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convéniens est peut-être un des problèmes les plus difficiles à résoudre dans l'état actuel de la civilasion. Voilà la juste et triste part qu'il faut faire à tous les hommes qui sont effrayés du progrès des lumières. Mais l'instruction primaire, qui n'apprend qu'à lire et à écrire, ne peut offrir ces inconvéniens, et il ne s'agit ici que satisfaire ce besoin, le plus impérieux de tous dans l'état actuel de la société... »

Quant aux moyens de donner cette instruction primaire, le ministre déclare que s'il avait à choisir pour son village entre l'établissement d'une école d'enseignement mutuel ou d'une école de frères de la doctrine chrétienne, il donnerait, dans l'état actuel, la préférence à celle-ci, parce qu'elle offre de même que l'autre toutes les garanties et les secours moraux dont la société a besoin... Mais il fait observer qu'il y a encore en France 25,000 communes qui manquent de toute espèce d'école, et que le supérieur des frères de la doctrine chrétienne, consulté dernièrement sur les sujets qu'il pouvait fournir, avait formellement déclaré au gouvernement qu'il n'y avait pas moyen de fournir, d'ici à dix ans, un sujet de plus que ceux pour lesquels il avait déjà pris des engagemens. « Dans une telle situation, le gouvernement n'a pas dû se borner à ce seul moyen d'instruction, et il s'est proposé de diriger l'autre d'une manière utile et conforme à ses intérêts et à ceux de la religion...

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A ces argumens M. Cuvier, commissaire du roi, membre du conseil royal de l'instruction publique, ajouta d'autres considérations sur les progrès que l'instruction avait faits en France depuis le rétablissement de l'université. Que si le nombre des écoles d'enseignement mutuel avait augmenté dans une proportion plus forte, c'est qu'elles jouissaient de la faveur attachée à la nouveauté; qu'elles étaient d'un établissement plus facile et moins dispendieux; que les frères ne pouvaient, d'après leurs statuts, aller que trois ensemble; qu'une de leurs écoles coûte, indépendamment de l'edifice, 1,200 fr. de premier établissement, et 1,800 fr. d'entretien annuel. Au reste, dit M. Cuvier, la chaleur excitée dans les esprits, une espèce de rivalité, ou, si l'on veut l'appeler ainsi, l'es

prit de parti, ont contribué à multiplier les deux méthodes. Dans beaucoup de communes on a établi des écoles de frères uniquement parce que d'autres personnes y établissaient des écoles d'enseignement mutuel. L'administration a dû exciter le zèle et la charité des uns et des autres. Aussi le nombre total des enfans qui suivent les petites écoles était jadis de 165,000; depuis l'ordonnance de 1816, il s'est élevé à 1,123,000. »Enfin après une discussion où l'on remarqua encore un discours de M. Manuel sur les avantages de l'enseignement mutuel pour la propagation de l'instruction, plus nécessaire dans les gouvernemens constitutionnels, discussion dont le ministère soutint presque seul tout le poids, et qui dura trois séances, les 50,000 fr. furent enfin accordés, mais à une faible majorité, ainsi que les encouragemens destinés aux sciences, lettres et arts, sur lesquels la commission avait proposé une réduction de 20,000 fr., proposition combattue avec succès par M. le comte de Vaublanc.

(13-14-18 juin.)Divers autres amendemens, proposés sur le budget de l'intérieur, furent également rejetés. L'un (de M. Humblot Conté) avait pour objet d'allouer une augmentation de 175,000 fr. pour les desservans de chapelle; l'autre une de 100,000 fr. pour les cultes non catholiques (par la commission); par un troisième, on voulait augmenter les fouds destinés aux secours en faveur des colons (MM. de Castelbajac, Laîné de Villevêque, Duhamel). Tous furent combattus par le ministère, comme une atteinte à la prérogative royale de proposer les impôts, ou comme tendant à les établir par voie d'amendement, ou bien comme introduisant le système de spécialité, qui ferait passer l'administration dans les chambres. La discussion du chapitre XV, art. des dépenses secrètes de la police, ramena les reproches déjà faits au ministère sur les frais et les procédés de la police, sur les conspirations, etc., de la part de deux orateurs siégeant aux deux extrémités de la chambre (MM. Méchin et Clausel de Coussergues). Il s'éleva encore des plaintes de diverses natures des deux partis opposés, à l'occasion du budget particulier de l'instruction publique : ici, M. Reveillère, signalant les vices de l'instruction moderne, exposait la

nécessité de lui rendre son ancien lustre, et de la réconcilier avec les saines doctrines de la morale et de la religion; là, MM. de Girardin, Benjamin Constant, Rodet et Foy, réprouvant le système suivi par le conseil royal, se plaignaient du rétablissement des petits séminaires, de l'énormité des taxes universitaires, et surtout de la violation des statuts de l'université. Mais le ministère y ré pondit par des considérations déjà développées, et remporta sur tous un avantage décidé.

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(19 juin.) Budget de la guerre. Avant qu'on entamât la discussion de son budget, le ministre de la guerre, qui n'avait pu assister à la discussion générale, crut devoir répondre aux différens reproches qui lui avaient été faits par le général Sébastiani et d'autres orateurs. Il montrá que la comparaison faite des dépenses de la guerre avant 1789 et en 1821 était mal fondée; que la position était toute différente sous le rapport des charges résultantes des événemens, etc., et justifia le changement opéré des légions en régimens par des raisons connues. Il exposa, quant à la réduction de 6,000 hommes dans l'effectif de l'armée, que le but principal des institutions militaires devait être, quant à l'infanterie, d'avoir des cadres fortement organisés; que l'infanterie française comptait maintenant zoo cadres de bataillon, et qu'en por tant à 120 hommes l'effectif des compagnies, qui, dans ce moment est de 50 hommes environ, la seule infanterie française pourrait présenter une force de 230,000 combattans; quant à la nonorganisation des vétérans, que, d'après la loi de recrutement, elle ne devait avoir lieu qu'en cas de guerre ;—quant à la garde royale, qu'elle était organisée de manière à faire respecter le nom du roi, soit à l'extérieur, si la France devait avoir encore un ennemi à combattre, soit à l'intérieur, en maintenant l'ordre public et en réprimant les factieux qui oseraient le troubler; quant aux places fortes, le ministre assurait la chambre qu'en attendant le résultat du travail de la commission créée en 1818, sur le système le plus convenable pour assurer la défense des frontières, les places fortes existantes avaient été aussi bien entretenues

qu'elles devaient l'être, et qu'on avait fait opérer, dans 145 places, les travaux pour lesquels il avait été demandé des fonds l'année dernière (4 millions).

Nous avons dit que M. Labbey de Pompières avait proposé sur tous les budgets des ministres des réductions considérables ; d'autres orateurs les appuyèrent en les modifiant. MM. Thirat de SaintAignan, commissaire du roi, et Perceval, député, secrétaire général du département de la guerre, les combattirent également, en assurant qu'on avait fait dans la réduction du budget tous les retranchemens possibles. -Ici les détails seraient plus fastidieux que dans toute autre matière; on nous excusera de les réduire à ce qu'ils offrent de saillant et d'historique.

Presque tous les orateurs opposans au budget se plaignaient de la faiblesse de l'armée. Le général Donnadieu dit qu'il est temps que la France reprenne le rang qu'elle doit occuper, et qu'elle soit comptée pour tout le poids qu'elle doit apporter dans toutes les grandes discussions européennes. -Le général Foy reproche au ministre de la guerre actuel d'avoir, pendant dix-huit mois, oublié les jeunes appelés et les vétérans, oubli funeste et irréparable pour ceux-ci; car les listes qu'on dresserait en 1822 ne remonteraient pas au licenciement de la vieille armée; — de demander 175 millions pour une armée dont on ne tirerait pas 80,000 hommes à mettre en campagne ; d'avoir violé la loi du 18 mars 1818, relativement à l'avancement et aux levées annuelles. Ici le général, poursuivant son discours malgré les murmures fréquens du côté droit, censure vivement l'organisation nouvelle, « non quant au changement du nom de légion en régiment, on le pouvait, dit-il, sans bouleverser l'armée, mais parce que ce changement a été opéré par des motifs honteux, pour avoir l'occasion d'attaquer impunément les droits acquis.» Il assure que des officiers ont été classés dans de nouveaux régimens, sans considérer, ni la durée, ni l'état de leur service, et qu'on en a renvoyé onze ou douze cents qui ignorent la cause de leur destitution....

« Ces injustices ont fait une profonde impression dans l'armée, dit-il; aussi vous y chercherez en vain cet attachement au drapeau et cet enthou

siasme pour la France et pour le roi, qui dans une armée française sont les plus saints liens de la discipline. On est obligé de s'y cacher pour parler de la gloire nationale.

« La désertion à l'étranger, qui avait disparu de nos armées depuis la révolution, a recommencé avec plus d'activité qu'autrefois. On ne trouve plus d'étoffe pour faire des sous-officiers, parce que les anciens soldats ne veulent plus se rengager. Les officiers ont l'âme découragée; mécontens du présent, incertains de l'avenir, fatigués d'être organisés et désorganisés sans cesse, ils ne voient dans leur métier qu'un moyen d'existence insuffisant et précaire; ils tremblent devant les dénonciateurs, les provocateurs et les espions, ceux qui ne tremblèrent jamais sous les baïonnettes de l'ennemi. »

A ce discours, dont nous avons retranché les détails financiers, et dont l'impression fut refusée, M. le ministre de la guerre, alors absent, répliqua le lendemain (20 juin) que l'armée comptait dans ce moment cent cinquante mille hommes; que dans la ligne les compagnies d'infanterie peuvent être portées à 120 hommes; que cette arme formerait facilement un effectif double de celui actuel; qu'ainsi, dans un court espace de temps, cette infanterie, réunie à la cavalerie et aux autres armes spéciales, présenterait une force de 250 mille combattans, sans compter la garde royale; que dans le cas d'une guerre aujourd'hui imprévue nous aurions, quoi qu'on en dise, à opposer dans ce moment à l'ennemi des forces assez imposantes pour l'arrêter dans sa marche et donner le temps aux vétérans de se former et à notre jeunesse belliquense d'accourir pour grossir nos bataillons; que quant à la désertion, elle avait diminué sensiblement, et que cette inquiétude qu'on a dit exister dans l'armée, et qui serait causée par la nouvelle organisation de l'infanterie, était démentie par le bon espsit qui règne dans les corps de cette armée.

« Partont elle s'est montrée fidèle, dit S. Exc.; allez voir ces régimens, et vous y trouverez l'indignation la plus profonde sur la manière dont on ose interpréter leurs sentimens...... Non, messieurs, aucun motif honteux et qu'on ne puisse avouer n'a commandé la nouvelle organisation de l'infanterie, comme on vous l'a dit.

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« On n'a pas bouleversé l'armée pour avoir fait une réduction de 18 cadres de bataillons, et on n'a pas attaqué des droits acquis. Il n'y a de droits acquis que lorsque des récompenses viennent marquer la fin des carrières militaires; c'est une vérité qu'on ne peut récuser. D'ailleurs, la plus grande partie des officiers ont conservé leurs emplois; les autres les reprendront suc

cessivement.

« Et puisqu'on ne craint pas d'attaquer si souvent et si ouvertement les

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