roi a ordonné qu'après un certain temps (10 ou 12 ans) ils seraient libérés, et que jusque-là, sous le

rapport de leurs vêtemens, de leur nourriture, de leur travail et du parti qu'ils en peuvent tirer, ils fussent mis en situation de pouvoir, sans inconvénient et sans danger, jouir de la liberté. Cette mesure est nécessaire pour empêcher qu'ils ne retombent dans les mains des infâmes spéculateurs qui déjà les ont achetés.»

De la question sur la traite des noirs, M. Laîné de Villevêque, passant à des considérations générales sur les colonies françaises, voudrait qu'à l'exemple de l'Angleterre l'on y transportât au moins une partie des forçats, qui ne sortent des bagnes que pour commettre de nouveaux crimes, et surtout qu'on y envoyât d'Europe des magistrats intègres, éclairés, impartiaux, vertueux, qui fissent renaître le règne des lois, la justice, base de l'ordre social. Alors, dit-il, une audacieuse impunité n'y protégerait plus de grands coupables; des forfaits affreux n'y seraient plus couverts du voile d'une honteuse indulgence; on n'y verrait plus se renouveler ces jugemens atroces qui ont souillé naguère les fastes de Ja justice criminelle à la Martinique.»

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A cette occasion, il cite un arrêt exécuté contre quinze jeunes esclaves qui avaient tenté de s'évader au mois de décembre 1815, et après avoir exposé les dangers qui résultent des révolutions déjà faites en Amérique, et de celles qui s'y préparent, il conclut que l'ancien système colonial, « si perverti, si dégénéré depuis un siècle, par l'arbitraire et l'avarice, ne peut plus exister avec ses désordres et ses abus dans son inflexible immobilité...» Ce discours avait produit sur l'assemblée une impression profonde; M. Manuel y jeta la plus vive agitation en insistant sur la nécessité d'abolir la traite, et surtout d'adoucir la condition des noirs dans les colonies, pour y éviter une révolution nouvelle. L'orateur, s'emportant en reproches sur la barbarie du régime colonial, fut interrompu à diverses fois. On lui reprocha de provoquer la rébellion des noirs et l'extermination des blancs. L'impression de son discours, vivement reclamée par la gauche, fut refusée par les deux tiers de l'assemblée; et à la fin de ces débats orageux, les fonds proposés pour l'administration des colonies furent accordés.

Annuaire hist. pour 1821.

12

Budget des finances. ( 2 1—29 juin). De toutes les questions élevées sur ce budget, il faut distinguer celle de la refonte des monnaies anciennes (demandée par M. de Cayrol); elle a fourni quelques renseignemens à consigner ici.

Il résulte du relevé des registres de l'administration générale des monnaies, qu'il a été fabriqué, depuis la refonte de 1726, en écus de six livres tournois, pour une valeur de 1,800,914,000 liv. Et en écus de trois livres...

TOTAL......

Sur laquelle somme il a été refondu en écus de 5 fr. jusqu'au 1er janvier 1821....

D'où l'on conclut qu'il doit rester en écus de trois et de six livres à fondre.....

123,301,000

1,924,215,000 liv.

596,684,000

1,327,531,000

(Sauf la quantité qui a pu être fondue par les particuliers.) Quant à la refonte générale, le ministre exposa que la dépense qu'elle entraînerait, étant évaluée à plus de 20 millions, ne pouvait se faire que successivement, et qu'en attendant, toutes les pièces de 3 et de 6 livres qui arrivent à Paris au trésor étaient livrées à la fonte. L'indemnité qui était précédemment accordée au directeur des monnaies pour cette opération, et s'élevait à 1 ¦ p., consiste aujourd'hui dans la jouissance des fonds qui lui est accordée pendant go jours.

Au chapitre XII (des frais de négociation), M. Casimir Perrier demanda au ministre des finances s'il était dans l'intention, comme le bruit en courait dès-lors, d'ouvrir un emprunt et de vendre la rente de 6,615,000 fr. affectée pour hypothèque des 100 millions dus aux étrangers, faisant observer qu'alors on n'aurait plus besoin des fonds demandés (4,500,000 fr.) pour les intérêts, à quoi le ministre répondit qu'il ne pouvait encore s'expliquer sur des opérations qu'il méditait, mais qui pouvaient varier, et que le gouvernement ne croyait pas encore devoir rendre publiques; et d'ailleurs S. Exc. prouva qu'il n'y avait pas un double emploi dans la concession des crédits demandés, parce que si on ne remboursait le capital qu'à compter de janvier prochain, il

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