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de biens-fonds, capitaux ou créances hypothécaires et mobiliaires, dont les revenus réalisés ont été de 38 à 40 millions, et que le nombre des donataires, qui était en 1812 de 11,000, avait été réduit, par extinctions ou décès, au 1er avril 1814, à 5,921, et en 1821, à 3,636.-Quant à l'état de la législation relative à ce domaine, M. le comte d'Orvilliers expose qu'il devait rester imprescriptible et inalienable ; que la loi de 1818 en avait déjà altéré la nature en le réunissant au domaine de l'état; mais que maintenant c'était par une contradiction manifeste avec tous les statuts, tous les actes de haute législation, au mépris de l'article 68 de la charte, qui veut que les lois non spécialement abrogées soient exécutées, que le projet de loi présenté restreignait à des pensions purement viagères des dotations héréditaires, et qu'on ôtait au chef de l'état le droit de leur disponibilité en cas de retour.

En résumé, dit le noble rapporteur, vos commissaires ont vu avec regret que le titre de la loi des finances, dont toutes les dispositions n'étaient que provisoires, et que vous n'avez pas même eu le temps de discuter en 1818, avait servi en dernier lieu à proposer des amendemens absolument opposés au projet de loi présenté dans le cours de cette session à la chambre des députés ; la faculté laissée au roi de faire inscrire des pensionnaires, d'accorder des rentes viagères seulement sur deux ou trois têtes, ne remplirait pas suffisamment les intentions de justice et de haute politique, que le roi seul a le droit d'apprécier. Il ne voudrait pas certainement employer cette faculté à ne prononcer que des exclusions, lorsqu'il s'agit d'accorder des secours, des indemnités, des bienfaits enfin, destinés à faire chérir de plus en plus le gouvernement et la munificence royale. »

Enfin, après une apologie démonstrative de l'utilité du système des majorats, comme institution monarchique, dont la chambre des pairs devait encourager l'exemple, le noble rapporteur, ne voyant dans le projet présenté que le renversement de l'une des prérogatives les plus précieuses de la couronne, annonça que commission avait été unanimement d'avis de proposer à la chambre de ne le point adopter.

la

(23 juillet). Dans cette circonstance imprévue de l'opposition de la commission de la chambre des pairs, c'était une nécessité pénible pour le ministre des finances d'être maintenant réduit combattre les principes que jusqu'à la concession faite à la commission de l'autre chambre, il avait défendus avec énergie... S. Ex. Annuaire hist. pour 1821.

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exposa d'abord que le principe de justice qui faisait la base du premier projet était conservé, et ensuite que la commission, en proposant le rejet de la loi nouvelle, avait raisonné dans la suple domaine extraordinaire subsiste encore distinct et

tat d'où le ministre conclut

:

position que séparé du domaine de l'État, et entièrement à la disposition du monarque, ainsi qu'il l'était par le sénatus - consulte du 30 janvier 1810, tandis qu'il fait aujourd'hui partie du domaine de l'Éque le rapport de la commission ne pouvait plus se soutenir.- A quoi M. de Villemanzi répliqua au nom de la commission, en rappelant à l'appui de son opinion les actes de la législation antérieure, insistant sur ce que l'amendement introduit dans le projet le dénaturerait, et « détruirait le caractère honorifique des dotations perpétuelles, plus précieux, disait-il, que tout le reste pour des Français. »

L'incertitude que cette persistance de la commission semblait laisser sur le sort du projet de loi ne fut pas de longue durée. M. le marquis de Marbois, seul orateur inscrit, représenta que les motifs allégués contre le projet ne pouvaient balancer les faits établis par le ministre à l'appui de la loi, et que son adoption même avec les amendemens apportés à ses dispositions primitives réunirait les esprits, calmerait les haines, répandrait partout le contentement, et ferait bénir le nom du roi.

Après ce discours, la noble chambre, ayant adopté successivement les articles, vota sans désemparer sur l'ensemble de la loi, qui fut reçue à une très-forte majorité.

(Nombre des votans, 115. - Pour le projet, 97. -Contre, 18.)

CHAPITRE VIII.

COUR DES PAIRS. — Instruction et jugement de la conspiration du 17 août 1820.- Question de cempétence élevée à ce sujet. —Procédure publique. -Audition des témoins.-Débats et plaidoiries.—Arrêt de la haute cour.'

DANS l'intervalle de la discussion des lois précedentes, la chambre des pairs, constituée par l'ordonnance du 21 août 1829 en haute cour de justice, s'était exclusivement occupée d'une affaire qui remplit une grande place dans ses procès-verbaux, mais qui n'en occuperait qu'une petite dans l'histoire s'il ne s'y était rattaché des questions plus graves que l'affaire elle-même.

Après une instruction qui avait duré quatre mois, le rapport que M. le marquis de Pastoret en fit dura quatre séances ( du 28 décembre au 3 janvier).

S'il faut en croire à des bruits assez généralement répandus pour être rapportés ici, le réquisitoire du procureur-général (M, Jacquinot de Pampelune, nommé en remplacement de M. Ravez), impliquait directement ou indirectement dans la conspiration des personnages plus importans que ceux qu'on a vus figurer dans la procédure publique, des membres de la chambre des députés, des généraux plus ou moins distingués, dont les noms avaient été cités dans les conciliabules ou dans la correspondance des accusés, et il aurait été sérieusement question de faire un acte d'accusation supplémentaire dans les formes constitutionnelles, proposition qui fut rejetée aux deux tiers des voix. Mais il n'est pas donné à l'histoire contemporaine d'affirmer d'une manière positive des faits ou des documens produits sous le secret des débats de la haute cour.

Le 8 janvier, deux jours après la lecture du réquisitoire, M. le comte de Pontécoulant développa une proposition qu'il avait annoncée pour la formation d'une commission spéciale, chargée de

recueillir les renseignemens et de proposer les mesures à prendre pour la solution de la question de compétence de la cour des pairs, d'après l'article 33 de la Charte.

Entre tous les discours publiés à cette occasion, on a distingué celui de M. le prince de Talleyrand.

Selon moi, dit le noble orateur, l'article 33 de la charte n'a pu imposer aux pairs de France l'obligation de connaitre tous les crimes de haute trahison, de tous les attentats à la sûreté de l'Etat. Il y a des complots si bas, et des criminels si obscurs, que les détails de ces complots ne doivent pas se trouver dans vos délibérations. Etes vous disposés à passer sur vos siéges et vos jours et vos nuits pour juger cette foule de malheureux qui rêvent des crimes heureusement psesque toujours chimériques? Telle n'est pas, à ce que je crois, l'intention d'aucun de nous; teile n'est pas la mienne. Ce n'est donc point par la nature du délit, mais à raison des personnes, que nous devons nous déterminer à revêtir notre robe de juge, parce qu'il faut pouvoir, sans éprouver une sorte d'embarras, abaisser ses regards sur l'accusé traduit

devant nous....

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Je crois ne pas m'abuser en pensant que la chambre espère dorénavant n'avoir à juger que des délits politiques qui pourraient être commis par des membres de la famille royale, par des grands officiers de la couronne, par des grands officiers de la maison du roi, par des maréchaux de France, par des pairs de France, par des ministres secrétaires d'Etat, par des généraux en chef des armées de terre et de mer, par des gouverneurs de nos colonies par des ambassadeurs. »

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et

Enfin, sur ces motifs, qu'on peut regarder comme l'opinion générale de la chambre des pairs, à l'égard des cas où elle devait être érigée en haute cour de justice, on nomma une commission de sept membres pour examiner la question (MM. de Pontécoulant, de Pastoret, de Talleyrand ( le prince), Molé, de Sémonville, Portalis et de Lally-Tollendal); et les choses en restèrent là sur la question de compétence jusqu'au moment où arriva la communication royale du 21 avril, dont il sera bientôt question.

La délibération sur le rapport de MM. les commissaires et sur le réquisitoire de M. le procureur-général eut lieu en séance secrète, et dura du 24 janvier jusqu'au 20 février. La haute cour, faisant alors fonction de chambre d'accusation, délibéra séparément sur chacun des individus arrétés et compromis dans l'affaire ; c'est là, dit-on, que s'élevèrent encore les débats les plus vifs sur la question de mettre en cause des députés et des généraux compromis par des dépositions ou des correspondances; c'est à la suite de

ces délibérations que M. Jacquinot de Pampelune a quitté ses fonctions de procureur général, qui furent déférées ( ordonnance du 22 février) à M. de Peyronnet.

En définitif, le résultat de cette longue délibération fut que sur soixante- quinze individus, compris au réquisitoire de M. le procureur général, quarante-un furent déchargés d'accusation et mis en liberté, entre lesquels il faut distinguer le général baron Merlin et le colonel Fabvier, si connu depuis les affaires de Lyon, et qui reparut ensuite comme témoin dans la cause. Les autres étaient presque tous de simples officiers ou sous-officiers des légions de la Meurthe, du Nord et de la Seine. - Trente-quatre furent mis en accusation comme coupables, complices ou non révélateurs du complot, et il est à remarquer que cet arrêt (21 février) consacrait le principe qu'il appartient à la cour des pairs d'apprécier si les crimes qui lui sont déférés par le roi rentrent, par lear gravité et par leur importance, dans la classe de ceux dont les jugemens lui sont spécialement réservés.

Une autre remarque à faire, c'est qu'avant l'ouverture de la procédure publique de la conspiration du 19 août, il s'en était présenté une à instruire contre un malheureux compagnon orfèvre nommé Desjardins, lequel, étant dans un état d'ivresse bien constatée, s'était vanté dans un cabaret d'avoir coopéré à l'assassinat de monseigneur le duc de Berri. La chambre, attendu qu'il n'était résulté de l'instruction aucune chance de complicité dont Desjardins s'était atrocement vanté, déclara qu'il n'y avait lieu à suivre contre lui devant la cour pour raison de cet attentat; mais comme il pouvait y avoir lieu de le poursuivre à raison du crime de provocation à l'assassinat des princes de la famille royale, elle le renvoya devant qui de droit à la diligence du procureur général (arrêt du 16 avril). Nous n'aurions pas parlé de cet incident, fort peu historique, s'il ne servait encore de quelque chose dans la question de compétence.

(21 avril.) On se disposait enfin à ouvrir la procédure publique de la conspiration du 19 août, lorsque M. le président du conseil des ministres et M. le garde des sceaux vinrent communiquer à la

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