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les petits-fils qui demeurent sous la puissance de l'aïeul, rompent le testament que celui-ci avait fait auparavant, et dans lequel il ne les avait pas institués. Mais, dit Furgole, « la dé»cision de ce texte ne peut avoir lieu parmi » nous, parceque, suivant les règles du droit » nouveau, dans la novelle 18, l'émancipa» tion ne change rien à la faculté de succéder, n et n'empêche pas que le fils ne précéde le » petit-fils, et que par conséquent l'aïeul ne » soit dispensé d'instituer ou d'exhéréder ses » petits-fils, ex filio emancipato, à cause que >> leur père leur fait obstacle et les empêche » de présenter le premier degré ».

Si les enfans dont la survenance a rompule testament, viennent à mourir avant le testateur, le testament reprend sa force. C'est ce que décide la loi 12, D. de injusto, rupto. « La raison en est (dit Furgole) qu'il n'arrive » aucun évènement qui donne atteinte à la » capacité du testateur, et que la règle cato» nienne ne s'oppose point à ce qu'un testa>>ment, bon dans son principe, ne reprenne »sa force quand la cause de sa rupture a ces»sé ». V. l'article Règle catonienne.

Dans l'ancien droit, la Révocation opérée par la survenance d'enfant, portait sur toutes les dispositions générales et particulières, et ouvrait absolument la succession ab intestat: mais, par le chap. 3 de la novelle 115 et l'art. 53 de l'ordonnance de 1735, elle n'a plus d'effet que contre les dispositions universelles; elle laisse subsister les legs et les autres dispositions à titre particulier.

[[ La pretérition d'un enfant n'opérant plus la nullité du testament du père, il est clair que la survenance d'un enfant ne peut plus rompre le testament dans lequel cet enfant est prétérit. V. les articles Prétérition, et Révocation de codicille, §. 5. [[

S. III. De la Révocation du testament par le changement d'état du testateur. I. Pour que le changement survenu dans l'état du testateur, emporte la Révocation du testament, il faut qu'il entraîne avec soi l'incapacité de tester, et par conséquent qu'il consiste, ou dans l'assujetissement à la puissance d'autrui, ou dans la perte de la vie civile.

10. Que l'assujétissement du testateur à la puissance d'autrui, révoque de plein droit le testament qu'il a fait étant libre et père de famille, c'est ce qui est décidé par la loi 6, §. 5, D. de injusto, rupto, relativement à celui qui, après avoir testé, venait à tomber dans la servitude, et par le §. 6, Inst. quibus modis tesTOME XXX.

tamenta infirmantur, relativement au testateur qui se faisait prendre en adrogation, et mourait sous la puissance de son père adoptif. « C'est aussi (dit Furgole) ce qui peut arriver >> parmi nous dans les pays de droit écrit, lors. » que le fils émancipé, qui a testé, est remis » sous sa puissance, et que l'émancipation est » cassée par ingratitude, pourvu qu'il ne s'a»gisse pas du pécule castrense ou quasi-cas» trense, à cause que le fils de famille a la » faculté de tester de cette nature de biens >>

2o. A l'égard de la mort civile que le testateur encourt par forme de peine, il est certain qu'elle révoque le testament. La loi 6, §. 6, 7 et 11, D. de injusto, rupto, en contient les décisions les plus précises,

Mais il en est autrement de la mort civile

qui est opérée par la profession religieuse : elle ne rompt pas le testament qui l'a précédée.

Le testament qui a été révoqué par un changement d'état, reprend-il sa force de plein droit, lorsque le testateur redevient père de famille ou citoyen?

La loi 11, §. 2, D. de bonorum possessione secundùm tabulas, traite cette question par rapport au cas où le testateur a passé sous la puissance d'autrui par l'adrogation; et elle décide que le testament rompu de cette manière, ne peut pas revivre, si le testateur, redevenu père de famille, ne le confirme de nouveau, soit par un codicille, soit par une disposition de dernière volonté.

Mais dans les autres cas, le testament reprend sa force de plein droit ; et le testateur n'a pas besoin, pour le faire valoir, de le confirmer par une nouvelle disposition. C'est ce que nous apprend le §. 6, Inst. quibus modis testamenta infirmantur. [[ V. ci-après §. 4, no 2. ]]

On demandera sans doute la raison de cette différence. Elle n'est pas difficile à pénétrer. Un testateur, en se donnant en adrogation, témoignait assez vouloir que son testament ne subsistât plus, puisqu'il lui était bien libre de le conserver, en demeurant dans son état de père de famille. Il fallait donc, s'il changeait de volonté, soit après son émancipation, soit après la mort de son père adoptif, qu'il en donnát des marques extérieures.

Dans le cas de la mort civile, au contraire, ce n'est point par la volonté du testateur que son testament a été révoqué; la rupture qui s'en est faite, a été pour lui une peine; il est donc naturel de faire revivre ses dispositions de plein droit, des que sa peine est effacée, dés qu'il a recouvré le titre de citoyen.

[[ Mais cette différence entre le testament 8

de l'adrogé et celui du mort civilement, étaitelle aussi constante dans le droit romain, que le suppose la loi citée du titre de bonorum possessione secundùm tabulas? Ç'est ce que j'examinerai ci-après, no 3.

II. Le seul changement d'état qui puisse aujourd'hui rompre un testament, est la mort civile; et elle produit toujours cet effet, depuis que l'abolition des vœux monastiques a rendu sans objet l'exception qui avait été, à cet égard, établie dans l'ancienne jurisprudence, par rapport à la mort civile encourue par la pro fession religieuse.

III. Il y avait dans le Hainaut, avant le Code civil, un changement d'état qui, sans rendre incapable de tester la personne qui l'éprouvait, emportait néanmoins la révocation du testament qu'elle avait fait précédemment: c'était celui qui résultait du mariage, et faisait un époux d'un celibataire ou veuf. Une personne ayant fait un testament avant son mariage ou remariage ( portait l'art. 17 du chap. 32 des chartes générales de cette province), incontinent qu'il sera allié, son

testament sera nul.

Sur quoi pouvait être motivée cette singulière disposition? Si elle eût été limitée aux filles ou veuves qui se mariaient après avoir fait un testament, elle n'aurait été que la conséquence naturelle de la maxime qu'en Hainaut, femme liée de mari ne pouvait tester, même avec l'autorisation de son mari (1).

Mais étendue, comme elle l'était, à l'homme qui passait de l'état de célibataire ou de veuf à celui d'époux, elle n'avait d'autre motifque la volonté capricieuse des anciens législateurs de cette province.

Quoi qu'il en soit, elle a fait naître une question qui peut se reproduire encore : c'est celle de savoir si le testament annulé par le mariage que le testateur avait contracté sous l'empire des chartes générales, est redevenu valable par la publication du titre des donations et testamens du Code civil, avant le decès de celui-ci.

Le 3 décembre 1791, Philippe-Joseph, De Paris, domicilié en Hainaut, fait un testament par lequel il institue ses neveux et nièces héritiers universels, et ordonne que sa succession sera partagée entr'eux par têtes.

Il se marie en 1796, et par son contrat de mariage, il assure à sa femme, en cas qu'elle le survive, la propriété de tous ses meubles et l'usufruit de tous ses immeubles.

A sa mort, arrivée après la publication du

(1). l'article Testament, sect. 1, §. 2, art. 3.

Code civil, un procès s'élève entre ses heritiers légitimes et ceux qu'il avait institués par

son testament.

Les premiers soutiennent que le testament étant devenu caduc par son mariage, aux termes de l'art. 17 du chap. 32 des chartes générales du Hainaut, n'a pas été revalidé par l'abrogation que le Code civil a faite de ces lois; et un jugement du tribunal de prea décidé ainsi. mière instance d'Avesnes, du 14 août 1813,

Mais sur l'appel des seconds, arrêt de la cour de Douai, du 22 avril 1814, qui infirme ce jugement et ordonne l'exécution du testament attendu que le testateur étant mort » depuis la publication du Code civil, on ne >> devait point consulter les lois anciennes » concernant le mariage du testateur; et que »le contrat de mariage n'avait dérogé au testa»ment que pour la propriété des meubles, et » l'usufruit des immeubles accordés à la fu>>ture épouse ».

Les héritiers légitimes se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent comme violant, par une fausse application des principes reçus en matière de testamens, la disposition ci-dessus transcrite des chartes générales du Hainaut.

« Le testament du sieur De Paris ( disentils) était valable dans le temps où il a été fait ; mais ensuite il a été rompu, il a été annulé par le mariage du testateur. Or, un testament une fois anéanti, ne peut pas revivre et reprendre la force qu'il avait perdue sans re

tour.

» Voyons, en effet, ce qui s'observe à l'égard des donations. Suivant l'ordonnance de 1731 et les dispositions du Code civil, une donation est révoquée de plein droit par la survenance d'un héritier légitime du testateur ; mais la mort de l'enfant ne fait pas revivre la donation, et ne lui rend pas son premier effet. Un acte confirmatif serait même incapable de la faire maintenir. Le donateur ne peut donner les mêmes biens qu'en faisant une donation nouvelle. Nul motif ne peut faire appliquer d'autres principes à un testament qui a été une fois anéanti ».

Mais par arrêt rendu le 25 juillet 1815, à la section des requêtes, au rapport de M. Bo. rel,

<< Attendu que l'ordonnance de 1731, ainsi que l'art. 964 du code civil, sur les donations entre-vifs, ne peuvent recevoir leur application à une cause dans laquelle il s'agit de la validité d'une disposition testamentaire, qui se règle par des lois tout-à-fait différentes ;

» Attendu que les chartes générales du Hainaut ayant cessé d'avoir force de loi au mo

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ment de la publication du Code civil, à l'égard des successions ouvertes depuis cette publication, n'ont pu regler la validité des dispositions testamentaires dont l'effet a commencé postérieurement à cette publication; que la cour de Douai n'a pu violer les chartes, en se bornant à régler les effets du testament liti gieux, et en les réglant suivant les principes du Code civil sous l'empire duquelle testateur est décédé; que la date de ce testament et les changemens intermediaires de legislation, n'ont pu rien changer à cette application, par la règle de droit, media tempora non no

cent;

» La cour rejette le pourvoi... ».

Que cet arrêt ait justement condamné l'application que les héritiers legitimes du sieur De Paris prétendaient faire à leur cause, des dispositions de l'ordonnance de 1731 et du Code civil relatives à la révocation de la donation entre-vifs par survenance d'enfant, cela se sent de soi-même. Mais en devait-il moins admettre le recours en cassation de ces héritiers, et n'a-t-il pas fait lui-même, en le rejetant, une fausse application de la règle, media tempora non nocent?

Le sens de cette règle est sans doute qu'un testament devenu caduc par un évenement postérieur à sa confection, est revalidé par la cessation de l'obstacle que cet événement eût apporté à son exécution, si les choses fussent demeurées dans le même état jusqu'à l'ouverture de la succession.

Ainsi, comme le decide Justinien, dans ses institutes, §. 6, quibus modis testamenta infirmantur, le testament que la mort civile du testateur avait rendu caduc, revit de plein droit par la réintégration du testateur dans les droits de cité.

Mais cette règle n'est elle pas limitée au cas où la caducité du testament a été l'effet d'un événement indépendant de la volonté du testateur, et n'est-elle pas d'ailleurs inapplicable au testament devenu caduc par un mariage que le testateur était bien le maître de ne pas contracter?

La loi 11, §. 2, D. de bonorum possessione secundùm tabulas, semble ne pas permettre d'en douter, puisque, pour la revalidation du testament fait avant l'adrogation du testateur, c'est-à-dire, avant l'acte purement volontaire de sa part qui l'a rendu caduc, elle exige que le testateur, redevenu père de famille, la confirme par une disposition expresse ; et que par conséquent elle refuse à la réintégration du testateur dans l'état de père de famille, l'effet de revalider de plein droit ce testament.

Mais d'abord, le principe consigné par Papinien dans cette loi, était-il bien constant, même dans le temps où écrivait ce jurisconsulte?

Il n'était sûrement pas en harmonie avec attribuait, comme on l'a vu dans le §. précéla jurisprudence de ce temps-là même, qui dent, au prédécès de l'enfant survenu au testateur après la confection de son testament, l'effet de revalider les dispositions de dernière volonté que sa naissance avait rendues caduques; car la caducité de ces dispositions ne provenait pas d'une cause indépendante de la volonté du testateur, puisque c'était bien volontairement qu'après les avoir faites, le testateur avait donne le jour à un enfant. Il était donc, à cet égard, sur la même ligne que celui qui, après avoir fait un testament, s'était placé de lui-même, en se faisant adroger, dans un état qui le rendait incapable de

tester.

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Mais il y a plus. Justinien, qui ne pouvait pas ignorer les controverses qu'il y avait eu avait inséré leurs decisions respectives dans sur ce point entre Papinien et Paul, puisqu'il ses Pandectes, a confirmé purement et simplement l'opinion de celui-ci dans ses institutes, §. 6 du titre quibus modis testamenta infirmantur, en assimilant la rupture du testament opérée par l'adrogation, à celle qui est opérée par la mort civile, et en déclarant tateur dans l'état de père de famille, comme que l'une cessait par la réintégration du tesl'autre par la réintégration dans le droit de cité, sans exiger que, pour cela, il intervint de la part de l'adrogé redevenu pere de famille, pas plus que de celle du mort civilement redevenu citoyen, une nouvelle déclaration de sa volonté. Non tamen per omnia inutilia sunt ea testamenta quæ ab initio jure facta, per capitis diminutionem irrita facta sunt. Num si septem testium signis signata sunt, potest scriptus heres secundùm tabulas testamenti bonorum possessionem agnoscere; si modó defunctus et civis romanus ET SUÆ POTESTATIS MORTIS TEMPOre fuerit. Nàm și ideò irritum factum sit testamentum, quia civitatem vel etiam libertatem testator amisit, aut quiA IN

ADOPTIONEM SE DEDIT, et mortis tempore in adoptivi patris potestate sit non potest scriptus heres secundùm tabulas bonorum possessionem petere.

Aussi Pothier, dans ses Pandecta Justi. nianeæ, liv. 37, tit. 11, no 5, après avoir transcrit la décision de Papinien suivant laquelle le testament rompu par l'adrogation du testateur, ne pouvait revivre, après l'émancipation de celui-ci, que par l'effet d'une nouvelle disposition, remarque-t-il qu'il y est dérogé en ce point par les institutes de Justinien: observandum autem est Justinianum, in suis institutionibus, lib. 2, tit. 17, quibus modis testamenta infirmantur, nullam mentionem facere hujus novæ declarandæ voluntatis ; undè credendum est eam jam non requiri.

Il est donc clair que la règle media tempora non nocent, n'est point limitée au cas où c'est par un événement indépendant de la volonté du testateur, que le testament est devenu caduc; et dés-là, nul doute que l'arrêt de la cour de cassation, du 25 juillet 1815, n'ait bien jugé. ]]

S. IV. De la Révocation du testament par la lacération, rupture des sceaux, radiation, etc.

I. La lacération d'un testament, lorsqu'elle est l'ouvrage du testateur non tombé en démence, mais sain d'esprit, en emporte de plein droit la Révocation.

Mais, si le testament a été déchiré par un tiers ou même par le testateur dans un moment où il avait perdu la raison, on ne peut pas, pour cela, le regarder comme révoqué; et il suffit, pour en assurer l'exécution, que les pièces en soient rapportées, ou qu'il existe une preuve légale des dispositions qu'il contenait. [[V. l'article Preuve, sect. 2, S. 3, art. 1, no 27; et ci-après, no 4. ]]

Ce qu'on dit de la lacération du testament entier, il faut également le dire de la laceration d'une partie seulement, et lorsqu'il s'agit d'un testament mystique, de la rupture de l'enveloppe, de l'enlèvement des fils ou rubans avec lesquels l'acte etait fermé: quand tout cela se fait par le testateur ou de son or dre, le testament est révoqué; mais, dans le cas contraire, le testament subsiste. C'est ce que portent la loi 30, C.de testamentis, la loi 22, §. 3, D. qui testamenta facere possint et la loi 1, §. 10 et 11, D. de bonorum possessione secundùm tabulas.

V. l'arrêt dn parlement de Paris, du 6 juin

1764, rapporté à l'article Testament, sect. 2, §. 1, art. 6, no 8.

Lorsqu'il y a deux originaux ou exemplaires (1) d'un même testament, la lacération,ou, s'il s'agit d'un testament mystique, l'ouverture le testateur fait de l'un, ne révoque que pas l'autre; mais alors les héritiers ab intestat sont admis à prouver que l'intention du testateur, en ouvrant ou déchirant l'un des originaux,'a été de les révoquer tous deux, et de laisser suivre à ses biens le cours que la loi leur traçait. C'est la disposition de la loi dernière, D. de his quæ in testamento delen

tur.

[[ Que, dans le droit romain, les héritiers pussent faire cette preuve par témoins, c'est ce qu'on ne peut révoquer en doute. Les lois romaines ne prohibaient la preuve testimoniale que dans un très-petit nombre de cas spécialement déterminés; et parmi ces cas, ne se trouvait pas celui dont il s'agit. La loi citée était donc censée permettre la preuve testimoniale aux héritiers légitimes, par cela seul qu'elle les admettait purement à prouver que l'intention du testateur, en supprimant l'un des doubles de son testament, avait été de mourir intestat: sed si ut intestatus moreretur, incidit tabulas, et hoc approbaverint hi qui ab intestato venire desiderant, scriptis avocabitur hereditas.

En est-il de même sous le Code civil?

M. Toullier, tome 5, no 664, convient que « l'administration de la preuve testimoniale, » en ce cas, peut souffrir bien des difficultés >> dans nos principes. Si la lacération (conti» nue-t-il) de l'un des exemplaires semble être >> un commencement de preuve, ce n'est point » un commencement de preuve par écrit, » comme l'exige l'art. 1347. Il peut même, » et c'est le cas le plus ordinaire, n'exister » qu'une présomption que cette lacération a » été faite par le testateur. Cependant il se» rait bien étonnant que l'on fût en France >> plus rigoureux sur ce point que les Romains, » qui attachaient aux testamens beaucoup » plus d'importance que nous ».

L'opinion définitive de M. Toullier est donc que la preuve testimoniale est admissible mais un raisonnement très-simple suffit pour la réfuter.

(1) Car rien ne s'oppose à ce qu'on fasse ainsi un tcstament; la prudence l'exige même quelquefois : unum testamentum pluribus exemplis consignare quis potest; idque interdum necessarium est; forte si navigaturus et secum ferre et relinquere judiciorum suorum testationem velit. Ce sont les termes de la loi 24, D. qui testamenta facere pos

sint.

Les présomptions morales sont placées par l'art. 1353 du Code civil sur la même ligne que la preuve par témoins. Celle-ci ne peut donc pas être admise dans les cas où celles-là sont insuffisantes pour déterminer le juge. Or, voici un arrêt de la cour de cassation qui décide, et par des motifs inexpugnables, que le juge ne peut pas, sur de simples présomptions morales, déclarer un testament révoqué par cela seul que le testateur en a supprimé ou annulé l'un des exemplaires.

Après la mort de M. Armand, conseiller à la cour royale de Riom, il s'est trouvé dans son porte-feuille trois testamens olographes : le premier, du 29 juin 1807; le second, du 1er juin 1812; le troisième portant deux dates, l'une raturée, qui paraissait être du 29 juin 1807, l'autre qui était du 29 juin 1812 et posterieure de trois jours à la mort du testateur.

Par celui du 29 juin 1807, M. Armand léguait aux enfans Séguy, ses neveux, une somme de 12,000 francs à partager entr'eux; par celui du 1er juin 1812, il leur léguait tout ce qu'ils pouvaient lui devoir par billets; et par celui auquel il avait apposé la date du 29 du même mois, après avoir efface celle du 29 juin 1807, il avait répété, en leur faveur, le legs de 12,000 francs. Mais indépendamment des renvois, des ratures, des interlignes et des surcharges dont il avait couvert ce testament, il l'avait lui-même annulé par la date évidemment fausse et anticipée dont il l'avait revêtu (1); ce qui équipollait à une lacération proprement dite.

Les enfans Séguy, se fondant à la fois sur le testament du 29 juin 1857 et sur celui du 1er juin 1812, ont demandé au sieur Cheva. lier, héritier universel, la délivrance du legs de 12,000 francs et la remise des billets qu'ils avaient souscrits au profit du défunt.

Point de difficulté sur le second chef de cette demande. Mais le sieur Chevalier a pretendu que le legs de 12,000 francs était revoqué de deux manières qu'il l'était par le testament du 1er juin 1812, en ce que, sans répéter le legs de 12,000 francs, cet acte ne contenait, en faveur des enfans Séguy, qu'un legs de libération; et qu'il l'était surtout parce. que le testament daté du 29 du même mois, n'était qu'un double de celui du 29 juin 1807, et qu'en annulant l'un, le testateur était censé avoir voulu annuler l'autre.

Le 14 janvier 1819, jugement du tribunal de première instance de Riom qui condamne le sieur Chevalier au paiement du legs de

(1) V. l'article Testament, sect. 2, §. 1, art. 6,

no lo.

12,000 francs, attendu que, d'une part,ce legs n'est pas incompatible avec celui que contient, à leur profit, le testament du 1er juin 1812; et que, de l'autre, le dernier testament ne peut pas être considéré comme un acte sérieux.

Le sieur Chevalier appelle de ce jugement; et le 11 août 1820, arrêt de la cour royale de la même ville, qui déboute les légataires de ce chef de leur demande,

«Attendu que le testament du 29 juin 1807, qui a été trouvé intact, et dans son intégralité primitive, n'étant qu'un second exemplaire d'un testament qui fut fait double sous cette date, M. Armand ayant ensuite employé l'un de ces doubles à en faire le projet de son véritable testament du 29 juin 1812, l'ayant annulé par les ratures, les interlignes et les renvois qui y ont été faits, l'annullation de l'un de ces doubles doit produire l'annullation de l'autre, et anéantir l'effet du testament dudit jour du 29 juin 1807;

» Attendu, des-lors, que le testament du 1er juin 1812 est le seul qui puisse être regardé comme contenant les dispositions de la dernière volonté de M. Armand, et qui doive avoir son exécution;

» Et attendu qu'il attribue seulement aux enfans Séguy ce qu'ils pouvaient devoir à M. Armand pour billets ou pour avances par lui faites dans l'affaire Doradoux de SaintGervaly; qu'ainsi, les enfans Séguy sont sans droit pour réclamer les legs qui leur avaient été faits par le testament du 29 juin 1807, comme ayant été révoqué ou annulé par le fait de M. Armand ».

Mais les enfans Séguy se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent comme violant les art. 1035 et 1036 du Code civil. Le testament olographe du 29 juin 1807 (disentils) doit, d'après ces articles, recevoir sa pleine exécution en notre faveur, s'il n'a pas été révoqué, soit en termes exprès, soit par une disposition incompatible avec celle dont nous réclamons l'effet. Or, il ne l'a eté ni de l'une ni de l'autre manière. Vainement la cour royale a-t-elle jugé, en fait, que ce testament n'était qu'un double de celui que le testateur avait annulé, tant par la fausse date qu'il lui avait donnée, que par l'état materiel dans lequel il l'avait laissé; il n'en demeure pas moins constant qu'en annulant l'un, il a laissé subsister l'autre. Et qu'importe, dès-lors, que diverses circonstances semblent indiquer, de sa part, l'intention de faire porter l'annullation de celui-là sur celuici? Ce n'est là qu'une présomption dont on pourrait facilement contester la justesse ;

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