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La maison est adjugée pour quarante mille francs : l'ordre s'ouvre; comment se fera la collocation? Les deux premiers créanciers seront colloqués chacun pour vingt mille francs, et l'entrepreneur n'aura rien.

En effet, le premier créancier dira : j'ai prêté vingt mille francs sur une maison qui en valait alors trente, et qui n'a pas diminué de valeur. Je dois donc être colloqué pour ma

créance entière.

Le second dira de son côté : Quand j'ai prêté vingt mille francs, la maison valait quarante mille francs; elle n'était hypothéquée que pour vingt mille francs; j'ignorais qu'elle eût été récemment réparée; et, quand je l'aurais su, le dé– faut d'inscription du premier procès-verbal a dû me faire croire que les réparations étaient payées. Je n'ai donc prêté que dans la ferme persuasion que je ne serais primé que par la première hypothèque de vingt mille francs.

Cet exemple démontre comment il faut entendre que le privilége date de l'inscription du premier procès-verbal.

Second exemple : Pour démontrer que la date est indifférente à l'égard des créanciers antérieurs, nous prendrons la même hypothèse, sinon que nous supposerons que les inscriptions antérieures à la confection des travaux, montent à quarante mille francs, et qu'il n'y a point d'inscriptions postérieures. Dans cette hypothèse, à quelque époque que le premier procès-verbal soit inscrit, l'entrepreneur pourra toujours exercer son privilége sur les dix mille francs de plus-value. Les créanciers ne peuvent pas dire ici, comme dans la première espèce, qu'ils ont compté prendre hypothèque sur une maison de quarante mille francs, puisque nous supposons qu'elle n'en valait que trente quand ils se sont inscrits, et que les dix mille francs de surplus résultent des travaux faits postérieurement à leur inscription.

L'on voit, d'après cela, pourquoi la loi n'a pas fixé de délai pour l'inscription des procès-verbaux. L'entrepreneur a un très-grand intérêt de faire inscrire, le plus tôt possible, le premier procès-verbal. Quant au second, c'est au débiteur qu'il importe de le faire inscrire, parce que

l'inscription du premier annonçant qu'il existe un privilége, dont le montant n'est pas déterminé, il en résulte une incertitude qui peut lui être préjudiciable, et qu'il ne peut faire cesser qu'en faisant inscrire le second procès-verbal.

Quid, s'il a été fait des travaux pour quinze mille francs, mais qui n'aient augmenté la valeur que de dix mille francs, et qu'il ait été payé cinq mille francs à-compte, sans imputation; ce paiement sera-t-il imputé sur la partie de la créance qui est privilégiée, ou sur celle qui ne l'est pas ? Je pense que ce cas doit être assimilé à celui où la même personne ayant deux créances à exercer, dont une privilégiée, et l'autre non, toutes deux exigibles, recevrait un à-compte sans imputation. Dans ce cas, la loi 97, ff. de Solut., décide que l'imputation doit se faire sur la créance privilégiée. Donc, dans l'espèce, elle se fera sur la partie privilégiée. D'ailleurs, c'est celle que le débiteur a le plus d'intérêt d'acquitter, puisqu'il libère par là son immeuble, et qu'il augmente d'autant son crédit.

Quid, s'il a été fait successivement des travaux sur le même immeuble? Il faut distinguer : Si le second ouvrage a ajouté quelque chose au premier, il y aura une plus-value résultant de chaque ouvrage, et chaque entrepreneur aura privilége sur celle qui résulte de ses travaux particuliers. Si les seconds ouvrages ont détruit les premiers, comme il faut, pour qu'il y ait privilége, que la plus-value existe au moment de l'aliénation, et que, dans l'hypothèse, les premiers ouvrages sont détruits, que les seconds seuls subsistent, il s'ensuit que ces derniers ont seuls privilége, parce qu'eux seuls ont produit la plus-value existant au moment de l'aliénation.

L'on voit, par ce qui vient d'être dit, que le privilége des ouvriers ne peut jamais concourir qu'avec un privilége de même nature. Prenons, en effet, pour exemple le plus favorable, celui du vendeur. Il est certain qu'il ne peut exercer son privilége que sur la valeur qu'aurait eue l'immeuble sans les constructions faites, et non sur la plusvalue résultant desdites constructions, et sur laquelle les ouvriers sont seuls privilégiés. ]

CHAPITRE II.

De l'Ordre dans lequel s'exercent les Priviléges.

Le Code n'ayant déterminé qu'à l'égard de certains priviléges, l'ordre dans lequel ils doivent être exercés, nous allons tâcher d'y suppléer pour les autres [ mentionnés dans le Code. Nous n'entendons pas parler ici des autres priviléges dont il est question ci-dessus, note 23o des priviléges sur les meubles seulement.], en présentant cet ordre, tel qu'il nous a paru devoir être élabli.

Il faut d'abord observer, quant aux priviléges sur les meubles, qu'il en est plusieurs qui ne peuvent concourir avec aucun autre. [Sauf ce qui a été dit ci-dessus, note 8° des priviléges sur les meubles seulement, relativement au privilége du locateur.

Quid, à l'égard du privilége des frais faits pour la conservation de la chose? Je pense qu'il ne peut venir qu'après celui du créancier engagiste, de l'aubergiste, etc.; à moins que celui qui a fait ces frais ne détienne la chose; auquel cas il n'y a même plus de concours, puisque l'engagiste et l'aubergiste n'ont de privilége qu'autant qu'ils sont saisis. Or, ils ne sont plus saisis, dès que la chose est détenue par

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un autre.

Quid, à l'égard du privilége du vendeur? Je pense que l'engagiste et l'aubergiste doivent lui être préférés. En effet, ce privilége ne subsiste qu'autant que les objets vendus sont encore en la possession de l'acheteur. Or, ici il y a une sorte de possession transférée à l'engagiste, à l'aubergiste, etc.]

Tels sont les priviléges du créancier engagiste, de l'aubergiste, du voiturier; tels sont aussi ceux sur les fonds du cautionnement des fonctionnaires publics.

En second lieu, s'exercent de préférence à tous autres, les priviléges sur tous les biens, et, comme nous l'avons dit, dans l'ordre où ils sont rapportés.

Quant aux autres, les priviléges sur les meubles s'exercent dans l'ordre suivant :

1o. Celui du locateur; [Dans mes éditions précédentes, j'avais mis au premier rang les frais faits pour la conservation de la chose. Je m'étais fondé sur ce que ces frais salvam fecerunt pignoris causam. Mais depuis, ayant réfléchi que le Code préfère le locateur, même au vendéur qui a mis l'objet dans les biens du locataire, et qu'il a cru devoir faire une exception particulière pour les frais de semences, récoltes et ustensiles aratoires, ce qui, d'après la règle inclusio unius, etc., exclut toute autre exception, j'ai pensé que le privilége du locateur devait être préféré, même à celui des frais faits pour la conservation de la chose, sauf toutefois les deux exceptions suivantes :

1o. Si celui qui a fait ces frais a encore la chose en sa possession; car alors il peut la retenir quodam pignoris jure; 2o. Si au moment où la chose est apportée dans la maison ou la ferme, le locateur a connaissance que les dépenses ont été faites pour la conservation de la chose, et qu'elles sont encore dues. Il me semble que, dans ce cas, la cause du créancier est bien aussi favorable que celle du vendeur.] 2o. Celui des frais faits pour la conservation de la chose; 3o. Celui du vendeur. [ J'ai dû placer ce privilége après celui des frais faits pour la conservation de la chose, parce que c'est à ces frais que la chose doit son existence, et le vendeur, conséquemment, son privilége. Nec obstat ce qui a été dit dans la note ci-dessus, à l'égard du locateur; en effet, dans ce dernier cas, il n'y a pas à examiner si la chose appartient, ou non, au locataire; mais si elle garnit la maison ou non. Si l'on pouvait opposer au locateur d'autres priviléges, il serait exposé journellement à être trompé, puisqu'il pourrait dire qu'il a compté, pour la sûreté de ses loyers, sur la valeur des meubles garnissant la maison. Or, ce raisonnement ne peut s'appliquer au vendeur.]

Le tout, sauf les exceptions que nous avons fait remarquer.

Les priviléges sur les immeubles doivent être colloqués ainsi qu'il suit :

1o. Celui des entrepreneurs et ouvriers, pour et sur la plus-value seulement;

2o. Celui du vendeur;

3o. Celui des créanciers et légataires d'une succession qui ont demandé la séparation des patrimoines.

4o. Celui des co-héritiers.

PARTIE II.

De l'Hypothèque.

L'hypothèque est en général l'affectation formelle et individuelle d'un ou de plusieurs immeubles à l'acquittement d'une obligation formelle.

Nous disons l'affectation formelle, parce que, comme nous l'avons déjà fait observer, tous les biens du débiteur sont à la vérité affectés généralement au paiement de ses dettes; mais lorsqu'il y a hypothèque, c'est-à-dire affectation formelle d'un ou plusieurs immeubles à l'acquittement d'une créance en particulier, le créancier acquiert par là, d'abord le droit d'être payé sur lesdits immeubles de préférence à tout autre dans l'ordre de son hypothèque; et en second lieu, celui de suivre l'objet hypothéqué, dans 2114. quelque main qu'il passe.

Indivisible: Parce qu'il est de la nature de l'hypothèque, d'être indivisible. [Mais remarquez que cette indivisibilité n'a que deux effets, dont le premier est d'affecter l'immeuble entier au paiement de la plus petite partie de la dette ; et le second, d'affecter chaque portion de l'immeuble au paiement de toute la dette; mais qu'il n'en résulte aucun changement dans la nature de la dette, qui continue toujours d'être divisible, si elle l'était dans le principe. Si donc le débiteur d'une dette divisible laisse deux héritiers qui, par l'effet du partage, se trouvent tous deux détenteurs d'immeubles hypothéqués à ladite dette, le créancier pourra bien agir hypothécairement contre chacun d'eux, pour la totalité de la dette; mais s'il laisse prescrire son action à l'égard de l'un d'eux, il ne pourra argumenter de l'indivisibilité de l'hypothèque, pour demander le total à

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