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pilleau (1). Nous avons répondu à une partie de cette hypothèse, en n'admettant pas la mort d'Odette en Poitou, mais bien en Dauphiné. Quant à l'inhumation de sa fille à Montaigu, nous y croyons fermement, et peut-être, cette dalle tumulaire où se voyait écrit le nom d'Odette, étaitelle la pierre qui recouvrait la dépouille mortelle de Marguerite de Valois, sur laquelle son image aurait été reproduite en creux suivant la mode de l'époque et avec une légende indiquant qu'elle était fille d'Odette de Champdivers, légende qui aurait été effacée, brisée et perdue, moins le fragment portant encore le nom d'Odette. Au dire des anciens habitants de Montaigu, cet enfeu contenait les tombeaux des Harpedannes, et d'Aubigné le dit lui-même en propres termes, à propos de son frère qui y fut enseveli. Il serait maintenant, du reste, impossible de s'en rendre compte, tout ayant été détruit et vandalisé sous la Restauration, après la vente des terres et des pierres, par l'ancien seigneur de ces domaines, le marquis de Juigné, rentré dans ces biens nou vendus à la Révolution.

Enfin, autant qu'on peut juger des faits qui se sont passés à cette distance et dans l'absence de documents bien précis, il semble bien établi que ces deux femmes ces deux amies, ont rendu des services à la royauté, et que l'une même, Agnès Sorel a exercé une heureuse influence sur le roi Charles VII. Deux faits péremptoires, et l'on sait que de toutes les raisons qu'on peut donner les faits sont les meilleurs, viennent à l'appui de cette présomption. Qu'était et que faisait Charles VII avant de connaître Agnès Sorel et que devint-il et que fit-il après l'avoir perdue? S'il ne faisait rien de bon antérieurement, il se plongea après elle dans tous les désordres d'une vieillesse débauchée;

(1) Philippe-Charles-Aimé Goupilleau.

c'est qu'Agnès le poussait au bien et le contenait dans le mal tant qu'elle vécut. Quant à Marguerite de Belleville, nous avons vu qu'elle avait, comme sa mère Odette, du cœur et de vrais sentiments patriotiques, toute bâtarde qu'elle était. Nous devons donc en conclure que ces deux femmes, Agnès et Marguerite, avaient cela de commun.

LES

MOBILES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE

A ETRÉPAGNY (Eure)

(NUIT DU 29 AU 30 NOVEMBRE 1870)

PAR M. ALCIDE LEROUX.

Quæque ipse miserrima vidi,

Et quorum pars parva fui.

VIRG., En.

Tous les feux sont éteints; on voit dans la nuit sombre
Des groupes s'agiter; chacun cherche dans l'ombre
Son sac, son rang, son arme; aucun souffle dans l'air;
Pas une étoile au ciel, pas un cri dans la plaine;
Le clairon est muet et l'on entend à peine
Le fer d'un maladroit heurter un autre fer.

Le signal est donné; morne et silencieuse,
La colonne s'ébranle et s'avance à pas lents.

Où vont donc ces soldats ? Par cette nuit brumeuse
Vont-ils chercher asile en des lieux plus cléments ?
Craignent-ils des rivaux trop puissants pour leurs armes ?
Vont-ils se reposer des mortelles alarmes,

Des marches, des ennuis, des fatigues du jour ?
Le canon a grondé dans les champs d'alentour;

On a vu les uhlans, sur leurs coursiers rapides,
Venir les défier; il a fallu lutter.

Craignent-ils que demain leurs cohortes timides
Au torrent qui grossit ne puissent résister?
Non ils vont en avant, ils vont livrer bataille.
Là-bas, leurs ennemis dorment d'un lourd sommeil :
Ils vont les attaquer; il faut qu'à son réveil,
Etrépagny sauvé de surprise tressaille,

Se voyant délivré de ce joug accablant

Que sur lui fait peser un vainqueur insolent,
Qui dans de longs festins se repose et s'oublie.

- Hélas! où courent-ils ? Quoi! n'est-ce pas folie?
Et vous, chefs trop vaillants, où guidez-vous leurs pas ?
Arrêtez ces enfants ne sont pas des soldats!
Leur avez-vous appris à manier leurs armes ?
Leur avez-vous appris à défier la mort ?
Combien est-il de jours que leur injuste sort
Les arracha des bras d'une famille en larmes ?
Pour les jeter en proie aux hordes d'outre-Rhin,
Ah! du moins, attendez: assez tôt leur destin
Les mettra face à face avec leurs adversaires.
Pourquoi chercher ainsi des luttes téméraires?
Vous verriez dans leurs traits, sans cette épaisse nuit,
De quels cruels chagrins leur âme est oppressée.
Les voyez-vous rêveurs et la tête baissée ?
Lâcheté ! dites-vous. Non quel sera le fruit
De tout ce sang versé, de toutes leurs fatigues?
Peut-être échoueront-ils; mais, fussent-ils vainqueurs,
Croyez-vous leur cacher nos revers, nos malheurs ?
Manteuffel fond sur eux; poseront-ils des digues.
A ses lourds régiments? Faibles triomphateurs,
Rompront-ils un anneau de cette chaîne immense
Qui tient Paris captif et que bientôt la France

Verra se dérouler en un vaste réseau ?

Ils le savent. N'importe; aucun d'eux ne murmure;
Ils mourront, s'il le faut, dans cette lutte obscure.
Le sommeil les abat; mais, sourds à la nature,
Du sac et du sommeil ils portent le fardeau.

Mobiles! c'est leur nom, nom que jamais l'Histoire
N'écrira sans gémir, qui rappelle nos deuils,
Et les jours désolés, France, où tu vis ta gloire
Par d'odieuses mains brisée à des écucils
Qu'on voilait à tes yeux; nom, de triste mémoire,
Qui fit rire et pleurer. Et qui n'en a pas ri ?...
S'il est raillé, ce nom, qu'il ne soit pas flétri,
Car ceux qui l'ont porté montrèrent du courage.
A peine armés d'hier, comme ils ont su souffrir!
L'ennemi les a vus et combattre et mourir,
Et parfois leur constance a fatigué sa rage;

Et combien dans leurs rangs sont tombés en héros ?
Osez, vous qui raillez, rire sur des tombeaux....

Minuit devait sonner aux vieilles cathédrales; Le coq chantait; sa voix, à ces heures fatales, Comme un écho des champs que nous avions quittés, Venait nous rappeler les lointaines chaumières, Les beaux jours, le foyer, les baisers de nos mères.... Tel se mêle un beau rêve aux nuits d'anxiétés.

Cependant on approche et l'heure est solennelle; Dans le camp des Saxons tout n'est pas endormi ; Un rien peut éveiller notre sombre ennemi, Peut alarmer la sentinelle.

Le silence redouble et devient menaçant.

Nous nous sentons frémir. C'est qu'il paraît infâme
De songer à verser le sang,

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