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270), que, si un aubergiste doit à un boulanger des fournitures de pain, le privilége n'a lieu que pour la portion de pain que l'on peut présumer avoir été consommée par l'aubergiste et sa famille]; savoir, celles des six derniers mois pour les marchands détaillans, tels que les boulangers, bouchers et autres, et celles de la dernière année, pour les maîtres de pension et les marchands en gros, [tels que les marchands de vin en gros, de blé au setier, de farine au sac, de sel au quintal. Quid, des marchands de bois? Comme il est assez ordinairement d'usage de faire en une seule fois la provision de l'année, je pense qu'on doit les traiter comme les marchands en gros.]

Ces priviléges s'exercent dans l'ordre où ils sont placés 2101. ci-dessus, et par concurrence pour ceux de la même classe.

Quoiqu'il soit vrai de dire qu'ils s'étendent également sur 2104. les meubles et sur les immeubles, cependant il paraît résulter de l'article 2105, qu'ils frappent d'abord sur le mobilier, et que ce n'est qu'en cas d'insuffisance, qu'ils peuvent frapper sur les immeubles. [De ces mots l'on doit conclure, 1o que tous ces privilégiés ne peuvent être colloqués sur le prix des immeubles, qu'après que le prix des meubles est épuisé; et 2o que si, par négligence ou autrement, ils ont laissé épuiser les deniers mobiliers par des créanciers moins favorables, ils sont non recevables à demander leur collocation sur le prix des immeubles. Sic jugé à Paris, le 9 février 1809. (SIREY, 1815, 2o partie, page 187.)] Dans ce cas, ils sont préférés aux créances mêmes privilégiées sur lesdits immeubles; et ce, nonobstant le défaut d'inscription, 2107.dont ces sortes de priviléges sont dispensés [à l'égard des autres créanciers, mais non à l'égard des acquéreurs. Le droit de suivre l'immeuble entre les mains des tiers, ne peut résulter que de l'inscription. (Art. 2166.) Il faut donc qu'ils soient inscrits au plus tard dans la quinzaine de l'inscription de l'acte translatif de propriété. (Procédure, article 834.)]

SECTION II.

Des Priviléges sur les meubles seulement.

Ces priviléges ne frappent point sur tous les meubles du débiteur, mais seulement sur quelques-uns d'entr'eux; ce

sont :

1o. Celui du bailleur à ferme ou à loyer, sur les fruits de la récolte de l'année [quand même ils seraient vendus, si toutefois ils ne sont pas livrés. Quid, des récoltes précédentes? Anciennement il n'y avait point de distinction, et je ne pense pas que l'intention du législateur ait été d'en faire aucune. On a parlé de la récolte de l'année, parce que l'on présume que les récoltes précédentes sont vendues. D'ailleurs, si ces récoltes ne sont pas comprises sous le nom de fruits, elles le sont sous le nom de ce qui garnit la ferme.

Quid, si les récoltes, et même celles de l'année sont déposées dans une grange appartenant à un autre propriétaire; lequel sera préféré, du propriétaire de la grange ou de ce- . lui de la ferme? Je pense qu'il faut distinguer: Si les grains avaient d'abord été déposés dans la grange de la ferme, et qu'ils en aient été ensuite enlevés sans le consentement du propriétaire de la ferme, pour être engrangés ailleurs, ce serait le cas de donner à ce dernier le droit de suite pendant quarante jours; mais s'il n'y avait pas de grange dans la ferme, je pense que le propriétaire de la grange doit être préféré dans tous les cas, quià salvam fecit pignoris causam. Que seraient devenus les grains s'ils n'avaient pas été engrangés? (Argument tiré de l'article 191 du Code de Commerce (nos 4 et 8), qui donne le préférence au locateur du magasin, où ont été déposés les agrès et apparaux du navire, sur ceux qui ont vendu ces mêmes agrès.) D'ailleurs, l'on peut dire qu'il y a ici parité de privilége. Or, in pari causá, melior est conditio possidentis.]

Ce privilége frappe de même sur le prix de tout ce qui garnit la maison ou la ferme, et tout ce qui sert à l'exploi

tation, [soit que les objets appartiennent au locataire ou fermier, ou à tout autre. Cependant les objets appartenant à un tiers, ne sont pas soumis au privilége du locateur dans trois cas:

Le premier, s'ils ont été apportés dans la maison, ou la ferme, sans le consentement de celui à qui ils appartiennent; putà, s'ils lui ont été volés. Lorsqu'il a consenti, il est censé, en souffrant qu'ils garnissent la maison, consentir qu'ils soient obligés au loyer, parce qu'il sait, ou doit savoir ', que tout ce qui garnit une maison sert de garantie pour le paiement des loyers. Ce motif n'a pas lieu, lorsqu'il n'a pas consenti.

Le deuxième, s'il a donné connaissance au locateur que les objets n'appartenaient pas au locataire. (Argument tiré de ce qui sera dit, ci-après, à l'égard du vendeur.),

seuse,

Le troisième, s'il est évident, d'après les circonstances, que les objets ne se trouvent dans les lieux qu'en passant, et ne sont pas destinés à y rester. Tels sont les effets du voyageur qui loge dans l'auberge, le linge donné à la blanchisles étoffes au tailleur, les montres à l'horloger, etc. Quid, à l'égard de l'argent comptant? Il n'est pas sujet à ce privilége; il ne garnit pas, puisqu'il n'est pas fait pour rester dans la maison, mais bien pour être dépensé au dehors. La même disposition est applicable aux diamans, pierreries, et autres choses semblables, ainsi qu'à la vaisselle d'argent, parce qu'effectivement cela ne garnit pas. Le locateur ne peut pas dire qu'il a compté sur ces objets pour la sûreté de ses loyers. (BRODEAU, sur l'article 161 de la Coutume de Paris, no 27, et AUZANNET sur le même article.)

Quid, à l'égard des objets donnés en dépôt ou en nantissement? Je pense que le déposant ou le débiteur ne doit pas être plus favorisé que le propriétaire même des objets; qu'en conséquence, il ne doit être préféré au locateur, qu'autant que celui-ci avait connaissance du dépôt ou du nantissement. Si cependant les objets n'étaient pas de nature à être mis en évidence, alors le locateur ne pouvant dire qu'il a compté sur ces objets pour la sûreté de ses

loyers, je penserais avec POTHIER, du Louage, no 246, qu'ils ne seraient pas soumis à son privilége.]

Quant à la quotité de la somme pour laquelle ce privilége peut être exercé, il faut distinguer si le bail a une date certaine, ou non.

Si le bail a une date certaine, le privilége a lieu pour tous les loyers échus, et à échoir jusqu'à la fin du bail, sauf aux autres créanciers à relouer à leur profit la maison ou la ferme, pour le restant du bail. [Quid, si le droit de souslouer est interdit par le bail? Je pense que cela est indifférent, et que c'est ici un cas d'exception à la disposition de l'article 1717; autrement, il eût été absolument inutile que l'article 2102 donnât aux créanciers le droit de sous-louer, puisqu'ils l'avaient déjà bien certainement, en vertu de l'article 1166.] Mais, dans ce cas, si le locateur ne se trouve pas entièrement payé des loyers échus et à échoir, par l'effet de son privilége, ils sont personnellement responsables envers lui de tout ce qui peut lui rester dû. [Ainsi ils ne seraient pas recevables à abandonner au locateur les loyers de la maison ou de la ferme; ils sont obligés envers lui, en leur propre nom, jusqu'à concurrence de ce qui est dû. S'ils veulent éviter cette responsabilité, ils n'ont qu'à ne pas relouer.

Nota. Il a été jugé en Cassation, le 16 août 1814, que le locateur ne peut exiger du saisissant qu'il garantisse l'exécution du bail, et s'opposer, à raison de ce, à la vente des meubles. (SIREY, 1815, 1re part., p. 93.) Il peut seulement exercer son privilége sur le prix provenant de ladite vente.]

Si le bail n'a pas de date certaine, le privilége n'a lieu que pour une année, à partir de l'expiration de l'année courante. [Si donc le bail a commencé au 1er avril, et que les loyers soient dus à partir du 1er juillet, le privilége aura lieu pour vingt-un mois de loyer.

Quid, s'il n'y a aucun bail? Les créanciers pourront donner congé, suivant l'usage des lieux ; et alors le privilége ne s'exercera que pour les loyers à échoir jusqu'au jour où, aux termes du congé, les lieux doivent être évacués. ]

Dans les deux cas, le privilége s'étend aux réparations locatives, et à tout ce qui concerne d'ailleurs l'exécution du bail. [Il s'étend conséquemment à toutes les détériorations et dégradations commises par le locataire. C'est une suite du contrat de bail. Il s'étend pareillement aux avances qui ont pu être faites, soit en argent, soit en grains, en vertu des clauses du bail, pourvu, toutefois, si elles sont en argent, qu'elles ne soient pas excessives, proportionnellement à la valeur de la métairie; car alors elles seraient regardées comme un prêt, et n'auraient point de privilége. ]

Ce privilége subsiste sur les effets qui en sont l'objet, même lorsqu'ils ont été déplacés de la maison ou de la ferme [C'est le seul cas où les meubles ont suite]; le locataire peut encore les saisir. [C'est la saisie-revendication. Ainsi, le locateur a trois moyens d'exercer son privilége :

Le premier, c'est la saisie-exécution, lorsque les effets sont encore dans sa maison, et qu'il a un bail en forme exécutoire, ou un jugement de condamnation.

Le second est la saisie-gagerie, lorsque, les objets étant encore dans sa maison, il n'a point de titre exécutoire. (Procéd. 819.) Cette saisie a pour unique objet d'empêcher le divertissement; c'est donc un acte purement conservatoire, et il ne peut être procédé à la vente des effets saisis, qu'après que la saisie a été déclarée valable par un jugement. (Ibid., art. 824.)

Le troisième est la saisie-revendication, lorsque les objets ont été déplacés sans son consentement. Il faut appliquer à cette saisie ce que nous venons de dire de la saisiegagerie. (Ibid,, art. 826 et suiv.) La revendication peut avoir lieu contre tout détenteur desdits effets, à quelque titre que ce soit, même de bonne foi. Quid, si c'étoit un nouveau locateur? L'ancien lui serait préféré. Nec obstat ce qui a été dit dans une note précédente, que le privilége du locateur s'exerce sur tous les objets qui garnissent sa maison ou sa ferme, quoiqu'ils appartiennent à un autre qu'au fermier, ou au locataire; car cela n'est vrai, comme nous l'avons dit, que quand les objets ont été

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