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la diminution, et cet accroissement lui paraît tenir an déplace ment des officiers qu'a mis à l'écart un changement, de direction dans la bascule ministérielle, — « La gendarmerie, au lieu d'être exclusivement employée à la répression des vagabonds et des criminels de tout genre, n'est souvent qu'un objet d'apparat..... Les dépenses de la police sont d'une complète nullité; elle n'a su ni prévenir les conspirations, ni arrêter les conspirateurs. Un seul moyen de salut nous reste, dit l'orateur à la fin de son discours, c'est la composition d'un ministère homogène, uni dans les principes de justice et d'intérêt pour la monarchie. Je ne pourrai consentir à voter de budget qu'en faveur d'un nouveau ministère qui donnerait l'espoir de voir arriver enfin le terme des abus qui nous font gémir sous la direction du ministère actuel.

Forcez donc les ministres à faire retraite, puisqu'ils sont încapables d'après l'opinion publique.

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Après M. de Straforello, qui défendit le budget, du gouvernement, M. Labbey de Pompières observe qu'il y a, de 1819 à 1821, une augmentation réel:e dans la dépense de plus de 25,000,000. Cependant, dit-il, S. Exc. nous propose un dégrèvement de millions sur la contribution foncière; mais c'est plutôt une muta tion avec amplification de 25 millions. C'est 39 millions de plus, assis sur les denrées de première nécessité, sur celles dont l'habitude a fait un besoin, sur la piquette du pauvre, comme sur le vin généreux du riche; l'inconvénient de cette surcharge des impôts est d'avilir la chambre aux yeux du peuple et de concentrer toute la puissance entre les mains des ministres, qui ont encore trop à menacer et à corrompre pour se rendre maîtres des élections. »

Partant de ce principe, l'orateur propose la suppression de l'impôt sur le sel et sur presque tous les articles du budget, réductions au moyen desquelles il pourrait être diminué de 200,000,000 par une organisation nouvelle de l'administration. Nous retrouverons ses nombreux amendemens à la discussion des articles.

M. Cornet d'Incourt, membre de la commission, mais différant d'avis avec elle en plusieurs points, expose qu'on aurait dû

faire des réductions sur le taux des droits d'enregistrement, et modérer l'impôt du sel.... D'ailleurs son discours offre moins la critique du projet de loi que l'éloge de l'administration de l'ancien régime.

M. le général Sébastiani, appelé ensuite à la tribune, commence par faire observer que cette administration ancienne, vantée tout à l'heure comme un modèle d'ordre et d'économie, était désordonnée, ou plutôt qu'elle n'existait pas, et qu'alors les impôts déguisés sous mille formes étaient accablans; puis, entrant dans la critique du projet de loi, il le trouve défectueux dans sa forme, et dangereux dans ses résultats.... Il se plaint de ce que les dotations des princes devant être fixées par les lois, et éprouver des changemens lorsqu'il en arrive dans les membres de la famille royale, il n'ait été fait aucune proposition par les ministres lors de la mort de monseigneur le duc de Berry..... Au chapitre du ministère de la justice, il s'élève surtout contre l'impôt du sceau des titres, en tant qu'il est perçu et dépensé d'une manière inconstitutionnelle, et contre le conseil d'État et le comité du contentieux, qui n'ont aucune existence légale, et contre la prodigalité des sinécures. Arrivé à la discussion du budget des affaires étrangères: « Je voterais volontiers, dit-il, l'augmentation de crédit qu'on demande, non-seulement 300,000 fr., mais trois millions pour ce ministère, pourvu qu'on le vît assurer à la France le rang et la dignité qu'elle doit avoir parmi les nations. Mais quand je vois à Laybach trois souverains s'arroger le droit de décider des destinées du monde; lorsque je vois la France et l'Angleterre étrangères à des événemens si importans, je ne peux me défendre d'apercevoir une révolution monstrueuse dans la diplomatie européenne. »

Il serait trop long de suivre le général Sébastiani dans ses observations sur ce qu'il appelle l'abaissement du ministère des affaires étrangères; sur ce qu'il a négligé de négocier avec le gouvernement d'Haïty, dans l'intérêt des colons et du commerce; sur la réduction de l'armée, inférieure de 6,000 hommes à ce qu'elle était l'année dernière; sur la force disproportionnée de la garde

royale (24,000 hommes); sur les traitemens de non activité accordés en violation de la loi sous le titre de congés illimités; sur la faiblesse de notre système défensif quant aux places fortes; sur l'infériorité de la marine française, en la comparant même à celle des États-Unis.

Quoique la plupart de ces objections dussent se représenter dans la discussion particulière des articles, M. de Villèle, devançant les réponses détaillées qu'y feront plus tard les ministres dans la défense personnelle de leur budget, y répondit en substance, que, dans ce qui regardait les fonds de la liste civile,« les fonds assignés à l'entretien de la maison du prince mort avaient dû passer dans celles du prince si heureusement, né pour la France », et que la loi ne contenait rien d'obligatoire à cet égard : que quant au droit du sceau des titres, qui ne devait être discuté qu'à la partie des recettes, il avait été jusque-là perçu dans des formes légales. Quant à l'existence du conseil d'État, mise depuis six ans en question devant la chambre, M. de Villèle déclare qu'il n'admettra jamais que le conseil du prince doive être organisé par une loi la seule inspection que puisse exercer la chambre à cet égard, est ce qui se rapporte au yote annuel des fonds. Quant à la politique suivie par le gouvernement, il croit la plus sûre et la plus honorable celle dont les résultats peuvent le moins commettre l'honneur et la sûreté de la France. Pour ce qui est des reproches faits sur l'administration de la guerre et de la marine, laissant aux ministres de ces départemens le soin d'y répondre, M. de Villèle observe que, pour appeler tous les conscrits sous les armes, il faudrait augmenter le budget de la guerre de 100 millions; que pour exécuter le système de fortifications indiqué par le général Sébastiani, il en faudrait 120; que les places fortes ont été presque complètement réparées; que la marine a été entretenue et réorganisée de manière à ce qu'il n'y ait aacan reproche à faire à ce ministère.

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A la fin de cette séance, M. de Lastours présenta un nouveau système d'impôts fondé sur cette idée, qu'à l'exemple de l'Angleterre, il faudrait épargner les capitaux ou les valeurs productives,

pour ne frapper que les revenus ou les valeurs consommées, c'està-dire, substituer les contributions indirectes à l'impôt direct. L'orateur évaluaît dans son plan le revenu total de la France à 5,475,000,000, dont le fisc prélevait ainsi le sixième.... Son discours est de ceux dont on ne peut prendre ici que l'idée dominante.

(4 juin.) Jusqu'ici la dicussion financière, quoique déjà mêlée de considérations politiques, avait été calme. L'impression des discours prononcés avait été ordonnée presque sans contradiction, mais l'esprit de parti'y reprit bientôt son exaltation.

M. de Lafayette, après des considérations sur l'énormité de la dette accrue par le traité de 1815, observe que la liste civile en France est plus considérable que la liste civile de l'Angleterre, sur laquelle on paye les ministres, le corps diplomatique et les juges, en sorte que la somme dont le roi ne rend aucun compte ne monte pas à quinze cent mille francs. Sur le chapitre des pensions, dont l'énormité frappe ses yeux, il en signale les causes dans la succession rapide des gouvernemens français, «< ayant chacun des vacances à opérer en faveur de ses affidés, et dernière'ment surtout dans l'irruption soudaine d'une foule de prétendans à dés récompenses, pour avoir, de fait ou d'intention, à la solde étrangère ou dans les insurrections intérieures, sur les grands chemins comme dans une obscure oisiveté, et même sous les livrées impériales, manifesté ou dissimulé leur opposition à ces gouvernemens qui, flattés chacun à son tour, sont aujourd'hui tous appelés légitimes. C'est ainsi, dit-il, que, par les déviations et l'apostasie temporaire d'une révolution de liberté et d'égalité, on avait fini par voir, pendant quelques années, l'Europe surchargée de deux assortimens complets de dynasties, de noblesses et de priviléges. Passant à la partie mobile du budget et de la critique des dépenses. à celles de l'administration, au budget de la justice, il montr des abus dans notre législation criminelle : il exprime le dés de voir abolir la peine de mort. Au budget des affaires étrar gères, il s'élève contre la diplomatie actuelle, « où le système, I agens, le langage, tout lui paraît étranger à la France nouvelle. Et à l'occasion du congrès de Laybach, des révolutions d'Espag

et d'Italie, il rappelle les vœux qu'il a faits touté sa vie « pour Fémancipation des peuples, l'indépendance des nations, et la dignité du véritable ordre social. » — An chapitre du ministre de l'intérieur, l'orateur se plaint de l'organisation municipale,« système monstrueux qu'un projet de loi présenté dans cette session avait pour objet de consolider. »Au chapitre de la guerre, il regrette que l'armée ne soit pas, comme en Angleterre, soumise au vote annuel; qu'en France l'armée de la patrie soit regardée comine une propriété matérielle, comme un domaine de la couronne; et que la garde nationale ne soit pas rétablie, comme il l'a déjà demandé tant de fois, sur les bases de 1791. Au chapitre de la marine, il compare les dépenses de la France avec celles des Etats-Unis ; il interroge les ministres sur la traite des noirs, sur la loi répressive qu'on a promise, sur l'état des rapports avec Haïty, où, par suite d'une déférence habituelle pour des rivalités étrangères, on perd l'occasion d'établir des communications avantageuses. Au chapitre des finances, il répond aux éloges, aux regrets, aux espérances dont l'ancien régime a été Fobjet par un tableau de ses abus....

Français, dit-il en terminant, voilà l'ancien régime, dont la * destruction a déjà rendu pour vous les avantages de la révoldtion aussi peu sensibles que les bienfaits de l'air qu'on respire; dont le rétablissement fut l'objet avoué de l'émigration de Coblentz et de la coalition de Pilnitz, et dont l'esprit n'a pas • cessé d'animer ce gouvernement plus ou moins occulte de la cour, devant lequel les ministres ne sont rien, et qui, dès 1814, • disait officiellement : Jouissons du présent, je vous réponds de l'avenir. »

Ce discours avait été fréquemment interrompu du côté gauche par des signes d'adhésion aux sentimens de l'orateur, du côté droit par des murmures et des dénégations. M. de Castelbajac s'opposa vivement à ce qu'il fût imprimé, attendu qu'il contenait des provocations séditieuses, des outrages aux puissances étrangères, une apologie scandaleuse des excès de la révolution; malgré les efforts de M. Benjamin Constant, qui soutint qu'il n'y

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