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royale (1); et il faut, pensons-nous, en attribuer l'établisseinent aux religieux de Notre-Dame du Charnier, puisque jusqu'au 16 siècle ils en ont perçu le cens (2) ou impôt foncier, signe autrefois de l'origine de la propriété, et qu'en 1366 l'archevêque de Sens leur reconnut le droit de présentation du maître ou administrateur dudit hôpital (3).

Car la maladrerie de Dixmont, comme toutes celles du reste que la charité au moyen-âge créa sur tout le sol de la France, était un hôpital destiné à recueillir et à isoler les malheureux atteints de la lèpre, horrible maladie contagieuse si fréquente alors. Pendant que la société pourvoyait à sa propre sécurité en éloignant les lépreux de son sein, la religion suscitait des âmes généreuses qui se consacraient à leur service: ils avaient des Frères et des Sa'urs pour les soigner, un prêtre pour les consoler. Leur maison possédait une chapelle où les offices. étaient célébrés tous les jours; les évêques s'occupaient d'eux avec sollicitude et leur avaient donné des règlements qui les assimilaient presque à des religieux et leur en assuraient tout je mérite.

Au treizième siècle, la maladrerie de Dixmont, bien que n'étant pas de fondation royale, recevait des libéralités des rois de France dans la liste des aumônes royales à cette époque, on lit qu'il était donné chaque année « à la maladerie de Dimone, 40 sols » (4). Elle avait comme principales ressources, des terres, prés, vignes qui l'entouraient et que cultivaient les lépreux encore valides (5).

A la fin du quinzième siècle, il n'y avait pas de lépreux dans notre maison-Dieu un compte de 1500, rendu par Pierre Regnard et Germain Gomas, marguilliers de Dymon et administrateurs de ladite maladrerie, nous révèle que les bâtiments étaient occupés par un locataire, que les revenus étaient distribués en secours aux pauvres de Dymon comme les fonds

(1) Arch. Nat., S. 4.898.

(2) Arch. de l'Yonne, H. 2.379.

(3) Arh. de l'Yonne G. 137.

4) Bibl. Nat. f. fr. ms. 11.709, f° 149 vo. vaudraient aujourd'hui environ 240 francs.

Ces 40 sols de 1209,

(5) Nous croyons bien avoir lu quelque part que notre maladerie était encore propriétaire de terrains à la Grange-aux-malades, hameau des Bordes; mais, comme nous n'avons pu retrouver ce renseignement ni sa source, nous nous contentons de mentionner ce Souvenir.

d'un bureau de bienfaisance, qu'un soldat y était soigné aux frais de l'établissement. Nous citons ce compte avec l'orthographe du temps: « C'est le papier des misses (dépenses) « et receptes de la maison-Dieu de Dymon, de depuis l'an « mil cinq cens jusque aux daptes après icy nommées, par <«<nous, Pierre Regnart et Germain Gomas, proviseurs de la << maison et marigliers (marguilliers) de ladite église Res«< ceu de Jacquet Pélerin, du testament de la feu fame de « Pierre Nepveu, la somme de 1 sol tournois (1); Resceu de << Jehan-Olivier Traveulx pour le louyer de la maison-Dieu, la « somme de 10 sols (2), lesquels dix sols t. (tournois) luy ontz «<estés délaissez pour le service qu'il a fait au jandarme qui «estoit en la maison-Dieu, et ledict jandarme a pris le re

couvrement envers les manans dudict lieu; C'ensuit la mis<< se desdictz papiers dessus nommez et déclarez; item, bailhé « (donné) au prieur du Charnier pour les sancives (censives) « de ladicte maison, l'an mil cinq cens, 21 deniers 1 obole (3); « item, bailhé aux pauvres de la maison-Dieu qui ne peuvent «< aller, la somme de 111 sols 11 deniers (4), etc.

Par une ordonnance du 19 décembre 1543, François Ir prescrivit aux gouverneurs des maladreries, de rendre compte de la situation et des revenus de tous ces établissements, devant ie juge du lieu, lequel devrait désigner pour les administrer désormais « deux personnages bons bourgeois, de probité et « fidélité, resséans et solvables ». La maladrerie de Dixmont continua-t-elle néanmoins à être administrée par les marguilliers qui rendaient leurs comptes en présence de la population? C'est probable; car, vers 1560, parce que son administration n'était pas conforme à l'ordonnance, elle fut mise sous ja main du roi, c'est-à-dire confiée à des commissaires royaux chargés de régir ses intérêts au nom du roi. Les habitants de Dixmont firent des représentations; ils produisirent des titres et démontrèrent que leur maladrerie, n'étant pas de fondation. royale, ne devait pas être administrée par des agents du roi ; et le 9 mai 1562, le Parlement rendit un arrêt reconnaissant que la Couronne n'était pour rien dans l'établissement de notre maladrerie, et en donnait main-levée aux gens de Dixmont

(1) Environ 1 fr. 50 d'aujourd'hui.

(2) Soit à peu près 15 francs.

(3) Ou 2 fr. 70 environ.

(4) Ce qui ferait aujourd'hui à peu près 168 francs. (5) Arch. de l'Yonne, H. 2.379.

« à la charge que les administrateurs d'icelle rendront compte « chascun an, ou de deux ans en deux ans, de leur administratration, suivant l'édit général » (1). Ainsi, la situation restait telle qu'auparavant : les marguilliers, nommés par les habitants, conservaient la gérance de la maison-Dieu; et, en 1609, ce sont les marguilliers qui font à la fois la « déclaration des biens. « de l'esglise et de la maladerie de Dymon » (2).

Cependant, la lèpre ayant à peu près complètement disparu on vit des vagabonds se faire passer pour lépreux, afin d'être entretenus aux frais des maisons-Dieu et maladreries. Une déclaration de 1612 ordonna que tous ceux qui se disaient épreux, seraient visités, puis, s'ils étaient reconnus réellement atteints du terrible mal, séparés de la société et internés dans les établissements qui leur étaient destinés : l'abus disparut ; mais d'autres se produisirent, et le plus criant de tous fut que le gouvernement royal chargea de l'administration des maladreries d'anciens militaires : c'était un moyen peu coûieux pour le Trésor de leur faire des pensions. Au mois de décembre 1672, Louis XIV voulut légitimer cet abus: il publia un édit par lequel il donna à l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare « l'administration et la jouis"sance générale, perpétuelle et irrévocable de tous les droits, << maisons, biens et revenus de toutes les maladeries et lépro« series du royaume, pour en être formé des commanderies desquelles le Roy auroit l'entière disposition en faveur des << officiers et soldats de ses troupes qui se feroient admettre << dans ledit Ordre, et sur icelles y affecter toutes pensions « qu'elles pourroient porter pour en gratifier d'autres offi« ciers ».

C'était tout simplement une confiscation. Aussi cette mesure fut-elle accueillie dans toute la France par les réclamations les plus vives, que le temps même ne parvint pas à étouffer. Et vingt ans plus tard, en mars 1693, Louis XIV revint sur son édit: il retira à l'Ordre du Mont-Carmel et de SaintLazare les maladreries qu'il lui avait concédées; il ordonna que les maladreries ayant des revenus suffisants deviendraient des hôpitaux, et que les autres seraient unies aux hôpitaux des villes les plus proches. En conséquence, et sur le rapport d'une commission chargée d'étudier les besoins et les conve

(1) Arch. Nationales, Xia 1601, f° 207 ro. (2) Arch. Nat., P. 773, carton 12, n° 5.

Sc. hist.

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nances des localités, le 15 avril 1695, « le Roy en son Conseil «< a uni, et unit à l'hostel-Dieu de Villeneuve-le-Roy les biens «<et revenus de la maladerie de Dixmont, pour être lesdicts << revenus employez à la nourriture et entretien des pauvres « malades dudict hostel-Dieu, à la charge de... recevoir les pauvres malades de Dixmont à proportion des revenus de << la maladerie dudict lieu » (1).

Ainsi, l'Hôtel-Dieu de Villeneuve-sur-Yonne n'a pas refusé l'union de la maladrerie de Dixmont; il a joui de ses biens et revenus; il en a vendu les terres; il a tiré profit du produit de cette vente. Mais il n'a jamais rempli la condition imposée, qui était « de recevoir les pauvres malades de Dixmont à pro<< portion des revenus de la maladerie dudit lieu ». Pourquoi ?... La municipalité de Dixmont cherche en ce moment à en connaître la raison.

II

Démembrements de la châtellenie.

Dans les premières années du seizième siècle, peut-être même déjà à une date plus reculée, des portions de la châtellenie royale avaient été distraites au profit de seigneurs engagistes (2), qui chaque année devaient payer au roi une rente convenue; dans la suite, d'autres seigneuries furent taillées dans ce même domaine de Dixmont; il y eut jusqu'aux impôts qui furent ainsi inféodés. Nous signalerons ces divisions dans l'ordre de dates sous lequel elles nous ont apparu, tout en reconnaissant que nous n'avons certainement pas dû relever les noms de tous les fiefs qui se partagaient le territoire de Dixmont.

11° Le fief des « haultes censives de Dymon, les Bordes et Villecheptive, relevant du Roy à cause de la Grosse Tour de Sens », et dont l'hommage fut rendu au roi, le premier août 1508, pour la moitié seulement, par Jean Maillart, huissier des Requêtes du Palais, au nom de sa femme Jeanne Lenfant, et comme procureur de Louise Lenfant veuve Louis Vincent, Ma

(1) Pièces justificatives, n° 35.

(2) Les seigneurs engagistes étaient pour ainsi dire des fermiers qui, sous certaines conditions, jouissaient d'une partie d'un domaine royal

rie Lenfant veuve Jacques Minagier (1), Nicolas Pichelin et Roberte Lenfant sa femme (2). Roberte Lenfant survécut à son mari et mourut en 1534 (3).

En 1545, la moitié de ce fief des hautes censives de Dixmont appartenait à « maistre Grégoire de Brunes, escuyer »>, qui prenait le titre de « seigneur de la seignorie de Dymon » (4); l'autre moitié était tenue par « maistre Loys Bernage, advocat en Parlement, la veufve et les héritiers de maistre Jehan Tolleron, et les enfants de (feu) Mathurin Pichelin » dans son ensemble, ce fief rapportait 120 livres tournois (5). - Grégoire de Brunes mourut en 1553, laissant sa moitié dudit fief à son fls, Claude I de Brunes, écuyer, tandis que l'autre moitié était partagée entre Louis Bernage déjà nommé et Pierre Tolleron, conseiller magistrat au bailliage de Sens (6), lequel Tolleron céda sa part audit Louis Bernage qui en rendit hommage au roi le 8 août 1578 (7). Claude I de Brunes mourut à Dixmont le 15 mai 1850 (8).

Pierre de Bernage, aumônier ordinaire du Roy, chanoine de Notre-Dame de Paris, rendit foi et hommage au roi, le 20 février 1603, tant en son nom qu'au nom de damoiselle Gabrielle Danna, veuve de Louis de Bernage, de son vivant avocat en Parlement et de Gilles de Bernage, écuyer, fils dudit Louis, de Jean de Bernage, avocat en Parlement, et de Pierre de Bernage, avocat en privé au Grand Conseil (9). Le 17 juillet 1609, les survivants de cette famille, Pierre de Bernage et damoiselle Marie Le Picard, vefve de feu M. Jean de Bernage, adressèrent au roi une supplique à l'effet d'être déchargés des nou

(1) L'élu de Sens, Jean Minagier, qui acheta les droits des religieux du Charnier en 1563, était peut-être de la même famille.. (2) Arch. Nat., P. 14, n° 240.

(3) QUESVERS et STEIN, Inscriptions de l'ancien diocèse de Sens. (4) La famille de Brunes portait d'azur au chevron d'or accompagné en chef de deux étoiles et en pointe d'une hure de sanglier de même. (Pierre tombale).

(5) M. Roy, le Ban et l'arrière-ban du bailliage de Sens, p. 53. Ces 120 livres représentent environ 1680 francs d'aujourd'hui. (6) QUESVERS et STEIN, opere cit. et M. Roy, id. p. 159 et 160. (7) Arch. Nat., P. 14 no 332.

(8) Sa pierre tombale est dans le collatéral sud de l'église de Dixmont.

(9) Arch. Nat. P. 14, n° 350.

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