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les sœurs font observer que ces fonds auraient été tout-àfait insuffisants pour soutenir l'institution, si les protectrices n'étaient venues journellement apporter leurs propres offrandes.

Si l'hôpital général était déchargé de l'assistance des pauvres honteux, il s'imposait en échange le douloureux devoir de recueillir des fous et des idiots. Les enfants trouvés qu'il envoyait au Sanitat de Nantes ne furent plus exclus de ses salles après 1770 leur dépense était bien incomplètement couverte par les 120 livres que rapportait l'octroi du papegault. Les recettes ordinaires qui reposaient en grande partie sur le casuel des aumônes variaient tellement d'une année à l'autre que les directeurs étaient parfois obligés de congédier la plupart des pensionnaires. Suivant une requête de l'an V, les revenus n'ont jamais monté au-delà de 2,840 livres dans les meilleures années et on a vu dans les salles jusqu'à 100 personnes à la fois. La fabrication des châsses et la boucherie de carême étaient les seuls privilèges concédés. Les pertes que la Révolution infligea à l'hôpital de Guérande sont ainsi estimées (1):

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Il ne reste pas le moindre document sur les bénéfices que pouvait rapporter la manufacture de serge, mais quand les directeurs en parlent dans les registres de

(1) Requête de l'an V. (Arch. dép., série X.)

délibérations, 'ils laissent entendre que le travail des pauvres n'était pas sans profit pour le trésorier (1). L'impulsion donnée au gouvernement de la maison venait de l'assemblée paroissiale, composée des anciens marguilliers et non pas du corps municipal, par cette raison que l'administration de la charité était regardée comme une fonction ecclésiastique même au XVIIIe siècle. On aurait volontiers maintenu la règle apportée par le père Chaurand pour la composition du bureau, si le Parlement averti de ce qui se passait à Guérande, n'avait rappelé les termes de la déclaration de 1698 à la communauté des habitants. Un arrêt du 7 juillet 1710 exigea que les deux hôpitaux fussent gouvernés, comme tous ceux du royaume, par des directeurs élus et par des directeurs nés assujetis à des séances régulières. A partir de cette époque, on vit siéger au bureau le sénéchal de la juridiction royale, le prévôt de la collégiale, le lieutenant général de police, le maire, le recteur de la paroisse, le sénéchal et le procureur fiscal des régaires de l'évêque, à côté des élus de l'assemblée paroissiale (2).

On me pardonnera de passer sans transition de Guérande. au Croisic: les deux villes se touchent et leur histoire administrative n'en fait pour ainsi dire qu'une. Puisque j'ai mis le pied sur le territoire de la sénéchaussée de Guérande, il faut que je mentionne de suite les efforts des Croisicais dans le domaine charitable que nous parcourons. Ici encore, nous retrouvons le père Chaurand excitant le zèle de ses auditeurs à la pratique de la bienfaisance et visitant lui-même les quartiers de la ville pour déterminer avec les notables un emplacement convenable à l'établissement

(1) Délibérations de 1732. (Arch. municipales.)

(2) Registre des délibérations de 1710. (Arch. municipales.)

d'un hôpital général. Il est attesté que la maison du sieur Noisement fut choisie, en sa présence, dès l'année 1681 et

voyant l'empressement de cette conseils du missionnaire de la

occupée aussitôt (1). En municipalité à suivre les Charité, on eût pu croire que l'institution avait de longs jours à vivre; les défaillances des protecteurs et l'invariable pénurie du trésorier enlevèrent bientôt toute illusion (2). En deux années, de 1685 à 1687, la recette ne s'éleva qu'à 511 livres. Les finances de la ville n'étant pas assez prospères pour fournir une subvention quelconque, il était palpable qu'on poursuivait une expérience ruineuse. La jouissance de l'immeuble qu'habitaient les pauvres renfermés fut, à elle seule, une cause d'interminables embarras qui se prolongèrent de 1683 à 1733. La suppression de l'hôpital général fut résolue en conseil de ville le 18 octobre 1693, et sa réunion à l'Hôtel-Dieu fut approuvée par ordonnance de l'intendant, en décembre 1693. Restait à régler la question de l'indemnité dûe au propriétaire. Celui-ci ne voulait à aucun prix reprendre sa maison, même après l'exécution des réparations d'usage, et prétendait qu'il y avait eu cession consentie entre les contractants. Un arrêt du 4 juin 1687 lui donna raison et une ordonnance de l'intendant de la province de 1709 condamna la ville du Croisic à lui payer en principal et intérêts la somme de 5,012 livres (3). Je n'aurai pas d'autre insuccès onéreux à enregistrer dans l'histoire des hôpitaux généraux.

(1) L'occupation est de février 1681. (Dossiers de l'intendance. Arch. dép., C.)

(2) Arch. de la ville du Croisic, GG 35.

(3) La ville n'avait pas encore réglé cette affaire en 1733. J'ignore quelle a été la fin du différend.

BIENFAITEURS DES PAUVRES HONTEUX DE

GUERANDE.

1699 Les dames de charité, rente de 75 livres.

1701-1718 Jean Guilloré, chanoine de la Collégiale, deux maisons d'un revenu de 297 livres et une rente de 100 livres.

1720 Bahuaud, chanoine, une maison louée 72 livres.

1723 Antoine Paris, garde du trésor royal, 84 livres.

1761 H. Guilloré, Guillaume et Pierre Espinose, rente de 80

livres.

1773 Paul d'Espinose, rente de 75 livres.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

LETTRES PATENTES DE CONFIRMATION DE
L'HOPITAL GÉNÉRAL DE GUÉRANDE.

Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir salut.

La communauté de la ville de Guérande en Bretagne, nous a très humblement fait représenter que le feu roy, notre très honoré seigneur et bisayeul, auroit permis au père Chaurand, missionnaire apostolique de la Compagnie de Jésus, d'ériger des hôpitaux dans les villes où il n'y en avoit pas, que le père s'étant transporté à Guérande, et ayant vu qu'il n'y avoit point d'hôpital et la nécessité qu'il y avoit d'y en établir un, en auroit conféré avec la communauté de ladite ville qui, n'ayant rien tant à cœur que de pouvoir retirer ses pauvres mandians, non-seulement de leur misère corporelle, mais aussy de remédier à leur misère spirituelle, et par là, procurer leur salut, auroit acheté pour cet effet, une maison scituée aux fauxbourgs de ladite ville. dans laquelle ledit père Chaurand auroit érigé et établi l'hôpital de Guérande en 1680; que dès le moment de son établissement on auroit créé trois administrateurs, scavoir un prestre, un gentilhomme et un bourgeois, pour recueillir les charitez d'un chacun, veiller aux besoins de la maison et pourvoir par là, à la subsistance des pauvres, lesquelz à la fin de leur administration qui duroit deux ans, estoient obligez d'en rendre compte, ce qui a été continué de même par ceux qui leur ont succédé; que quelque temps après

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