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dire à quelle époque ces biens furent donnés en fief par l'abbaye des Escharlis; mais déjà le 15 juillet 1545, un habitant du fief du Ponceau, peut-être de l'un des deux moulins établis jadis à la queue du bois de ce nom, Estienne Barbier, figurait comme «< arquebuzier (1) », à la montre ou revue du ban et de l'arrière-ban du bailliage de Sens, et recevait, pour solde d'un mois de service, la somme de huit livres (2).

Le terrier des Escharlis, de 1779, mentionne encore comme dépendances de ce monastère, la seigneurie des Hastes de Dixmont, (3) celle de Dixmont (4), et celle des Bordes de Dixmont (5).

L'ab

2° Propriétés de l'abbaye de Saint-Marien d'Auxerre. baye de Saint-Marien d'Auxerre, (Ordre de Prémontré), n'avait guère plus de vingt ans d'existence (6), quand Humbaud, prieur de Notre-Dame du Charnier de Sens, lui donna, en 1151, du consentement de ses religieux, tout ce que son monastère possédait à Valprofonde (7), à la réserve des serfs (8). En 1160, Aringarde, veuve de Pierre Beaucène, en souvenir de son fils, et à cause de ses deux filles, religieuses à Fossemore (9), donna aux chanoines de Saint-Marien une autre terre qu'elle possédait en commun avec le roi (10). Par un contrat de 1163, le roi Louis-le-Jeune leur céda sur Talouan des terres tenant à la métairie des Escharlis sise au même lieu, et il en reçut en échange une terre et un pré sur lesquels il fonda en cette même année Villeneuve- le-Roy (Villeneuve-sur-Yonne) (11). Sur la terre que l'acte d'échange de 1163 avait mise en la possession des moines de Saint-Marien, Isambart-leDiable avait droit à 3 deniers de cens (12), auxquels il renonça en 1169 par affection pour lesdits religieux, leur abandonnant

(1) Soldat armé d'une arquebuse.

(2) M. Roy, le Ban et l'arrière-ban, etc., p. 96. Huit livres vaudraient 96 francs aujourd'hui; mais il faut dire que le soldat devait s'équiper et se nourrir.

(7) Hameau de Dixmont.

(4) Seigneurie située sur la côte et au pied de Beauregard, indépendante de la châtellenie.

(5) Arch. de l'Yonne, H. 662.

(6) Elle fut fondée peu d'années avant 1130.

(7) Hameau de Villeneuve-sur-Yonne.

(8) Arch. de l'Yonne, H. 1.206.

(9) Petit monastère de filles, du même Ordre, et dépendant de l'abbaye de Dilo: cette maison, située près de Theil, a disparu. (10) Arch. de l'Yonne, H. 1.204.

(11) Arch. de l'Yonne, H. 1.205 et 1.287.

(12) Environ 1 fr. 60 de notre monnaie.

en même temps la propriété qui s'étendait depuis Valprofonde jusqu'à la terre de l'ermite de Sucrey, et leur concédant le droit de pâturage dans ses bois depuis le ruisseau du Sucrey appelé Planca jusqu'à Palteau (1); il leur permettait en outre d'y faire tous les défrichements qu'ils jugeraient utiles à leur maison de Valprofonde (2). Ces moines, essentiellement agriculteurs, usèrent de l'autorisation ainsi accordée; et, dans les endroits par eux déboisés, ils cultivèrent le seigle, le froment, l'orge, l'avoine, le tramois (3), les pois (4); ils plantèrent de la vigne sur le coteau qui regarde le midi et domine le Sucrey (5); ils fondèrent des métairies qui furent l'origine de plusieurs hameaux, par exemple les Barats (6), dont le nom rappelle certainement celui des premiers tenanciers, les Brû leries (7), village qui a remplacé ou plutôt agrandi la métairie des Bois-Brûlés. Peu de temps après, en 1186, la reine Adèle, mère de Philippe-Auguste, leur reconnaissait le droit d'arroser leurs prés en toute saison, en utilisant comme ils l'entendraient l'eau du ruisseau du Sucrey (8).

De son côté, le comte Guillaume de Joigny voulut donner aussi aux Frères de Valprofonde des témoignages de sa vénération au mois d'août 1198, il leur abandonna, pour le repos de son âme et les besoins de leur maison, tout droit d'usage et de pâturage dans le Chalonge (9) et dans la partie de la forêt d'Othe située sur ses domaines, entre le chemin qui va du Gros-Chêne (10) à Valprofonde et celui des prés de l'Enfourchure (11), à Joigny; toutefois, dans les Haies-de-Saint-Quentin (12),

(1) Hameau de la commune d'Armeau. Le ru du Sucrey a-til un autre nom qui rappellerait Planca? Nous n'avons pas pu nous renseigner à ce sujet. Cependant, nous trouvons là un pré qui a appartenu à l'église et qui s'appelle la Planche-aux-Dames. (2) Arch. de l'Yonne, H. 1.283.

(3) Tramois, mélange d'orge et d'avoine.
(4) Arch. de l'Yonne, H. 1.204.
(5) Arch. de l'Yonne, G. 1.421.
(6) Hameau de Dixmont.
(7) Autre hameau de Dixmont.
(8) Arch. de l'Yonne, H. 1.281.

(9) Bois sur Dixmont, entre le bourg et le Sucrey.

(10) Hameau de Dixmont. En 1604, il y avait au Gros-Chêne les ruines d'un manoir.

(11) Le monastère de l'Enfourchure n'était pas encore fondé ; mais le lieu où il fut établi dans la suite portait déjà ce nom, à cause évidemment de la fourche que forment là en se réunissant la Vallèe-à-la-Bique et celle de Saint-Ange.

(12) Bois situé entre Saint-Aubin-sur-Yonne et les Bauquins, hameau de Dixmont.

ils ne pourront faire pâturer que vingt juments et leurs poulains défense d'y conduire les porcs et les moutons. Mais l'année suivante, août 1199, le comte Guillaume, voulant vendre ses bois du Chalonge, en abandonne aux moines de SaintMarien 30 arpents, fonds et superficie, pour les indemniser de la perte de leur droit d'usage, plus 20 autres arpents pour leur tenir lieu de la rente de 60 sous (1) constituée en vue de fonder son anniversaire; et il ajouta cette condition que jamais les moines ne pourraient vendre ces cinquante arpents de bois (2).

Il est certain que ce droit d'usage, qui consistait pour les bénéficiaires à prendre dans le bois soumis à ce droit tout ce qui était nécessaire à leur chauffage et même parfois à leurs constructions, était une lourde charge. Aussi n'est-il pas étonnant qu'en 1216, Philippe-Auguste ait voulu également remplacer ce droit accordé par son père dans sa forêt d'Othe sur Dixmont et Villeneuve, en cédant aux religieux de Valprofonde 210 arpents de bois tenant à leur maison (3); il leur laissait cependant, par une charte de novembre 1217, le droit de påturage pour leurs bestiaux sur une étendue de 300 arpents, excepté dans les taillis de moins de quatre ans (4).

Ces restrictions du droit d'usage avaient pour but aussi, croyons-nous, de favoriser la présence du gibier et de donner ainsi plus d'attrait à ce plaisir féodal de la chasse, dont les rois et les hauts barons étaient si jaloux. Car rarement ils ont permis de chasser sur leurs terres. Le comte de Joigny accorda pourtant cette autorisation à Pierre de Corbeil, archevêque de Sens; mais aussitôt le roi signa des lettres, en 1217, par lesquelles il reconnaissait à l'archevêque le droit de chasser avec chiens, filets et arcs, dans la partie de la forêt d'Othe dépendant du comté de Joigny, mais il le lui déniait absolument sur son domaine royal et sur les terres dont il était le suzerain (5). La jurisprudence sur ce point fut encore précisée, en 1271, par un arrêt du Parlement les moines de Saint-Marien avaient donné en viager à l'archevêque de Sens, Pierre de Charny, la portion de 240 arpents de bois que PhilippeAuguste leur avait cédée en 1216; l'archevêque crut sans

(1) Cette somme représente 360 francs de monnaie actuelle. (2) Arch. de l'Yonne, H. 1.282.

(3) Arch. de l'Yonne, H. 1.196.

(4) Bibl. Nat., f. lat., ms. 172, 2° partie, f° 57 r°, pièce n° 259. (5) Arch. de l'Yonne.

doute pouvoir jouir de la chasse dans ces bois ; mais le Parlement déclara que, si les moines avaient pour eux le droit d'y chasser le lapin avec toutes sortes d'engins, ce droit ne pouvait pas être exercé par l'archevêque, attendu que les bois On en question faisaient partie de la garenne du roi (1). comprend que le voisinage de cette garenne devait être très nuisible à l'agriculture. Aussi, vers 1380, les habitants des environs, «< vignerons, bûcherons et autres ouvriers de bras », firent-ils entendre de vives réclamations à ce sujet. Une enquête faite par deux officiers du bailliage de Sens démontra que, si « lesdicts habitans ne povaient chacier hors garennes « et prendre à chiens, fillez (filets) et autres harnoys et engins « à ce convenables toutes bestes grosses et menues, ycelles « bestes multiplieroient tant, que tous les fruicts des vignes. << terres et labouraiges des bonnes gens du pays en seroient << perduz et gastez et le pays désert ». Et par lettres du 12 février 1383, 9 juin 1385, et 22 février 1386, le roi autorisa pour tous les habitants, même non nobles, la chasse de tout gibier, mais à moins de « quarente paz près de la dicte garenne de Dymon » (:2). De nos jours, beaucoup de propriétaires de grandes chasses, et même de petites chasses, seraient-ils aussi larges et aussi conciliants que le roi au quatorzième siècle ?...

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Dans le cours des âges, les Frères de Valprofonde avaient vu s'augmenter leurs possessions. En novembre 1216, Thibaut, curé de Dixmont, en partant pour la Terre-Sainte, leur avait légué une vigne (3); en 1226, Raoul, abbé de Clairvaux, agissant au nom des religieux des Escharlis, leur avait vendu une autre vigne sur Dixmont, pour le prix de 200 livres payées comptant (4); des seigneurs leur avaient fait d'importantes donations (5). Et en 1753, leur terre avait une étendue de 1.165 arpents et 24 perches, à 20 pieds par perche. Aux archives de l'Yonne (6) sont conservés, de Valprofonde et de ses dépendances, un plan d'ensemble et un atlas de plans de détails.

(1) Arch. Nat, Olim, I. f° 187 v°.
(2) Arch. Nat., JJ 128, no 184.
(3) Arch. de l'Yonne, H. 1.284.

(4) Arch. de l'Yonne, H. 1.284. jourd'hui 25.000 francs.

(5) Arch. de l'Yonne, H. 1.267. (6) H. 1.297 et 1.298.

Ces 200 livres vaudraient au

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3° La Terre du Sucrey (1). - Dans les renseignements qui précèdent, il a été fait mention plusieurs fois de cette terre : en 1196, il a été question de la terre de l'ermite du Sucrey ; en 1186, les Frères de Valprofonde pouvaient utiliser à leur gré pour arroser leurs prairies l'eau du ruisseau qui prend sa source en ce lieu. Il semblerait donc que cet endroit, au fond d'une vallée obscure, près d'une fontaine vive et pure, fut primitivement la retraite d'un solitaire chrétien; et le lieu eût été fort bien choisi.

Quoi qu'il en soit, au commencement du treizième siècle, il y avait là des terrains en culture; le chevalier de Perruchet se prétendit possesseur des dimes à y percevoir; de leur côté, ies Frères de Valprofonde qui desservaient la chapelle de Sainte-Véronique, bâtie sur la source même du ruisseau Planca, les revendiquaient, et à juste titre pensons-nous, puisque les dîmes avaient été établies par Charlemagne pour assurer des ressources au culte. Afin de régler ce différend, le pape Innocent III désigna comme arbîtres trois chanoines de la cathédrale d'Auxerre; ceux-ci assignèrent plusieurs fois les parties; mais Jean de Perruchet ne voulut jamais comparaître. A la fin, les délégués du pape l'excommunièrent comme contumace, et déclarèrent, par une sentence du 26 juillet 1214, que les dîmes du Sucrey appartenaient en toute propriété à l'abbaye de Saint-Marien et à sa maison de Valprofonde (2).

Une nouvelle contestation sur le même sujet s'éleva, en 1235, entre Etienne, curé de Dixmont, dont la paroisse contenait la terre du Sucrey, d'une part, et, d'autre part, les religieux de Saint-Marien qui y donnaient les secours religieux (3). Cette difficulté fut règlée à l'amiable l'année suivante par un accord aux termes duquel la dîme serait partagée par moitié entre les deux parties (4).

La terre du Sucrey était alors un fief relevant du comté de Joigny et appartenant au vicomte de Saint-Florentin; la fille de ce dernier, Marguerite de Seignelay, le recueillit de la succession de son père; et, en 1305, elle vendit au comte Jean de Joigny son droit de cens (5) sur ce fief, déclarant renoncer

(1) Nous garderons l'orthographe que nous avons le plus souvent rencontrée, et qui seule est conforme au nom latin, de Socresio, de Sucresio.

(2) Arch. de l'Yonne, H. 1.284.

(3) Par conséquent il y avait là des habitants.

(4) Arch. de l'Yonne, H, 1.267.

(5) Ce fait démontre que les habitants du Sucrey avaient reçu leur charte d'affranchissement.

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