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fit à tous une remontrance dont la sévérité noble et touchante a fait sur le public et sur les accusés une vive impression.

Qu'on nous permette, pour n'avoir plus à revenir sur cette affaire, de dire en quelques mots l'issue du procès de Maziau. La cour ne le reprit qu'à l'ouverture de la session suivante (19 novembre). Les faits contenus dans l'acte d'accusation sont connus. Le chef de bataillon Bérard, qu'on a vu tout à l'heure figurer parmi les accusés, maintenant en réforme, rappelé comme témoin, répéta les confidences que Maziau lui avaient faites au Bazar; d'autres les propositions qu'il leur avait faites de s'associer au complot et d'y entraîner leurs régimens, à La Fère, à Cambray, etc. Quelques-uns, déjà compromis dans la première procédure, affaiblirent, les dépositions défavorables. L'un d'eux exposa devant la cour la noble conduite qu'avait tenue Maziau lors du licenciement de l'armée de la Loire, où il avait empêché par ses exhortations que son régiment ne se mît en révolte. Quant aux moyens de défense, habilement développés par MM. Odillon, Barrot et Berville, c'était que ses voyages faits avec la femme qu'il venait d'épouser avaient pour objet évident des opérations de commerce, des achats de toiles et de dentelles, etc.; que dans les dépositions les plus graves, «<et sans doute aggravées par les déposans, on ne pouvait voir que des conversations plus ou moins prudentes, provoquées par les circonstances dans lesquels on se trouvait alors», et qu'enfin l'accusation n'avait ni caractère déterminé, ni preuves suffisantes. A quoi M. l'avocat général répliqua que, d'après les dépositions, dans un très-court espace de temps, Maziau avait parcouru plusieurs villes qui avaient des garnisons, sans qu'on vît qu'il y eût parlé à des négocians ou qu'il y eût acheté des marchandises, et qu'ainsi ses voyages et ses propositions n'avaient été faites que dans l'intérêt d'un complot préexistant formé à Paris; d'où M. le procureur général concluait contre lui à la peine capitale.

(24 novembre.) La plaidoirie terminée, il s'éleva dans le sein de la cour, délibérant à huis clos, de vives discussions. Maziau fut déclaré coupable du crime prévu par l'article 90 du code

pénal, c'est-à-dire d'avoir fait une proposition non agréée de complot dont le but était de détruire ou changer le gouvernement et l'ordre de successibilité au trône, etc., mais non, comme le portait le réquisitoire du procureur général, d'avoir commis des actes et d'avoir fait des propositions tendant à préparer et à faciliter l'exécution d'un complot préexistant, etc., etc.: ce qui, en effet, aurait entraîné la peine capitale; tandis que, d'après l'art. go, le condamné n'était passible que de la réclusion ou du bannissement. -Cependant même encore sur cette question, la cour des pairs, n'ayant pas réuni la majorité des cinq huitièmes, se contenta d'appliquer au coupable l'opinion la moins sévère, c'est-à-dire la peine de l'emprisonnement pour cinq ans. (Arrêt du 24 novembre.)

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Cinquante-deux pairs qui avaient siégé dans la cause, mais qui n'avaient point assisté au prononcé du jugement ( séance publique du 24), refusèrent de signer l'arrêt; ils remirent le lendemain (25) sur le bureau une déclaration signée de chacun d'eux, portant: « que, d'après les articles 1°, 67 et 68 de la charte, et l'article 369 du code d'instruction criminelle, ils considéraient la partie de l'arrêt rendu contre Maziau, relativement à l'application de la peine, adoptée aux trois huitièmes des voix par trente-neuf pairs contre l'avis de soixante-quatre, « comme excédant les pouvoirs de la cour des pairs, et contenant une double atteinte à l'au torité du roi et des chambres. »

Cette division si nouvelle dans la chambre, qu'on devait supposer jalouse d'étendre ses droits et sa juridiction, fit d'abord uue grande sensation dans le public. Elle donna lieu à des controverses dans lesquelles on a distingué l'opinion de M. de Lally-Tollendak, qui soutenait la légalité du prononcé de l'arrêt d'après les précé dens, suivis surtout dans le procès du maréchal Ney; et quoique l'intérêt de cette discussion s'affaiblît bientôt dans les querelles qui s'élevèrent alors entre les ministres et la chambre des députés, il en resta dans les esprits une conviction plus profonde de la nécessité de voir régler par une loi la compétence de la cour des pairs.

Annuaire hist. pour 1

1821.

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ON se souvient que le bubget avait été présenté (dès le 16 janvier) en une seule loi. Nous nous contenterons d'en rappeler les résultats.

Le ministre des finances y portait:

Les produits ou recettes, à.

Les dépenses, à,

Ce qui offrait, en recettes, un excédant de

sans y comprendre celui de l'exercice de 1820, présumé de....

888,021,745 fr. 882,327,374

5,694,371 fr.

24,400,000

If se trouvait dans les produits une réduction sur la contribution foncière de 28,763,138 fr., y compris les frais de perception, réduction opérée en grande partie par voie de dégrèvement sur les départemens les plus surchargés ; elle donnera lieu à des considérations importantés sous le rapport financier et politique. Nous les renvoyons à leur place naturelle; il suffit maintenant d'observer que dans son exposé le ministre des finances regardait la réserve de 30 millions annoncée ci-dessus comme nécessaire pour asseoir solidement la confiance publique et assurer le service des années suivantes où la diminution des impôts devrait être de 34,363,140 fr. par année.

Le rapport de la commission chargée d'examiner le budget ne fut présenté à la chambre que les 9 et 10 mai, pour la partie des dépenses, par M. de Bourienne; pour celle des recettes, par M. de la Bourdonnaye. L'un et l'autre annonçaient plus d'accord entre le ministère et la commission qu'on ne l'avait supposé. Ils ne s'éloignaient guère du projet que par des vues de théorie dont on ne peut offrir ici que l'aperçu.

M. de Bourienne, après avoir reconnu les améliorations introduites dans l'administration des finances de l'Etat, reconnaissait aussi que les frais étaient généralement trop considérables. Il exposait avec la nécessité des économies la difficulté de les opérer: il fallait pour cela du temps et des ménagemens. « Nous ne nous sommes pas dissimulé, disait-il, que ce n'est ni dans la réduction de quelques traitemens, ni dans la réforme de quelques employés que l'on doit chercher, que l'on peut trouver de véri→ tables économies. C'est dans un nouveau système et dans une grande réforme d'administration générale. » Aussi ne proposait-il que des réductions peu considérables, entre lesquelles il faut remarquer celle de 50,000 fr. destinée aux encouragemens pour l'instruction primaire. — « L'instruction publique, disait l'honorable rapporteur au chapitre XV du budget du conseil royal, l'instruction publique est d'une trop grande importance dans l'ordre social pour que le gouvernement ne dirige pas vers elle toutes ses pensées et ses méditations. Il connaît le mal à détruire, le bien à opérer; il a la volonté et les moyens d'empêcher l'un et de faire l'autre. Espérons donc que bientôt les principes religieux, les doctrines monarchiques et les saines maximes de l'enseigne ment, qui ont produit les hommes immortels du grand siècle, l'emporteront sur ces extravagantes théories qui, sous le spécieux et absurde prétexte d'une chimérique perfectibilité indéfinie, precipitent les nations vers l'ignorance. »

A côté de cette réduction, la commission proposait une augmentation de 100,000 fr. au chapitre des cultes non catholiques. En total, sauf quelques modifications, l'honorable rapporteur établissait la nécessité des dépenses proposées; mais il exprimait le vœu de voir diviser les dépenses de chaque ministère en dépenses fixes et en dépenses variables. Le discours du rapporteur était terminé par un aperçu général satisfaisant de la situation et de l'administration financière de la France.

M. de la Bourdonnaye, faisant le lendemain (10 mai) le rapport sur la partie des recettes, ne désavouait pas, dans ses considérations générales, ce qui avait été dit du crédit public et de la

prospérité de la France; mais après avoir établi par des calculs que la masse actuelle des impôts est plus considérable qu'avant la révolution, il trouvait le mode actuel de leur répartition infiniment moins favorable qu'autrefois à la propriété foncière et à Pagriculture. L'impôt sur les portes et fenêtres, la contribution personnelle et mobilière, celles des patentes, furent tour à tour l'objet des critiques du rapporteur, surtout par l'injustice de leur répartition, et il terminait par de nouvelles considérations sur la nécessité de la réduction annoncée de la contribution foncière.

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Enfin, d'après le travail de la commission, la recette brute des revenus de l'État était évaluée à..

"Et la dépense générale, à...

D'où résultait un excédant de recettes de.. supérieur à celui du budget ministériel.

894,481,634 fr. 887,686,163

6,795,471 fr.

(1o Juin.) Ouverture de la discussion. Nous l'avons dit, il est encore besoin de le rappeler : c'est à la discussion du budget que viennent se rattacher les questions politiques les plus importantes; c'est là qu'il faut étudier les passions et la force des partis; c'est là que se révèlent tous leurs secrets, et que le ministère laisse quelquefois échapper les siens. Mais comment conserver l'intérêt de ces débats si piquans le jour qui les a vus naître ? Que de longueurs et de redites dans les reproches incessamment adressés aux ministres sur l'énormité des dépenses, sur les vices de l'administration, sur leur système politique, sur la faiblesse de l'armée, sur l'inutilité de la marine, sur le congrès de Laybach ou sur les révolutions !..... Tâchons d'écarter les superfluités de la discussion qui va s'ouvrir, et faisons-en voir l'esprit plutôt que les détails.

M. le général Donnadieu, qu'on a déjà vu si souvent repoussé de la tribune, y parvint cette fois le premier. Son discours est une longue critique de l'administration financière. Il s'élève contre le système de perception des impôts indirects, qui exige une armée d'employés; contre la loterie et les jeux. L'état-major de la guerre lui présente une augmentation réelle cachée sous l'apparence de

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