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RÉVOCATION DE FIEF ALIÉNÉ (ACTION EN), RÉVOCATION DE LEGS. 27

qu'une question de fait, c'est-à-dire, une de ces questions sur lesquelles les cours supérieures ont le droit d'errer impunément.

» Mais ce n'est pas tout. Dans notre espèce, l'acte dont la cour d'appel de Montpellier a fait résulter une Révocation partielle de la donation faite à la demanderesse par le sieur Castanie, est précisément du nombre de ceux que la loi romaine punit, non par la simple nullité de l'aliénation qu'il opère, mais par l'indignité dont elle frappe la personne au pro fit de laquelle il a été fait.

» Or, dejà nous avons vu que, suivant la même loi, la peine de cette indignite ne doit profiter, ni au legataire universel, ni au donataire universel à cause de mort, ni même à l'héritier institué; et que c'est par le fisè que doit en être recueilli tout l'avantage. La cour d'appel de Montpellier aurait donc dû, d'après la même loi, adjuger au fisc les biens que le sieur Castanié avait tenté de transmettre à sa fille adultérine; et nous devons ajouter qu'elle aurait pu les lui adjuger en effet, sans que son arrêt fût pour cela susceptible de cassation: pourquoi ? D'abord, parceque l'usage qui a, sur cette matière, dérogé au droit romain, n'est pas une loi, et que jamais un arrêt n'a été cassé pour avoir contrevenu à un usage; ensuite, parceque, nonobstant cet usage, le parlement de Toulouse, que la cour d'appel de Montpellier représente aujourd'hui dans son ressort, jugeait encore, il n'y a pas très-long-temps, que les disposi tions annulées pour cause d'indignité, devaient tourner au profit du fisc. Le troisième livre du recueil du président Maynard nous fournit là-dessus deux arrêts tres formels Le 26 juin 1582 (dit ce magistrat, chap. 14), en la seconde chambre des enquêtes où nous étions, fut jugé donatum adultero ab adultera, tanquam turpi et indigna personæ, fisco applicari. Par autre arrêt de ladite cour (continue-t-il, chap. 16), prononcé judiciairement par M. le président de Saint-Jean, furent les biens advenus à Antoine Suan, fils d'un chanoine et d'une religieuse, par institution universelle d'héritier faite par sondit père naturel, déclarés acquis et confisqués an roi,

contre les successeurs AB INTESTAT.

» D'après cela, de quoi la demanderesse peut-elle se plaindre ici ? De ce que la cour d'appel de Montpellier s'est écartée de la loi romaine, en adjugeant, non au fisc, mais aux héritiers ab intestat, le profit de l'indignité de la fille adultérine du sieur Castanie? La demanderesse est, à cet égard, sans intérêt, et par conséquent sans qualité. De ce que la cour d'appel de Montpellier s'est écartée de l'usage géneral, en adjưgeant le profit de cette indig

nité aux héritiers ab intestat, et non à la do. nataire universelle à cause de mort? Encore une fois, la contravention à un usage ne peut jamais entraîner la cassation d'un arrêt.

» Dans ces circonstances et par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête, et de condamner la demanderesse à l'amende ».

Arrêt du 4 novembre 1807, au rapport de M. Sieyes, qui,

« Attendu, sur le premier moyen, qu'il ne saurait y avoir lieu à la contravention reprochee, la tentative de la conciliation ayant existe sur le délaissement des biens qui étaient l'objet de la contestation;

» Sur les second et troisième moyens, que la question se réduisait à l'interprétation de

l'intention du testateur;

» Et sur le quatrième et dernier moyen, que l'arrêt, en appelant les héritiers ab intestat à recueillir les biens distraits de la donation à cause de mort, n'a, dans les circonstances du procès, et l'espèce de nullite de la vente en question, commis aucune contravention aux lois;

» Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi... ». ]]

RÉVOCATION DE FIEF ALIÉNÉ ( AcTION EN ). Expressions d'un grand usage dans les contrées qui, telies que l'Italie, l'Allemagne et l'Alsace, sont gouvernees, en matiere feodale, par le Code des fiets, liber de usibus feudorum, que l'on trouve dans le corpus juris civilis à la suite des novelles de Justinien: elles désignent l'action en vertu de laquelle les agnats du vassal qui a aliéné son fief ancien, sans leur consentement, peuvent, après sa mort, rentrer dans ce bien, sans en rendre le prix à l'acheteur.

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Nous disons, son fief ancien : carles agnats ne peuvent pas quereller l'alienation d'un fief nouveau, c'est-à-dire, d'un fief dont le possesseur actuel est le premier de sa famille qui en ait reçu l'investiture.

On peut consulter sur cette matière, le Traité du droit commun des fiefs, tome i pages 176 et 177; et tome 2, pages 25 et suivantes. Il en est aussi parlé sous les mots Retrait lignager, no 1.

[[ Cette action a éte abolie avec le régime féodal. V. l'article Fief, sect 2, §. 6. ]]

RÉVOCATION DE LEGS. Il y a, pour les legs, deux sortes de Révocations: l'une générale, c'est celle qui s'opère par la Révocation du testament ou du codicille dans lequel ils sont renfermés; l'autre particulière, c'est celle qui tombe sur les legs même et ne touche

nullement aux autres dispositions du testa

teur.

S. I. La Révocation d'un testament ou d'un codicille emporte-t-elle toujours celle des legs qui y sont renfermés?

I. Ou la Révocation est opérée par la loi, ou elle provient de la volonté du testateur.

Dans le cas d'une Révocation opérée par la loi, il faut distinguer si elle tombe sur un codicille, ou si c'est sur un testament proprement dit.

Si elle tombe sur un codicille, ou ce qui est la même chose, sur un testament fait dans

les coutumes qui ne requièrent pas d'institution d'héritier, nul doute qu'elle n'emporte indistinctement la nullité de tous les legs qui y sont renfermés. V. l'article Révocation de codicille.

Si elle tombe sur un testament proprement dit, et qu'elle soit causée par survenance d'enfant, elle n'anéantit que les institutions et les substitutions directes; mais si elle provient du changement arrivé dans l'état du testateur, ou du laps de temps dont la révolution annulle le testament militaire et celui qui est fait en temps de peste, elle opere sans difficulté l'extinction de tous les legs et fidéi commis contenus dans l'acte. V. l'article Révocation de testament.

II. Lorsque la Révocation est opérée par la volonté du testateur, elle emporte régulièrement celle de tous les legs qui sont renfer més, soit dans le testament, soit dans le codicille

On dit régulièrement, car il peut se rencontrer des circonstances où la Révocation du testament ou du codicille ne s'étend pas jusqu'à certains legs.

Par exemple, un testateur révoque son codicille par un simple acte; mais en même temps il déclare que le legs qu'il a fait à telle personne, conservera son effet : dans ce cas, il ne peut être douteux que le legs excepté de la Révocation, ne subsiste malgré l'anéantissement du codicille.

Par la même raison, si un testateur exécute lui-même un de ses legs, la Révocation qu'il pourra, dans la suite, faire de son testament ou codicille, ne portera point sur le legs exécuté : c'est comme on le voit dans le recueil de Soefve, ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Paris, du 18 juin 1675, « suivant les con»clusions de M. l'avocat-général Talon, qui » observa que, dans la question de droit, il » était sans difficulté que le legs porté par un » testament, quoiqu'exécuté par le testateur

» de son vivant, pouvait être par lui révoqué >> par un testament postérieur; mais que cette » Révocation devait être spécifique et indivi» duelle; ce qui ne se rencontrait point au » fait dont il était question, la clause apposée » dans le dernier testament portant Révoca» tion de tous les autres testamens précédens, » n'étant pas suffisante pour faire que le legs >> en question eût été censé révoqué......, par» cequ'on présume que le testateur ayant de » son vivant baillé la chose léguée au lega»taire, est censé la lui avoir donnée par do>> nation entre-vifs ».

Avant l'ordonnance de 1735, on jugeait au parlement de Toulouse, que les legs pieux nérale que faisait un testateur de ses disposin'étaient pas compris dans la Révocation gétions précédentes: mais cette jurisprudence ne peut plus subsister depuis que l'art. 48 de l'ordonnance citée a mis, sur tous les points, la cause pie au niveau des particulières: ainsi, dit Furgole, chap. 11, no 46, « pour rompre » un testament et révoquer les dispositions » générales ou particulières, faites en faveur » de la cause pie, il n'est plus besoin aujour» d'hui d'une Révocation spéciale ». Le parlement de Provence l'avait ainsi jugé dès le 20 novembre 1670, par un arrêt que rapporte Boniface, tome 5, liv. 1 tit. 14 chap. 3.

Il y a cependant une coutume dans laquelle on [[ devait, avant le Code civil ]], en décider autrement à l'égard de la Révocation opérée par un ravestissement ou don mutuel, postérieur au testament : cette coutume est celle de Hainaut; voici ce qu'elle porte, chap. 32, art. 4 : « Tous testamens seront révoca»bles par les testateurs; toutefois si un homme, » aprės testament, faisait ravestissement de >> tous ses meubles à sa femme, les ordon»nances salutaires ne seront pourtant enten» dues révoquées, si avant qu'elles n'excèdent » le tiers d'iceux biens, ne soit qu'il en soit » fait Revocation expresse ». V. l'article Entravestissement, sect. 2, §. 3, no 4.

III. Du principe établi aux mots Révocation de testament, que, dans les pays de droit écrit, un testament ne peut être révoqué par un autre testament, qu'autant qu'il ne se trouve dans celui-ci aucun défaut de forme, résulte-t-il que, pour révoquer les legs contenus dans le premier testament, il faut que le second soit valable?

[[V. mon Recucil de Questions de droit, à l'article Révocation de testament, S. 1.

IV. Au surplus, on a déjà dit à l'article Révocation de codicille, et on répétera encore aux mots Révocation de testament, que

le Code civil indentifie, pour toute la France, le testament avec le codicille. ]]

S. II. De la Révocation des legs par des dispositions ou des faits qui n'annul lent pas tout le testament ou codicille dans lequel ils sont renfermés.

I. Cette Révocation est expresse ou tacite : elle est expresse, lorsque le testateur déclare formellement qu'il révoque tel legs; elle est tacite, lorsque certaines dispositions du testa teur, sa manière d'agir, ou la conduite du légataire à son égard, font présumer,de sa part, une intention de révoquer.

Pour que la Revocation expresse soit valable, il faut le concours de trois conditions : La première est que la volonté du testateur soit consignée dans un acte, et revêtue des for mes propres à révoquer un codicille. V. l'article Révocation de codicille, §. 1, 2 et 4.

La seconde condition est que la personne à qui le testateur a déclaré qu'il ótait le legs, soit la même que celle à qui il l'avait laisse : Legatum nulli alii adimi potest quàm cui datum est, dit la loi 21, D. de adimendis legatis; c'est pourquoi, continue-t-elle, si le testa teur, après avoir légué une certaine somme au fils de Pierre, déclarait dans un acte postérieur, qu'il prive Pierre du legs dont il avait gratifié son fils, ce legs ne serait point révoqué; et le fils de Pierre demeurerait en droit de le recueillir.

Par la même raison, si le testateur qui a fait un legs à ma femme, déclare par la suite qu'il m'en prive, le legs ne laissera pas de sub

sister.

'Mais, dans le premier cas, le père ne pourra rien prétendre, à titre de puissance paternelle, sur le legs de son fils; et, dans le second, le legs de ma femme n'entrera point dans la communauté qui existe entre elle et moi. Par ce moyen, la déclaration révocatoire du testateur produira du moins un effet ; et l'on évitera une infraction à la règle qui ordonne d'interpréter, autant qu'on le peut, les clauses ambigues de manière à leur faire exprimer quelque chose. (Loi 12 et 21, D. de rebus dubüis).

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sera d'aucun effet, parceque le droit de passage qui en est l'objet, est une chose différente et ne fait point partie de ce qui m'a été légué.

Mais, suivant le §. 5 de la même loi, si, après m'avoir legué 60 livres, le testateur déclare révoquer le legs de 80 livres qu'il m'a fait, la Revocation est valable, parceque les 60 livres qui m'ont été léguées, sont comprises dans la somme de 8o.

Par la même raison, si celui qui m'a fait le legs d'un heritage, declare qu'il m'en óte la proprieté ou l'usufruit, la Révocation premier cas, et quant à l'usufruit dans le seest valable quant à la propriété nue dans le cond; en sorte que, dans l'un, il ne me reste plus de droit que sur l'usufruit; et que, dans l'autre, je suis obligé d'abandonner l'usufruit à l'héritier. C'est ce que décide la loi 2, D. de adimendis legatis.

Un testateur me lègue sa bibliothèque; quelque temps après, il déclare, par une nouvelle disposition, qu'il m'ote le legs de son corps de droit: cette Révocation est-elle valable?

Elle l'est sans contredit; mais son effet se réduit à m'empêcher de prendre le corps de droit. Les lois 11 et 12 du titre cité en contien. nent une décision expresse.

II. La Révocation tacite peut se faire de six manières, ou, pour mieux dire, se présume en sixicas.

10 Lorsqu'un donateur lègue à quelqu'un une partie de ce qu'il lui avait légué par un testament antérieur, il est censé avoir tacite. ment révoqué le legs pour le surplus. La loi 20, D. de instructo fundo, nous en offre la preuve et l'exemple.

La même chose résulte de la loi 28, §. 5, D. de liberatione legata. Un testateur légue d'abord à son débiteur la remise de toutes ses créances, de quelque espèce qu'elles soient; par un second testament, il déclare qu'il lui remet les intérêts dont il se trouverait son créancier à sa mort. Le texte cité décide que, par cette deuxième disposition, le testateur revoque le legs de la remise du principal.

Le recueil d'Auzanet, liv. 1. chap. 76, nous présente un arrêt du 7 août 1613, qui parait calqué sur cette loi : il juge, selon Valin, sur l'art. 41 de la coutume de la Rochelle, no 92, « que le legs fait par un second testament au » profit d'une personne légataire par un pre» mier testament, révoquait de plein droit le » premier legs qui était plus considerable ».

[[ Cet arrêt a très-bien jugé, s'il s'agissait d'un corps certain; mais s'il était question d'un legs de quantité, il a prononcé contre la decision textuelle de la loi 12, D. de proba

tionibus ; et il serait de plus, aujourd'hui, en opposition diametrale avec l'art. 1036 du Code civil. V. l'article Legs, sect. 4, §. 3, no 22. ]] Le marquis de Pont-Chavigny avait dit par son testament: Je donne et lègue à Baptiste (nom sous lequel Fleurot était connu dans sa maison), 120 livres de pension viagère, s'il

est à mon service à mon décès. Il avait ensuite fait un codicille ainsi conçu :« Supplément à » mon testament et premier codicille déposé... » Je ratifie mes premières volontés : le présent » est par continuation et annexe. Ayant refle⚫ chi qu'il y avait près de trente ans que Renier, » dit Saint-Jean, mon cocher, etait à mon ser» vice, je lui ai créé et donné par ce présent » 400 livres de rente viagere....; à Pillier et sa » femme, 100 livres de pension viagère, au » dernier vivant; à Levasseur, mon cuisinier, » 300 livres de rente viagere ; à Madelon, fille » de cuisine, 100 livres de pension viagère; et » à tous les domestiques qui sont actuellement » à mon service, ou qui m'auront servi trois » ans, la valeur de leurs gages en rente » viagère, s'ils sont chez moi lors de mon » décès ».

Par cette disposition générale, Fleurot se trouvait évidemment appelé à un legs de 150 livres de rente viagère, valeur des gages que lui donnait le marquis de Pont-Chavigny; mais cette même disposition emportait-elle la Révocation de celle du testament qui assignait à Fleurot une rente viagère de 120 livres ?

La legataire universelle a soutenu l'affirmative.

Cependant par sentence des requêtes du palais, du 24 mars 1779, elle a été condamnée à payer les deux legs, avec les arrerages, à compter du jour du décès du testateur.

Sur l'appel qu'elle a interjeté de cette sentence, Baptiste Fleurot disait,pour la justifier, que l'intention du testateur etait clairement exprimée; que d'ailleurs il avait été singulière ment affectionné par son maitre, qui lui avait même des obligations, pour l'avoir panse jour et nuit dans la maladie dont il était mort, et qui avait duré dix-huit mois; qu'il ne cessait de lui dire, et à un de ses camarades: Mes amis, ne m'abandonnez pas, je vous récompenserai bien, vous ne manquerez de rien; expressions, disait Fleurot, qui décelent tout à la fois une ame sensible et reconnaissante; et d'apres cela, il concluait que rien n'etait plus naturel à supposer que l'intention qu'à vait eue son maître de lui laisser un double legs.

De son côté, la legataire universelle fondait toute sa défense sur la disposition générale du codicille du marquis de Pont-Chavigny. Le

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En effet, par arrêt du 31 août 1779, rendu zieux, la sentence des requêtes du palais a été sur délibéré, au rapport de M. l'abbé de Maleinfirmée, Fleurot a été réduit au legs de 150 livres de rente viagère, valeur de ses gages, porté dans le codicille, et il a été débouté de celui de 120 livres de rente porté dans le testament.

[[Le mal-jugé de cet arrêt résulte clairement des développemens dans lesquels je suis entré à l'endroit cité de l'article Legs.

Mais y a-t-il révocation tacite, si, pour me servir des termes de M. Toullier, tome 5, no 643, après avoir légué le fonds Cornélien à Titius, dans un premier testament, je lui légue cent écus dans le second? Oui, répond ce jurisconsulte, « car il y a contrarieté dans les » deux legs, et c'est la derniere volonté du tes»tateur qu'il faut observer. On pourrait dire

qu'il n'y a pas de contrariété entre ces deux » legs qui peuvent subsister l'un et l'autre, » puisque le testateur pouvait donner et le » fonds Cornélien et les cent écus à Titius ; >> mais on ne présume pas que le testateur ait » voulu faire les deux cumulativement, lors» qu'il ne s'en est pas expliqué; on présume » plutôt qu'il a voulu que le second remplaçat » le premier. Si pro fundo decem legentur,

quidam putant non esse ademptum prius » legatum; sed verius est ademptum esse. » Novissima enim voluntas servatur. Loi 6, » S. 2, D. de adimentis legatis ».

Est-ce bien là le langage d'un jurisconsulte aussi éclairé et aussi judicieux que M. Toullier? Il convient que les deux legs sont susceptibles d'une execution simultanée ; et comment peut-il ne pas en conclure, d'après l'art. 1036 du Code civil, que le second ne révoque pas le premier? C'est dit-il, parcequ'on ne présume pas que le testateur ait voulu faire les deux legs cumulativement, lorsqu'il ne s'en est pas expliqué. Mais quoi! Si,après avoir dit par un premier testament, Je lègue à Titius 10,000 francs, le testateur disait dans un second, je légue à Titius 5,000 francs, il serait censé, aux termes de la loi 12, D. de probationibus, avoir voulu cumuler les deux legs; et il ne serait pas censé avoir voulu cumuler le legs d'un corps certain avec le legs d'une quantité! Il est impossible que la loi citée par M. Toullier,

ait consacré une absurdité aussi choquante : aussi ne l'a-t-elle pas fait. Que dit cette loi? Que, si je légue à Titius dix écus AU LIEU DU FONDS que je lui ai légué par un testament antérieur, si PRO FUNDO decem legentur, le legs du fonds est révoqué par le legs de dix écus; et pourquoi celui-ci emporte-t-il la révocation de celui-là ? Parceque je substitue expressé ment l'un à l'autre ; parceque, dès-lors, ils ne peuvent pas subsister tous deux cumulativement. Et la preuve que, dans cette loi, les mots si pro fundo decem legentur, sont synonymes des termes, si, après avoir légué un fonds, je légue dix écus pour en tenir lieu, c'est que Pothier, dans ses Pandectes, titre de adimendis legatis, no 4o, après avoir transcrit cette loi, ajoute immédiatement: si même le testateur n'avait pas déclaré expressément qu'il substituait un legs à un autre, on pourrait presumer, d'après les circonstances, qu'il en a eu l'intention; tel serait le cas où, comme le décide la loi 39, §. dernier, D. de legatis 3o, un testateur qui, en instituant ses deux filles héritières par portions égales, avait légué à l'une un fonds par preciput, à la charge de remettre à l'autre vingt écus formant la valeur de la moitié de ce fonds, a ensuite chargé la première de remettre à la seconde la moitié en nature de ce même fonds. Alors en effet, le legs de vingt écus qui n'avait été fait à la sœur de la prelégataire, que pour égaliser leurs portions respectives, n'a plus d'objet, puisque le prélegs est révoqué. Et quidem etiamsi defunctus non expresserit se rem loco ejus quæ priùs relicta est, relinquere, tamen hoc ex circumstanciis interdùm præsumitur; puta, cùm legatum relictum fuisse videtur ex æquandorum coheredum gratia, ut in specie sequenti: duas filias æquis ex partibus heredes fecerat, alteri fundum prælegaverat, et ab ea petierat ut sorori suæ viginti daret: ab eadem filià petit ut partem dimidiam fundi eidem sorori restitueret. Quasi

tumest an viginti præstarinon deberint? Respondi non esse præstanda. Loi 36, §. dernier, D. de legatis 30. ]]

20 Lorsqu'un testateur lègue, par un second testament, la même chose qu'il avait léguée par le premier, mais à une autre personne, le premier legs est-il révoqué par le second?

Il faut examiner s'il y a, dans le fait, des circonstances propres à faire présumer la Révocation, ou s'il n'y en a point.

[[Et aujourd'hui, d'après l'art. 1036 du Code civil, si l'exécution du second legs est incompatible avec celle du premier. ]]

Dans le premier cas, on doit regarder le

legs du second testament comme révocatoire du précédent.

Et alors la Révocation a lieu, quand même le deuxième légataire serait incapable (1) ou renoncerait (2).

Si cependant la deuxième disposition n'était que conditionnelle, le testateur serait censé avoir fait dépendre de la condition qu'il y a attachée, la Révocation qu'il a faite de la première; à moins que quelques circonstances ne fissent présumer qu'il a voulu révoquer celleci d'une manière absolue (3).

Dans le second cas, le deuxième legs n'emporte point Revocation du premier : il fait seulement concourir la personne à qui il est laissé, avec celle que le testateur avait appelée par sa disposition précédente; et alors les deux legataires sont entre eux ce qu'on appelle re conjuncti.

[[ C'est ce que fait clairement entendre Pothier dans ses Pandectes, liv. 34, tit. 4, no 34: Non semper (dit-il), cùm res quæ priori legatelligitur, ut facilè intelligere est ex his quæ ta est, posteriori legatur, translatio fieri indiximus suprà, tit. DE LEGATIS, circà conjunctos RE tantùm. Tunc demùm agitur transla tio est, cùm posteriori legatur animo adimendi priori.

Et telle est la décision expresse de deux lois romaines du titre des Pandectes, de legatis 1o.

legata fuerit....... separatim: si quidem evi-
La loi 33 porte que, si pluribus eadem res
dentissimè apparuerit ademptione à priore
legatario facta, ad secundum legatum tes-

tatorem convolasse, solum posteriorem ad
legatum pervenire placet; sin autem hoc mi-
ad legatum omnes venire.
nimè apparere potest, pro virili portione

La loi 34, S. 10, décide que, si, par le testament qu'il fait pour son enfant encore pupille (4), un pere legue à Titius la chose qu'il a précédemment léguée à Caïus par son propre testament, Titius et Caïus la partageront également, le cas du testament pupillaire arrivant; et qu'en attendant l'arrivée de ce cas, Titius prendra la moitié de ce qui lui est légué par le testament du père : Sed si in pupillaritestamento alii eamdem rem legaverit, quam mihi in suo testamento legavit, Julianus scribit concursu partes nos habere: in

(1) (Loi 34, D. de legatis 1°; loi 20, D. de adimendis legatis ); [[ Code civil, art. 1037. ]] (2) Arrêt du 28 novembre 1619, rapporté par Auzanet, liv. 3, chap. 1; [[ art. 1037 du Code civil.]] (3) Loi 7, D. de adimendis legatis.

(4). l'article Substitution directe, §. 2.

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