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Les deux projets que nous discutons, dit-il à la fin de son discours, celuidu ministère, par ses condescendances, celui de la commission, par ses excès, décèlent clairement, comme tout ce qui s'est passé dans cette enceinte depuis le commencement de cette session, la position des choses. Cette position est contre nature, parce que dans les élémens qui y entrent, il en est un qui ne devrait pas exister.

« Dans tous les pays libres il y a deux partis, celui du pouvoir et celại du peuple. Ces deux partis se combattent; mais leur lutte est constitutionnelle. Le champ de bataille est connu, le terrain ferme et sûr.

«En France, derrière le parti du pouvoir, il y en a un autre, que je ne sais comment désigner, mais dont le travail est évident; il veut tout détruire pour tout conquérir. Ce parti pousse les ministres, profite de leurs fautes, abuse de leurs concessions, leur impose des lois, exagère encore les lois qu'il leur a dictées, les enchaine par des antécédens déplorables, les domine parce qu'il les a dominés, s'arme contre eux du blâme qu'ils ont provoqué en ne lui résistant pas, et de la sorte entrave le mécanisme et dérange sans cesse l'équilibre constitutionnel.

Le ministère le sent, quelquefois il l'avoue; mais souvent aussi il se résigne et il cède. C'est ce qui fait sa faiblesse, et ce qui fera sa perte s'il continue. Il a pour la première fois, dans cette question, montré plus de courage. Il n'est jamais trop tard pour sauver un pays. Mais il ne faut pourtant pas se faire illusion. On cède à la folie par faiblesse; on ne revient à la raison qu'à l'aide d'un effort, et lorsqu'on a eu le tort d'évoquer 1815, il faut malgré soi se donner le mérite de recourir à un 5 septembre. >

A ces observations sur la situation du ministère, M. le général Foy ajoute bientôt des considérations sur les deux derniers concordats. Il expose que celui de 1801 n'avait eu que d'heureux ré– sultats, et il essaye de montrer que, dans le droit, rien n'avait été changé par la charte au régime ecclésiastique de la France.

Cependant, dit-il, l'établissement ecclésiastique, d'abord mine sourdement, fut bientôt attaqué à force ouverte, et, il faut le dire, l'attaque n'estpas venue de Rome. Tout au contraire, le véritable successeur de saint Pierre a toujours prêché la modération et la paix. Il a toujours eu à cœur de conserver le concordat de 1801, qu'il regarde comme un des plus beaux titres de gloire de son laborieux pontificat. Le désordre a été mis dans l'église de France, non par des sectes religieuses, mais par les factions politiques; non par des idées ultramontaines, mais par les prétentions ultrà - monarchiques.

«La contre-révolution a dit, et chaque jour elle répète que tout ce qui a été fait pendant la révolution, à quelque époque et dans quelque vue que ce soit, est impúr et comme non avenu. Elle a proclamé conservateurs exclusifs de la foi les évêques qui, sur la terre étrangère, avaient, en résistant aux touchantes invitations du père commun des fidèles, retardé et contrarié autant qu'ils le pouvaient le rétablissement des autels. Elle a essayé une grande et une petite église, et, sous le prétexte d'apaiser des dissensions qu'on n'avait

pas réussi à faire naître, elle a soufflé un nouveau concordat, dont la religion, pas plus que la nation, n'éprouvait le besoin.

« Vous savez, messieurs, quel cortège d'abus le concordat de 1817 amenait à la suite du rétablissement de quarante deux siéges épiscopaux qui paraissaient être son principal objet. Vous vous rappelez comment l'article 6 compromettait l'existence des titulaires actuels, et comment la fondation prochaine d'abbayes, de prieurés, de bénéfices, était clairement indiquée dans l'art. 12. Vous n'avez pas oublié cette étrange menace de l'art. 16 contre de prétendus désordres qui anraient mis obstacle à l'exécution des lois de l'église., Enfin, messieurs, il n'a pas échappé à vos recherches qu'en vertu d'une disposition précise du concordat passé entre François Ier et Léon X, disposition remise en vigueur par le concordat de 1817, puisqu'elle n'y était pas formellement révoquée, les églises de paroisse dans les villes épiscopales et dans les villes murées ne pouvaient étre données qu'à des sujets qui justifieraient de certaines conditions requises d'étude et de doctrine; mais que ceux qui prouveraient être nobles des côtés paternel et maternel jouiraient, comme de raison, du bénéfice d'un temps d'étude plus court et d'une moindre somme de doctrine. (Murmures à droite.)

• La raison publique, qui, dans les pays soumis au gouvernement représentatif, tôt ou tard se fait jour, la raison publique ne fut pas cette fois lente à se manifester. Un cri d'indignation s'éleva de partout contre un acte subversiť, je ne dirai pas de nos libertés gallicanes, mais de notre état social. Le concordat de 1817 n'est jamais sorti des bureaux de cette chambre. On n'a pas osé faire courir à la loi, qui devait le rendre exécutoire, les chances de la discussion publique. La France a continué à vivre légalement sous l'empire du concordat de 1891. Le gouvernement a continué à se conformer au régime organique du 19 germinal an 10; mais par l'effet du joug que les factions ont imposé au ministère jusqu'à ce jour, il a été réduit à souffrir de continuelles violations d'une loi dont lui-même invoquait naguère l'autorité dans le préambule de l'ordonnance royale du 23 décembre 1820, qui supprime, pour cause d'abus, un mandement de M. l'évêque de Poitiers.....>

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Ici l'orateur représente à la chambre, comme des violations à la loi organique encore en vigueur, que des missionnaires sans mission vont semer la discorde dans nos villes et dans nos campagnes par des déclamations passionnées; → que les couvens. d'hommes et de femmes ont pullulé de nouveau; qu'au lieu de se borner à retrancher du catéchisme en usage les formules serviles. que le despotisme y avait introduites, on a laissé reprendre des catéchismes bigarrés, dans un desquels ( réimpression de l'ancien catéchisme de Soissons) les ministres de la religion prescrivent comme accomplissement de préceptes divins le paiement de la dime et l'obéissance au seigneur de la paroisse ;-que chaque jour

descendent impunies de la chaire chrétienne de vindicatives désignations, et des doctrines politiques attentatoires à la charte que le roi nous a donnée. Qu'en violation de la loi qui n'avait voulu confier au clergé d'autre enseignement que dans les séminaires, une ordonnance a été surprise à la sagesse du roi, le 27 février dernier, qui pervertit le système de notre éducation publique, surtout dans les art. 14 et 21. (V. cette ordonnance à l'Appendice.)

Enfin, après cette énumération de griefs et de reproches, le général dit qu'il ne refuserait ni les siéges épiscopaux, ni les fonds demandés, si la convention qui aura lieu à ce sujet entre le roi et les chambres était fondée sur le concordat de 1801. Mais considé rant que sous le nom de religion constituée, la France est menacée du fléau d'une religion dominante; que cette menace nous vient d'hommes de parti, aristocrates beaucoup plus que chrétiens; que, ravalant la dignité des chambres législatives et substituant des influences fanatiques aux influences constitutionnelles, cette faction affiche l'insolente prétention de rattacher aux marches du trône et au trône lui-même le réseau de servitude qu'elle jette sur la France; alors dans l'intérêt de nos libertés, de la religion et du trône, je tiens à devoir, dit le général, de repousser par mes paroles et par mon vote l'accomplissement de cette conception sacrilége. »

M. Benoît, commissaire du roi, sans entrer aussi avant que M. Corbière dans la discussion des différends élevés entre la commission et le gouvernement, se borne à montrer que c'était pour mieux assurer l'indépendance de la religion qu'on avait cherché à donner aux établissemens proposés le caractère de durée qui est attaché aux lois.—D'ailleurs il met plus d'importance à réfuter les objections que les orateurs du côté gauche avaient faites, et qui farent reproduites par MM. de Thiars et Beauséjour sur l'énormité des établissemens déjà faits, des fonds demandés en faveur des évêques... Il développe des idées nouvelles sur l'autorité de l'église catholique, dont M. de Marcellus expose les bienfaits dans un discours qui tient plus à l'éloquence de la chaire chrétienne qu'à celle de la tribune.

(15 mai,) Il était échappé à des orateurs du côté gauche, au milieu de leurs digressions sur la loi nouvelle, de dire qu'ils regardaient la vente des biens du clergé comme un des plus heureux résultats, comme un des actes les plus justes de la révolution, comme ayant fourni à la France les moyens de soutenir la guerre de la liberté. A cet égard M. le baron Pasquier, ministre dés affaires étrangères, remarque le danger qu'il y avait de vouloir défendre par des principes faux les intérêts et les droits acquis incontestables des acquéreurs des biens ecclésiastiques..... Entrant dans l'examen des objections présentées contre le projet du gouvernement, le ministre expose qu'il ne s'agit pas de rendre l'église riche, mais de faire subsister la hiérarchie catholique; et quant à ce qui a été dit des concordats de 1801 et 1817, il ne dissimule pas le bien que le premier a fait pour le temps; et après avoir donné quelques détails sur les différends qui s'étaient élevés entre le pape et le chef du gouvernement, et qui furent conciliés au retour du roi, S. Ex. s'explique ainsi qu'il suit sur le concordat de 1817:

< Ce concordat n'était encore qu'un traité entre le roi et le pape, traité que S. M. se proposait de rendre loi de l'Etat. Les circonstances ne l'ont pas permis; mais quelle que puisse être la diversité des opinions sur le contenu de de traité, il est de votre justice, messieurs, de ne pas oublier que le gouvernement, qu'on présente toujours comme voulant briser tous les freins salutaires qui doivent être imposés au pouvoir, ne vous présente ce concordat qu'en l'accompagnant d'un projet de loi, telle qu'elle n'aurait pas été désavouée par les plus illustres, les plus sages et en même temps les plus éclairés defenseurs des libertés gallicanes, à quelque époque de notre histoire qu'on veuille invoquer leur témoignage........ Je ne prétends pas apprécier ici toutes les circonstances qui ont empêché le concordat de 1817 de devenir loi de PElat, et par conséquent d'avoir son exécution dans le royaume, Ce qu'il importait d'établir, c'était la réalité des faits, c'était la bonne foi, la sincérité du gouvernement du roi, son ardent désir d'allier toujours son attachement sincere pour la religion, sa conviction intime que la religion est le premier besoin des peuples, avec son respect pour les formes constitutionnelles, sa ferme résolution de maintenir et de défendre avec une égale persévérance tes droits de la couronne et les libertés publiques.... »

Sur les autres reproches faits au gouvernement de tolérer les missionnaires, le ministre répond qu'aucune loi n'a défenda les missions en France; qu'elles pouvaient être faites sous le concor

dat de 1801 avec l'approbation des évêques; qu'en augmentant le nombre de ceux-ci et par suite celui des curés, on rendrait le secours des missions moins nécessaire.

Sur la question de droit élevée à l'égard des établissemens épiscopaux, M. le baron Pasquier pense comme MM. Corbière et Benoît qu'ils ont toujours été soumis à la puissance législative, et qué, dans l'intérêt du pays, de la religion et de ces établissemens inême, ils devaient être fondés sur la loi.

Quant à la délégation restreinte que le projet du gouvernement donne au roi, pour entamer des négociations relatives à l'établissement, à la circonscription des évêchés, de nombreuses circonstances, dit le ministre, ont donné lieu de connaitre toutes les difficultés d'une telle négociation, qui doit conserver, non-seulement les intérêts, mais les dignités réciproques, et on ne voit pas qu'il y ait de moyen plus sûr d'arriver à ce résultat que celui proposé de faire donner par la loi, à des actes prévus, un assentiment à priori, au lieu d'en attendre un acte fait et parfait..... Il ne faut pas se dissimuler combien il serait fâcheux de faire renaitre inutilement les débats qui se sont élevés autrefois entre nos rois et nos parlemens avec le saint-siége. Ces débats seraient peut-être encore plus fâcheux aujourd'hui qu'autrefois: car sous le rapport de notre constitution, de notre liberté, nous sommes encore un état nouvellement organisé.... En dernier résultat, de quoi s'agit-il ici? de créer de nouveaux évèchés, et d'en faire la circonscription..... Une fois que vous en fixez le nombre, il devient impossible, même avec les plus mauvaises intentions, de faire des circonscriptions contraires aux convenances et aux intérêts locaux. · Ainsi la chambre fera une chose éminemment sage en remettant à la puissance royale le droit de faire, pour cette fois et sans besoin d'une autorisation législative subséquente, tout ce qui, dans ce nouvel établissement épiscopal, demande le concours de la puissance extérieure et spirituelle, sans laquelle rien ne peut être fait........ »

La discussion sort déjà trop des bornes imposées à cet ouvrage pour la prolonger. Il nous suffit de faire observer qu'on se débattit encore trois jours sur la question générale et sur les détails du projet. M. Royer-Collard, revenant sur le concordat de 1817, établit que « sous des formes bénignes le concordat cachait la contrerévolution dans le clergé. » D'ailleurs il proposait de substituer au projet proposé une nouvelle fixation de tous les traitemens ecclésiastiques, et l'érection non de tel nombre d'évêchés, mais de tels évêchés qui seraient jugés nécessaires d'après un accord spécial entre le roi et le saint-siége sur les circonscriptions, proposition dont le ministre des affaires étrangères venait de montrer l'incon

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