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apportés dans la maison ou dans la ferme, du consentement de leur propriétaire. Or ici, l'on suppose que l'ancien locateur n'a pas consenti au déplacement. Par la même raison, le locateur serait, avant l'expiration du délai, préféré au créancier engagiste, quoique ce dernier eût l'objet en sa possession.]

Mais, pour user de la saisine, il ne faut pas que le locateur ait consenti au déplacement. [Mais le consentement même tacite, suffirait s'il est prouvé.] Il faut, en outre, que la revendication soit faite dans le délai de quarante jours, s'il s'agit du mobilier d'une ferme [ et non des fruits. En effet, comme ils sont destinés à être vendus, il faut bien qu'il y ait sûreté pour l'acquéreur; en conséquence le locateur n'aurait pas le droit de les revendiquer contre lui. D'ailleurs on ne peut dire qu'ils ont été déplacés sans le consentement du locateur. Celui qui donne une ferme à bail, sait très-bien que le fermier ne peut le payer qu'avec les sommes provenant de la vente des fruits; il est donc censé avoir consenti à ce que ces fruits soient vendus. Par la même raison, le droit de suite ne s'étendrait pas à des marchandises qui seraient l'objet d'un commerce. ] Le délai est de quinzaine seulement, s'il s'agit de celui d'une maison. [Le tout à compter du jour du déplacement. La diffé-2102. rence de 15 à 40 jours est fondée sur ce qu'il peut être plus aisé de connaître le déplacement du mobilier d'une maison, qui en a communément d'autres dans son voisinage, que d'une ferme, qui peut être isolée, et où, d'ailleurs, les mouvemens et transports étant plus ordinaires, doivent conséquemment exciter moins de méfiance. ]

Le privilége du locateur s'exerce également sur les meubles des sous-locataires, mais seulement jusqu'à concurrence de ce dont ils sont débiteurs envers le locataire principal, à raison des lieux qu'ils occupent. [Ceci est encore une dérogation aux principes rigoureux du droit. Car le privilége du propriétaire devrait s'exercer généralement sur tout ce qui garnit l'objet loué. Mais on a considéré qu'un grand nombre de maisons ne peuvent être louées que par bail principal, et que les sous-baux devien

draient très-difficiles, si les sous-locataires pouvaient être poursuivis indéfiniment pour les loyers du principal locataire; d'où il résulterait que les propriétaires eux-mêmes auraient beaucoup de peine à trouver des principaux locataires. Mais quid, si l'individu prétend qu'il est logé gratuitement? La loi 5, ff. Locati, décide que ses meubles ne sont pas sujets au privilége du locateur. Mais cette décision ne serait admise dans notre droit qu'avec beaucoup de circonspection. Autrement, elle favoriserait singulièrement la fraude. Ce sera donc aux tribunaux à décider, d'après les circonstances, si l'allégation est de nature à être admise. ] Les sous-locataires ne peuvent néan-moins opposer les paiemens faits d'avance, à moins qu'ils n'aient été faits en vertu d'une stipulation portée dans leur 1753. bail, ou conformément à l'usage des lieux. [Si toutefois elle ne présente aucun caractère de fraude. C'est ainsi qn'on a jugé à Nîmes, avec raison, le 28 janvier 1810 (SIREY, 1814, 2o partie, p. 96), que la clause insérée dans un bail de quinze ans, et portant que le prix des quinze années serait payé d'avance, ne pouvait être opposée aux créanciers du bailleur. ]

Par suite du même privilége, le locateur a encore le droit, même quand il n'existerait qu'un bail verbal, de faire saisir-gager, un jour après le commandement et sans Pr. la permission du juge, les objets soumis à son privilége; 819. il peut même, avec la permission du juge, les faire sai820. sir-gager à l'instant.

Le second privilége sur certains meubles, est celui du créancier saisi d'un gage, sur le prix de la chose engagée. [(Voyez, ci-après, au titre du Nantissement, comment s'établit et se conserve ce privilége. ) ]

Troisième privilége: Celui des frais faits pour la conservation d'une chose, sur la chose conservée. [Quid, de ceux qui ont été faits pour l'amélioration? Je pense qu'il faut distinguer: s'il s'agit d'un meuble, et que celui qui a amélioré, détienne la chose, il peut la retenir jusqu'à ce qu'on lui tienne compte de la plus-value; s'il ne la détient plus, il n'a plus de privilége; si c'est un im

meuble, il n'a privilége que dans les cas prévus, et suivant les formes prescrites par les articles 2103, § 4, et 2110.]

Quatrième privilége: Celui du vendeur d'effets mobiliers non payés, sur le prix desdits effets, tant qu'ils sont en la possession du débiteur, et quand même il aurait été donné terme et délai pour le paiement. Si la vente a été faite sans terme, outre ce privilége, le vendeur a encore le droit de revendiquer les objets, et d'en empêcher la revente; mais il faut pour cela, que les objets soient encore dans la main du débiteur; qu'ils se trouvent dans le même état que lors de la livraison; et enfin, que la revendication ait été faite dans la huitaine de ladite livraison.

[1°. Le vendeur a le droit de revendiquer les objets. Cette disposition est la conséquence du principe établi dans le § 41, Instit. de Rerum divisione. La disposition de cet article s'appliquerait-elle à la vente d'une créance, et le vendeur pourrait-il, dans ce cas, revendiquer dans la huitaine de la livraison, si la vente avait été faite sans terme, ou exercer son privilége sur le prix, soit qu'elle ait été faite avec ou sans terme? Je ne vois aucune raison d'excepter les créances du principe général. L'article dit: le vendeur d'effets mobiliers. Or, d'après l'article 535, ces mots comprennent tous les objets regardés comme meubles, soit par leur nature, soit par la détermination de la loi.

En matière commerciale, la revendication ne peut avoir lieu, si les objets sont entrés dans les magasins de l'acheteur ou de ses commissionnaires; 2o si, avant leur arrivée, ils ont été vendus sans fraude, sur factures ou connaissemens. (Code de Comm., art. 577 et 578.) Voyez mes Institutes Commerciales, liv. III, tit. Ier, chap. IV, sect. III, § 6, et les notes.

2o. Il faut que les objets soient encore dans la main du débiteur. S'ils étaient vendus, la revendication pourrait encore avoir lieu, pourvu qu'ils ne fussen. pas encore livrés.

VIII.

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3. Il faut que ces objets se trouvent dans le même état que lors de la livraison. Il faut, dit l'article 580 du Code de Commerce, qui reçoit ici son application, que les objets soient reconnus être identiquement les mêmes: s'ils étaient, lors de la vente, dans des balles, bariques ou enveloppes, il faut qu'il soit reconnu que les balles, etc., n'ont pas été ouvertes; que les cordes ou marques n'ont été enlevées ni changées, et que les marchandises n'ont subi, en nature et en quantité, ni changement, ni altération.

4°. Il faut que la revendication ait été faite dans la huitaine de la livraison. Mais si le vendeur a, par l'échéance du délai, perdu le droit de revendiquer, ne pourra-t-il pas au moins exercer son privilége sur le prix? La négative a été jugée en Cassation, le 17 octobre 1814. (SIREY, 1815, 1re part., page 243.) Mais, dans l'espèce de cet arrêt, il s'agissait des droits de la régie des douanes, dont le privilége, réglé par une loi du 22 août 1791, tit. 15, art 22, est maintenu' par l'art. 2098 du Code Civil. La question reste donc entière, et je pense qu'il résulte bien évidemment de la rédaction de l'article 2102, no 4, 1° que le privilége et le droit de revendiquer peuvent concourir; et 2° que le privilége peut exister, quoique le droit de revendiquer ne puisse plus être exercé, putà, si la vente a été faite à terme, si la huitaine de la livraison est expirée. En effet, l'article dit:

« Il y a privilége pour le prix d'effets mobiliers non » payés, s'ils sont encore en la possession du débiteur, » soit qu'il ait acheté à terme ou sans terme. »

Ici point de délai pour exercer le privilége. La seule condition exigée, c'est que les effets soient encore en la possession du débiteur. L'art. ajoute ensuite:

<«< Si la vente a été faite sans terme, le vendeur peut » même revendiquer, etc., pourvu que la revendication » soit faite dans la huitaine de la livraison, et que les >> effets se trouvent dans le même état, etc. >>

D'abord, le mot même indique que c'est ici un droit indépendant du privilége accordé précédemment. Mais en

même temps,

la loi soumet l'exercice de ce nouveau droit

à des conditions plus rigoureuses. Il faut:

1°. Que la vente ait été faite sans terme;

2°. Que la revendication ait été faite dans la huitaine; Et 3°. Que les effets se trouvent dans le même état, etc. Si l'une de ces trois circonstances manque, la revendication ne peut avoir lieu. Mais prétendre qu'il en résulterait également la perte du privilége, pour l'exercice duquel la loi n'a exigé qu'une seule condition, savoir, que les effets soient encore en la possession du débiteur, certainement c'est choquer toutes les règles du bon sens et de la saine logique. Cependant si la revendication était refusée par défaut d'identité des effets, je pense qu'il n'y aurait pas davantage lieu au privilége.

Il en serait autrement en matière commerciale. Le Code de Commerce a soumis, en cas de faillite, la revendication à des règles beaucoup plus rigoureuses. Voir le tit. 3 du liv. 5 dudit Code et la note 1re ci-dessus. ]

Dans tous les cas, le privilége du vendeur ne s'exerce qu'après celui du locateur, à moins qu'il ne soit prouvé que ce dernier avait connaissance que les objets n'apparténaient pas au locataire. [Si le vendeur ou le propriétaire des meubles a donné connaissance du fait au locateur, mais postérieurement à l'entrée en jouissance du locataire, il est certain que cela ne pourra préjudicier au privilége du locateur pour les loyers échus; mais en sera-t-il de même pour les loyers à échoir? Il faut distinguer; s'il n'y a pas de bail écrit, le privilége n'aura lieu que pour les termes courans, et pour le temps qui s'écoulera jusqu'à l'époque pour laquelle le congé peut être donné. Si donc il s'agit, par exemple, d'un appartement de 600 fr., à Paris, et que la notification ait été faite le 15 mai, comme le locateur ne peut donner congé au plus tôt que pour le 1o octobre, il aura privilége pour tous ses loyers jusque là. En effet, il a dû donner congé, s'il a pensé qu'au moyen de la notification à lui faite, il n'existait plus de sûretés suffisantes pour les loyers. La question est plus difficile, s'il y a un bail écrit. Cependant, je pense que,

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