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consommé: Espartero fit son entrée à Madrid, le 29 septembre, au milieu d'un concours immense et dans un appareil qui avait déjà quelque chose de royal: «sa voiture, disent les dépêches officielles, était attelée de six chevaux.>>

Le 13 octobre, la junte publia les noms des nouveaux ministres présentés à la signature de la reine, et que S. M. avait agréés par un décret en date du 10 octobre. Deux jours après, Marie-Christine abdiquait. La révolution était faite, la régente eut au moins le mérite de se retirer du pouvoir plutôt que d'abandonner ses convictions. Ses derniers conseillers, les hommes qui administrèrent en son nom le pays durant ce période tout gros de tempêtes, en un mot, les ministres Perez de Castro, Lorenzo de Arrazola, Ramon Santillan, comte de Clonard, Armandariz et Dios Sotelo avaient appelé sur eux la vindicte de la junte de Madrid, qui invita les chefs politiques des provinces, à mettre en état d'arrestation ceux d'entre les ministres qui seraient rencontrés dans le ressort de leur administration, sauf ensuite à renvoyer les prévenus devant les cortès qui les rendraient responsables suivant la loi : «La junte voulait, disait-elle, faire un exemple tendant à inculquer un salutaire effroi, à quiconque oserait violer la constitution et les lois. » La mesure atteignit l'un des membres de l'ancien cabinet, M. Sotelo; il fut arrêté par les autorités de cette ville, en rade d'Alicante, sur un bateau à vapeur marchand, français, qui se rendait à Gibraltar. Cette qualité de bateau simplement marchand, excluait par là même, toute idée d'atteinte au droit des gens.

Cependant la régence était passée provisoirement aux mains du ministère Espartero, qui l'avait d'ailleurs annoncé en publiant l'acte d'abdication. Marie-Christine s'embarqua pour la France, et adressa de Marseille à la nation dont elle avait gouverné les destinées durant ces dernières années, des adieux qui étaient en même temps l'historique des services qu'elle avait rendus. La Gazette de Madrid, journal du. Gou

vernement, fit (16 novembre) à ce manifeste une réponse assez peu explicite, où néanmoins l'on appelait la responsabilité de l'avenir sur les hommes qui se feraient de ce langage, «< concevable dans la bouche d'une reine et d'une mère, une arme pour appuyer des intentions contraires à la paix de la monarchie et à la consolidation des institutions. >>

Au surplus, le pouvoir nouveau semblait vouloir marcher dans cette voie de réorganisation: la jeune reine revenait avec sa sœur à Madrid; les cortès étaient convoquées, et le duc de la Victoire refusa absolument de suivre dans leur entraînement ceux qui croyaient le moment venu de tout refaire; il s'opposa à la dissolution complète du sénat, et accéda seulement au renouvellement prévu et autorisé par la constitution. C'est à elle que se réfère la régence provisoire, dans une proclamation adressée (29 octobre) à la nation espagnole. «La régence, y est-il dit, veillera avec toute sa sollicitude à l'observation rigoureuse de cette constitution; sa conservation sera l'unique objet de ses vues et de ses vœux. Si la véritable opinion du pays exige qu'il y soit apporté ultérieurement quelques modifications, il restera toujours des moyens légaux d'atteindre ce but; les cortès, et les cortès seules, pourront le faire; la régence attenterait à ce pouvoir de l'État, si elle tenait une autre conduite que celle qu'elle s'est proposée, et dont elle ne se départira jamais. » Cet acte public, ce programme, était signé des ministres, régents provisoires, duc de la Victoire, Ioaquin Maria Ferrer, Becerra Pedro, Chacon-Gamboa, Cortina, de Frias; les nommer, c'est faire connaître l'opinion et le parti politique auxquels appartenaient ces membres du Gouvernement. En même temps la junte provisoire résignait à son tour ses fonctions, qui, désormais, n'avaient plus d'objet; elle adressa, le 25 octobre, aux habitants de Madrid une sorte de compte-rendu. « Si les membres de cette junte ont répondu à la confiance de leurs concitoyens, ce n'est pas à nous, disaient les auteurs de cette pièce, ce n'est pas

à nous de le décider; les faits existent: ils parlent; la nation entière les a vus, et nous nous soumettons à son arrêt irrévocable. >> La junte terminait en annonçant que quelle que fût sa confiance dans les hommes appelés à régir les destinées de la patrie, et la certitude qu'ils rempliraient fidèlement leur mission, elle ne continuerait pas moins à surveiller les droits du peuple jusqu'à ce que le programme accepté par le ministère fût accompli dans toutes ses parties. La régence commençait, elle, son œuvre d'organisation par une résolution de tout point louable: elle abolissait la police secrète, ne laissant subsister qu'une police nécessaire, une police de sûreté; d'autre part, elle amnistiait les délits politiques.

Les élections allaient avoir lieu la dernière Chambre avait été dissoute de fait par les événements, avant de l'être de droit par la régence provisoire. Entre les lois votées par les dernières cortès, nous devons mentionner, outre celles dont nous avons rendu compte, la contribution extraor dinaire de guerre de cent millions. On avait eu de plus discuter la création d'un cinq pour cent. Au dehors, rien n'était changé ; les puissances s'étaient tenues sur l'expectative, et, avant l'abdication, les ambassadeurs qui les représentent et notamment M. Mathieu de la Redorte, ambassadeur de France, s'étaient rendu auprès de la reine, à Valence; d'autre part, les Anglais donnaient à la France une garantie de sécurité, en évacuant peu à peu le port du Passage. M. Olozaga se rendait à Paris, au nom de la régence provisoire: celle-ci concluait un traité de commerce avec la SublimePorte; mais elle évitait encore de se prononcer sur des relations de même nature avec l'Angleterre, question épineuse, comme l'on sait, et dont les deux pays attendent presqu'avec une même anxiété, la solution. Enfin l'avenir de la Péninsule allait encore une fois sortir de l'urne électorale; le résultat paraissait peu douteux : le parti qui venait de triompher devait aussi l'emporter dans les élections.

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CHAPITRE VIII.

PORTUGAL.-Ouverture de la session législative.-Discours royal.-Symptômes d'une dissolution prochainę. - Interpellations. Refus des ministrés de déposer les pièces relatives à l'affaire d'Angola. - Pétitions contre un projet de modifications à la loi électorale. — Discussion de l'adresse.-Débats relatifs aux difficultés avec l'Angleterre. — Adoption des deux premiers paragraphes de l'adresse. - Rapport du conseil des ministres à la reine.-Dissolution.-Élections.-Ouverture de la seconde session.-Adresse.-Émeute à Lisbonne. Décret pour la suspension de l'habeas corpus et de la liberté de la presse.-Organisation d'un tribunal de guerre.-Troubles à Castello-Branco. - Rétablissement de l'ordre. Question du Duero.

L'ouverture de la session législative eut lieu le 2 janvier. Le ministère Bomfin, qui paraissait pour la première fois devant les cortès, exposa nettement dans le discours de la Couronne, ses vues politiques sur l'état du pays.

L'Angleterre était toujours hostile, et la question de la traite n'avait point encore reçu de solution. L'événement arrivé dans les eaux du Zaïr et les réclamations pécuniaires déjà plusieurs fois énergiquement formulées des légionnaires anglais qui avaient servi dans les armées portugaises, étaient venus retarder la conclusion de l'affaire principale: « J'espère néanmoins, ajoutait la reine, que ces différends seront aplanis d'une manière satisfaisante pour les deux Couronnes et sans aucun préjudice à nos intérêts et à notre dignité, que j'ai particulièrement à cœur. »

Une autre difficulté s'était élevée entre le Portugal et l'Espagne, au sujet du droit de possession d'une île à l'embouchure de la Guadiana: une enquête avait été ordonnée, et S. M. annonçait que le résultat serait soumis à l'examen d'une commission nommée par les deux Gouvernements pour statuer sur le différend.

Ann. hist. pour 1840.

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Les relations avec le Brésil n'avaient éprouvé aucun changement: un nouvel agent diplomatique venait d'être envoyé auprès de cet empire pour favoriser les intérêts commerciaux du pays, et ouvrir de nouveaux débouchés à l'industrie nationale.

La reine signalait aussi un traité récemment conclu avec la France, concernant une indemnité de 800,000 fr,, alors portée à près de 2 millions par l'accumulation des intérêts, qui avait été réglée par la capitulation de Paris et avait pour but de dédommager des sujets portugais de la perte de plusieurs bâtiments brûlés sur la côte du Brésil par l'amiral Lallemand, antérieurement à la déclaration de guerre de Napoléon.

S. M. rappelait également le rétablissement des relations diplomatiques entre son Gouvernement et la Hollande. Les négociations continuaient avec le Saint-Siége: il y avait lieu de penser que l'harmonie régnerait bientôt entre les deux Cours, et que le schisme qui avait servi de prétexte aux partisans de l'usurpateur, serait ainsi extirpé; mais cette espérance de la Couronne ne devait pas encore se réaliser.

L'organisation de l'administration publique préoccupait à un très haut degré l'attention du Gouvernement, et rien de plus naturel dans un pays où les abus du régime ancien survivent encore à côté des innovations récemment introduites par les révolutions. Voici à ce sujet les paroles royales ellesmêmes :

«En ce qui concerne l'administration publique, l'expérience a démontré que l'uniformité symétrique de son organisation, qui applique, même aux divisions de territoire les plus insignifiantes, toutes les complications ou administrations supérieures, est un obstacle à ce que le pays soit bien gouverné; la multiplicité et la courte durée des fonctions électives ont rendu l'exercice des droits politiques très onėreux au peuple. C'est pourquoi les colléges électoraux ont été souvent déserts; d'un autre côté, l'absence d'une base

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