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Malheur à qui du fond de l'exil de la vie

Entend ces doux concerts d'un monde qu'il envie !
Du nectar idéal si tôt qu'il a goûté,

Sa nature répugne à la réalité :

Dans le sein du possible en songe elle s'élance;
Le réel est étroit, le possible est immense;
L'âme avec ses désirs s'y bâtit un séjour,
Où l'on puise à jamais la science et l'amour;
Où dans des océans de beauté, de lumière,
L'homme altéré toujours, toujours se désaltère;
Et de songes si beaux enivrant son sommeil,
Ne se reconnaît plus au moment du réveil.

Je ressemble, Seigneur, au globe de la nuit
Qui dans la route obscure où ton doigt le conduit
Réfléchit d'un côté les clartés éternelles,

Et de l'autre est plongé dans les ombres mortel'
L'homme est le point fatal où les deux infinis
Par la toute-puissance ont été réunis.

Ah! si dans ces instants où l'âme fugitive
S'élance et veut briser le frein qui la captive,
L'Eternel du haut du ciel répondant à nos vœux
D'un trait libérateur nous eût frappés tous deux ;
Nos âmes d'un seul bond remontant vers leur source,
Ensemble auraient franchi les mondes dans leur course;
A travers l'infini sur l'aile de l'amour

Elles auraient monté comme un rayon du jour.

Me livrant enfin à la voix qui m'inspire
L'hymne de la raison s'élança de ma lyre.

Gloire à toi dans les temps et dans l'éternité,
Eternelle raison, suprême volonté !

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Toi, dont l'immensité reconnaît la présence,
Toi dont chaque matin annonce l'existence !
Ton souffle créateur s'est abaissé sur moi;
Celui qui n'était pas a paru devant toi.
J'ai reconnu ta voix avant de me connaître ;
Je me suis élancé jusqu'aux portes de l'être :
Qui peut entre nous deux mesurer la distance?
Moi qui respire en toi ma rapide existence,
A l'insu de moi-même, à ton gré façonné,
Que me dois-tu, Seigneur, quand je ne suis pas né?
Rien avant, rien après : gloire à la fin suprême!
Qui tira tout de soi se doit tout à soi-même.

Dispose, ordonne, agis, dans le temps, dans l'espace;
Marque-moi pour ta gloire et mon jour et ma place;
Mon être, sans se plaindre et sans t'interroger,
De soi-même en silence accourra s'y ranger;
Content de mon sort, puisqu'il est ton ouvrage,
J'irai, j'irai partout te rendre un même hommage;
Et d'un égal amour, accomplissant ta loi,
Jusqu'aux bords du néant murmurer: Gloire à toi!
Le jour est ton regard, la beauté ton sourire :
Grand Dieu, mon cœur t'adore, mon âme te respire!
Eternel, Infini, Tout-Puissant et tout bon,
Ces vastes attributs n'achèvent pas ton nom,
Et l'esprit accablé sous ta sublime essence
Célèbre ta grandeur jusque dans son silence.*

Chère Hélène, c'est un poème magnifique, et je me félicite que tu t'intéresses daus les beautés de notre littérature. Nous ne devons pas quitter ce magnifique et sauvage endroit sans reconnaître la sagesse de Dieu telle qu'elle se montre dans la création. Et Hélène fit en quelque sorte ses adieux à Dartmoor en récitant le poème suivant :

*Lamartine.

DIEU SE MANIFESTE DANS LES MERVEILLES

DE LA NATURE.

La Nature annonce Dieu, elle révèle sa gloire.

Ce n'est point un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire;
Quels témoins éclatants devant moi rassemblés !

Répondez, cieux et mers; et vous, terre, parlez.
Quel bras peut vous surprendre, innombrables étoiles?
Nuit brillante, dis-nous, qui t'a donné tes voiles?
O ciel, que de grandeur, et quelle majesté !
J'y reconnais un maître à qui rien n'a coûté.

Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil ! viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde?
Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours:
Est-ce moi qui t'appelle et qui règle ton cours?
Et toi, dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts;
La
rage de tes flots expire sur tes bords.

La voix de l'univers au grand Dieu me rappelle;
La terre le publie. Est-ce moi, me dit-elle,
Est-ce moi qui produis mes riches ornements?
C'est celui dont la main posa mes fondements.

A de moindres objets tu peux le reconnaître :
Contemple seulement l'arbre que je fais croître ;
Le suc dans la racine à peine répandu,

Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu;
La feuille le demande, et la branche fidèle
Prodigue de son bien le partage avec elle.

Ainsi parle la terre, et charmé de l'entendre,

Quand je vois par ces nœuds que je ne puis comprendre
Tant d'êtres différents l'un à l'autre enchaînés
Vers une même fin constamment entraînés,
A l'ordre général conspirer tous ensemble,
Je reconnais partout la main qui les rassemble;
De secrètes beautés quel amas innombrable!
Plus l'Auteur est caché, plus il est admirable.
Et d'un dessein si grand j'admire l'unité,
Non moins que la sagesse et la simplicité.

Telle est de l'univers la constante harmonie ;
De son empire heureux la discorde est bannie :
Tout conspire pour nous, les montagnes, les mers,
L'astre brillant du jour, les fiers tyrans des airs.
Puisse le même accord régner parmi les hommes !

Reconnaissons du moins celui par qui nous sommes,
Celui qui fait tout vivre et qui fait tout mouvoir.
S'il donne l'être à tout, l'a-t-il pu recevoir ?
Il précède les temps; qui dira sa naissance?

Par lui l'homme, le ciel, la terre, tout commence,
Et lui seul, infini, n'a jamais commencé.

L'heure approche... la mort vient... ce dernier sommeil !
Qui veut de la gloire et un brillant réveil
Laissera loin de lui toute pensée grossière,

D'un sublime effort volera vers la lumière.

Dieu parle à tous les cœurs, il invite à s'y rendre; Mortels! il est encor temps... daignez donc l'entendre.*

* Racine, le fils.

VI.

LE MARIAGE D'HÉLÈNE.

Mein Freund antwortet, und spricht zu mir: Stehe auf, meine Freundin, meine Schöne, und komm her. Denn siehe, der Winter ist vergangen, der Regen ist weg und dahin; die Blumen sind hervor gekommen im Lande, der Lenz ist herbey gekommen, und die Turtletaube lässt sich hören in unserm Land: der Feigenbaum hat Knoten gewonnen, die Weinstocke haben Augen gewonnen, und geben ihren Geruch. Stehe auf, meine Freundin, und komm, meine Schōne, komm her.

L'alliance des cœurs qui provient d'une parfaite conformité de vues et de pensées, formait une belle harmonie entre les deux fiancés. Se perfectionnant l'un par l'autre, ils devinrent tous les jours plus chers et plus nécessaires l'un à l'autre.

Le délicieux sentiment d'une estime mutuelle fut enfin affermi et consacré par la sainte union du mariage. Par une belle journée au commencement d'automne, les deux amants reçurent la bénédiction nuptiale. Un grand nombre de personnes assistaient aux noces, et tout alla à merveille; Monsieur Seymour, riche propriétaire et bien aimé de ses tenanciers, eut soin que ceux-ci prissent part à la joie générale.

L'heure du départ s'approchait; déjà les larmes venaient aux yeux de la jeune mariée, en pensant aux derniers adieux,

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